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Décisions

CJUE, 6e ch., 22 juin 2023, n° C-258/22

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Finanzamt Hannover-Nord

Défendeur :

H Lebensversicherung

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Xuereb

Juges :

M. von Danwitz, Mme Ziemele (rapporteure)

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocat :

M. Diedrich

CJUE n° C-258/22

22 juin 2023

LA COUR (sixième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 63 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant H Lebensversicherung au Finanzamt Hannover-Nord (administration fiscale de Hanovre-Nord, Allemagne) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle due au titre de l’année 2001.

Le droit allemand

La loi relative à l’impôt sur le revenu

3 Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, point 1, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu), tel que modifié par le Gesetz zur Fortentwicklung des Unternehmenssteuerrechts (loi relative à l’évolution de la fiscalité des entreprises), du 20 décembre 2001 (BGBl. 2001 I, p. 3858) :

« (1) Font partie des revenus de capitaux mobiliers

1. les parts de bénéfices (dividendes), rendements et autres produits d’actions, de droits de jouissance, auxquels est lié le droit aux bénéfices et au produit de la liquidation d’une société de capitaux, de parts de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés coopératives à but commercial ou économiques et d’associations d’exploitation des mines qui jouissent des droits d’une personne morale. »

La loi relative à l’impôt sur les sociétés

4 L’article 8b, paragraphes 1 et 3, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés), tel que modifié par la loi relative à l’évolution de la fiscalité des entreprises (ci-après le « KStG »), prévoit :

« (1) Les gains au sens de l’article 20, paragraphe 1, points 1, 2, 9 et 10, sous a), de la loi relative à l’impôt sur le revenu ne sont pas pris en compte pour la détermination du revenu. [...]

[...]

(3) Les diminutions de bénéfices liées à la participation visée au paragraphe 2 ne sont pas prises en compte dans la détermination des bénéfices. »

5 L’article 34, paragraphe 4, point 1, du KStG est ainsi libellé :

« (4) L’article 8b est applicable pour la première fois aux

1. gains au sens de l’article 20, paragraphe 1, points 1 et 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, auxquels la quatrième partie de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, telle que modifiée par l’article 4 de la loi du 14 juillet 2000 (BGBl. 2000 I, p. 1034), ne s’applique plus pour la société distributrice ».

6 L’article 34, paragraphe 7, du KStG, tel que modifié par le Gesetz zur Umsetzung der Protokollerklärung der Bundesregierung zur Vermittlungsempfehlung zum Steuervergünstigungsabbaugesetz (loi relative à la mise en œuvre de la déclaration du gouvernement fédéral relative à la recommandation de conciliation concernant la loi sur la réduction des avantages fiscaux), du 22 décembre 2003 (BGBl. 2003 I, p. 2840) (ci-après le « KStG nouvelle version »), dispose :

« (7) L’article 8b s’applique pour la première fois pour :

[...]

[huitième phrase] L’article 8b, paragraphe 8, et l’article 21, paragraphe 1, point 1, première phrase, sont applicables :

[...]

2. sur demande unique et irrévocable à présenter avant le 30 juin 2004, dès les périodes d’imposition 2001 à 2003, et, en cas d’exercice comptable différent de l’année civile, dès les périodes d’imposition 2002 à 2004 (période de rétroactivité). L’article 8b, paragraphe 8, est à cet égard applicable dans la version suivante :

“(8) Les paragraphes 1 à 7 s’appliquent aux participations qui, dans les entreprises d’assurance-vie et d’assurance-maladie, correspondent à des placements, étant entendu que les gains, bénéfices et diminutions de bénéfices sont pris en compte à raison de 80 % dans le calcul du revenu. [...] ”»

La loi relative à la taxe professionnelle

7 Le Gewerbesteuergesetz (loi relative à la taxe professionnelle), tel que modifié par la loi relative à l’évolution de la fiscalité des entreprises (ci-après la « loi relative à la taxe professionnelle »), prévoit, à son article 6, que l’assiette de la taxe professionnelle est constituée par le bénéfice d’exploitation aux fins de la taxe professionnelle.

