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Décisions

TUE, 5e ch., 21 juin 2023, n° T-131/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Região Autónoma da Madeira

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Svenningsen (rapporteur)

Juges :

M. Martín y Pérez de Nanclares, Mme Stancu

Avocats :

Me Gorjão Henriques, Me Saavedra

TUE n° T-131/21

20 juin 2023

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, Região Autónoma da Madeira (région autonome de Madère, Portugal) (ci-après la « requérante » ou la « RAM »), demande l’annulation des articles 1er et 4 à 6 de la décision (UE) 2022/1414 de la Commission, du 4 décembre 2020, relative au régime d’aides SA.21259 (2018/C) (ex 2018/NN) mis en œuvre par le Portugal en faveur de la zone franche de Madère (Zona Franca da Madeira – ZFM) – Régime III (JO 2022, L 217, p. 49, ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

2 Le régime de la zone franche de Madère (ci-après la « ZFM ») prend la forme de divers avantages fiscaux accordés dans le cadre du Centro Internacional de Negócios da Madeira (centre international d’affaires de Madère), du Registo Internacional de Navios da Madeira (registre international des navires de Madère) et de la Zona Franca Industrial (zone franche industrielle, ci après la « ZFI »).

3 Ce régime a initialement été approuvé en 1987 par la décision de la Commission européenne du 27 mai 1987 rendue dans l’affaire N 204/86 [SG(87) D/6736] en tant qu’aide à finalité régionale compatible avec le marché unique. Sa prorogation a ensuite été autorisée par la décision de la Commission du 27 janvier 1992 rendue dans l’affaire E 13/91 [SG(92) D/1118], puis par la décision de la Commission du 3 février 1995 rendue dans l’affaire E 19/94 [SG(95) D/1287].

4 Le régime qui lui a succédé (ci-après le « régime II ») a été autorisé par une décision de la Commission du 11 décembre 2002 rendue dans l’affaire N 222A/01 (ci-après la « décision de 2002 »).

5 Sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13, ci après les « lignes directrices de 2007 »), un troisième régime (ci après le « régime III ») a été autorisé par la décision de la Commission du 27 juin 2007 rendue dans l’affaire N 421/2006 (ci-après la « décision de 2007 »), pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013. La Commission a autorisé ce régime en tant qu’aide au fonctionnement compatible avec le marché intérieur visant à promouvoir le développement régional et la diversification de la structure économique de Madère, en tant que région ultrapériphérique au sens de l’article 299, paragraphe 2, CE (devenu article 349 TFUE).

6 Le régime III prend la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu applicable aux personnes morales (ci-après l’« IRPM ») sur les bénéfices résultant d’activités effectivement et matériellement réalisées à Madère (3 % de 2007 à 2009, 4 % de 2010 à 2012 et 5 % de 2013 à 2020), d’une exonération de taxes municipales et locales ainsi que d’une exonération de l’impôt sur la transmission de biens immobiliers pour la création d’une entreprise dans la ZFM, jusqu’à des montants d’aide maximaux basés sur les plafonds de la base imposable applicables à la base imposable annuelle des bénéficiaires. Ces plafonds sont fixés en fonction du nombre de postes de travail maintenus par le bénéficiaire au cours de chaque exercice. Dans certaines conditions, les sociétés enregistrées dans la ZFI de la ZFM peuvent bénéficier d’une réduction supplémentaire de 50 % de l’IRPM.

7 L’accès au régime III a été restreint aux activités qui figuraient sur une liste incluse dans la décision de 2007. De plus, toutes les activités d’intermédiation financière et d’assurances et les activités auxiliaires financières et d’assurances ainsi que toutes les activités du type « services intragroupe » (centres de coordination, trésorerie et distribution), en tant que « services fournis à des entreprises, principalement », ont été exclues du champ d’application du régime III.

8 Une version modifiée du régime III a été autorisée par la décision de la Commission du 2 juillet 2013 rendue dans l’affaire SA.34160 (2011/N) (ci-après la « décision de 2013 »), pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Celle-ci maintient les mêmes conditions que celles prévues par le régime III, sous réserve d’une augmentation de 36,7 % des plafonds de la base imposable à laquelle est applicable la réduction de l’IRPM.

9 Par la suite, la prorogation jusqu’au 30 juin 2014 du régime III modifié a été autorisée par la décision rendue par la Commission le 26 novembre 2013 dans l’affaire SA.37668 (2013/N). La prorogation dudit régime jusqu’à la fin de l’année 2014 a été autorisée par la décision de la Commission du 8 mai 2014 rendue dans l’affaire SA.38586 (2014/N).

10 Le 12 mars 2015, la Commission a engagé, sur le fondement de l’article 108, paragraphe 1, TFUE et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), un exercice de surveillance du régime III portant sur les années 2012 et 2013.

11 Par lettre du 6 juillet 2018, la Commission a informé la République portugaise de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard du régime III (JO 2019, C 101, p. 7, ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle »).

12 Cette procédure a été ouverte en raison des doutes de la Commission concernant, d’une part, l’application des exonérations fiscales sur les revenus provenant d’activités effectivement et matériellement réalisées dans la RAM et, d’autre part, le lien entre le montant de l’aide et la création ou le maintien de postes de travail effectifs à Madère.

13 À l’issue de ladite procédure, la Commission a adopté la décision attaquée, dont le dispositif est libellé comme suit :

« Article premier

Le régime d’aides “Zone Franche de Madère (ZFM) –Régime III”, dans la mesure où il a été mis en œuvre par le Portugal en violation de la décision [de 2007] et de la décision [de 2013], a été illégalement mis à exécution par le Portugal en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] et est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er ne constituent pas des aides si, au moment de leur octroi, elles satisfont aux conditions définies dans un règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (UE) 2015/1588, applicable au moment où l’aide est octroyée.

Article 3

Les aides individuelles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er qui, au moment de leur octroi, satisfont aux conditions définies dans les décisions visées à l’article 1er ou dans un règlement adopté en vertu de l’article 1er du règlement […] 2015/1588 sont compatibles avec le marché intérieur, à concurrence de l’intensité d’aide maximale applicable à ce type d’aide.

Article 4

1. Le Portugal est tenu de récupérer auprès des bénéficiaires les aides incompatibles octroyées au titre du régime visé à l’article 1er.

[...]

4. Le Portugal est tenu d’abroger le régime d’aides incompatible dans la mesure visée à l’article 1er et d’annuler tous les paiements en cours concernant les aides, à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 5

1. La récupération des aides octroyées au titre du régime prévu à l’article 1er est immédiate et effective.

2. Le Portugal veille à ce que la présente décision soit exécutée dans un délai de huit mois à compter de la date de notification.

[...] »

II. Conclusions des parties

14 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’article 1er ainsi que les articles 4 à 6 de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité

16 Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que la requérante n’a pas qualité pour agir contre la décision attaquée, car elle n’est pas individuellement concernée par cette décision.

17 À cet égard, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, une entité infra-étatique est considérée comme étant individuellement concernée par une décision adressée à un État membre seulement lorsque deux conditions cumulatives sont remplies, à savoir lorsque cet organisme est l’auteur de l’acte ou des actes visés par cette décision et lorsque celle-ci l’empêche d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres, de sorte que son intérêt à contester cette décision est ainsi distinct de celui de l’État membre concerné.

18 Or, en l’occurrence, les deux actes qui servent de base juridique au régime de la ZFM, à savoir le Decreto-Lei no 500/1980 que autoriza a criação de uma zona franca na Região Autónoma da Madeira (décret-loi no 500/1980 autorisant la création de la ZFM), du 20 octobre 1980 (Diário da República I, série I, no 243, du 20 octobre 1980, p. 3493), et le Decreto-Lei no 215/1989 aprovar o Estatuto dos Benefícios Fiscais (décret-loi no 215/89 approuvant le statut des avantages fiscaux), du 1er juillet 1989 (Diário da República I, série I, no 149, du 1er juillet 1989, p. 2578), auraient été adoptés par les autorités centrales de la République portugaise et non par la requérante. De plus, l’autorité responsable de l’octroi de l’aide serait le ministère portugais des Finances et de l’Administration publique.

19 La Commission ajoute que la décision attaquée n’a pas d’incidence sur l’exercice des compétences propres de la requérante et en particulier sur les pouvoirs de son secrétaire général, qui supervise la ZFM et, notamment, autorise l’établissement et l’exploitation d’entités souhaitant opérer dans celle-ci. Ledit secrétaire général n’aurait en effet pas adopté le régime d’aides en cause. De même, le fait que l’impôt sur le revenu des personnes morales constitue une ressource propre de la requérante ne serait pas pertinent.

20 La requérante conteste cette argumentation.

21 Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

22 La République portugaise étant la destinataire de la décision attaquée, le présent recours ne peut pas être déclaré recevable sur le fondement du premier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

23 Étant donné que la Commission soutient que la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord si la qualité pour agir de la requérante peut être établie au regard du deuxième membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

24 À cet égard, selon la jurisprudence, une entité infra-étatique est directement et individuellement concernée par un acte de l’Union européenne lorsque ce dernier l’empêche d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres (voir arrêts du 10 juin 2009, Pologne/Commission, T 257/04, EU:T:2009:182, point 56 et jurisprudence citée, et du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T 300/05 et T 316/05, non publié, EU:T:2009:380, point 249 et jurisprudence citée).

