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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 15 juin 2023, n° 22/00832

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

CLM Formation (SAS)

Défendeur :

Galaxie 5 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Bordes-Monnier, Me Picca, Me Koechlin

T. com. Grenoble, du 24 janv. 2022, n° 2…

24 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE :

La Sas Galaxie 5 a développé un savoir-faire en matière d'ingénierie de la formation spécialisé dans le domaine de la distribution et a créé un réseau de franchise de programmes de formation pour adultes.

Suivant contrat de franchise du 31 août 2016, elle a concédé à la Sas CLM Formation pour une durée de sept ans, sur un territoire défini, le droit d'utiliser sa marque, ses signes distinctifs, son savoir-faire sous l'enseigne G5 Formation, moyennant paiement d'une redevance.

Des difficultés sont apparues quant au règlement de ces dernières.

Par jugement du 22 mai 2018, la société Galaxie 5 a été placée en redressement judiciaire et le 5 novembre 2019, un plan de redressement a été adopté.

La société CLM Formation a déclaré à la procédure collective une créance de 10.710,90 euros qui a été admise au passif par ordonnance du juge-commissaire en date du 27 mars 2019.

Par acte d'huissier du 24 janvier 2020, la société CLM Formation a fait assigner la société Galaxie 5 aux fins d'indemnisation et de rejet de ses factures.

Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- joint les instances enrôlées sous les numéros 2020J00234 et 2020J00156 ;

- débouté la Sas CLM Formation de ses demandes ;

- dit et jugé la Sas Galaxie 5 recevable et bien fondée dans ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la Sas CLM Formation à payer à la Sas Galaxie 5 les factures suivantes :

N° 17FR020 en date du 31 décembre 2017 pour un montant de 4.167,60 euros ttc ;

N° 18FR004 en date du 23 janvier2018 pour un montant de 5.865,60 euros ttc; n°18FR007 en date du 31 janvier 2018 pour un montant de 2.612,45 euros ttc; n° 18FR015 en date du 18 avril 2018 pour un montant de 438 euros ttc,

N° 18FR019 en date du 4 mai 2018 pour un montant de 4.426,70 euros ttc ; n° 18FR025 en date du 6 juin 2018 pour un montant de 438 euros ttc ;

N° 18FR027 en date du 19 juillet 2018 pour un montant de 394,38 euros ttc ;

N° 18FR031 en date du 31 juillet 2018 pour un montant de 2.899,91 euros ttc ; n° 18FR033 en date du 2 août 2018 pour un montant de 6.029,86 euros ttc ; n° 18FR037 en date du 30 août 2018 pour un montant de 819,94 euros ttc ; n° 19FR002 en date du 31 janvier 2019 pour un montant de 2.271,32 euros ttc; n° 19FR004 en date du 1er mars 2019 pour un montant de 872,40 euros ttc ; n° 19FR007 en date du 30 avril 2019 pour un montant de 760,80 euros ttc ; n° 19FR011 en date du 30 avril 2019 pour un montant de 1.606,92 euros ttc ; n° 19FR017 en date du 30 juin 2019 pour un montant de 1.442,10 euros ttc ; n° 19FR021 en date du 31 juillet 2019 pour un montant de 380,40 euros ttc, n° 19FR024 en date du 1er septembre 2019 pour un montant de 380,14 euros ttc; n° 19FR028 en date du 1er octobre 2019 pour un montant de 380,40 euros ttc, n° 20FR005 en date du 28 septembre 2020 pour un montant de 380,40 euros ttc; n° 20FR013 en date du 28 septembre 2020 pour un montant de 4.379,76 euros ttc ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat, avec effet immédiat, en laissant survivre les clauses contractuelles dont l'exécution se poursuit même après la résiliation du contrat (article 20.1 : obligation de non-concurrence ; article 20.2: obligation de non-affiliation ; article 20.3 : obligation de non-création de réseau) ;

- écarté l'exécution provisoire ;

- condamné la Sas CLM Formation à payer à la Sas Galaxie 5 la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sas CLM Formation aux entiers dépens ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement ;

- liquidé les dépens.

