TUE, 4e ch., 21 juin 2023, n° T-748/21
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hangzhou Dingsheng Industrial Group Co., Dingheng New Materials Co., Thai Ding Li New Materials Co.
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. da Silva Passos
Juges :
M. Gervasoni, Mme Reine (rapporteure)
Avocats :
Me Coppo, Me Pregno
Conclusions des parties
13 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne ;
– condamner la Commission aux dépens.
14 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
[omissis]
Sur le premier moyen, tiré de la violation du règlement de base par l’ouverture de l’enquête anticontournement
Observations liminaires
[omissis]
29 En outre, l’article 13, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de base dispose que « [l]es dispositions de procédure correspondantes du présent règlement concernant l’ouverture et la conduite des enquêtes s’appliquent dans le cadre du présent article ». Il s’ensuit que l’article 5 dudit règlement, intitulé « Ouverture de la procédure » trouve application en l’espèce.
30 Ainsi, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. Par ailleurs, certaines contraintes d’ordre procédural s’imposant à la Commission au titre dudit règlement peuvent s’opposer à ce que cette dernière procède à des vérifications et analyses exhaustives des renseignements fournis dans la plainte. Ainsi, la Commission ne dispose, en vertu de l’article 5, paragraphe 9, de ce règlement, que de 45 jours à compter du dépôt de la plainte pour décider de l’ouverture de l’enquête. Ce délai peut se révéler insuffisant pour procéder à des vérifications et analyses complètes de tous les renseignements figurant dans la plainte. Un tel devoir de vérification et d’analyse risquerait également de rendre la plainte publique avant même la publication de l’avis d’ouverture, ce qui méconnaîtrait l’article 5, paragraphe 5, du même règlement (arrêts du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T 199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, points 96 et 97, et du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T 67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 86).
31 À cet égard, il y a lieu de souligner que la quantité et la qualité des éléments de preuve nécessaires pour satisfaire au critère du caractère suffisant des éléments de preuve aux fins de l’ouverture d’une enquête sont différentes de celles qui sont nécessaires aux fins d’une détermination finale de l’existence d’un contournement. Par conséquent, des éléments de preuve qui seraient insuffisants, du point de vue de la quantité ou de la qualité, pour justifier une détermination finale de l’existence d’un contournement, peuvent néanmoins être suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T 67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 98). Ainsi, l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base n’oblige pas la Commission à s’engager dans une analyse de l’ensemble des informations disponibles, qui serait propre à une enquête selon l’article 6 du règlement de base (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T 199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 106). En effet, il n’est pas exigé que les renseignements fournis dans la plainte constituent une preuve irréfutable de l’existence des faits allégués. Par ailleurs, le caractère suffisant desdits renseignements dépend des circonstances de chaque affaire et doit, par conséquent, être apprécié au cas par cas. De plus, il n’est pas exigé que la plainte contienne une analyse des renseignements (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T 199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, points 94 et 95).
[omissis]
Sur l’absence d’éléments de preuve suffisants relatifs à la modification de la configuration du commerce
[omissis]
44 Il convient de rappeler que la définition du « contournement » est formulée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base en des termes très généraux qui laissent une large marge d’appréciation aux institutions de l’Union, aucune précision n’étant donnée quant à la nature et aux modalités de la « modification de la configuration du commerce entre les pays tiers et l’Union » (arrêts du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C 21/13, EU:C:2014:2154, point 48, et du 8 juin 2022, Guangxi Xin Fu Yuan/Commission, T 144/20, non publié, EU:T:2022:346, point 145).
45 En l’espèce, en premier lieu, il ressort de la plainte que, en 2017, ce qui correspond à l’année d’adoption du règlement d’exécution 2017/271, par lequel le droit antidumping définitif a été étendu à l’ensemble des produits concernés, les exportations vers l’Union depuis la Thaïlande ont atteint une quantité globale de 375 t, par opposition aux 25 t exportées depuis ce pays tiers en 2016. De surcroît, en 2018, le volume desdites exportations a grimpé à 3417 t pour atteindre un niveau global de 7240 t en 2019.
46 Les requérantes ne contestent pas la réalité de ces données. En revanche, elles soutiennent que celles-ci se rapportent aux codes NC 7607 11 19 et NC 7607 11 90 de la nomenclature combinée, qui concerneraient une grande variété de produits non limités aux produits concernés.
47 Certes, les codes NC 7607 11 19 et NC 7607 11 90 de la nomenclature combinée comprennent, outre les produits concernés, d’autres produits tels que les feuilles d’aluminium destinées à la transformation.