25 En l’occurrence, il est constant que la décision attaquée vise des aides octroyées par la RAM au moyen de ses ressources propres. En outre, selon le droit portugais, la requérante est responsable du fonctionnement de la ZFM et du financement du régime III ainsi que du contrôle du respect par les bénéficiaires dudit régime des conditions prévues par ce dernier.

26 En particulier, premièrement, l’accès à la ZFM dépend de l’octroi d’une licence délivrée par les autorités de la RAM. Deuxièmement, le régime III est financé exclusivement au moyen de ressources de la requérante, ce financement prenant la forme d’une réduction des recettes fiscales qui alimentent son budget. Troisièmement, le contrôle du respect des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice du régime III est effectué par les autorités fiscales de la RAM qui sont seules habilitées à procéder à la liquidation et au recouvrement des recettes fiscales propres de la requérante et à exercer des contrôles fiscaux à cet effet.

27 Or, en déclarant incompatible avec le marché intérieur le régime III, tel que mis en œuvre par la RAM, la décision attaquée fait obstacle à ce que la requérante continue d’accorder, selon l’interprétation qu’elle estime conforme au droit national et aux décisions de 2007 et de 2013, le bénéfice du régime III aux entreprises installées sur son territoire et auxquelles elle a délivré une licence subordonnant l’accès à la ZFM. Cette décision lui impose également de procéder à la récupération des aides qu’elle a octroyées, selon la Commission, en violation desdites décisions et, partant, de renoncer aux allègements fiscaux prévus par le régime III, qu’elle estime nécessaire à son développement économique.

28 Ce faisant, la décision attaquée empêche la requérante d’exercer comme elle l’entend ses compétences propres au sens de la jurisprudence rappelée au point 24 ci dessus. Partant, il y a lieu de considérer que la requérante est directement et individuellement concernée au sens du deuxième membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

29 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la Commission tirée du fait que la requérante n’est pas l’auteur des actes instituant le régime de la ZFM, qui ont été adoptés par les autorités centrales de la République portugaise (voir point 18 ci dessus).

30 En effet, en l’occurrence, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité du présent recours, étant donné que la décision attaquée ne remet pas en cause la légalité des actes instituant le régime III, mais seulement sa mise à exécution, jugée non conforme aux décisions de 2007 et de 2013, laquelle trouve essentiellement son origine dans l’application des conditions prévues par lesdites décisions par les autorités fiscales de la RAM, dont il est constant qu’elles sont responsables de la mise en œuvre du régime III visée par la décision attaquée.

31 Partant, la qualité pour agir de la requérante est établie au regard du deuxième membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

32 Il convient donc de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de déclarer le recours recevable, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier si les conditions prévues au troisième membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont réunies.

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que le régime III ne présenterait pas un caractère sélectif

33 Par son premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’elle a qualifié d’« aide d’État », au sens de cette disposition, le régime III, tel que mis en œuvre.

34 À cet égard, elle soutient que le régime III ne remplit pas l’une des conditions requises aux fins d’une telle qualification, à savoir qu’il ne présente pas un caractère sélectif. Selon elle, le régime III constitue une mesure à caractère général s’inscrivant dans l’économie générale du système fiscal portugais et a pour objet l’encadrement de situations qui méritent objectivement d’être traitées différemment.

35 En particulier, la requérante fait valoir que le cadre de référence pour apprécier la sélectivité du régime III doit être le territoire de la RAM et non l’ensemble du territoire portugais.

36 Cela découlerait du fait qu’elle dispose, sur le plan constitutionnel, d’une autonomie institutionnelle, procédurale et économique suffisante par rapport aux autorités centrales portugaises. En s’appuyant sur l’arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission (C 88/03, EU:C:2006:511), elle soutient que cette autonomie lui permet d’adapter le système fiscal national à ses spécificités régionales, sans qu’une décision de sa part de réduire le taux d’imposition soit compensée par des concours ou des subventions en provenance d’autres régions ou du gouvernement central. Une telle autonomie justifierait donc que le régime III soit considéré comme étant d’application générale en son sein. Par ailleurs, dans la mesure où la finalité du régime de la ZFM est de permettre aux opérateurs économiques de surmonter les difficultés structurelles de leur localisation insulaire et ultrapériphérique, sa mise en œuvre ne saurait être qualifiée d’aide d’État.

37 Or, en ne déterminant pas, dans la décision attaquée, si la requérante ou la ZFM disposait d’une autonomie institutionnelle, procédurale et économique suffisante et s’il existait un lien de causalité direct entre le régime III et l’appui financier fourni par le gouvernement central, la Commission aurait violé non seulement l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais également son obligation de motivation.

38 La Commission conteste cette argumentation.

39 Il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que, au considérant 148 de la décision attaquée, la Commission a qualifié d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le régime III, tel que mis en œuvre.

40 À cet égard, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État » requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C 51/19 P et C 64/19 P, EU:C:2021:793, point 30 et jurisprudence citée).

41 En l’occurrence, la requérante se limite à contester le caractère sélectif de l’avantage accordé aux bénéficiaires du régime III, tel que mis en œuvre.

42 Or, sur ce point, le Tribunal a déjà jugé que le régime III, tel que mis en œuvre par les autorités portugaises, conférait un avantage sélectif à ses bénéficiaires [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, points 53 à 65].

43 Pour parvenir à cette conclusion, tout d’abord, le Tribunal a constaté qu’il ressortait des considérants 10 à 17 de la décision attaquée, non contestés par la requérante, que le régime III prévoit un avantage sous la forme d’une réduction de l’IRPM, au profit des sociétés enregistrées dans la ZFM, lesquelles doivent exercer certaines activités économiques limitativement énumérées figurant sur une liste annexée à la décision de 2007 et dont sont exclues notamment toutes les activités d’intermédiation financière et d’assurances et les activités auxiliaires financières et d’assurance ainsi que toutes les activités du type « services intragroupe » (centres de coordination, trésorerie et distribution).

44 Il en découle que seules certaines sociétés, et non l’ensemble d’entre elles, peuvent s’enregistrer dans la ZFM et que seules ces sociétés enregistrées dans la ZFM, à l’exclusion de celles établies dans d’autres parties de la RAM ou du territoire portugais, peuvent bénéficier des réductions d’impôts prévues par le régime III.

45 Ainsi, le Tribunal a jugé que c’était à juste titre que la Commission avait estimé, aux considérants 134 et 135 de la décision attaquée, que les avantages fiscaux prévus par le régime III présentaient un caractère sélectif, dès lors qu’il est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567 , point 56].

46 Ensuite, le Tribunal a jugé que l’allégation de la République portugaise selon laquelle la Commission avait commis une erreur dans la définition du cadre de référence retenue aux fins de l’appréciation du caractère sélectif du régime III n’était pas de nature à modifier cette conclusion.

47 En particulier, il a été constaté que, à supposer même que le cadre de référence pour examiner le caractère sélectif du régime III puisse être celui du territoire de la RAM, le fait que les entreprises enregistrées sur le territoire de la RAM, mais en dehors de la ZFM, ne puissent pas bénéficier dudit régime suffit à établir le caractère sélectif de ce dernier et à priver de fondement l’allégation de la République portugaise, également soulevée par la requérante, quant au défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 58].

48 Enfin, le fait que le régime III ait pour finalité d’atténuer les handicaps permanents dont souffrent les entreprises exerçant leur activité dans la RAM ne suffit pas pour considérer que ce régime est justifié par la nature ou l’économie du système fiscal portugais, dès lors qu’il ne bénéficie pas aux sociétés établies dans la RAM qui ne sont pas enregistrées dans la ZFM. En effet, le seul fait qu’un système fiscal régional soit conçu de manière à assurer la correction de désavantages liés à l’insularité ne permet pas de considérer que tout avantage fiscal accordé dans ce cadre est justifié par la nature et l’économie du système fiscal national. Ainsi, le fait d’agir sur la base d’une politique de développement régional ou de cohésion sociale ne suffit pas pour qu’une mesure adoptée dans le cadre de cette politique soit considérée comme étant justifiée de ce seul fait (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C 88/03, EU:C:2006:511, point 82).

49 En conséquence, c’est à juste titre que la Commission a constaté, au considérant 136 de la décision attaquée, que le régime III, tel que mis en œuvre, conférait un avantage sélectif à ses bénéficiaires.

50 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.

2. Sur les deuxième à cinquième moyens, tirés de la qualification prétendument erronée du régime III, tel que mis en œuvre, d’« aide nouvelle » et non d’« aide existante »

a) Sur l’objet des deuxième à cinquième moyens

51 Par ses deuxième à cinquième moyens, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a considéré à tort que le régime III, tel que mis en œuvre, n’était pas conforme aux décisions de 2007 et de 2013.