8 L’article 7 de la loi relative à la taxe professionnelle dispose que le bénéfice d’exploitation aux fins de la taxe professionnelle est le bénéfice résultant d’une activité industrielle ou commerciale, établi conformément aux dispositions de la loi relative à l’impôt sur le revenu ou de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, qui doit être pris en compte lors de la détermination du revenu afférent à la période d’imposition aux fins de l’impôt sur les sociétés qui correspond à la période d’imposition aux fins de la taxe professionnelle, augmenté et diminué des montants visés aux articles 8 et 9 de la loi relative à la taxe professionnelle.

9 Aux termes de l’article 8 de la loi relative à la taxe professionnelle :

« Sont réintégrés au bénéfice résultant d’une activité industrielle ou commerciale (article 7) les montants suivants, pour autant qu’ils ont été déduits lors du calcul du bénéfice :

[...]

5. l’excédent des parts de bénéfice (dividendes) qui n’a pas été pris en compte en application de l’article 3, point 40, de la loi relative à l’impôt sur le revenu ou de l’article 8b, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés et les revenus assimilés et rémunérations provenant des participations détenues dans une société, dans une association de personnes ou dans une masse patrimoniale au sens de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, pour autant qu’ils ne réunissent pas les conditions énoncées à l’article 9, points 2a ou 7, après déduction des dépenses d’exploitation présentant un lien économique avec ces recettes, en tant qu’elles ne sont pas prises en compte conformément à l’article 3c de la loi relative à l’impôt sur le revenu et à l’article 8b, paragraphe 5, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. [...] »

10 L’article 9 de la loi relative à la taxe professionnelle est libellé comme suit :

« La somme du bénéfice et des réintégrations est diminuée :

[...]

7. des bénéfices provenant d’actions d’une société de capitaux ayant son siège et son organe central de gestion et de contrôle hors du territoire d’application de la présente loi, dans le capital social de laquelle l’entreprise détient, depuis le début de la période d’imposition et de façon ininterrompue, au moins 10 % (filiale) [...] »

11 L’article 36, paragraphe 4, de la loi relative à la taxe professionnelle énonce :

« L’article 8, point 5, s’applique pour la première fois à la période d’imposition 2001. »

La loi sur les sociétés d’investissement

12 L’article 40, paragraphe 2, du Gesetz über Kapitalanlagegesellschaften (loi sur les sociétés d’investissement), tel que modifié par la loi relative à l’évolution de la fiscalité des entreprises, énonce :

« L’article 3, point 40, de la loi relative à l’impôt sur le revenu ainsi que l’article 8b, paragraphe 1, et l’article 37, paragraphe 3, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés s’appliquent aux revenus nationaux et étrangers du fonds commun de placement en valeurs mobilières qui sont distribués et à ceux qui ne sont pas utilisés en vue d’une distribution ou pour couvrir des coûts. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

13 H Lebensversicherung est un établissement de droit public soumis à l’impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle, qui exploite une entreprise d’assurance-vie. Au cours de la période d’imposition 2001, cet établissement a perçu des dividendes de plusieurs sociétés de capitaux non-résidentes, dans lesquelles il détenait des participations directes inférieures à 10 % du capital, ainsi que des dividendes de ses participations dans des fonds communs de placement en valeurs mobilières. Les distributions effectuées par ces derniers provenaient de dividendes de sociétés de capitaux non-résidentes dans lesquelles ces fonds détenaient des participations inférieures à 10 % du capital.

14 Par une demande du mois d’avril 2004, H Lebensversicherung a exercé le droit d’option dont bénéficient les entreprises d’assurance-vie et d’assurance-maladie en vertu de l’article 34, paragraphe 7, huitième phrase, point 2, du KStG nouvelle version.

15 Dans le cadre du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle de H Lebensversicherung, l’administration fiscale a retenu comme bénéfice d’exploitation, sur le fondement de l’article 7, première phrase, de la loi relative à la taxe professionnelle, le bénéfice à déterminer conformément aux dispositions de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. En raison de l’exercice du droit d’option prévu à l’article 34, paragraphe 7, huitième phrase, point 2, du KStG nouvelle version, dès la période d’imposition 2001, conformément à l’article 8b, paragraphe 1, du KStG, 20 % des dividendes perçus au titre des participations de moins de 10 % dans le capital de sociétés de capitaux non-résidentes ne devaient pas être pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés de H Lebensversicherung. Cependant, ces 20 % de dividendes, qui n’ont pas été pris en compte lors de la détermination de ce bénéfice imposable, ont été réintégrés dans ce dernier par l’administration fiscale en application de l’article 8, point 5, première phrase, de la loi relative à la taxe professionnelle. Sur ce fondement, cette administration a déterminé séparément la perte reportable de H Lebensversicherung au 31 décembre 2001.