48 Cependant, les requérantes admettent, sans toutefois fournir plus de précisions, que le code NC 7607 11 19 de la nomenclature combinée couvrait les types de produits les plus représentatifs. De plus, compte tenu de l’augmentation considérable, en l’espace de trois années, du volume d’importations des feuilles d’aluminium, y compris celles qui étaient destinées à un usage domestique et à la transformation, ce volume étant 289 fois plus élevés depuis l’extension du droit antidumping définitif en 2017, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il existait des éléments de preuve suffisants relatifs à la modification de la configuration du commerce, ou à tout le moins d’un risque de contournement relatif aux produits concernés.
49 En effet, d’une part, compte tenu de l’augmentation des importations de feuilles d’aluminium depuis la Thaïlande, il était vraisemblable que la proportion des produits concernés dans ladite augmentation était tout aussi importante. Or, les requérantes n’ont pas soutenu que lesdites importations portaient quasi exclusivement sur des produits différents des produits concernés, tels que les feuilles d’aluminium destinées à la transformation. D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, l’imposition d’un droit antidumping peut être fondée sur un risque de contournement dans la mesure où un tel risque est avéré et n’est pas uniquement hypothétique. À la lumière de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, ces principes s’appliquent à fortiori dans l’hypothèse de l’ouverture d’une enquête anticontournement. Compte tenu de ce qui précède, la Commission pouvait considérer que, à tout le moins, un tel risque était présent au moment de l’ouverture de ladite enquête.
50 En deuxième lieu, la plainte contient des statistiques relatives aux importations en Thaïlande de la matière première depuis la Chine, à savoir des bobines de feuilles d’aluminium et des rouleaux jumbo, qui seraient utilisés pour la production des produits concernés en Thaïlande et qui contribueraient à l’exportation des produits concernés vers l’Union. D’une part, il en ressort que, entre 2016, ce qui correspond à l’année d’adoption du règlement d’exécution 2016/865, par lequel l’enquête anticontournement a été ouverte à l’égard des produits concernés faisant l’objet d’enregistrement, et 2019, les importations de feuilles d’aluminium, relevant du code SH 7607 11 du système harmonisé, ont connu une augmentation annuelle comprise entre près de 9 % et 32 %. D’autre part, entre 2015 et 2018, les importations de plaques, feuilles et bandes en alliages d’aluminium, relevant du code SH 7606 12 du système harmonisé, depuis la Chine vers la Thaïlande ont augmenté entre 13 % et 18 %, pour ensuite diminuer de 22 % en 2019.
51 Ces statistiques viennent étayer l’augmentation considérable des exportations des produits concernés depuis la Thaïlande vers l’Union. En effet, la Commission pouvait s’appuyer sur ces données pour considérer que les importations depuis la Chine vers la Thaïlande étaient susceptibles de soutenir la production des produits concernés au sein de ce dernier pays, afin qu’ils soient exportés vers l’Union en contournement du droit antidumping imposé aux exportations des produits concernés depuis la Chine. Or, même si les codes SH 7606 12 et SH 7607 11 du système harmonisé incluent, certes, des produits plus vastes que les seuls produits concernés, par analogie aux motifs exposés au point 48 ci-dessus, cela ne saurait conduire à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission aux fins de l’ouverture de l’enquête anticontournement. Une telle erreur est d’autant moins démontrée que, conformément à la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, il n’est pas exigé que les renseignements fournis dans la plainte constituent une preuve irréfutable de l’existence des faits allégués.
52 Au demeurant, force est de constater que, dans la requête, les requérantes ne contestent pas les constatations de la Commission relatives aux opérations d’assemblage et, par conséquent, la réalité des importations en Thaïlande de matière première depuis la Chine.
53 En effet, ce n’est qu’au stade de la réplique que les requérantes ont soulevé des contestations quant à l’existence d’opérations d’assemblage.
54 Or, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
55 En outre, selon la jurisprudence, l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable également aux griefs ou aux arguments qui ne constituent pas l’amplification de moyens ou de griefs présentés dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T 164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).
56 Enfin, il convient de relever que les constatations de la Commission relatives aux opérations d’assemblage figurent au considérant 9 du règlement d’ouverture et aux considérants 42, 79 à 82 du règlement attaqué, dont il était également fait état dans la plainte.
