CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 24 mars 2016, n° 15/14740
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Divine (SAS)
Défendeur :
Calzificio Mura SPA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Lacquemant, Mme Rey
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La Sas Divine, spécialisée dans le commerce de gros d'habillement, et la société de droit italien Calzificio Mura SPA (la société Mura), qui fabrique et commercialise des bas et collants, ont conclu en 2007 une convention de représentation selon laquelle Divine démarchait pour le compte de Mura les centrales d'achat françaises. Des liens capitalistiques se sont établis, Mura devenant, en 2012, l'associé majoritaire de Divine.
Un encours très important s'est accumulé en faveur de Mura qui a conduit à une restructuration financière de la société Divine au terme de laquelle était réalisée la dilution de la participation de Mura à son capital. Un plan de règlement de l'encours a été proposé à échéance de mars 2014.
Par acte du 4 juin 2014 , la société Mura a assigné la société Divine devant la juridiction commerciale en paiement de la somme de 4 087 447,21 euros pour règlement de l'encours. Le 14 juillet 2014, elle a mis fin au contrat de représentation de la société Divine. Puis, par requête datée du 16 janvier 2015, elle a sollicité l'autorisation de pratiquer des saisies conservatoires de créance sur trois comptes bancaires de la société Divine et sur son fonds de commerce pour garantir le recouvrement de la somme précitée. Le juge de l'exécution a fait droit à la requête par ordonnance du 2 février 2015.
La société Mura a pratiqué des saisies conservatoires sur comptes bancaires entre les mains de la Caisse d'épargne Bourgogne Franche Comté, la Banque populaire de Bourgogne et la Kolb, qui se sont révélées fructueuses à hauteur d'un montant total de 32 000 euros environ, par procès-verbaux du 24 février 2015 lesquels ont été dénoncés à la société Divine le 2 mars 2015, un nantissement du fonds de commerce étant également inscrit le 9 avril 2015.
Par acte du 10 mars 2015, la société Divine a assigné la société Mura aux fins de nullité de ces actes de saisie conservatoire, mainlevée des saisies, rétractation de l'ordonnance du 2 février 2015 et allocation de dommages et intérêts.
La société Mura a ensuite obtenu, par ordonnance du juge de l'exécution du 19 mars 2015, l'autorisation de pratiquer des saisies conservatoires sur des créances détenues par la société Divine sur des centrales d'achat .
Ces saisies ont été pratiquées le 3 avril 2015 entre les mains du GIE Centrale de service Auchan, de Carrefour Import, de Provera France, de EMC Distribution et de la société d'importation Leclerc et ont permis d'appréhender une somme d'environ 15 000 euros. Les actes ont été dénoncés le 10 avril 2015 à la société Divine qui les a également contestés en saisissant le juge de l'exécution par assignation du 4 mai 2015 aux fins de nullité de ces actes, mainlevée des saisies, rétractation de l'ordonnance du 19 mars 2015 et allocation de dommages et intérêts.
Par jugement du 16 juin 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Sens a ordonné la jonction des deux instances inscrites au rôle sous les numéros 15/543 et 15/276, a rejeté le moyen pris de la nullité des actes de saisies conservatoires du 24 février 2015, a débouté de ses demandes la société Divine et l'a condamnée à payer à la société Mura la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La société Divine a relevé appel selon déclaration du 3 juillet 2015.
Par dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2015, elle demande à la cour, vu les articles R 512- 1 et suivants, R 522-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution , vu les articles 496 et suivants du code de procédure civile , d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 15/00543 et 15/00276, statuant à nouveau, d'ordonner la rétractation des ordonnances rendues le 2 février 2015 et le 19 mars 2015 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Sens, d'ordonner la mainlevée immédiate des saisies conservatoires pratiquées le 24 février 2015 entre les mains de la Caisse d'épargne Bourgogne Franche Comté, de la Banque Populaire de Bourgogne, de la Kolb, par Maître Séverine R.-R., huissier de justice, et de toute saisie qui n'aurait pas encore été dénoncée, aux frais de la société Mura, avec astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, d'ordonner la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire pratiquée le 3 avril 2015 entre les mains du GIE Centrale de Service Auchan par la Scp D. D. M., huissiers de justice, de la saisie pratiquée entre les mains de la société d'importation Leclerc et de toute saisie qui n'aurait pas encore été dénoncée, aux frais de la société Mura, avec astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de condamner la société Mura à payer à la société Divine la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens,
Par dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2015, la société Calzificio Mura SPA demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Divine à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
SUR CE
- Sur l'omission de statuer
Il importe de noter que le premier juge a joint les deux instances relatives à l'ensemble des saisies conservatoires autorisées par les ordonnances des 2 février 2015 et 19 mars 2015, que l'assignation du 10 mars 2015, enregistrée sous le n°15/276, tendait à voir ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 24 février 2015 et rétracter l'ordonnance rendue le 2 février 2015 tandis que l'assignation du 4 mai 2015, enregistrée sous le n° 15/543 tendait à voir ordonner la mainlevée des saisies de créances pratiquées le 3 avril 2015 entre les mains notamment du GIE Centrale de services Auchan et rétracter les ordonnances rendues le 19 mars 2005 , que cependant le jugement porte sur les seules saisies pratiquées le 24 février 2015 en vertu de l'ordonnance du 2 février 2015 ce qui résulte tant du dispositif par lequel le juge de l'exécution a 'rejeté le moyen pris de la nullité des actes de saisies conservatoires du 24 février 2015" que des motifs où il n'est question que des saisies du 24 février 2015.
Une fois l'appel relevé, c'est à la cour qu'il revient de réparer les omissions éventuelles de statuer.
En concluant sur l'ensemble des saisies déférées au premier juge, les parties entendent bien voir réparer l'omission de statuer.