Suivant déclaration au greffe du 24 février 2022, la société CLM Formation a relevé appel de cette décision, en ce qu'elle a :

- débouté la Sas CLM Formation de ses demandes ;

- dit et jugé la Sas Galaxie 5 recevable et bien fondée dans ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la Sas CLM Formation à payer à la Sas Galaxie 5 les factures suivantes :

N° 17FR020 en date du 31 décembre 2017 pour un montant de 4.167,60 euros ttc ;

N° 18FR004 en date du 23 janvier 2018 pour un montant de 5.865,60 euros ttc; n°18FR007 en date du 31 janvier 2018 pour un montant de 2.612,45 euros ttc; n° 18FR015 en date du 18 avril 2018 pour un montant de 438 euros ttc,

N° 18FR019 en date du 4 mai 2018 pour un montant de 4.426,70 euros ttc ; n° 18FR025 en date du 6 juin 2018 pour un montant de 438 euros ttc ;

N° 18FR027 en date du 19 juillet 2018 pour un montant de 394,38 euros ttc ;

N° 18FR031 en date du 31 juillet 2018 pour un montant de 2.899,91 euros ttc ; n° 18FR033 en date du 2 août 2018 pour un montant de 6.029,86 euros ttc ; n° 18FR037 en date du 30 août 2018 pour un montant de 819,94 euros ttc ; n° 19FR002 en date du 31 janvier 2019 pour un montant de 2.271,32 euros ttc; n° 19FR004 en date du 1er mars 2019 pour un montant de 872,40 euros ttc ; n° 19FR007 en date du 30 avril 2019 pour un montant de 760,80 euros ttc ; n° 19FR011 en date du 30 avril 2019 pour un montant de 1.606,92 euros ttc ; n° 19FR017 en date du 30 juin 2019 pour un montant de 1.442,10 euros ttc ; n° 19FR021 en date du 31 juillet 2019 pour un montant de 380,40 euros ttc, n° 19FR024 en date du 1er septembre 2019 pour un montant de 380,14 euros ttc; n° 19FR028 en date du 1er octobre 2019 pour un montant de 380,40 euros ttc, n° 20FR005 en date du 28 septembre 2020 pour un montant de 380,40 euros ttc; n° 20FR013 en date du 28 septembre 2020 pour un montant de 4.379,76 euros ttc ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat, avec effet immédiat, en laissant survivre les clauses contractuelles dont l'exécution se poursuit même après la résiliation du contrat (article 20.1 : obligation de non-concurrence ; article 20.2: obligation de non-affiliation ; article 20.3 : obligation de non-création de réseau) ;

- écarté l'exécution provisoire ;

- condamné la Sas CLM Formation à payer à la Sas Galaxie 5 la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- écarté l'exécution provisoire ;

- condamné la Sas CLM Formation à payer à la Sas Galaxie 5 la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sas CLM Formation aux entiers dépens ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement ;

- liquidé les dépens.

Prétentions et moyens de la société CLM Formation:

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 3 novembre 2022, la société CLM Formation demande à la cour, au visa des articles L. 330-3 dernier alinéa et R.330-1 du code de commerce, 1134 et 1147 du code civil, de :

- réformer le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des deux instances,

- statuant à nouveau :

- dire et juger que la société Galaxie 5 a manqué à ses obligations contractuelles de franchiseur aux termes du contrat de franchise en date du 31 août 2016 :

En ce qu'elle n'a pas fixé de territoire d'exclusivité à la date de signature du contrat et concédé, après la date de signature du contrat, un territoire qui empiète sur le territoire de la société CLM Formation, ce qui ne confère pas à cette dernière une exclusivité territoriale l'empêchant de subir la concurrence d'un autre franchisé, en l'espèce la société Rev'Formation,

En ce qu'elle n'a pas respecté l'obligation contractuelle de dispenser auprès de son franchisé, la société CLM Formation, un stage de formation administrative d'une durée de vingt jours prévus au contrat de franchise,

En ce qu'elle n'a pas fourni à son franchisé, la société CLM Formation, des cours sur le serveur de la franchise,

En ce qu'elle a facturé à la société CLM Formation des prestations sans fournir à son franchisé des pièces justifiant le bien-fondé de sa créance,

En ce qu'elle a privé la société CLM Formation d'un accès aux outils de gestion et de communication de la franchise,