57 Par conséquent, les requérantes étaient pleinement en mesure de contester ces constatations dans la requête.
58 Partant, les arguments des requérantes relatifs à l’existence d’opérations d’assemblage, invoqués dans la réplique, qui ne constituent pas l’amplification du présent grief présenté dans la requête, sont irrecevables en application de l’article 84 du règlement de procédure.
59 En tout état de cause, les requérantes se limitent dans la réplique à indiquer que, dans leurs infrastructures thaïlandaises, elles transformaient des bobines de feuilles d’aluminium en feuilles d’aluminium. Il n’y aurait donc aucun « assemblage » de pièces distinctes pour créer un nouveau produit individuel. Toutefois, elles n’étayent aucunement leurs allégations.
60 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas valablement remis en cause les faits relatifs à l’assemblage des produits concernés et, par voie de conséquence, aux importations de matière première en Thaïlande depuis la Chine.
61 En troisième lieu, il convient de rappeler que l’exigence relative à la substitution des importations originaires du pays soumis au droit antidumping par celles en provenance du pays de contournement, en tant que condition nécessaire à l’existence d’un contournement, ne figure pas à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base (arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C 21/13, EU:C:2014:2154, point 47).
62 Par conséquent, les requérantes ne sauraient valablement tirer argument de ce qu’il n’était pas démontré que les exportations de la République populaire de Chine vers l’Union avaient été remplacées par des exportations depuis la Thaïlande vers l’Union.
63 En quatrième lieu, s’agissant des statistiques prétendument dépassées figurant dans la plainte, tout d’abord, à la lumière des considérations exposées au point 24 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel elle a recueilli des données plus détaillées concernant la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020 dans la mesure où elle ne l’a pas démontré.
64 Toutefois, il ressort des données figurant dans la plainte que la Commission s’est fondée sur un faisceau d’indices concordants pour conclure à l’existence d’un contournement et que la modification de la configuration des échanges entre la Thaïlande et l’Union a coïncidé avec l’ouverture de l’enquête anticontournement en 2016 et l’extension du droit antidumping aux produits concernés en provenance de Chine en 2017. Cette coïncidence dans le temps constitue un indice important permettant d’établir un lien logique et raisonnable entre l’augmentation considérable des importations vers l’Union en provenance de la Thaïlande et l’enquête anticontournement précédente (voir arrêt du 8 juin 2022, Guangxi Xin Fu Yuan/Commission, T 144/20, non publié, EU:T:2022:346, point 159 et jurisprudence citée).
65 En outre, il ressort de la plainte que, au moment de l’ouverture de l’enquête anticontournement, les informations dont disposait la Commission semblaient indiquer que d’importantes opérations d’assemblage du produit concerné avaient lieu en Thaïlande (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C 21/13, EU:C:2014:2154, point 53).
66 Dès lors, la Commission pouvait se fonder sur les seules informations figurant dans la plainte aux fins de l’ouverture de l’enquête anticontournement.
67 Dans ces conditions, même si, ainsi qu’il est conclu au point 63 ci-dessus, la Commission n’a pas démontré avoir recueilli des données plus détaillées concernant la période entre le 1er juillet 2019 et le 30 juin 2020, conformément aux principes cités au point 22 ci-dessus, elle n’y était pas tenue dans la mesure où la plainte contenait des éléments de preuve suffisants, sans qu’il soit nécessaire de recueillir de telles données plus détaillées.
68 Par ailleurs, il convient d’observer que, dans le cadre d’une contestation de l’appréciation de la Commission, une partie requérante ne peut se borner à proposer son interprétation des différents facteurs économiques, mais doit préciser les raisons pour lesquelles la Commission aurait dû aboutir, sur la base de ces facteurs, à une conclusion différente quant à l’existence d’un contournement (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T 67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 54). Il en va d’autant plus ainsi au stade de l’ouverture d’une enquête qui peut être justifiée dès l’existence d’un risque de contournement conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base.
69 Or, en l’espèce, d’une part, les requérantes n’ont pas remis en cause les constatations factuelles ou les données chiffrées figurant dans la plainte, et sur lesquelles la Commission s’est appuyée. D’autre part, elles se sont bornées à indiquer que les statistiques d’exportation étaient dépassées. Elles n’ont toutefois pas apporté le moindre élément de preuve de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en utilisant des statistiques couvrant la période allant de 2015 à 2019. Elles n’ont pas non plus fourni de statistiques plus récentes afin d’étayer leurs allégations, alors qu’elles soutiennent que celles-ci pouvaient être aisément obtenues par le plaignant.
