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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. civ., 25 mai 2023, n° 19/06196

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Promalliance (SARL)

Défendeur :

OCMJ (Selas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sainati

Conseillers :

M. Durand, Mme Wattraint

Avocats :

Me Bertrand, Me Beauregard, Me Lasry

TGI Montpellier, du 25 juill. 2019, n° 1…

25 juillet 2019

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] était propriétaire d'un terrain agrémenté d'une maison d'habitation à [Localité 4].

Par acte du 22 décembre 2011 il a vendu son bien à la société Promalliance afin que celle-ci procède à la construction d'un immeuble à usage d'habitation sur ce terrain pour un prix fixé à 540 000 euros.

Il a été convenu à l'acte que le paiement du prix interviendra par la remise à l'acquéreur des lots n°14, 15, 16, 19, 20 et 21 au sein de l'immeuble « Les Jardins de l'Ortet ».

L'ouvrage a été édifié et les lots promis à l'acte de vente livrés au requérant qui les occupent depuis le 16 septembre 2014, de sorte que la dation en paiement est intervenue et l'opération est parfaite à la date de la livraison des lots de copropriété.

Cependant, le notaire instrumentaire a indiqué vouloir donner quittance du prix de la vente dans un second acte dont seul un projet a été établi, acte auquel il n'a pas été donné suite par la faute de la société Promalliance.

Cette dernière a fait l'objet d'une procédure collective selon jugement d'ouverture du tribunal de commerce de Montpellier du 13 mai 2016 convertie en liquidation judiciaire par décision du 1er juillet 2016, avec désignation de Me [A] en qualité de mandataire liquidateur.

Monsieur [X] a déclaré sa créance le 13 juillet 2016. Il estime avoir intérêt à régulariser la situation de sa propriété des biens litigieux, d'autant que la société Promalliance apparaît toujours comme propriétaire à la conservation des hypothèques et aussi que les appels de fonds de la copropriété sont toujours adressés à la société Promalliance.

Sur autorisation accordée par ordonnance présidentielle en date du 9 novembre 2016, par actes d'huissiers en date des 9 et 16 décembre 2016, les époux [X] ont fait donner assignation à jour fixe à la société Promalliance et à Me [A] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Promalliance, à comparaître devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par acte d'huissier en date du 25 juin 2018, M. [X] a fait dénoncer l'assignation en date du 9 décembre 2016 et donné assignation à Me [S] [K] et à la SCP [I] [K] et [Y] [K] aux fins de constatation de la vente et à titre subsidiaire, de condamnation du notaire à lui payer la somme de 543 757 euros au titre du prix de vente.

Le 6 décembre 2018, la jonction entre les deux procédures est intervenue sous le N°17/00172 du répertoire général par simple mention au dossier.

Par jugement contradictoire du 25 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- constaté que le prix de vente convenu à l'acte authentique du 22 décembre 2011 a été payé par dation des lots de copropriété n°14, 15, 16, 19, 20 et 21 au sein de l'ensemble immobilier comprenant deux bâtiments A et B désigné « Les Jardins de l'Ortet » sis au [Adresse 7], figurant au cadastre sous les références : section CL, n°[Cadastre 2], [Adresse 13] d'une contenance de 06 ares 58 centiares à [Localité 4] ;

- constaté que lesdits lots ont été livrés le 4 octobre 2014 à M. [C] [X] ;

- constaté que M. [C] [X] est depuis le 4 octobre 2014 le propriétaire des lots n°14, 15, 16, 19, 20 et 21 dans les copropriétés « Les Jardins de l'Ortet » à [Localité 4] ;

- dit que le présent jugement vaut constatation de la livraison et de la dation des dits lots et qu'il sera publié au service de la publicité foncière comme valant titre recognitif authentique, en marge de l'acte de Me [Y] [K], notaire associé de la SCP [S] [K] et [Y] [K], notaire à Montagnac (Hérault), du 22 décembre 2011 publié au service de la publicité foncière de Montpellier 1er bureau le 8 février 2012, volume 2012 P, numéro 3848 ;

- dit que ces formalités seront accomplies aux frais avancés de M. [C] [X] pour le compte de la société Promoalliance en liquidation judiciaire qui en supportera le coût final ;

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- condamné Me [A] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Promalliance aux entiers dépens de la procédure.

Le 12 septembre 2019, Me [A] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Promalliance et la SARL Promalliance ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre des époux [X].