52 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une partie requérante estime que la Commission a, à tort, considéré que les modalités de versement d’aides individuelles au titre d’un régime d’aides préalablement autorisé n’étaient pas conformes à cette autorisation préalable, l’argumentation de cette partie doit être comprise comme critiquant le fait que la Commission a refusé de reconnaître auxdites aides la qualification juridique d’« aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), à savoir celles de régimes d’aides ou d’aides individuelles autorisées par la Commission ou le Conseil de l’Union européenne [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 100].

53 Par conséquent, il convient de comprendre les deuxième à cinquième moyens comme visant, en substance, à contester le fait que, aux considérants 150 à 180 et 228 de la décision attaquée, la Commission n’a pas assimilé le régime III, tel que mis en œuvre, à une « aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, dont la compatibilité aurait dû être appréciée dans le cadre de l’examen permanent des régimes d’aides existants, prévus à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, mais l’a qualifié, au considérant 180 de la décision attaquée, d’« aide illégale » et, partant, d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

b) Sur le bien-fondé des deuxième à cinquième moyens

54 Par ses deuxième à cinquième moyens, qu’il convient d’examiner conjointement pour les raisons évoquées au point 52 ci-dessus, la requérante soutient que la Commission a conclu à tort que le régime III avait été mis en œuvre selon des modalités différentes de celles autorisées par les décisions de 2007 et de 2013.

55 Premièrement, à l’appui du deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir procédé à une lecture trop restrictive de la condition, prévue par les décisions de 2007 et de 2013, selon laquelle les bénéfices des sociétés enregistrées dans la ZFM doivent résulter d’« activités effectivement et matériellement réalisées à Madère ».

56 Selon elle, les décisions de 2007 et de 2013 doivent être interprétées comme permettant aux sociétés ayant leur siège ou leur direction effective à Madère d’y être imposées sur la globalité de leurs revenus, quel que soit l’endroit où ces revenus ont été obtenus, pourvu qu’ils résultent d’activités admises dans la ZFM.

57 À cet égard, tout d’abord, la requérante fait valoir que, lors des négociations préalables à la mise en œuvre des régimes II et III, la République portugaise a précisé que les assujettis ayant leur siège ou leur direction effective sur le territoire de la RAM y étaient imposés pour la globalité de leurs revenus. Eu égard à la finalité de la ZFM, qui consisterait à « capter » l’investissement étranger et non à compenser directement les coûts supplémentaires liés à la situation de la RAM ou encore à créer des emplois, il serait « absurde » de limiter désormais le bénéfice des avantages fiscaux prévus par le régime III aux seules activités fournies sur le territoire de la RAM.

58 En outre, la notion d’« activités effectivement et matériellement réalisées » dans la région concernée serait définie de façon moins précise dans les décisions de 2007 et de 2013 que dans celles relatives au régime de la zone franche des îles Canaries (Espagne), ce qui serait normal compte tenu du fait que, à la différence de la RAM, les îles Canaries connaîtraient un grave problème d’emploi, ce qui permettrait de comprendre que le régime soit conditionné à la création ou au maintien d’emplois dans la région concernée.

59 Par ailleurs, la Commission aurait elle-même toujours eu conscience du fait que la création de la ZFM aurait eu essentiellement pour objectif de contribuer au produit intérieur brut (PIB) de la RAM, à l’internationalisation et à la modernisation du tissu entrepreneurial et, plus indirectement, à la création et au maintien de postes de travail. En outre, les avantages fiscaux de la ZFM seraient nettement inférieurs aux coûts supplémentaires résultant de la situation périphérique de la RAM.

60 Ensuite, la requérante estime que l’interprétation qu’elle propose de la notion d’« activités effectivement et matériellement réalisées à Madère » est conforme aux « règles » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont la Commission aurait insuffisamment tenu compte dans la décision attaquée. Selon elle, ces règles n’exigent pas l’existence d’un lien définitif de droit ou de fait entre l’activité économique réelle exercée dans la zone économique spéciale concernée et les bénéfices pour lesquels l’avantage fiscal est accordé.

61 Dès lors, la requérante considère qu’une activité est « effectivement et matériellement réalisée à Madère » si elle y est réellement exercée et si l’entreprise y dispose d’un siège propre, de cadres ainsi que de ressources propres et adéquats et d’un centre de décision effectif et réel, sans que puisse être exigé que la totalité des salariés y exerce ses fonctions de façon permanente ou que l’activité soit limitée au territoire de la RAM.

62 Enfin, la requérante fait valoir que, en exigeant que les activités soient « effectivement et matériellement réalisées à Madère », la décision attaquée ne tient pas compte des difficultés dont souffrent les régions ultrapériphériques et est contraire à l’objectif consistant à attirer l’investissement étranger dans la RAM. Cette décision ignorerait aussi le fait que les activités réalisées en dehors d’une région donnée peuvent quand même profiter significativement à cette région. En somme, une telle exigence aurait des effets profondément dévastateurs pour l’économie de la RAM, qui, eu égard à son statut de région ultrapériphérique, mériterait un traitement favorable à la lumière des traités.

63 Deuxièmement, à l’appui du quatrième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir incorrectement interprété la condition tenant au « maintien ou à la création de postes de travail » en estimant que, aux fins du calcul exact du nombre de postes de travail créés ou maintenus pour chaque bénéficiaire du régime III, les autorités portugaises auraient dû recourir à la méthodologie de la définition des postes de travail en « équivalent temps-plein » (ETP) et en « unité de travail par année » (UTA).

64 À cet égard, elle conteste l’existence, dans les décisions de 2007 et de 2013, d’une obligation, à laquelle elle se serait d’ailleurs toujours opposée, d’adopter une quelconque méthodologie de définition des postes de travail en ETP et en UTA. L’absence de mention de ces méthodologies dans ces décisions découlerait ainsi du fait que la Commission aurait accepté la position défendue par les autorités portugaises lors des négociations du régime III, selon laquelle la notion de « création d’emploi » devait être interprétée au regard de la législation nationale.

65 Elle souligne également que le régime III est une « aide au fonctionnement » au sens de la section 5 des lignes directrices de 2007 et non une « aide à l’investissement » au sens de la section 4 desdites lignes directrices. Or, la notion de « création d’emploi » serait mentionnée exclusivement dans cette dernière section, concernant les aides à l’investissement, de telle sorte que la méthodologie de définition de postes de travail par ETP et par UTA ne serait pas applicable aux aides au fonctionnement.

66 En d’autres termes, le contrôle du respect des décisions de 2007 et de 2013 devrait être effectué au regard des paragraphes 76 à 83 des lignes directrices de 2007 et non sur la base des règles applicables aux aides à l’investissement. Cela serait conforme à la finalité de toute aide au fonctionnement versée à une région ultrapériphérique qui a pour but d’y attirer des activités économiques, et ce indépendamment du nombre et de la localisation des postes de travail créés.

67 En outre, en l’absence de notion uniforme au niveau de l’Union, il appartiendrait à chaque État membre, en fonction de sa législation, de déterminer la portée à donner à la notion de « poste de travail ». De plus, l’interprétation de cette notion retenue par la Commission reviendrait à ne pas prendre en considération, pour le calcul du nombre de travailleurs, par exemple, ceux qui sont temporairement absents en raison d’un congé parental ou de maternité ou ceux qui ont exercé leur droit à la libre circulation ou à la libre prestation de services en étant détachés par leur employeur dans un autre État membre. La requérante ajoute à cet égard que les décisions concernant le régime de la zone franche des îles Canaries auraient reconnu qu’il serait contraire aux traités UE et FUE d’exiger que l’avantage en cause dépende de la création d’emplois seulement dans la région concernée.

68 De plus, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 165 de l’arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère) (T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567), il ne pourrait pas être soutenu, à la lecture des considérants 40 et 41 de la décision d’ouverture de la procédure formelle et des considérants 171 ainsi que 173 à 175 de la décision attaquée, que la Commission n’aurait aucunement imposé aux autorités portugaises le recours aux méthodes ETP et UTA.

69 Au soutien de son argumentation, la requérante produit une lettre de la Commission du 11 août 2017 de laquelle il ressort que, dans le cadre de l’exercice de surveillance de 2015, elle a demandé aux autorités portugaises de calculer le nombre d’emplois créés ou maintenus au cours des années 2012 et 2013 selon la méthode UTA.

70 Enfin, la requérante considère que, au point 175 de l’arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère) (T 95/21, sous pourvoi EU:T:2022:567), le Tribunal a renversé les règles relatives à la charge de la preuve selon lesquelles il appartenait à la Commission de démontrer que les autorités portugaises n’avaient pas mis en place une méthode de calcul objective et vérifiable en refusant de tenir compte d’un cas concret dans lequel les autorités fiscales auraient appliqué la méthode UTA.