70 De surcroît, les données plus récentes, figurant dans les tableaux 1 et 2 du document d’information générale du 24 juin 2021, reproduits aux considérants 44 et 48 du règlement attaqué, démontrent que, au cours de la période de référence, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, tant les exportations de rouleaux jumbo de la Thaïlande vers l’Union que les exportations de matières premières de la Chine vers la Thaïlande ont connu une augmentation. Dès lors, en tout état de cause, les requérantes n’auraient pas pu trouver d’appui dans ces statistiques plus récentes.
71 À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.
Sur l’absence d’éléments de preuve relatifs à la neutralisation des effets correctifs des droits d’origine
[omissis]
74 Il convient de constater que, pour établir l’existence d’un contournement, l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base se réfère au maintien des effets correctifs du droit antidumping en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires. Il découle de ce critère qu’il suffit que de tels effets correctifs soient établis, de manière alternative, soit en termes de prix de produits similaires, soit en termes de quantités de tels produits.
75 En l’espèce, il ressort de la plainte que les allégations relatives à la neutralisation des effets correctifs des droits d’origine sont fondées, non seulement sur un raisonnement sur les prix de produits similaires, mais aussi sur des facteurs relatifs aux quantités importées de tels produits dans l’Union depuis la Thaïlande.
76 Dans la réplique, les requérantes admettent qu’elles n’ont pas soulevé d’argument particulier sur la neutralisation des effets correctifs des mesures antidumping par rapport aux quantités de produits similaires. Elles justifient néanmoins cette omission par le fait qu’il s’agit du corollaire logique de leurs arguments relatifs aux statistiques inexactes et dépassées fournies dans la plainte.
77 À cet égard, d’une part, à la lumière des considérations exposées aux points 54 et 55 ci-dessus, cet argument doit être rejeté comme tardif dans la mesure où il ressort de la plainte et du considérant 10 du règlement d’ouverture que l’enquête anticontournement a été ouverte, notamment, en raison des effets correctifs des mesures antidumping existantes neutralisés également en termes de quantités. Dès lors, les requérantes étaient en mesure d’invoquer des arguments à cet égard au stade de la requête.
78 D’autre part, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde doivent ressortit, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété dans la réplique, cela ne saurait pallier l’absence d’éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de la disposition rappelée ci-dessus, doivent figurer dans la requête. La requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. En effet, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, l’exposé sommaire des moyens de la partie requérante doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la juridiction compétente de statuer sur le recours. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T 352/94, EU:T:1998:103, point 333, et du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T 199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 110).
79 Par conséquent, les requérantes ne sauraient se prévaloir d’une corrélation logique qui ne ressort pas clairement de la requête.
80 Partant, les arguments des requérantes relatifs à la neutralisation des effets correctifs des mesures antidumping par rapport aux quantités, invoqués pour la première fois dans la réplique, alors qu’ils auraient pu l’être dans la requête et qui ne constituent pas l’amplification du présent grief présenté dans la requête, doivent être rejetés comme irrecevables.
81 Il s’ensuit que, le présent grief ne s’appuie que sur un raisonnement relatif aux prix de produits similaires, alors que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, la Commission était en droit de se référer uniquement à la neutralisation des effets correctifs en termes de quantités de produits similaires, sans être tenue de se référer également aux prix de tels produits.
82 Dès lors, le présent grief, étant formulé uniquement en termes de prix de produits similaires, doit être rejeté comme inopérant.
Sur l’absence d’éléments de preuve relatifs à l’existence d’un dumping
[omissis]
85 À la lumière de la conclusion figurant au point 24 ci-dessus, il convient d’analyser le présent grief en tenant compte des éléments de preuve et des renseignements figurant dans la seule plainte.
86 Cela étant, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, l’existence d’un contournement des mesures antidumping est établie, notamment, lorsqu’il existe des éléments de preuve d’un dumping en liaison avec la valeur normale précédemment établie pour les produits similaires.
87 S’agissant de la détermination de la valeur normale, il ressort de la plainte que la démonstration de l’existence d’un dumping reposait sur les données utilisées dans le cadre du règlement d’exécution 2015/2384 au titre de l’expiration des mesures.
88 Il en résulte que la plainte a pris en compte la valeur normale précédemment établie.
89 À cet égard, d’une part, il convient de relever que, selon la jurisprudence, le règlement de base n’impose pas, lorsque le produit concerné contient plusieurs types de produits, comme c’est le cas en l’espèce, que la plainte fournisse des renseignements sur l’ensemble de ces types de produits. Il découle plutôt de l’article 13, paragraphes 1 et 3, dudit règlement que les éléments de preuve relatifs à un dumping du produit dans son ensemble doivent être suffisants pour que la Commission puisse conclure qu’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture de l’enquête. Ainsi, des éléments de preuve relatifs à un dumping d’une sous-catégorie insignifiante du produit importé ne seraient pas suffisants dans ce contexte (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T 199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 100).