16 Par un recours introduit devant le Niedersächsische Finanzgericht (tribunal des finances de Basse-Saxe, Allemagne), H Lebensversicherung a contesté l’application de l’article 8, point 5, première phrase, de la loi relative à la taxe professionnelle et la réintégration de 20 % des dividendes en résultant, en invoquant une différence de traitement par rapport aux dividendes provenant des sociétés résidentes. En effet, l’article 8b, paragraphe 1, du KStG n’était pas encore applicable, au cours de l’année 2001, aux distributions de dividendes effectuées par des sociétés de capitaux résidentes, ce qui excluait, s’agissant de ces derniers dividendes, une telle réintégration au titre de l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle. La différence d’applicabilité temporelle de cette disposition en fonction du siège de la société distributrice de dividendes aurait entraîné, selon H Lebensversicherung, une discrimination dans les situations comportant un élément d’extranéité et constituerait une violation de la libre circulation des capitaux.

17 Cette juridiction ayant accueilli le recours de H Lebensversicherung par un jugement du 25 janvier 2018, l’administration fiscale a formé un recours en Revision devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), la juridiction de renvoi.

18 Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) indique, en premier lieu, que le recours en Revision devrait être accueilli sur le fondement du droit national et que les dividendes perçus par H Lebensversicherung au cours de la période d’imposition 2001 au titre des participations de moins de 10 % dans le capital de sociétés non-résidentes doivent être intégralement soumis à la taxe professionnelle, tout comme les distributions des fonds communs de placement en valeurs mobilières, dans la mesure où celles-ci étaient elles-mêmes issues de distributions provenant de participations de moins de 10 %.

19 Cette juridiction explique que, conformément à l’article 6 de la loi relative à la taxe professionnelle, l’assiette de la taxe professionnelle est constituée par le bénéfice d’exploitation aux fins de la taxe professionnelle et que, en vertu de l’article 7 de cette loi, ce bénéfice est établi selon un calcul en deux étapes.

20 Lors de la première étape de ce calcul, le bénéfice résultant d’une activité industrielle ou commerciale est déterminé conformément aux dispositions de la loi relative à l’impôt sur le revenu ou de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. Lors de la seconde étape, il est procédé aux réintégrations et aux diminutions, respectivement, en vertu des articles 8 et 9 de la loi relative à la taxe professionnelle.

21 Ainsi, H Lebensversicherung ayant exercé le droit d’option, prévu à l’article 34, paragraphe 7, huitième phrase, point 2, du KStG nouvelle version, il convient d’appliquer l’article 8b, paragraphe 1, du KStG aux dividendes que H Lebensversicherung a perçus, au cours de la période d’imposition 2001, de sociétés de capitaux non-résidentes directement ou indirectement, par le biais de participations dans des fonds d’investissement, de manière à ce que, lors de la première étape du calcul, seuls 80 % de ces dividendes soient pris en compte dans le bénéfice résultant de l’activité industrielle ou commerciale.

22 Dans le cadre de la seconde étape du calcul, les 20 % des dividendes de sociétés de capitaux non-résidentes non pris en compte lors de la première étape doivent être réintégrés. En effet, en vertu de l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle, applicable pour la première fois à la période d’imposition 2001, les dividendes dont il n’a pas été tenu compte en vertu de l’article 8b, paragraphe 1, du KStG sont réintégrés au bénéfice d’exploitation résultant de l’activité commerciale ou industrielle, dans la mesure où ils ont été déduits lors de la détermination de ce bénéfice. Une telle réintégration a pour conséquence que la totalité des dividendes provenant de participations dans ces sociétés est soumise à la taxe professionnelle.

23 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi précise que, au cours de la période d’imposition 2001, les dispositions selon lesquelles, lors de la première étape du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle, 20 % des dividendes versés à H Lebensversicherung n’étaient pas pris en compte, ne s’appliquaient qu’aux dividendes provenant de participations dans des sociétés non-résidentes. S’agissant des dividendes versés par des sociétés de capitaux résidentes, l’article 8b, paragraphe 1, du KStG était applicable pour la première fois au cours de la période d’imposition 2002. Par conséquent, les dividendes provenant de participations dans des sociétés résidentes versés au cours de la période d’imposition 2001 devaient être totalement pris en compte dès cette première étape. En conséquence, lors de la deuxième étape de ce calcul, il n’y avait pas lieu de procéder à une réintégration au titre de l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle. En effet, cette dernière disposition ne s’appliquait que si et dans la mesure où les dividendes en cause n’étaient pas pris en compte en vertu de l’article 8b, paragraphe 1, du KStG. Les dividendes provenant de participations dans des sociétés résidentes et versés au cours de la période d’imposition 2001 étaient donc, en définitive, intégralement soumis à la taxe professionnelle.