Ainsi l'entier litige est soumis à la cour.
- Sur les conditions de la saisie conservatoire
La société Divine critique le jugement déféré et sollicite la mainlevée des saisies pratiquées en vertu des ordonnances des 2 février et 19 mars 2015 et en faisant valoir que pour seuls éléments de preuve de la créance fondée en son principe dont elle prétend bénéficier, la société Divine se borne à produire ses factures sans justifier de commandes censées les générer de sorte qu'elle se constitue une preuve à elle-même, que de plus la créance fait l'objet d'une contestation sérieuse sur le fond du droit, la situation résultant de pratiques commerciales abusives qui ont permis à Mura de réaliser une surfacturation au préjudice de Divine à hauteur de 2, 2 millions d'euros, que devant le tribunal de commerce, elle a sollicité réparation de ces abus ainsi que de la rupture des relations commerciales établies. Elle ajoute que non contente du tort causé, la société Mura a présenté une nouvelle requête aux fins de saisie conservatoire du stock de marchandises livrées par tout fournisseur à la société Divine et a obtenu une ordonnance en ce sens le 28 août 2015, que des saisies conservatoires ont été pratiquées les 1er et 7 octobre 2015 à son préjudice, que par exploit du 29 octobre 2015, elle a assigné la société Mura à comparaître devant le juge de l'exécution lequel, par jugement du 16 novembre 2015 a rétracté l'ordonnance rendue le 28 août 2015 et a ordonné la mainlevée immédiate des saisies pratiquées sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard en relevant notamment que pour fonder sa demande, la société Mira produit des factures portant sur les années 2012, 2013 et 2014 qui sont insuffisantes à établir l'apparence de créance alléguée.
La société Mura réplique que la société Divine ne peut contester la réalité des commandes et des livraisons dont le paiement est réclamé alors même qu'elle prétend restituer des marchandises pour un montant total de 14 126 181,67 euros en raison de prétendues non-conformités et qu'elle sollicite une diminution de sa dette à hauteur de la somme de 2 214 697 euros correspondant aux prétendus abus sur les prix dont elle aurait été victime, qu'au demeurant c'est elle qui a émis les bons de commande et en a donc parfaitement connaissance que c'est la raison pour laquelle elle n'a pas déféré aux sommations de communiquer les bons de commande , que le juge de l'exécution ne pouvait statuer comme il l'a fait dans son jugement du 16 novembre 2015 alors qu'il ne lui appartient pas de trancher le litige au fond ni de se prononcer sur les contestations émises par la société Divine mais seulement de se prononcer sur l'apparence de créance qui, en l'espèce, est caractérisée, que les mesures pratiquées fructueuses à hauteur de 47 000 euros seulement confirment ses craintes quant au recouvrement de sa créance de plus de 4 millions d'euros . Elle se défend de toute malveillance dans la mise en oeuvre des procédures critiquées et souligne que le séquestre de cette somme n'est pas de nature à mettre en péril le fonctionnement de la société Divine pas plus que la saisie conservatoire de son fonds de commerce.
En cause d'appel, la société Divine ne réitère pas le moyen, écarté par le premier juge, pris de la nullité des actes de saisie conservatoire faute des mentions obligatoires.
Seules sont discutées les conditions de la saisie conservatoire.
Selon l'article L. 511-1 du code de procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Il est admis qu'il suffit d'une apparence de créance pour satisfaire aux exigences de ce texte.
En l'espèce, les factures produites par la société Mura, fournisseur depuis une dizaine d'années de la société Divine et son associé, établissent à suffisance, dans le contexte de relations commerciales anciennes, l'apparence de créance qui se trouve encore confirmée par la proposition de plan de paiement au bénéfice de Mura émise dans la suite de la restructuration capitalistique de Divine, portant sur un encours de plus de 3 millions d'euros, adressée à M. Mura par M. T., président de la société Divine, par courriel du 1er octobre 2013. Les contestations émises par la société Divine dans la lettre officielle de son conseil en date du 16 mai 2014, en réponse à la mise en demeure de Mura en date du 19 mars 2014 d'avoir à payer la somme de 4 131 465, 21 euros, qui portent sur le montant de la créance et ont été précisées et complétées dans le cadre de l'action en paiement diligentée par la société Mura devant la juridiction commerciale ne sont pas de nature à contredire ce principe de créance.
Par suite, et alors que les derniers comptes publiés par la société Divine témoignent de difficultés, au demeurant reconnues, corroborées par le faible rapport des saisies pratiquées soit des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, les conditions de la saisie conservatoire sont réunies.
Il convient de confirmer le jugement qui a débouté la société Divine de ses demandes en mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 24 février 2015 et en rétractation de l'ordonnance du 2 février 2015 les ayant autorisées et, le complétant pour réparer l'omission de statuer sur la contestation relative aux saisies pratiquées le 2 avril 2015 en vertu de l'ordonnance du 19 mars 2015, en garantie de la même créance, de débouter, aux mêmes motifs, la société Divine de sa contestation.
- Sur la demande de dommages et intérêts
La société Divine réitère sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 100 000 euros. La solution de l'appel conduit à confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de confirmer le jugement sur ce point et, y ajoutant, de condamner la société Divine à payer à la société Mura la somme de 3 000 euros pour ses frais exposés en appel.
Partie perdante, la société Divine supportera le dépens sans pouvoir prétendre à l'indemnisation de ses propres frais.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement,
Le complétant en réparant l'omission de statuer
Déboute la société Divine de ses demandes aux fins de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 2 avril 2015 et de rétractation de l'ordonnance les autorisant rendue le 19 mars 2005,
Y ajoutant
Condamne la société Divine à payer à la société Calzificio Mura la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Divine aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.