En ce qu'elle n'a pas accompagné son franchisé, la société CLM Formation, pendant la phase de lancement de son activité,

En ce qu'elle a privé la société CLM Formation d'un accès à un appel d'offres,

- dire et juger que la responsabilité contractuelle de la société Galaxie 5 est engagée à l'égard de la société CLM Formation,

- condamner la société Galaxie 5 à verser à la société CLM Formation la somme de 88.257,22 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger que les factures émises par la société Galaxie 5 sont infondées,

- les rejeter,

- à titre subsidiaire, sur le paiement des factures,

- dire et juger que la société CLM Formation est parfaitement fondée à suspendre le paiement de ces factures compte tenu du refus de la société Galaxie 5 de lui permettre l'accès aux outils de communication et de gestion de la franchise,

- en tout état de cause :

- dire et juger que les factures réclamées par la société Galaxie 5 doivent se compenser avec la créance de la société CLM Formation d'un montant de 10.710,90 euros reconnue par l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Grenoble du 27 mars 2019,

- rejeter la demande de résiliation judiciaire de la franchise,

- dire et juger nulles et disproportionnées les clauses post-contractuelles visées dans le contrat de franchise car elles interdisent en fait tout exercice par l'ancien franchisé d'un commerce analogue à celui qu'il exerçait en qualité de franchisé dans la zone concernée,

- condamner la société Galaxie 5 à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de l'instance.

La société CLM Formation agit principalement en responsabilité contractuelle à l'encontre de Galaxie 5 pour manquements à ses obligations contractuelles.

Elle reproche à son franchiseur de ne pas lui avoir délivré de savoir-faire, ni de l'avoir renouvelé et d'avoir manqué à son obligation d'assistance.

Elle fait valoir que :

- la société Galaxie 5 ne lui a prodigué aucun conseil relatif à son lieu d'implantation et a accepté l'installation d'un autre franchisé concurrent, la société Rev'formation, dans le même périmètre géographique,

- à la date de signature du contrat, sa zone de chalandise n'était pas définie et malgré la clause d'exclusivité territoriale, elle s'est ainsi trouvée en concurrence directe sur les formations qu'elle propose,

- la société Galaxie 5 ne lui a pas fourni d'outils pédagogiques prévus à l'article 15 du contrat, le manuel d'utilisation de la plateforme G5 n'étant qu'un manuel de procédures n'incluant aucun cours et les formations disponibles sur le serveur ayant un contenu quasi inexistant,

- la société Galaxie 5 ne lui a pas dispensé le stage de formation initiale de 20 jours portant sur la gestion administrative de son activité de franchisé, ce qui lui a permis de lui facturer des prestations de support administratif indues.

Elle soutient que depuis le 11 juillet 2019, son franchiseur la prive de son accès à la plateforme en ligne de la franchise l'empêchant de bénéficier des outils commerciaux et de gestion du réseau, a supprimé sa visibilité sur son site internet et ses réseaux sociaux, n'oriente plus les prospects vers elle, et la dénigre sur les réseaux sociaux.

Elle se plaint également :

- d'avoir été privée par son franchiseur de l'accès à un appel d'offre émis par Pôle Emploi en l'absence de transmission en temps utile des documents et informations utiles, ce qui a conduit Pôle Emploi à refuser plusieurs de ses devis,

- de ne pas avoir fait l'objet d'un accompagnement de son franchiseur lors du lancement de son activité, notamment dans la mise en place avec la Région Rhône Alpes d'un dispositif Cared (contrat d'aide et de retour à l'emploi durable).

La société CLM Formation conteste le bien-fondé de l'exception d'inexécution invoquée par la société Galaxie 5, au motif que les factures impayées ne sont pas dues et rappelle que :

- elle les a contestées dès le mois de novembre 2018 en faisant valoir qu'elles étaient établies sur la base de devis non acceptés, le détail des prestations et de leur facturation ne figurant pas en annexe du contrat de franchise,

- elle est elle-même créancière de la société Galaxie 5 à hauteur de 10.710,90 euros, créance admise au passif,

- certaines factures ne concernent pas des redevances et l'exigibilité de ces dernières nécessite que le franchiseur remplisse ses obligations à son égard.