90 Or, les requérantes n’ont pas soutenu que le produit visé dans le règlement d’exécution 2015/2384, à savoir les feuilles et les bandes minces en aluminium, d’une épaisseur non inférieure à 0,008 mm et non supérieure à 0,018 mm, sans support, simplement laminées, présentées en rouleaux d’une largeur ne dépassant pas 650 mm, d’un poids supérieur à 10 kilogrammes, constitue une sous-catégorie insignifiante des produits concernés.
91 D’autre part, il convient également de vérifier si, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, dans la plainte, la valeur normale établie portait sur des produits similaires, à savoir les produits concernés, au produit visé dans le règlement d’exécution 2015/2384.
92 Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, « [l]es droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées ».
93 À la lumière de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, les produits énumérés au point 7 ci-dessus, auxquels le droit antidumping initial a été étendu par le règlement d’exécution 2017/271, doivent être considérés comme étant similaires au produit visé dans le règlement d’exécution 2015/2384.
94 Il convient également de rappeler que la détermination du produit similaire relève de l’exercice du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions et fait donc l’objet d’un contrôle restreint (voir arrêt du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T 459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 71 et jurisprudence citée).
95 Il s’ensuit que la prise en compte, dans la plainte, de la valeur normale précédemment établie pour le seul produit visé dans le règlement d’exécution 2015/2384, est conforme à l’article 13 du règlement de base.
96 Dès lors, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, s’appuyer sur les données figurant dans la plainte relatives à la valeur normale précédemment établie dans le règlement d’exécution 2015/2384.
97 S’agissant de la détermination du prix à l’exportation, il ressort de la plainte que ce prix a été déterminé en référence aux produits relevant du code NC 7607 11 19 de la nomenclature combinée.
98 Certes, ainsi que le soutiennent les requérantes, les produits relevant du code NC 7607 11 19 de la nomenclature combinée recouvrent une grande variété de produits qui ne sont pas limités aux produits concernés.
99 Toutefois, les requérantes reconnaissent elles-mêmes que le code NC 7607 11 19 de la nomenclature combinée couvrait les types de produits les plus représentatifs.
100 En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé aux points 30 et 89 ci-dessus, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base, applicable en l’espère en vertu de l’article 13, paragraphe 3, troisième alinéa, dudit règlement, la Commission doit déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants, appréciés dans leur ensemble, justifiant l’ouverture d’une enquête. Or, compte tenu des considérations exposées dans le cadre du présent moyen, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que la plainte contenait des éléments de preuve suffisants et se fonder sur un faisceau d’indices concordants pour décider d’ouvrir l’enquête antidumping (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C 21/13, EU:C:2014:2154, point 52). À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, le critère juridique qu’il convient d’appliquer conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base n’est pas en tant que tel le caractère exact et adéquat des éléments de preuve, mais bien leur caractère suffisant.
101 En outre, d’une part, selon la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, la définition du terme « contournement » est formulée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base en des termes très généraux qui laissent une large marge d’appréciation aux institutions de l’Union. Ce principe doit s’appliquer à plus forte raison dans le cadre de l’ouverture d’une enquête anticontournement prévue à l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement.
102 D’autre part, ainsi qu’il a été exposé aux points 31, 34 et 49 ci-dessus, la Commission pouvait se fonder sur un risque de contournement sans qu’il soit exigé que les renseignements fournis dans la plainte constituent une preuve irréfutable de l’existence des faits allégués. En effet, une enquête antidumping est un processus au cours duquel l’administration acquiert graduellement la certitude de l’existence de tous les éléments nécessaires à l’adoption d’une mesure au fur et à mesure que progresse l’enquête [voir, en ce sens, dans le cadre de l’OMC, le rapport du groupe spécial intitulé « Mexique – Droits antidumping sur les tubes et tuyaux en acier en provenance du Guatemala », adopté le 8 juin 2007 (WT/DS331/R, paragraphe 7.22)].
103 Par conséquent, le présent grief doit être rejeté et, partant, le présent moyen dans son ensemble.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Hangzhou Dingsheng Industrial Group Co., Ltd, Dingheng New Materials Co., Ltd et Thai Ding Li New Materials Co., Ltd sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.