Vu les dernières conclusions de la Selas OCMJ (mandataire judiciaire désigné à ces fonctions en remplacement de Me [A]) et de la société Promalliance remises au greffe le 2 décembre 2022; au terme desquelles ils sollicitent la réformation du jugement et à titre reconventionnel, ils demandent de condamner solidairement entre eux les époux [X] à payer à la SELAS OCMJ ès qualités les sommes suivantes :

- 76 000 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période juillet 2016-septembre 2019, sauf à parfaire,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- les entiers frais et dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Denis Bertrand, Avocat en vertu de l'article 699 du CPC.

Vu les dernières conclusions des époux [X] remises au greffe le 24 février 2023; au terme desquelles ils sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation des appelants au paiement d'une somme de 15 000 euros à chacun des concluants à titre de dommages-intérêts.

Subsidiairement, considérant la responsabilité des notaires instrumentaires, ils demandent leur condamnation au paiement de la somme de 543 757 euros correspondant au montant du prix de vente, des impôts sur la mutation et de la contribution de sécurité immobilière.

Enfin, ils demandent la condamnation des parties succombantes au paiement de la somme de 8 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de Me [K] et de la SCP [K] & [K] remises au greffe le 6 décembre 2022; au terme desquelles ils sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de tout succombant au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 février 2023.

MOTIFS

Sur le transfert de propriété

L'article 1583 du Code civil dispose : 'la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à I ‘égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.'

En cas de dation en paiement ou d'échange, comme en cas de vente, d'une chose future, le transfert de propriété s'opère lorsque la chose est effectivement en mesure d'être livrée par celui qui doit la donner et reçue par celui à qui elle est donnée.

La règle selon laquelle l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties et rend le créancier propriétaire, s'applique à la dation en paiement.

En l'espèce, par acte authentique en date du 22 décembre 2011, passé en I ‘étude de la SCP [S] [K] et [Y] [K], notaires à Montagnac, Monsieur [C] [X] a vendu à la société Promalliance un terrain agrémenté d'une maison d'habitation situé sur la commune de Castelnau Le Lez (34170) au 849 avenue de l‘Europe, cadastrée section CL, n°[Cadastre 2], [Adresse 12] d'une contenance de 06 ares 58 centiares.

L'acte du 22 décembre 2011 mentionne : 'Le prix de vente de 540.000 euros a été convenu comme étant payable 'par dation en paiement de l'acquéreur au profit du vendeur' avec la remise de biens situés dans l'ensemble immobilier 'LES JARDINS DE L'ORTET' que l'acquéreur se proposait de construire, à savoir les lots n°14,15,16, 19, 20 et 21 déterminés de manière précise en page 4 de l'acte de vente en ces termes :

Le paiement du prix sera fait par la remise des biens suivants :

Dans l'ensemble immobilier, dénommé 'LES JARDINS DE L'ORTET', que l'acquéreur se propose de construire, les lots suivants ;

LOT NUMERO QUATORZE (14)

Dans le Bâtiment B, au RDC et au 1° étage, avec accès par le portillon à droite au fond du dégagement, un duplex de trois pièces (B1) à usage d'habitation comprenant:

Au rez-de-chaussée : un séjour avec coin cuisine, une salle de bain avec WC et un jardin-terrasse

Au 1° étage : deux chambres, une salle de bain avec WC et un dégagement. L'appartement d'une superficie de 57,43m2.

Le jardin-terrasse d'une superficie de 106,35 m2.

Et les soixante dix sept/millièmes (77/1000èmes) des parties communes générales.

LOT NUMERO QUINZE (15)

Dans le Bâtiment B, au RDC et au 1° étage, avec accès par le portillon à gauche au fond du dégagement, un duplex de trois pièces (B2) à usage d'habitation comprenant :

Au rez-de-chaussée : un séjour avec coin cuisine, une salle de bain avec WC et un jardin-terrasse.

Au 1° étage : deux chambres, une salle de bain avec WC et un dégagement.

L'appartement d'une superficie de 55,80 m2

Le jardin-terrasse d'une superficie de 110,40 m2.

Et les soixante-dix sept/millièmes (77/1000èmes) des parties communes générales.

LOT NUMERO SEIZE (16)

Dans le Bâtiment B, au 2eme étage, avec accès par la porte sur le palier ou sur la terrasse par le portillon donnant sur la terrasse sur le palier de l'attique, un appartement de trois pièces (B3) à usage d'habitation comprenant :

Au 2er étage : un séjour avec coin cuisine, deux chambres, une salle de bain avec WC et un hall en toit terrasse : une terrasse

L'appartement d'une superficie de 60,32 m2

La terrasse d'une superficie de 65,40 m2.

Et les quatre-vingt quatre/millièmes (84/1000èmes) des parties communes générales.