Elle estime que les manquements de sa cocontractante ont généré des pertes de chiffre d'affaires au titre de la concurrence de la société Rev'formation, de son défaut de participation à l'appel d'offre de Pôle Emploi, des investissements réalisés pour pallier l'absence d'outils pédagogiques.

Elle s'oppose à la résiliation judiciaire du contrat de franchise à ses torts considérant que c'est la société Galaxie 5 qui est défaillante et relève que les clauses post- contractuelles sont nulles en raison de leur disproportion, de leur généralité et de leur étendue.

Elle estime enfin que sa résistance au paiement des factures de la société Galaxie 5 est dépourvue d'abus et ne peut justifier l'octroi de dommages-intérêts.

Prétentions et moyens de la société Galaxie 5 :

Selon ses dernières conclusions notifiées le 4 août 2022, la société Galaxie 5 entend voir :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé la société CLM Formation mal fondée dans ses demandes,

Débouté la société CLM Formation de l'ensemble de ses demandes,

Dit et jugé la société Galaxie 5 recevable et bien fondée dans ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société CLM Formation à payer à la société Galaxie 5 les factures suivantes :

Numéro date montant ttc

17FR020 31.12.2017 4.167,60 euros

18FR004 23.01.2018 5.865,60 euros

18FR007 31.01.2018 2.612,45 euros

18FR015 18.04.2018 438 euros

18FR019 04.05.2018 4.426,70 euros

18FR025 06.06.2018 438 euros

18FR027 19.07.2018 394,38 euros

18FR031 31.07.2018 2.899,91 euros

18FR033 02.08.2018 6.029,86 euros

18FR037 30.08.2018 819,94 euros

total : 28.092,44 euros

actualisation au 10 septembre 2021 :

numéro date montant

19FR002 31.01.2019 2.271,32 euros

19FR004 01.03.2019 872,40 euros

19FR007 30.04.2019 760,80 euros

19FR011 30.04.2019 1606,92 euros

19FR015 18.06.2019 760,80 euros

19FR017 30.06.2019 1442,10 euros

19FR021 31.07.2019 380,40 euros

19FR024 01.09.2019 380,40 euros

19FR028 01.10.2019 380,40 euros

20FR005 28.09.2020 380,40 euros

20FR013 28.09.2020 4.379,46 euros

total : 13 615,40 euros,

total général : 41.707,84 euros.

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat, avec effet immédiat, en laissant survivre les clauses contractuelles dont l'exécution se poursuit même après la résiliation du contrat (article 20.1 : obligation de non concurrence; article 20.2 : obligation de non affiliation ; article 20.3 : obligation de non création de réseau),

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Galaxie 5 au titre de la résistance abusive de la société CLM Formation,

- statuant à nouveau :

- condamner la société CLM Formation à payer à la société Galaxie 5 la somme de 4.170 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société CLM Formation à payer à la société Galaxie 5 la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société CLM Formation aux entiers dépens d'appel.

La société Galaxie 5 soutient que le territoire d'exclusivité attribué à la société CLM Formation était défini dès la signature du contrat, que jusqu'à son assignation, la société CLM Formation n'avait jamais soutenu le contraire, que cette allégation est donc mensongère, que les sociétés Rev'Formation et CLM Formation ont souhaité redéfinir leurs territoires après signature de leur contrat de franchise et que pour sa part, elle a ultérieurement procédé à l'établissement d'une carte générale sans modifier les secteurs attribués aux différents franchisés.

Elle réfute :

- toute obligation pour le franchiseur d'attribuer à ses franchisés des périmètres géographiques suffisamment éloignés pour leur permettre d'exploiter leur entreprise sans concurrence,

- avoir autorisé l'implantation d'un autre franchisé sur une même zone de chalandise que la société CLM Formation et en même temps qu'elle,

-l'empiètement du territoire d'exclusivité attribué à la société CLM Formation sur celui d'un autre franchisé,

- la pertinence des pièces produites par la société CLM Formation et notamment le témoignage de son ancienne salariée qu'elle affirme mensonger et malveillant à son égard.