71 Troisièmement, à l’appui des troisième et cinquième moyens, la requérante rappelle que le bénéfice du régime III est subordonné au respect d’obligations fiscales nationales et régionales, telles que la tenue d’une comptabilité séparée pour les revenus générés dans la ZFM, ainsi que d’autres obligations fiscales accessoires, facilitant le contrôle du respect de la condition liée aux « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère ». À cela s’ajouteraient des mécanismes de surveillance et de contrôle qui auraient été mis en place aux fins du contrôle effectif des conditions énoncées dans les décisions de 2007 et de 2013.

72 Elle souligne qu’elle réalise des contrôles rigoureux auprès des sociétés enregistrées dans la ZFM, notamment en effectuant un recoupement des informations fournies par les entreprises dans le cadre de l’exécution des obligations accessoires et en effectuant des corrections d’un montant important.

73 Dès lors, la Commission aurait commis une erreur en concluant, au considérant 178 de la décision attaquée, que les contrôles fiscaux réalisés par les autorités portugaises n’étaient pas adaptés en ce qui concernait le calcul exact du nombre de postes de travail créés ou maintenus dans la ZFM et en ce qui concernait l’évaluation de la relation entre les postes de travail créés et les « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère ».

74 La Commission conteste le bien-fondé de ces quatre moyens tels que présentés aux points 55 à 73 ci-dessus.

75 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, les « aides existantes » peuvent être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité avec le marché intérieur et sont soumises à la procédure d’examen permanent prévue à cette même disposition. En revanche, l’article 108, paragraphe 3, TFUE prévoit que les projets tendant à instituer des « aides nouvelles » ou à modifier des « aides existantes » doivent être notifiés, en temps utile, à la Commission et ne peuvent être mis à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale adoptée aux termes de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C 74/16, EU:C:2017:496, point 86 et jurisprudence citée).

76 Il découle de cette jurisprudence, lue conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1), qu’un régime d’aides autorisé, donc existant, n’est plus couvert par la décision l’ayant autorisé et, partant, constitue une « aide nouvelle », lorsque l’État membre concerné procède à la mise en œuvre de ce régime d’aides, certes autorisé par la Commission, mais selon des modalités substantiellement différentes de celles prévues dans le projet de régime d’aides notifié par cet État membre et, de ce fait, substantiellement différentes de celles prises en considération par la Commission pour constater la compatibilité de ce régime.

77 Ainsi, un régime d’aides existant au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, tel que celui autorisé par les décisions de 2007 et de 2013, qui a été substantiellement modifié et a été mis en œuvre en violation des conditions de versement préalablement autorisées par la Commission ne peut plus être considéré comme autorisé et, de ce fait, perd, dans son intégralité, sa qualification de régime d’aides existant (voir, par analogie, concernant la méconnaissance d’une condition expressément prévue par une décision de la Commission afin d’assurer la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie, C 467/15 P, EU:C:2017:799, points 47 et 54).

78 Compte tenu de ce qui précède, il convient de déterminer si, aux considérants 180, 211 et 228 ainsi qu’à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a pu conclure à juste titre que le régime III avait été mis en œuvre en violation des décisions de 2007 et de 2013 et, en conséquence, estimer que ce régime, tel que mis en œuvre, était substantiellement différent de celui autorisé par ces décisions et, de ce fait, constituait une aide nouvelle mise à exécution par cet État membre en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

79 À cet effet, il importe de vérifier successivement si la Commission a pu valablement considérer, premièrement, que seules les activités « effectivement et matériellement réalisées à Madère » ouvraient droit aux aides autorisées par les décisions de 2007 et de 2013 (considérants 151 à 167 de la décision attaquée), deuxièmement, que la méthode de calcul retenue par les autorités portugaises pour déterminer les postes de travail créés ou maintenus par chaque bénéficiaire du régime III ne permettait pas de contrôler effectivement la mise en œuvre correcte de ce régime (considérants 168 à 178 de la décision attaquée) et, troisièmement, que les contrôles fiscaux effectués par les autorités portugaises ne permettaient pas de contrôler effectivement la mise en œuvre correcte dudit régime (considérants 165, 176 et 178 de la décision attaquée).

1) Sur la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM

80 L’argumentation de la requérante implique de déterminer si, en dépit du libellé du régime III ainsi que des décisions de 2007 et de 2013, qui subordonnent l’octroi des aides autorisées à la condition que les bénéfices des sociétés enregistrées dans la ZFM soient issus d’activités « effectivement et matériellement réalisées à Madère », elle pouvait, sans violer ces décisions, appliquer le régime III à des sociétés certes enregistrées dans la ZFM, mais dont les bénéfices étaient issus d’activités réalisées en tout ou en partie en dehors de la RAM.

81 À cet égard, il est de jurisprudence constante que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir arrêt du 27 janvier 2022, Zinātnes parks, C 347/20, EU:C:2022:59, point 42 et jurisprudence citée).

82 Or, contrairement à ce que soutient la requérante, les termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère », dans leur sens habituel, ne peuvent être interprétés comme visant des activités réalisées en dehors de la RAM, même par des sociétés enregistrées dans la ZFM.

83 Une telle conclusion est corroborée par le contexte de la décision attaquée ainsi que par les objectifs poursuivis par la réglementation de l’Union en matière d’aides d’État et, en particulier, celle applicable aux aides à finalité régionale.

84 Tout d’abord, il ressort des décisions autorisant les régimes II et III que, au cours des procédures administratives ayant abouti à celles-ci, la Commission et les autorités portugaises ont toujours partagé l’interprétation à donner aux termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère ».

85 Il ressort en effet de la décision de 2002 que, au cours de la procédure administrative ayant abouti à celle-ci, les autorités portugaises ont indiqué que « les avantages fiscaux ser[aie]nt limités aux activités effectivement et matériellement exercées à Madère, ce qui permettra[it] d’exclure les activités qui seraient exercées hors de Madère ».

86 De même, comme cela ressort du considérant 226 de la décision attaquée, non contesté par la requérante, la Commission « avait demandé l’introduction dans le projet de loi notifié par la République portugaise le 28 juin 2006 d’une disposition expresse en vertu de laquelle les réductions d’impôts ne seraient applicables qu’aux bénéfices résultant d’activités réalisées à Madère et la République portugaise a refusé de procéder à cette introduction [au motif] que cette disposition n’était pas nécessaire, dans la mesure où cette restriction résultait de la base juridique de la ZFM ».

87 Ensuite, les termes des décisions de 2007 et de 2013, à supposer qu’ils puissent être considérés comme ambigus, doivent être interprétés en conformité avec leurs bases juridiques, à savoir, respectivement, l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE [devenu article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE] et l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, ainsi qu’avec les lignes directrices de 2007.

88 Or, toutes les dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C 277/00, EU:C:2004:238, point 20 et jurisprudence citée).

89 De plus, comme l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 153 de la décision attaquée, les lignes directrices de 2007, et plus particulièrement leurs paragraphes 6 et 76, énoncent que des aides au fonctionnement peuvent être octroyées exceptionnellement dans les régions bénéficiant de la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, telles que la RAM, dont le statut de région ultrapériphérique est reconnu par la Commission, à condition qu’elles soient justifiées par leur contribution au développement régional et par leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu’elles visent à pallier.

90 Cela implique que seules les activités affectées par les handicaps et donc les surcoûts propres à ces régions doivent être susceptibles de bénéficier de telles aides au fonctionnement.

91 Ainsi peuvent être exclues du bénéfice de ces mêmes aides les activités exercées en dehors desdites régions qui, de ce fait, ne sont pas affectées par ces surcoûts, et cela même si elles sont exercées par des sociétés établies dans ces mêmes régions.

92 Enfin, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre au considérant 157 de la décision attaquée, l’appréciation de la compatibilité du régime III, dans la décision de 2007, a été réalisée sur la base des coûts additionnels supportés par les entreprises exerçant leur activité dans la RAM et non en dehors de celle-ci.

93 Il ressort, en effet, des paragraphes 44 à 53 de la décision de 2007 que la Commission a pris appui sur une étude, fournie par les autorités portugaises, quantifiant les « surcoûts encourus par le secteur privé dans la [RAM] ». De plus, les surcoûts pris en considération, à savoir notamment les frais de transport, de stock, de ressources humaines, de financement ou de commercialisation, sont ceux auxquels sont exposées les activités exercées effectivement et matériellement dans la RAM et non les activités exercées en dehors de celle-ci par des sociétés enregistrées dans cette région. Enfin, ce constat est corroboré par le fait que, au paragraphe 48 de la décision de 2007, la Commission a appréhendé les surcoûts en cause en pourcentage de la seule valeur ajoutée brute du secteur privé ou du seul PIB de la RAM.

94 En conséquence, en plus de ne pas trouver de fondement dans le libellé et le contexte des décisions de 2007 et de 2013, l’interprétation large des termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère », soutenue par la requérante, s’avère contraire non seulement aux objectifs poursuivis par l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE et par l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, qui ont servi de fondement juridique, respectivement, aux décisions de 2007 et de 2013, mais également aux lignes directrices de 2007.

95 À cet égard, le fait que l’interprétation retenue par la Commission puisse, comme le soutient la requérante, être contraire à un commentaire du comité des affaires fiscales de l’OCDE, à un rapport du groupe « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS, érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) de cette organisation et à des lignes directrices d’un forum de cette même organisation ainsi qu’à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait modifier cette conclusion.

