Cass. com., 3 novembre 2015, n° 14-14.970
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor
Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 25 mars 2011 et 31 janvier 2014), que, le 18 août 2004, les sociétés Télé-Informatique système-Satis (la société Satis) et Doux ont conclu, pour une durée de cinq ans, un contrat pour la mise en réseau d'éleveurs de volailles du groupe Doux ; que le 3 septembre suivant, un mandataire ad hoc a été désigné, à la demande de la société Satis, pour négocier un accord avec ses principaux créanciers ; que la société Doux ayant mis fin, le 22 février 2005, au contrat du 18 août 2004, le mandataire ad hoc a demandé qu'il soit mis un terme à sa mission le 25 février 2005 ; que la société Satis ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 mars 2006, et la date de cessation des paiements reportée au 9 septembre 2003, le liquidateur et M. X..., dirigeant de la société Satis, ont recherché la responsabilité de la société Doux pour rupture abusive du contrat ; que par un arrêt du 25 mars 2011, la cour d'appel a retenu que la société Doux avait rompu fautivement le contrat et ordonné une expertise sur le préjudice ; que la société Doux a été mise en redressement judiciaire le 15 juin 2012 ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 mars 2011 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que M. Z..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Satis, et M. X..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable de cette société, se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 25 mars 2011, et contre celui du 31 janvier 2014 ;
Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 25 mars 2011, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 31 janvier 2014 :
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Z..., ès qualités, et M. X...font grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de chance de survie de l'entreprise alors, selon le moyen :
1°/ que toute perte de chance, même réduite, doit être réparée ; qu'en se bornant, pour débouter la liquidation judiciaire de la société Satis de sa demande tendant à l'indemnisation d'une perte de chance de survie, à relever, d'une part, que l'apport de Monsieur Y...et les revenus générés par le contrat Doux n'auraient pas pu permettre à la société Satis de combler ses besoins financiers, et, d'autre part, que l'étalement des dettes bancaires n'exonérait pas la société Satis de toute obligation de remboursement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le plan de règlement amiable, devenu caduc par la faute de la société Doux, ne donnait pas une chance, même réduite, à la société Satis de poursuivre son activité et d'éviter la liquidation judiciaire en raison des nombreux engagements qui y étaient contenus et notamment aux rééchelonnements accordés par l'ensemble de ses créanciers institutionnels, des banquiers et des fournisseurs, aux engagements de restructuration pris par la société Satis elle-même et à l'apport d'un nouvel investisseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que toute perte de chance, même réduite, doit donner lieu à réparation ; qu'en relevant que le plan de règlement amiable était fondé sur des bases « particulièrement optimistes » et en écartant toute perte de chance de survie pour la société Satis, sans jamais constater le caractère totalement irréalisable de ce plan, qui avait été rendu caduc par la rupture abusive, par la société Doux, de son contrat, ni constater le caractère irrémédiablement compromis de la société Satis, sans possibilité de redressement, à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt, après avoir relevé que le règlement amiable négocié par le mandataire ad hoc avait été établi en fonction d'évaluations particulièrement optimistes, retient qu'au jour de la signature du contrat avec la société Doux, la situation financière de la société Satis était déjà compromise et que les revenus que le contrat Doux aurait procurés n'étaient pas suffisants pour combler les besoins financiers, même avec l'apport de 150 000 euros par l'investisseur, l'étalement des dettes bancaires sur sept ans ne dispensant pas la société Satis de rembourser chaque année les banques et donc de dégager suffisamment de résultat à cet effet ; que par ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le règlement amiable n'avait pas de chance raisonnable d'aboutir, la cour d ¿ appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Z..., ès qualités, et M. X...font également grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation personnelle de M. X...alors, selon le moyen :
1°/ que toute perte de chance, même réduite, doit être réparée ; qu'en se bornant, pour débouter M. X...de sa demande indemnitaire, à relever que la société Doux n'avait pas fait perdre à la société Satis une perte de chance de survie, puisque d'une part, l'apport de Monsieur Y...et les revenus générés par le contrat Doux n'auraient pas pu permettre à la société Satis de combler ses besoins financiers, et, d'autre part, l'étalement des dettes bancaires n'exonérait pas la société Satis de toute obligation de remboursement, ce qui allait de soi, sans rechercher si le plan de règlement, devenu caduc par la faute de la société Doux, ne donnait pas une chance à la société Satis de poursuivre son activité et d'éviter la liquidation judiciaire en raison des nombreux engagements qui y étaient contenus et notamment aux rééchelonnements accordés par l'ensemble de ses créanciers institutionnels, des banquiers et des fournisseurs, aux engagements de restructuration pris par la société Satis elle-même et à l'apport d'un nouvel investisseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que toute perte de chance, même réduite, doit donner lieu à réparation ; qu'en relevant que le plan de règlement amiable était fondé sur des bases « particulièrement optimistes » et en écartant toute perte de chance de survie pour la société Satis, sans jamais constater le caractère totalement irréalisable de ce plan, qui avait été rendu caduc par la rupture abusive, par la société Doux, de son contrat, ni constater le caractère irrémédiablement compromis de la société Satis, sans possibilité de redressement, à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que, parmi les jugements de condamnation invoqués par M. X...pour démontrer qu'il avait été actionné en qualité de caution, par plusieurs établissements bancaires, à la suite de la liquidation judiciaire de la société Satis, la grande majorité d'entre eux concernaient des actes conclus antérieurement au 9 septembre 2003, soit avant la date à laquelle l'état de cessation des paiements avait été fixée ; qu'en se fondant dès lors, pour débouter M. X...de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, sur la circonstance inopérante suivant laquelle « il ne peut être reproché à la société Doux les conséquences du fait que M. X...avait poursuivi l'exploitation de la société Satis bien au-delà de la cessation des paiements et qu'il avait, pour ce faire, apporté des fonds à l'entreprise, notamment en contractant des prêts personnels et en prenant des engagements de caution personnelle », cependant que la grande majorité des actes de cautionnement pris par M. X...n'étaient nullement concernés par une telle critique en ce qu'ils avaient été pris antérieurement à la date de cessation des paiements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ qu'en déboutant M. X...de sa demande indemnitaire au motif qu'il ne peut être reproché à la société Doux les conséquences du fait qu " il avait poursuivi l'exploitation de la société Satis bien au-delà de la cessation des paiements et qu'il avait, pour ce faire, apporté des fonds à l'entreprise, notamment en contractant des prêts personnels et en prenant des engagements de caution personnelle, sans préciser en quoi cette circonstance, et en particulier le fait de se porter caution en période suspecte, aurait été fautif de la part de M. X..., dans un contexte ou un plan de redressement amiable avait été conclu, où la poursuite de l'activité était parfaitement envisageable et où la responsabilité de M. X...n'avait jamais été mise en cause par l'un quelconque des organes de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que M. X...invoquait un préjudice par ricochet en sa qualité de caution ; que le deuxième moyen ayant été rejeté, le troisième est devenu inopérant ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 25 mars 2011 ;
Et sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 31 janvier 2014 :
REJETTE le pourvoi.