Elle fait valoir que la formation initiale prévue au contrat a bien été dispensée à la franchisée en la personne de M. [R] [P] au cours des mois d'avril à juillet 2016 et qu'elle a fourni de nombreux outils pédagogiques par le biais de sa plateforme en ligne.

Elle conteste avoir empêché la société CLM Formation de répondre à l'appel d'offre de Pôle Emploi comme avoir été tenue de l'aider à la mise en place du dispositif Cared, ainsi que toute faute contractuelle de sa part.

Elle considère que le refus de la société CLM Formation de régler ses factures est infondé en l'absence de contestation pré-contentieuse, la franchisée ayant systématiquement réclamé et imposé des délais de paiement, et alors qu'elles ont été émises conformément au contrat dont les annexes détaillent les prestations et leur facturation.

Elle soulève le caractère nouveau de la demande de compensation pour en solliciter le rejet.

Elle se prévaut de ses nombreux avertissements et de l'exception d'inexécution pour justifier avoir coupé l'accès de la franchisée à ses services en ligne.

Elle soutient que le refus de paiement de ses factures et la promotion par la société CLM Formation, sans son autorisation, d'offres de formation ne figurant pas à son catalogue constituent des violations des obligations contractuelles de la franchisée justifiant la résiliation du contrat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la responsabilité contractuelle de la société Galaxie 5 :

La société CLM Formation reproche à son franchiseur d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne lui assurant pas une exclusivité territoriale, en ne lui fournissant aucun outil pédagogique et en ne lui apportant pas d'assistance.

- sur l'exclusivité territoriale :

Selon l'article 2 du contrat de franchise, la société Galaxie 5 a concédé à titre exclusif à la société CLM Formation : «sur le territoire» le droit d'utiliser sa marque et ses signes distinctifs ainsi que son savoir-faire et de commercialiser ses produits et services.

La détermination du territoire en question est renvoyée par l'article 3.1 du contrat à une annexe 1 qui n'est pas produite aux débats alors que la société CLM Formation a apposé sa signature sous la mention en lettres capitales et en gras: «en deux exemplaires originaux comportant chacun cinq (5) annexes».

Par ailleurs, il ressort d'échanges de courriels que les zones de chalandise de chacun des deux franchisés de la société Galaxie 5 ont été re-délimitées d'un commun accord.

Ces seuls éléments soumis à la cour ne permettent pas de caractériser ni l'étendue de l'obligation d'exclusivité à la charge de la société Galaxie 5, ni sa violation.

- sur les outils pédagogiques :

L'article 8.1.2 du contrat de franchise prévoit que la société Galaxie 5 s'engage à fournir à son franchisé des outils pédagogiques sous la forme notamment d'un accès à un serveur stockant des cours, ressources et exercices ainsi qu'à une plateforme de formation.

La société Galaxie 5 produit des captures d'écran démontrant l'existence de cette plateforme et de son contenu, son arborescence révélant les différents modules proposés relatifs notamment à des formations de vendeur conseil en magasin, ainsi que les procédures d'utilisation de la plateforme par les formateurs.

La société CLM Formation produit elle-même un contenu relatif à la législation du travail qui confirme la mise à disposition de ressources documentaires dont le contrat de franchise ne précise pas le degré d'expertise.

Le fait qu'une salariée du franchiseur admette la perfectibilité de ces supports pédagogiques et que certains ne soient pas immédiatement stockés sur le serveur ne remet en cause ni leur existence, ni leur qualité/ utilité.

La franchisée qui allègue d'une défaillance du franchiseur dans la mise à disposition d'outils pédagogiques ne la démontre pas.

- sur la formation initiale et l'assistance :

Le contrat dans son article 8 stipule que le franchiseur s'engage à donner au franchisé, avant comme après le commencement de son activité une assistance et une formation.

A ce titre et préalablement au commencement de l'activité, le contrat prévoit une formation d'une durée normale de 20 jours.

Si la société CLM Formation revendique une formation préalable à : «l'aspect administratif de la franchise», le contrat ne comporte aucune précision sur le contenu de cette formation initiale.

Des courriels adressés entre les 12 avril et 13 juillet 2016 par Mme [G], responsable de la formation au sein de la société Galaxie 5 permettent à la cour de constater que M.[R] [P], salarié de la société CLM Formation, a bénéficié d'un accompagnement "futur franchisé" sur cette période dans le but de « découvrir le métier de formateur ».