96 En effet, si la Commission est susceptible de prendre en considération des textes adoptés dans le cadre de l’OCDE, elle ne saurait aucunement être liée par ceux-ci, notamment dans l’application des règles du traité FUE et, en particulier, celles relatives aux aides d’État [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, Luxembourg et Amazon/Commission, T 816/17 et T 318/18, sous pourvoi, EU:T:2021:252, point 154, et conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire État luxembourgeois (Informations sur un groupe de contribuables), C 437/19, EU:C:2021:450, point 67].

97 De même, c’est dans le seul cadre de l’article 107 TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 10 octobre 2017, Greenpeace Energy/Commission, C 640/16 P, non publiée, EU:C:2017:752, point 27, et arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 114).

98 Dès lors, à supposer même que les décisions de 2007 et de 2013 ne présentent pas le même degré de précision que celles relatives à la zone franche des îles Canaries, cette circonstance ne saurait aucunement mettre en question l’appréciation de la Commission.

99 En effet, la Commission a expliqué, sans être contredite, que les décisions relatives à la zone franche des îles Canaries sont plus détaillées simplement parce qu’elles répondent à des conditions proposées par l’État membre concerné lui-même. Or, en l’occurrence, comme cela ressort du point 85 ci dessus, la Commission a légitimement pu estimer qu’il n’était pas nécessaire de préciser davantage la condition litigieuse étant donné que la République portugaise avait elle-même indiqué, à l’occasion de la procédure ayant abouti à la décision de 2002 relative au régime II, qui a pour la première fois intégré cette condition dans le régime de la ZFM, qu’elle « permettra[it] d’exclure les activités qui seraient exercées hors de Madère ».

100 Est également dépourvu de pertinence le fait que les autorités portugaises n’auraient jamais caché à la Commission que les sociétés ayant leur siège ou leur direction effective dans la ZFM y étaient imposées pour la totalité de leurs revenus.

101 En effet, le fait que ces sociétés soient imposées sur la totalité de leurs revenus par les autorités fiscales de la RAM n’implique nullement que les aides au fonctionnement accordées par cette région auxdites sociétés doivent nécessairement bénéficier à l’ensemble de leurs activités et ne puissent pas être réservées à une partie identifiée de ces activités.

102 De plus, dans le cadre du contrôle de la compatibilité des aides d’État prévu à l’article 108 TFUE et conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE, il appartient à l’État notifiant et à la Commission de collaborer de bonne foi en vue de permettre à cette dernière de surmonter les difficultés qu’elle peut rencontrer lors de l’examen d’un projet d’aides notifié dans le cadre de la procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir arrêt du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T 73/98, EU:T:2001:94, point 99 et jurisprudence citée).

103 Cela implique, en particulier, pour l’État concerné de fournir à la Commission tous les renseignements nécessaires pour lui permettre de remplir sa mission et, en particulier, d’apprécier la compatibilité des aides avec le marché intérieur, ainsi que cela ressortait des considérants 6 et 16 du règlement no 659/1999 (devenus considérants 6 et 16 du règlement 2015/1589).

104 Or, la requérante ne démontre pas que la République portugaise aurait, au cours de la procédure administrative ayant abouti aux décisions de 2002, de 2007 ou de 2013, informé de manière expresse et univoque la Commission du fait que, en dépit du libellé des conditions encadrant le régime II ou le régime III, ces derniers avaient vocation à s’appliquer à l’ensemble des sociétés enregistrées dans la ZFM et pour l’ensemble de leurs activités, y compris celles exercées en dehors de la RAM.

105 Au contraire, il ressort des points 85 et 86 ci-dessus que, à plusieurs occasions, les autorités portugaises ont indiqué à la Commission que les réductions de l’IRPM étaient limitées aux « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère », ce qui excluait les activités exercées hors de cette région.

106 C’est donc sans commettre d’erreur de droit et sans ajouter de conditions supplémentaires à ses décisions de 2007 et de 2013 que la Commission a pu conclure, au considérant 167 de la décision attaquée, que le régime III, tel que mis en œuvre, en ce qui concernait la condition tenant à l’origine des bénéfices auxquels la réduction de l’IRPM était appliquée, était contraire auxdites décisions.

107 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle, en interprétant les termes « activités effectivement et matériellement réalisées à Madère » comme ne visant pas les activités exercées en dehors de cette région par des sociétés enregistrées dans la ZFM, la Commission aurait insuffisamment pris en considération les effets négatifs des régimes II et III sur la RAM ainsi que l’effet d’entraînement du régime III, tel que mis en œuvre, ou encore aurait violé les principes de libre circulation.

108 Premièrement, s’agissant de l’allégation tirée d’une prise en considération insuffisante des effets négatifs des régimes II et III sur la RAM ainsi que de l’effet d’entraînement du régime III, tel que mis en œuvre, il convient de relever que, par celle-ci, la requérante ne tend pas à remettre en cause l’appréciation effectuée par la Commission quant à la non conformité du régime III, tel que mis en œuvre, aux décisions de 2007 et de 2013 et, partant, la qualification juridique de ce régime d’« aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

109 Au contraire, la requérante tend implicitement à remettre en cause l’appréciation de la compatibilité du régime III effectuée à l’occasion des décisions de 2007 et de 2013, lesquelles sont devenues définitives, sans pour autant que son argumentation puisse être interprétée comme soulevant une exception d’illégalité desdites décisions au sens de l’article 277 TFUE. En tout état de cause, une telle argumentation, qui n’est étayée par aucun argument supplémentaire, ne satisferait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal et devrait, partant, être rejetée comme étant irrecevable.

110 Deuxièmement, s’agissant de l’allégation de violation des principes de libre établissement, de libre circulation des personnes, de libre prestation des services et de libre circulation des capitaux, elle vise également à remettre en cause la légalité des décisions de 2007 et de 2013 et s’avère, en outre, uniquement soutenue par l’affirmation selon laquelle la décision attaquée interdirait ou limiterait la possibilité pour un travailleur engagé par une société enregistrée dans la ZFM de pouvoir exercer son activité professionnelle dans un autre État membre ou un État tiers et pour les sociétés concernées de fournir des prestations de services en dehors de la RAM.

111 Une telle allégation, qui se limite à paraphraser les dispositions du traité FUE et n’est étayée par aucun argument supplémentaire, doit être rejetée comme étant irrecevable, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

112 Au vu de ce qui précède, la Commission n’a commis aucune erreur de droit dans l’interprétation de la condition, prévue dans les décisions de 2007 et de 2013, selon laquelle les réductions de l’IRPM prévues par le régime III ne pouvaient porter que sur les bénéfices résultant d’activités « effectivement et matériellement réalisées à Madère ».

2) Sur la condition relative à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM

113 Au considérant 178 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l’application par les autorités portugaises du régime III en ce qui concernait la condition de création ou de maintien de postes de travail dans la RAM violait les décisions de 2007 et de 2013.

114 Au soutien de cette conclusion, la Commission a indiqué, en substance, aux considérants 168 à 174 de la décision attaquée, que cette condition était une condition d’accès au régime III et que, en tant que paramètre du calcul du montant de l’aide, elle devait reposer sur des méthodes objectives et vérifiables telles que celles des UTA et des ETP, employées dans les lignes directrices de 2007 ainsi que dans les règlements d’exemption par catégories successifs.

115 Aux considérants 175 à 176 de la décision attaquée, la Commission a ensuite relevé que, pour les autorités portugaises, constituait un « poste de travail » aux fins de l’application du régime III tout emploi, de quelque nature juridique qu’il soit, indépendamment du nombre d’heures, de jours et de mois de travail actif par année, déclaré par les bénéficiaires dudit régime, sans que ces autorités puissent vérifier le temps effectivement consacré par le titulaire du poste à son emploi ni convertir ce temps en ETP.

116 Par une telle motivation, la Commission a fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, permettant aux intéressés de connaître les justifications de la conclusion à laquelle elle était parvenue et au Tribunal d’exercer son contrôle.

117 Quant au bien-fondé de cette conclusion, la requérante fait essentiellement grief à la Commission de lui avoir imposé, à tort, de recourir aux méthodes ETP et UTA, à l’exclusion de la notion de « poste de travail » au sens du droit portugais, pour vérifier la satisfaction de la condition tenant à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM.

118 Toutefois une telle argumentation procède d’une lecture erronée de la décision attaquée.

119 En effet, la conclusion selon laquelle le régime III, tel que mis en œuvre, méconnaît les décisions de 2007 et de 2013 n’est pas fondée sur le fait que les autorités portugaises auraient omis de recourir aux méthodes ETP et UTA pour vérifier si la condition tenant à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM était remplie. Cette conclusion repose sur le constat, figurant au considérant 176 de la décision attaquée, que la méthode retenue par les autorités portugaises pour calculer le nombre de postes de travail créés ou maintenus dans la RAM ne permettait pas de vérifier la réalité et la permanence des postes de travail déclarés par les bénéficiaires dudit régime.

