Cass. 3e civ., 18 janvier 2023, n° 21-16.666
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Farrenq-Nési
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [W] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Boix immobilier, la société civile professionnelle Tetu-Audran-Tost Vermogen, la société Allianz IARD et M. [O].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,11 mars 2021), le 6 juillet 2010, M. et Mme [J] (les acquéreurs) ont acquis de M. et Mme [W] (les vendeurs) une maison avec jardin moyennant le prix de 293 000 euros.
3. Le 5 janvier 2011, la direction départementale des territoires et de la mer leur a enjoint de libérer une bande de terrain de 28 m², le long du canal Saint-Joseph, appartenant au domaine public maritime, l'arrêté d'autorisation d'occupation étant expiré depuis le 11 juillet 2007.
4. Des constructions annexes à la maison avaient été édifiées par les vendeurs pour partie sur cette parcelle du domaine public maritime, sur laquelle empiétait également le mur de clôture.
5. Les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil, en remboursement des frais engagés sur l'immeuble depuis son acquisition, et en paiement de dommages-intérêts.
6. Par arrêt du 14 mars 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats et invité les acquéreurs, leur éviction portant sur partie de la chose vendue, à conclure au regard des dispositions des articles 1636 et 1637 du code civil ainsi que sur les conséquences découlant de l'option choisie quant à leurs demandes chiffrées.
7. Dans ses conclusions récapitulatives d'appel, Mme [J], agissant à titre personnel et en qualité d'héritière de [S] [J], décédé, a renoncé à sa demande d'annulation de la vente et sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de l'éviction partielle du bien acquis le 6 juillet 2010.
8. Les vendeurs ont soulevé une fin de non-recevoir prise de la nouveauté des demandes en appel.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. Les vendeurs font grief à l'arrêt de déclarer l'acquéreur recevable en sa demande de règlement de la valeur de la partie évincée, alors « qu'en considérant que la demande nouvelle en cause d'appel, tendant à obtenir une indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur n'était pas irrecevable, quand les époux [J] demandaient l'annulation de la vente en première instance, peu important qu'ils aient, au soutien de cette demande d'annulation, invoqué les dispositions des articles 1625 et suivants du code civil, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a relevé que la demande présentée en première instance sur le fondement des articles 1625, 1626 et 1630 du code civil tendait à l'indemnisation, par le vendeur, de l'éviction.
12. Ayant constaté qu'en exécution de l'arrêt avant dire droit du 14 mars 2019, l'acquéreur sollicitait des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'éviction, comme les articles 1636 et 1637 du code civil lui en offraient la possibilité en cas d'éviction partielle, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que cette demande tendait à l'exercice, conformément aux dispositions applicables, du même droit qu'en première instance, à savoir la mise en jeu de la garantie légale du vendeur, que la demande n'était pas nouvelle en appel.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
14. Les vendeurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer à l'acquéreur la somme de 80 000 euros au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors :
« 4°/ qu'un bien faisant partie du domaine public est inaliénable, n'a donc pas de prix, et n'a donc pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil ; qu'en allouant à Mme [J] la somme de 80 000 euros, au titre de la valeur de la partie dont elle se trouve évincée, alors que la parcelle dont elle était évincée faisait partie du domaine public, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas de valeur au sens de l'article 1637 du code civil, la cour a violé ce texte par fausse application ;
5°/ que selon l'article 1637 du code civil si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur ; qu'en déduisant la valeur de la partie évincée de la différence entre la valeur du bien avant l'éviction (300 000 euros) et celle du bien resté en possession des époux [J] après l'éviction (220 000 euros), quand une telle différence n'enseigne en rien sur la valeur intrinsèque de la partie dont Mme [J] était évincée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1637 du code civil. »
Réponse de la Cour
15. L'indemnité devant être appréciée au regard non des caractéristiques du bien qui justifient l'éviction mais de sa désignation lors de la vente, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à une évaluation proportionnelle au prix total de la vente, a souverainement fixé la valeur de la partie du fonds dont l'acquéreur a été évincé.
16. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.