De plus, ainsi que l'indique la société CLM Formation et ressort de ses pièces, M. [P] a également reçu une formation aux tâches administratives du 22 juin au 20 juillet 2017.

Si dans son prévisionnel d'activité, elle avait inclus des recettes tirées du dispositif « Cared » et si sa participation à ce dispositif financé par la Région est confirmé par le contenu de la formation préalable dispensée à M. [P], la société CLM Formation ne justifie pas des engagements à ce sujet pris à son égard par son franchiseur, son propre courriel du 12 juillet 2016 étant dépourvu de force probante, alors qu'ainsi que le précisent les stipulations contractuelles au titre de l'obligation d'assistance du franchiseur, le franchisé demeure un commerçant indépendant, conservant une part prépondérante dans la réussite de son exploitation et ne peut rechercher la responsabilité de la société Galaxie 5 en cas de non-réalisation de ses prévisions.

Les griefs développés par le franchisé manquent donc en pertinence et les manquements allégués du franchiseur à ses obligations contractuelles de formation et d'assistance ne sont pas établis.

- sur la privation d'accès à un appel d'offre :

Si la société CLM se plaint d'avoir été écartée d'un appel d'offre du Pôle Emploi dans le cadre d'un projet «PIC», la société Galaxie 5 justifie lui avoir adressé par courriel du 16 avril 2019 le marché public proposé par le Pôle Emploi pour le lot commerce et particulièrement le support de proposition technique.

Le seul fait pour la société Galaxie 5, de ne pas avoir répondu aux interrogations de sa franchisée suscitées par ce document est insuffisant à établir qu'elle l'a empêchée de répondre à cet appel d'offre, ni à caractériser une faute contractuelle, le franchisé demeurant un commerçant indépendant responsable de son exploitation.

Pas plus que les précédents, ce reproche ne peut prospérer.

- sur la facturation indue :

Les conditions financières énoncées à l'article 11 du contrat prévoient le paiement par le franchisé d'une redevance de franchise mensuelle hors taxes égale la première année à 7 % du chiffre d'affaires net hors taxes réalisé par lui au cours du mois précédent et les années suivantes à 9 % de ce chiffre d'affaires.

Sont également stipulés le versement d'une redevance mensuelle de communication de 60 euros, ainsi que la facturation forfaitaire de prestations d'assistance dans les démarches administratives suivant une tarification annexée au contrat.

Les factures émises et réclamées par la société Galaxie 5 relatives aux redevances détaillent précisément leur nature, leur taux et sont accompagnées d'un récapitulatif des factures constituant l'assiette de leur calcul.

Les factures de services et communication détaillent les prestations auxquelles elles se rapportent.

S'il est établi que la société CLM Formation a pu interpeller son franchiseur sur sa facturation en indiquant le 21 août 2018 ne pas comprendre la facture adressée et contestant le 11 janvier 2019 les modalités de cette facturation, elle en a néanmoins proposé le règlement dans les termes suivants :« dès que nous aurons reçu de l'argent nous vous transmettrons des chèques» ou invoqué l'état de sa trésorerie ne lui permettant pas de régler l'intégralité de la somme.

Par ailleurs, à l'issue de nombreuses relances par courriels entre le 15 mai et le 11 juillet 2019, elle a émis trois chèques de 250 euros le 12 juillet 2019 qu'elle a adressé à son franchiseur, se reconnaissant ainsi débitrice des sommes réclamées telles que récapitulées dans le premier courriel.

Elle ne saurait en conséquence valablement soutenir le caractère indu de la réclamation de son franchiseur.

- sur la privation de l'accès aux outils commerciaux et de gestion :

La société Galaxie 5 ne conteste pas avoir privé sa franchisée de l'accès à ses services, serveur et outils de gestion depuis le mois de juillet 2019.

Elle produit de nombreux courriels adressés entre les mois d'août 2018 et juillet 2019, dans lesquels elle a réclamé paiement de ses factures de redevances et exprimé son intention de cesser l'exécution de ses prestations.

Par lettre recommandée du 18 juillet 2019, elle a mis en demeure la société CLM Formation de lui payer la somme de 22.512,54 euros au titre de ses factures impayées.