120 Or, cette conclusion est étayée à suffisance de droit par les considérants 28 et 175 de la décision attaquée, selon lesquels, en application de la méthode retenue par les autorités portugaises, constituait un poste de travail aux fins de l’application du régime III tout emploi, de quelque nature juridique qu’il soit, indépendamment du nombre d’heures, de jours et de mois de travail actif par année, déclaré par les bénéficiaires dudit régime, y compris les emplois à temps partiel ou ceux de membres de conseil d’administration qui exercent leur activité dans plus d’une société bénéficiaire du régime III.

121 La décision attaquée n’étant pas fondée sur le constat que les autorités portugaises auraient omis de recourir aux méthodes ETP et UTA pour calculer le nombre de postes de travail, les arguments de la requérante tendant à reprocher à la Commission de lui avoir imposé, à tort, le recours à de telles méthodes doivent, en tout état de cause, être écartés.

122 Eu égard à ce qui précède, la Commission n’a donc pas méconnu l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, au considérant 179 de la décision attaquée, que le régime III, tel que mis en œuvre, violait la condition de création et de maintien de postes de travail dans la RAM.

3) Sur l’efficacité des contrôles fiscaux effectués aux fins de la vérification de la bonne application des conditions relatives à l’origine des bénéfices auxquels s’applique la réduction de l’IRPM et à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM

123 Au considérant 178 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les contrôles fiscaux effectués par les autorités portugaises auprès des bénéficiaires du régime III, tel que mis en œuvre, ainsi que les données recueillies dans le cadre de ces contrôles ne permettaient pas de contrôler efficacement les conditions de ce régime relatives à l’origine des bénéfices auxquels s’appliquait la réduction de l’IRPM et à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM.

124 Au soutien de cette conclusion, la Commission a, en substance, indiqué, au considérant 165 de la décision attaquée, que les contrôles fiscaux réalisés par les autorités portugaises l’avaient été conformément à l’interprétation large de la condition relative à l’origine des bénéfices auxquels s’appliquait la réduction de l’IRPM retenue par ces autorités, qui s’écartait de celle suggérée dans les lignes directrices de 2007 et dans les décisions de 2007 et de 2013.

125 Au considérant 176 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que les autorités portugaises, sur la base des déclarations présentées par les bénéficiaires du régime III, n’étaient pas en mesure de vérifier la réalité ou la permanence des postes de travail déclarés, en raison de l’absence d’une méthode de calcul commune et objective applicable à toutes les relations de travail.

126 Par une telle motivation, la Commission a fait apparaître de façon claire et non équivoque son raisonnement, permettant aux intéressés de connaître les justifications de la conclusion à laquelle elle était parvenue et au Tribunal d’exercer son contrôle.

127 Quant au bien-fondé de cette conclusion, il convient de relever, ainsi que cela a été rappelé aux points 123 à 125 ci-dessus, que la Commission a estimé que les contrôles effectués par les autorités fiscales étaient inadaptés à la vérification de la bonne application des conditions relatives à l’origine des bénéfices auxquels s’appliquait la réduction de l’IRPM et à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM, prévues par le régime III. Cette inadéquation découlerait essentiellement du fait que les autorités portugaises interprètent ou appliquent ces conditions en violation des décisions de 2007 et de 2013.

128 Or, le Tribunal ayant estimé, aux points 106 et 122 ci-dessus, que les critiques de la Commission relatives à l’interprétation et à la mise en œuvre des deux conditions mentionnées au point précédent étaient fondées, le simple fait, d’ailleurs non contesté par la Commission, que les autorités fiscales portugaises exigent la tenue d’une comptabilité séparée pour les revenus engendrés par la ZFM, disposent d’instruments de contrôle, a priori comme a posteriori, des assujettis et en particulier des bénéficiaires du régime III ou procèdent à des contrôles nombreux et systématiques ayant, pour certains, débouché sur des corrections d’un montant important ne saurait suffire à démontrer que ces contrôles fiscaux permettent, en définitive, à ces autorités de s’assurer efficacement de la bonne application de ce régime, dès lors que lesdites autorités interprètent ou appliquent ledit régime en violation des décisions de 2007 et de 2013.

129 Il en va ainsi, en particulier, de l’obligation pour les sociétés établies dans la ZFM de tenir une comptabilité séparée pour les revenus engendrés par la ZFM, dès lors que, comme cela a été constaté au point 106 ci dessus, les revenus engendrés par la ZFM n’étaient pas calculés en conformité avec les décisions de 2007 et de 2013.

130 De même, le fait que la requérante se prévale de l’exemple d’un contrôle fiscal mené auprès d’une société enregistrée dans la ZFM et ayant donné lieu à l’application de la méthode UTA ne saurait suffire pour remettre en cause la conclusion à laquelle la Commission est parvenue, à défaut de pouvoir révéler des pratiques et des méthodes constantes et établies des autorités portugaises permettant à celles-ci de contrôler que, de manière générale, le régime III est mis à exécution en conformité avec les décisions de 2007 et de 2013.

131 Dès lors, la Commission n’a pas méconnu l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et n’a pas commis une erreur d’appréciation en constatant, au considérant 178 de la décision attaquée, que les contrôles fiscaux effectués par les autorités portugaises auprès des bénéficiaires du régime III ainsi que les données recueillies dans le cadre de ces contrôles ne permettaient pas de contrôler efficacement le respect des conditions du régime III relatives à l’origine des bénéfices auxquels s’appliquait la réduction de l’IRPM et à la création ou au maintien de postes de travail dans la RAM.

132 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, c’est à juste titre que la Commission a constaté que le régime III, tel que mis en œuvre, ne respectait pas plusieurs des conditions requises par les décisions de 2007 et de 2013.

133 Ce régime ayant été mis à exécution en méconnaissance des décisions de 2007 et de 2013, de sorte qu’il a été substantiellement modifié par rapport au régime autorisé par lesdites décisions, c’est également à juste titre que, au considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une aide nouvelle illégale (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Italie, C 467/15 P, EU:C:2017:799, point 48).

134 En conséquence, les deuxième à cinquième moyens doivent être rejetés comme étant non fondés.

3. Sur le sixième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de la protection de la confiance légitime et de bonne administration

135 Par son sixième moyen, la requérante soutient que les principes de sécurité juridique, de la protection de la confiance légitime et de bonne administration ont été méconnus à divers titres.

136 Elle relève que la décision d’ouverture de la procédure formelle ne comportait pas d’invitation à présenter des observations sur les attentes légitimes susceptibles de faire obstacle à la récupération des aides en cause et que plusieurs circonstances, prises isolément ou dans leur globalité, établiraient la violation des principes de sécurité juridique, de la protection de la confiance légitime et de bonne administration.

137 À cet égard, la requérante fait valoir que le régime III, tel que mis en œuvre, ne constitue pas une aide d’État ou, en toute hypothèse, que ce régime constituerait une aide existante ; que les conditions du régime III seraient issues du régime II ; que ces conditions, outre qu’elles ne sont pas claires, sont interprétées par la Commission contrairement au texte des décisions de 2007 et de 2013 ainsi qu’à sa pratique décisionnelle antérieure ; qu’il n’existe pas de jurisprudence concernant l’interprétation de ces conditions ; que la Commission, après avoir initialement souscrit à l’interprétation des conditions des régimes II et III, ne s’est que très tardivement opposée à l’exécution du régime III, et que la durée de 29 mois de la procédure formelle d’examen ferait obstacle à toute récupération des aides concernées.

138 Elle fait également valoir que la jurisprudence selon laquelle le bénéficiaire d’une « aide individuelle », au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, ne peut avoir une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci en cas de non-respect de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, n’est pas applicable au cas d’espèce, qui concerne un « régime d’aides », au sens de l’article 1er, sous d), de ce même règlement, remis en cause des décennies après sa création.

139 La requérante indique encore que la violation des principes susmentionnés est d’autant plus évidente que la République portugaise et les 102 parties intéressées ayant pris part à la procédure formelle d’examen plaidaient en faveur du classement du dossier, que la Commission était sensibilisée à l’importance économique, fiscale et sociale de la ZFM en tant que région ultrapériphérique devant être traitée plus favorablement et que les autorités portugaises ont non seulement renforcé les contrôles portant sur la ZFM, mais également proposé des modifications du régime III en vue du classement du dossier.

140 Enfin, la requérante fait valoir que la récupération des aides est contraire à la notion d’« État de droit », à l’article 2 de la Constitution portugaise et à l’article 6 TUE.

141 La Commission conteste cette argumentation.

142 À titre liminaire, il importe de rappeler que la suppression d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, par voie de récupération, est la conséquence logique de la constatation de l’incompatibilité de cette aide. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure, faisant perdre au bénéficiaire l’avantage dont il a effectivement bénéficié par rapport à ses concurrents [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Commission/Espagne (TNT en Castille-La Manche), C 704/19, non publié, EU:C:2021:342, point 48 et jurisprudence citée].

