Cass. com., 13 février 2007, n° 03-13.577
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Orsini
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin, SCP Nicolaÿ et de Lanouvelle, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 février 2003), que M. X..., agissant en qualité de représentant des créanciers des sociétés Etablissements Bach, Bailly, Bugaud, Saonagri, L'Epi et de la société financière Bach, mises en redressement judiciaire les 16 juin et 30 juillet 1991, ainsi qu'en qualité de commissaire à l'exécution du plan des sociétés Etablissements Bach, Bailly, Bugaud, et L'Epi et en qualité de liquidateur de la société Saonagri et de la société financière Bach (le groupe Bach), a mis en cause la responsabilité personnelle de MM. Y... et Z..., commissaires aux comptes de ces sociétés et M. A..., expert-comptable, et sollicité leur condamnation à payer l'insuffisance d'actif des sociétés du groupe Bach à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande à l'encontre de MM. Y... et Z... et des Mutuelles du Mans irrecevable comme prescrite alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en responsabilité pour contribution à la diminution de l'actif ou à l'aggravation du passif du débiteur exercée par les organes de la procédure collective contre le commissaire aux comptes de la société n'est pas soumise à la courte prescription de droit strict de l'article L. 225-254 du code de commerce ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles L. 225-254, L. 621-39 et L. 621-68 du code de commerce ;
2°/ que la prescription triennale de l'action en responsabilité du commissaire aux comptes - à la supposer applicable en l'espèce - ne court que du jour où le fait dommageable est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant à la victime d'exercer l'action en responsabilité ; qu'en fixant le point de départ de la prescription triennale de l'action en responsabilité des commissaires aux comptes à la date de la dernière certification des comptes, date à laquelle le fait dommageable même non volontairement dissimulé ne pouvait être constaté par les créanciers de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 225-242 et L. 225-254 du code de commerce ;
3°/ que la fausse certification des comptes par le commissaire aux comptes, définitivement consacrée par le juge pénal, constitue, à elle seule, une dissimulation volontaire du fait dommageable résultant de la carence des commissaires aux comptes dans le contrôle des comptes de la société ; qu'en fixant le point de départ de l'action en responsabilité du commissaire aux comptes pour défaut de contrôle des comptes de la société, non pas au jour de la révélation de cette carence, mais au jour de la dernière fausse certification des comptes de la société dissimulant cette carence, la cour d'appel a violé les articles L. 225-242 et L. 225-254 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient à bon droit que l'action en responsabilité engagée par M. X..., ès qualités, contre les commissaires aux comptes des sociétés du groupe Bach était soumise aux dispositions des articles L. 225-242 et L. 225-254 du code de commerce, ce dont il résultait que le délai de prescription de trois ans, prévu par les textes susvisés, lui était applicable ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que si le fait dommageable invoqué à l'encontre de MM. Y... et Z... ne peut résulter que de la certification des comptes à laquelle ceux-ci ont procédé et que si l'insuffisance de diligences et de contrôles qui leur est imputée constituerait, si elle était établie, une faute engageant leur responsabilité, les négligences, de la nature de celles qui sont invoquées, ne sauraient à elles seules être regardées comme une dissimulation, laquelle implique la volonté du commissaire aux comptes de cacher des faits dont il a connaissance par la certification des comptes ; qu'il ajoute qu'il découle des décisions pénales que MM. Y... et Z... n'ont pas cherché à cacher les faits dont ils avaient connaissance ni qu'au cours de ses opérations, M. Z... ait découvert les graves irrégularités et dissimulations comptables qui faussaient le bilan ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X..., ès qualités, fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en responsabilité exercée par les organes de la procédure collective contre les tiers responsables de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif, et qui tend au remboursement de l'insuffisance d'actif du débiteur dans l'intérêt collectif des créanciers porte sur une créance distincte de celle dont disposaient les créanciers dans leur intérêt individuel avant l'ouverture de la procédure collective ; que les conditions de la prescription de cette action doivent dès lors être appréciées non pas en fonction de la possibilité d'agir des créanciers, mais en fonction de la possibilité d'agir des organes de la procédure collective ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles L. 621-39 et L. 621-68 du code de commerce ;
2°/ que la prescription de l'action qui tend au remboursement de l'insuffisance d'actif du débiteur ne peut courir qu'après l'ouverture de la procédure collective et lorsque les organes de la procédure seuls compétents sont en mesure d'agir ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 2251 et 2257 du code civil ;
Mais attendu que l'action en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que l'ouverture d'une procédure collective est sans effet sur le point de départ de cette prescription ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir sursis à statuer sur les demandes dirigées contre M. A... jusqu'à l'issue de la procédure engagée par M. X..., ès qualités, contre les banques du groupe Bach alors, selon le moyen :
1°/ que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité ; qu'en estimant que la condamnation des banques à réparer l'intégralité du préjudice serait de nature à influer sur l'appréciation du préjudice dans le cadre de l'action en responsabilité dirigée contre M. A..., la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1203 du code civil ;
2°/ que les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 1204 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que le sursis à statuer a été prononcé, non pas en application d'une règle de droit, mais dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge en vue d'une bonne administration de la justice ; que le moyen est, par application de l'article 380-1 du nouveau code de procédure civile, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.