Il est établi par ce qui précède qu'elle n'était pas payée des services dont elle faisait bénéficier sa franchisée ce qui l'autorisait à suspendre l'exécution de ses obligations contractuelles, sans que cela puisse lui être reproché à faute.

La société CLM Formation n'établit pas de faute contractuelle commise par la société Galaxie 5 à son encontre qui puisse justifier sa demande indemnitaire et le jugement qui l'en a déboutée sera confirmé.

2°) sur la demande reconventionnelle en paiement :

Aucun des manquements contractuels allégués à l'encontre de son franchiseur par la société CLM Formation n'est caractérisé et elle ne peut en conséquence se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'exonérer de son obligation contractuelle de paiement des redevances et factures de services dues à la société Galaxie 5.

Il résulte des factures produites que la société CLM Formation demeure débitrice de la somme totale de 41.707, 84 euros au titre de ces factures impayées et le jugement qui l'a condamnée à payer cette somme sera confirmé.

La société CLM a été admise au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Galaxie 5 pour une somme de 10.710, 90 euros et conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à la cour la prétention nouvelle de compensation.

Les dettes réciproques étant nées de l'exécution de la convention de franchise, il y a lieu d'ordonner leur compensation.

3°) sur la demande reconventionnelle en résiliation du contrat de franchise :

Par lettre recommandée du 18 juillet 2019, la société Galaxie 5 a mis sa franchisée en demeure de lui régler ses arriérés de redevances et factures de services pour un montant de 22.512,54 euros ttc.

Le paiement des redevances constitue l'une des obligations essentielles du franchisé à l'égard de son franchiseur et son défaut caractérise une faute contractuelle d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat alors qu'il résulte des développements précédents que la société CLM Formation ne rapporte pas la preuve de fautes de son franchiseur pouvant l'exonérer de sa propre obligation.

Le jugement qui a prononcé cette résiliation sera confirmé.

L'article 20 de la convention de franchise met à la charge du franchisé et de son représentant légal trois obligations post-contractuelles de non-concurrence pendant un an à compter de la cessation du contrat, de non - affiliation pendant deux ans à une entreprise ou à un groupement, organisme, association ou société concurrente et de non -création de réseau concurrent pendant deux ans.

Ces interdictions si elles portent atteinte à la liberté d'entreprendre de la société CLM Formation et de son représentant sont limitées dans le temps et ne portent que sur le territoire où il a exploité son activité de franchisé pour les deux premières et sur le territoire d'implantation de la société Galaxie 5 pour la troisième.

Par ces limitations temporelles et géographiques, ces stipulations qui visent à protéger le savoir-faire et les intérêts commerciaux de cette dernière, ne portent pas une atteinte disproportionné aux droits de la société CLM Formation au regard du but poursuivi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il en a maintenu les effets.

4°) sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts :

Il résulte de leur examen que les griefs soulevés par la société CLM Formation à l'encontre de la réclamation en paiement de son franchiseur sont tout à la fois tardifs, à défaut d'avoir été formalisés avant la mise en demeure du 18 juillet 2018, et non étayés, alors qu'elle a justifié ses défauts de paiement par l'état de sa trésorerie, promis des règlements dès l'obtention de liquidités et adressé des paiements partiels.

Il est établi que c'est de mauvaise foi que la société CLM Formation s'est opposée au règlement des factures de redevances et de services, justifiant que soit alloué à la société Galaxie 5 des dommages-intérêts en réparation de cette résistance abusive.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera infirmé et la société CLM Formation sera condamnée au paiement de la somme de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 21 janvier 2022 sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Galaxie 5 en dommages-intérêts pour résistance abusive de la SAS CLM Formation,

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS CLM Formation à verser à la SAS Galaxie 5 la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

ORDONNE la compensation entre la condamnation prononcée à l'encontre de la SAS CLM Formation et sa créance admise au passif du redressement judiciaire de la SAS Galaxie 5 à hauteur de 10.710, 90 euros,

CONDAMNE la SAS CLM Formation à verser à la SAS Galaxie 5 la somme complémentaire de 3000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS CLM Formation aux dépens de l'instance d'appel.