143 De plus, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la Commission est toujours tenue d’ordonner la récupération d’une aide qu’elle déclare incompatible avec le marché intérieur, sauf si une telle récupération va à l’encontre d’un principe général de droit de l’Union (arrêt du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C 403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 124).

144 S’agissant du principe de protection de la confiance légitime, un État membre, dont les autorités ont octroyé, comme en l’espèce, une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ne saurait, en principe, invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l’exécution d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide. Admettre une telle possibilité reviendrait, en effet, à priver les dispositions des articles 107 et 108 TFUE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions (voir arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C 465/09 P à C 470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, point 150 et jurisprudence citée).

145 De plus, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle ci, ce constat valant pour les aides versées en application d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C 148/04, EU:C:2005:774, point 104 et jurisprudence citée).

146 Or, en l’occurrence, la requérante ne démontre pas que, s’agissant des aides versées en violation des décisions de 2007 et de 2013, qui, de ce fait, l’ont été en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission lui aurait fourni, voire aurait fourni aux bénéficiaires desdites aides, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, mais également conformes aux normes applicables, de nature à faire naître une attente légitime dans leur esprit, comme l’exige la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C 349/17, EU:C:2019:172, point 97 et jurisprudence citée).

147 À cet égard, la circonstance que la décision d’ouverture de la procédure formelle ne comportait pas d’invitation à présenter des observations sur les attentes légitimes susceptibles de faire obstacle à la récupération des aides n’est pas non plus de nature à établir une violation du principe de la protection de la confiance légitime. En effet, même en l’absence d’une telle invitation, l’obligation de coopération de bonne foi pesant sur les autorités portugaises leur imposait de porter, de leur propre initiative, ces difficultés à la connaissance de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 232].

148 De plus, même à la supposer avérée, la croyance des autorités portugaises selon laquelle le régime III, tel que mis en œuvre, échappait à la qualification d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ou devait être qualifié d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, ne saurait équivaloir à des assurances précises, inconditionnelles et concordantes fournies par la Commission.

149 En outre, l’absence de qualification d’« aide d’État » de ce régime était hautement improbable au vu des décisions de la Commission concernant les régimes de la ZFM antérieurs. Il en était de même de la qualification d’« aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, compte tenu des différences substantielles existant entre le régime I et le régime III ainsi que de l’interprétation retenue par la Commission de la condition tenant à l’origine des bénéfices auxquels s’appliquait la réduction de l’IRPM, qui ressortait sans ambigüité des échanges intervenus entre elle et les autorités portugaises au cours de la procédure ayant abouti aux décisions de 2002 et de 2007, ainsi que cela a déjà été relevé aux points 85 et 86 ci dessus.

150 Ne saurait non plus équivaloir à des assurances précises, inconditionnelles et concordantes fournies par la Commission le fait, d’une part, que la République portugaise et les très nombreuses parties intéressées ayant pris part à la procédure formelle d’examen n’aient pas fait valoir à l’occasion de cette procédure la même interprétation que celle finalement retenue par la Commission dans la décision attaquée ou, d’autre part, que cette institution n’ait pas donné suite à des propositions des autorités portugaises visant à modifier le régime III en vue d’obtenir le classement de la procédure formelle d’examen.

151 Dès lors, aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être constatée.

152 S’agissant du principe de sécurité juridique, qui se distingue du principe de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C 649/20 P, C 658/20 P et C 662/20 P, EU:C:2023:60, point 83), il convient de relever que, en matière d’aides d’État, les arguments visant à s’opposer à l’obligation de récupération sur le fondement d’une violation de ce principe ne sont accueillis que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 204].

153 À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’examiner une série d’éléments afin de rechercher l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique, notamment l’absence de clarté du régime juridique applicable (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C 67/09 P, EU:C:2010:607, point 77) ou l’inaction de la Commission pendant une période prolongée sans justification (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, EU:C:1987:502, points 14 et 15, et du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C 408/04 P, EU:C:2008:236, points 106 et 107).

154 S’agissant de ce dernier élément, il importe de rappeler que la Commission est tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’examen d’aides d’État et qu’elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Il convient d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C 630/11 P à C 633/11 P, EU:C:2013:387, points 81 et 82).

155 Or, en l’espèce, il a déjà été jugé que le temps écoulé entre les décisions de 2007 et de 2013, d’une part, et l’engagement, le 12 mars 2015, de l’exercice de surveillance du régime III, voire de la décision d’ouverture de la procédure formelle, le 6 juillet 2018, d’autre part, ne saurait être considéré comme déraisonnable [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 207].

156 Tout d’abord, cette conclusion repose sur le fait que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, la Commission n’était pas liée par des délais spécifiques tels que ceux prévus au chapitre II de ce règlement, relatif à la procédure concernant les aides notifiées (voir, en ce sens, ordonnance du 20 janvier 2021, KC/Commission, T 580/20, non publiée, EU:T:2021:14, point 26).

157 Ensuite, s’agissant des exercices de surveillance portant sur des aides ou des régimes d’aides autorisés, comme en l’espèce, il ne saurait être considéré que la Commission devait faire preuve d’une diligence particulière, dans la mesure où le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose aux États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union.

158 Dans le domaine des aides d’État, cela implique, en particulier, que ces États doivent veiller à ne pas mettre à exécution des aides ou des régimes d’aides en violation de décisions d’autorisation préalable, tout particulièrement lorsque la compréhension des conditions de mises à exécution de ces aides ou de ces régimes d’aides est initialement partagée par la Commission et l’État membre concerné, comme cela a été constaté aux points 85 et 86 ci-dessus.

159 Enfin, eu égard à la description de la procédure préalable à la décision d’ouverture de la procédure formelle, effectuée aux considérants 1 et 2 de la décision attaquée, aucune inaction de la Commission pendant une période prolongée et dépourvue de justification ne peut être identifiée en l’espèce.

160 S’agissant de la durée de 29 mois de la procédure formelle d’examen, celle-ci ne peut pas non plus être considérée comme déraisonnable, compte tenu, ainsi que cela ressort des considérants 3 à 9 et 96 de la décision attaquée, de la nécessité pour la Commission, premièrement, de traiter la demande des autorités portugaises portant sur la confidentialité de la décision d’ouverture de cette procédure, deuxièmement, de demander plusieurs fois à ces autorités la communication d’informations manquantes ainsi que, troisièmement, de traiter les observations du très grand nombre de parties intéressées ayant pris part à la procédure.

161 En ce sens, la procédure ayant débouché sur la décision attaquée se distingue nettement de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dont la requérante ne peut donc valablement se prévaloir.

162 Dès lors, aucune violation du principe de sécurité juridique ne saurait être constatée.

163 Les constats effectués au point 160 ci-dessus permettent également d’écarter toute violation du principe de bonne administration.

164 Par ailleurs, en ce que la requérante soutient que l’obligation de récupération des aides concernées mise à la charge des autorités portugaises est contraire au principe de l’État de droit, à l’article 2 de la Constitution portugaise et à l’article 6 TUE, il suffit de relever que cette allégation est irrecevable en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, à défaut d’être soutenue par une quelconque argumentation.

165 Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen doit être écarté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

4. Sur le septième moyen, tiré de l’impossibilité pour la requérante de se conformer à la décision ordonnant la récupération des aides en cause

166 Par son septième moyen, la requérante se prévaut de l’impossibilité de se conformer à la décision ordonnant la récupération des aides concernées, au motif, essentiellement, que la décision attaquée ne lui permet pas de déterminer les montants à récupérer « sans difficultés excessives ».

167 À cet égard, la requérante ne serait pas en mesure de déterminer, en ce qui concerne la dernière décennie, si les sociétés ayant bénéficié du régime III se sont effectivement conformées aux deux conditions litigieuses visées par les décisions de 2007 et de 2013. Cette difficulté serait renforcée par la nécessité de vérifier si ces sociétés remplissaient les conditions pour bénéficier d’un règlement de minimis (article 2 de la décision attaquée) ou d’un règlement d’exemption par catégorie (article 3 de la décision attaquée). Dans ce contexte, la Commission aurait dû au moins indiquer le montant brut de la récupération demandée. Enfin, la RAM ajoute que nombre des décisions de récupération conduiront à des situations d’insolvabilité.

168 La Commission conteste cette argumentation.

169 À titre liminaire, même si la requérante n’est pas destinataire de la décision attaquée, il ressort de ce qui précède qu’elle est, en vertu du droit portugais, responsable du recouvrement des aides qu’elle a octroyées en application du régime III.

170 Partant, il y a lieu de considérer qu’elle peut, à l’instar de la République portugaise, utilement se prévaloir de l’impossibilité pour elle de récupérer les aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur par la décision attaquée.

171 À cet égard, il convient de relever que la Commission ne saurait adopter, sous peine d’invalidité, une injonction de récupération dont l’exécution serait, dès son adoption, de manière objective et absolue, impossible à réaliser (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, point 82 et jurisprudence citée).