LOT NUMERO DIX NEUF (19)

Au sous-sol, une place de stationnement (P6)

Et les quatre millièmes (4/1000èmes) des parties communes générales.

LOT NUMERO DIX NEUF (20)

Au sous-sol, une place de stationnement (P5)

Et les quatre millièmes (4/1000èmes) des parties communes générales.

LOT NUMERO DIX NEUF (21)

Au sous-sol, une place de stationnement (P4)

Et les quatre millièmes (4/1000èmes) des parties communes générales.'

L'ouvrage a été édifié, avec une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux en date du 28 mai 2014 et un procès-verbal de réception du 23 juin 2014.

Monsieur [C] [X] s'est vu livrer tous les lots donnés en paiement le 4 octobre 2014 ainsi qu'il le déclare et en justifie, cette date de livraison n'étant pas discutée en défense.

La remise des biens convenus au titre de la dation en paiement qui a été effectuée conformément aux dispositions contractuelles rappelées ci-dessus, a opéré achèvement du transfert de propriété au profit de Monsieur [X] qui en est depuis lors le légitime propriétaire, elle vaut paiement.

C'est donc à juste raison que le premier juge a estimé que cette qualité de propriétaire ne peut pas être sérieusement remise en cause au motif que la dation en paiement aurait été à terme, ni même encore en raison de la procédure collective ouverte au bénéfice de la société PROMALLIANCE.

La dation en paiement à terme ne retarde pas le transfert de propriété : peu importe que le transfert ait été stipulé à terme dans un acte puisqu'il s'opère de plein droit au jour convenu, à savoir au jour de la livraison des lots donnés en paiement ;

Le prix de vente est intervenu et payé par dation des lots de copropriété et leur livraison le 4 octobre 2014.

Dès lors, l'ouverture de la procédure collective n'est pas de nature à faire échec au transfert de propriété, le paiement est intervenu avec la livraison des lots 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective. La déclaration de créance au titre du prix convenu par les parties s'imposait à titre conservatoire, le vendeur pouvant se prévaloir à bon droit de la dette correspondant au prix de vente tant que l'exécution de l'obligation de donner les lots en paiement n'est pas parfaite pour emporter extinction de l'obligation de payer le prix.

De même, les hypothèques judiciaires en date des 23 juillet 2015 et 18 décembre 2015 prises sur les lots litigieux par des créanciers de la société PROMALLIANCE en liquidation judiciaire, sont sans effets sur les droits de Monsieur [X] acquis à une date antérieure.

- absence qualité à agir de la société Promalliance en paiement d'une indemnité d'occupation : elle ne justifie pas s'être acquittée des charges de la copropriété ;

- responsabilité du notaire instrumentaire : a commis une faute en ce qu'il a choisi d'établir deux actes authentiques en lieu et place d'un seul acte laissant en suspend la finalisation d'une transaction.

Il sera donc constaté le transfert de propriété au profit de M. [X] des lots donnés en paiement à la date du 4 octobre 2014, avec publication de la décision au service de la publicité foncière pour son opposabilité aux tiers ; Monsieur [X] fera I ‘avance des frais de publication pour le compte de la Selas OCMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PROMALLIANCE qui en supportera le coût final conformément à la clause "FRAIS" insérée dans l'acte de vente en date du 22 décembre 2011 visant les dispositions de I'article 1593 du Code civil.

Sur les autres demandes

1) L'action formée à titre subsidiaire en responsabilité à l'encontre du notaire rédacteur de l'acte de vente apparaît donc sans objet.

2) Faute d'être propriétaire des lots litigieux depuis le 4 octobre 2014, la société PROMALLIANCE en liquidation judiciaire n'a pas qualité à agir en paiement d'une indemnité d'occupation depuis l'ouverture de la procédure collective, ce qui explique qu'elle ne justifie pas non plus avoir acquitté des charges de copropriété pour le compte du réel copropriétaire.

En conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en intégralité.

Sur les dépens et l'article 700 CPC

La Selas OCMJ et la société PROMALLIANCE, succombante, seront condamnées au paiement de la somme de 3000 euros à Me [S] [K] et à la SCP [I] [K] et [Y] [K] et 4000 euros à M.et Mme [X] et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en date du 25 juillet 2019.

En cause d'appel, condamne la Selas OCMJ et la société PROMALLIANCE à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- la somme de 3000 euros à Me [S] [K] et à la SCP [I] [K] et [Y] [K]

- la somme de 4000 euros à M.et Mme [X]

Condamne la Selas OCMJ et la société PROMALLIANCE aux entiers dépens.