172 Toutefois, dans ce cadre, la condition relative à l’existence d’une impossibilité absolue n’est pas remplie lorsque l’entité infra-étatique ayant octroyé les aides et qui est appelée à procéder à leur récupération se borne à invoquer des difficultés juridiques, politiques ou pratiques et imputables au propre fait ou aux omissions des autorités nationales, auxquelles elle est susceptible de se trouver confrontée pour mettre en œuvre la décision concernée, sans proposer à la Commission d’autres modalités de mise en œuvre de cette décision qui permettraient de surmonter ces difficultés, notamment par une récupération partielle de ces aides (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, points 91 et 92 et jurisprudence citée).

173 De plus, les difficultés d’ordre administratif et pratique qu’entraîne le grand nombre de bénéficiaires des aides ne permettent pas de considérer la récupération comme étant techniquement impossible à réaliser [arrêt du 12 mai 2021, Commission/Grèce (Aides aux producteurs agricoles), C 11/20, non publié, EU:C:2021:380, point 44].

174 Or, en l’occurrence, la requérante se limite à invoquer la complexité de la procédure de récupération des aides concernées et des difficultés d’ordre politique, juridique et pratique, sans établir à suffisance de droit l’impossibilité objective et absolue, dès l’adoption de la décision attaquée, de procéder à leur récupération.

175 En particulier, la requérante ne démontre ni la réalité des difficultés qu’elle invoque ni l’absence d’autres modalités de récupération (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, point 96).

176 En outre, aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la récupération d’une aide illégale déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer (voir arrêts du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 29 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2013, Rousse Industry/Commission, T 489/11, non publié, EU:T:2013:144, point 77 et jurisprudence citée). De plus, l’obligation pour un État membre de calculer le montant précis des aides à récupérer s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité en matière d’aides d’État (voir arrêt du 20 mars 2013, Rousse Industry/Commission, T 489/11, non publié, EU:T:2013:144, point 79 et jurisprudence citée).

177 Ainsi, il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France, C 441/06, EU:C:2007:616, point 29 et jurisprudence citée).

178 Or, en l’occurrence, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de constater que, au considérant 213 ainsi qu’aux articles 1er à 4 de la décision attaquée, la Commission a fourni les indications nécessaires, mais également suffisantes permettant aux autorités portugaises de déterminer, sans difficultés excessives, les montants à restituer.

179 En particulier, au considérant 213 de la décision attaquée, la Commission a fourni les indications suffisantes permettant aux autorités portugaises de distinguer, parmi les bénéficiaires des aides versées en application du régime III, ceux qui ont reçu une « aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), ii), du règlement 2015/1589, c’est-à-dire une aide préalablement autorisée par les décisions de 2007 et de 2013, de ceux qui ont reçu une « aide nouvelle », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, dont la récupération doit être poursuivie.

180 À cet égard, il ressort de la décision attaquée que les autorités de la RAM doivent déterminer si, entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2014, chaque bénéficiaire a respecté les conditions nécessaires afin de pouvoir bénéficier du régime de la ZFM tel qu’il a été approuvé dans les décisions d’autorisation de 2007 et de 2013.

181 D’une part, cela implique de déterminer la partie de ses revenus qui était liée à une « activité effectivement et matériellement réalisée à Madère », à l’exclusion des revenus générés par des activités réalisées en dehors de la RAM, et cela même si elles sont exercées par des sociétés établies dans ces mêmes régions. D’autre part, il appartient aux autorités de la requérante de déterminer, sur la base d’une méthode objective, le nombre de postes de travail créés ou maintenus à Madère par chaque bénéficiaire.

182 Dans l’hypothèse où un bénéficiaire d’une « aide nouvelle » et, partant, illégale et incompatible serait identifié, la quantification du montant de l’aide à récupérer devrait être effectuée conformément à la méthodologie énoncée par la Commission au considérant 216 de la décision attaquée.

183 En conséquence, le septième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

5. Sur le huitième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

184 Par son huitième moyen, la requérante estime que la Commission a violé le principe de proportionnalité en adoptant une approche restrictive et rétroactive des deux conditions litigieuses, compte tenu des effets dévastateurs de cette approche et de l’absence de pratique décisionnelle préalable en ce sens. Cette violation se doublerait d’une violation de son obligation de coopération loyale, prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE, et du principe de bonne administration.

185 La Commission conteste cette argumentation.

186 À cet égard, il suffit de rappeler que la suppression d’une aide illégale et incompatible par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C 164/15 P et C 165/15 P, EU:C:2016:990, point 116 et jurisprudence citée).

187 S’agissant des aides versées en application du régime III, tel que mis en œuvre, le Tribunal a déjà jugé que leur récupération n’était pas contraire au principe de proportionnalité, eu égard, notamment, au fait que cette obligation porte non pas sur l’ensemble des aides individuelles versées en application dudit régime, mais uniquement sur celles qui l’ont été en violation des décisions de 2007 et de 2013, et ce sous réserve que les bénéficiaires de celles-ci ne satisfassent pas aux conditions fixées dans un règlement de minimis ou un règlement d’exemption par catégorie, comme cela ressort des articles 1er à 3 de la décision attaquée [arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 239].

188 De plus, il est de jurisprudence constante que le fait que la récupération d’aides illégales et incompatibles soit susceptible d’entraîner la faillite des sociétés en ayant illégalement bénéficié ne saurait affecter le caractère obligatoire de cette récupération (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Commission/France, C 37/14, non publié, EU:C:2015:90, point 84 et jurisprudence citée).

189 Par ailleurs, en ce que la requérante se prévaut, au moyen des mêmes arguments, d’une violation par la Commission de son obligation de coopération loyale prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que du principe de bonne administration, il convient de rejeter ces allégations pour les mêmes motifs.

190 En conséquence, le huitième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

6. Sur le neuvième moyen, tiré du dépassement du délai de prescription pour procéder à la récupération des aides versées

191 Par son neuvième moyen, la requérante fait valoir que, compte tenu de la date de la décision d’ouverture de la procédure formelle, qui a été notifiée à la République portugaise le 9 juillet 2018, les aides versées jusqu’au 9 juillet 2008 sont prescrites conformément à l’article 17 du règlement 2015/1589.

192 La Commission conteste cette argumentation.

193 Concernant la prescription de certaines des aides versées en application du régime III, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement 2015/1589, dans le cadre d’un régime d’aides, le délai de prescription de dix ans commence à courir le jour où l’aide illégale est effectivement octroyée à son bénéficiaire et non le jour de l’adoption du régime d’aides (voir ordonnance du 7 décembre 2017, Irlande/Commission, C 369/16 P, non publiée, EU:C:2017:955, point 41 et jurisprudence citée).

194 Selon cette même disposition, toute mesure prise par la Commission à l’égard d’une aide illégale interrompt ce délai de prescription. Tel est, en particulier, le cas des lettres adressées par la Commission aux États membres par lesquelles elle les informe qu’une mesure est susceptible d’être qualifiée d’aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C 233/16, EU:C:2018:280, points 83 et 84) ou elle leur demande de notifier une mesure (voir, en ce sens, ordonnance du 7 décembre 2017, Irlande/Commission, C 369/16 P, non publiée, EU:C:2017:955, point 42) ou encore elle leur demande de lui fournir des renseignements (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T 369/00, EU:T:2003:114, points 81 et 82).

195 Or, en l’occurrence, ainsi que le Tribunal l’a déjà souligné, il ressort des considérants 1 et 3 de la décision attaquée que la Commission a adressé à la République portugaise, le 12 mars 2015, une demande de renseignements visant à déterminer si le régime III, tel que mis en œuvre, respectait les décisions de 2007 et de 2013, avant de l’informer, le 6 juillet 2018, de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2022, Portugal/Commission (Zone Franche de Madère), T 95/21, sous pourvoi, EU:T:2022:567, point 247].

196 Ainsi, compte tenu du fait que les aides individuelles dont la Commission a ordonné la récupération par la République portugaise sont celles versées en application du régime III, qui a été initialement notifié le 28 juin 2006, puis autorisé le 27 juin 2007 avant d’être mis en œuvre par cet État membre, le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 ne pouvait courir avant ces dates et a été interrompu le 12 mars 2015, soit moins de dix ans après lesdites dates.

197 En conséquence, c’est à tort que la requérante fait valoir que les aides versées jusqu’au 9 juillet 2008 sont prescrites.

198 En tout état de cause, le seul fait que certaines aides individuelles versées en application d’un régime d’aides, dont une décision de la Commission constate le caractère illégal et incompatible avec le marché intérieur, soient prescrites ne saurait emporter l’annulation de cette décision. En effet, s’agissant des régimes d’aides, il appartient aux autorités nationales sur lesquelles pèse l’obligation de récupération immédiate et effective desdites aides de déterminer, au regard des circonstances particulières propres à chaque bénéficiaire d’un régime d’aides, si chacun des bénéficiaires doit effectivement restituer ladite aide (voir, par analogie, arrêt du 13 février 2014, Mediaset, C 69/13, EU:C:2014:71, point 22).

199 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le neuvième moyen comme étant non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par la requérante.

 Sur les dépens

200 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Região Autónoma da Madeira est condamnée aux dépens.