24 En troisième lieu, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) indique que, par un arrêt du 6 mars 2013, il a considéré, dans un cas comparable, que le fait que, à la différence des dividendes issus de participations dans des sociétés résidentes, la règle de la réintégration prévue à l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle s’appliquait pour la première fois à la période d’imposition 2001, s’agissant des dividendes provenant de participations dans des sociétés non-résidentes, était contraire à la libre circulation des capitaux garantie par le droit de l’Union.

25 Cela étant, dans le cadre du litige au principal, cette juridiction doute que la réintégration de dividendes provenant de participations dans des sociétés non-résidentes, imposée pour la période d’imposition 2001 par l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. En effet, l’application de cette disposition aux dividendes provenant de participations de moins de 10 % dans le capital de sociétés non-résidentes n’aurait pas eu pour effet que ces dividendes soient traités fiscalement de manière moins favorable que les dividendes provenant de participations comparables dans des sociétés résidentes. Dans les deux cas, les dividendes issus de participations de moins de 10 % auraient été totalement inclus dans l’assiette de la taxe professionnelle. La réintégration de dividendes provenant de participations dans des sociétés non-résidentes entraînerait simplement une égalité de traitement fiscal entre les investissements nationaux et les investissements transfrontaliers, puisque, sans ladite réintégration, les dividendes perçus au cours de la période d’imposition 2001 au titre de participations de moins de 10 % dans des sociétés non-résidentes auraient bénéficié d’un traitement plus favorable en matière de taxe professionnelle que ceux perçus au titre de participations comparables dans des sociétés résidentes. Par conséquent, il n’apparaîtrait guère vraisemblable que de telles différences dans les deux étapes du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle, qui n’ont pas d’incidence sur le montant de l’impôt, puissent être de nature à dissuader les investisseurs assujettis à cette taxe d’investir dans des sociétés non-résidentes.

26 En outre, ladite juridiction indique qu’elle ne maintient plus la position retenue dans son arrêt du 6 mars 2013, évoqué au point 24 du présent arrêt, selon laquelle une situation factuelle telle que celle en cause au principal serait comparable à la situation factuelle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage (C 377/07, EU:C:2009:29). Certes, cette dernière situation concernait également l’application, à la période d’imposition 2001, de l’article 8b du KStG aux revenus provenant de participations à des sociétés de capitaux non-résidentes. Toutefois, à la différence de la situation en cause au principal, dans l’affaire ayant donné lieu à ce dernier arrêt, les participations à des sociétés non-résidentes étaient soumises, au cours de la période d’imposition 2001, à un impôt sur les sociétés plus élevé que les participations correspondantes dans des sociétés résidentes. Or, en l’occurrence, la réintégration opérée en vertu de l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle aux fins de la taxe professionnelle ne donne pas lieu, en définitive, à un traitement fiscal moins favorable des situations présentant un élément d’extranéité.

27 Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 56, paragraphe 1, [CE] (devenu article 63, paragraphe 1, [TFUE]) doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une disposition d’un État membre selon laquelle, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle d’une société, les dividendes provenant de participations de moins de 10 % dans des sociétés de capitaux étrangères (“participations flottantes”) sont réintégrés dans l’assiette de la taxe, si et dans la mesure où ces dividendes ont été déduits de l’assiette lors d’une étape antérieure du calcul, alors que, pour les dividendes provenant de participations flottantes dans des sociétés de capitaux ayant leur siège dans l’État membre concerné, il n’y a pas de déduction et, partant, pas de (ré)intégration des dividendes lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle ? »

Sur la question préjudicielle

28 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre selon laquelle, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle d’une société, les dividendes provenant de participations de moins de 10 % dans des sociétés de capitaux non-résidentes sont réintégrés dans cette assiette, si et dans la mesure où ces dividendes ont été déduits de cette dernière lors d’une étape antérieure de ce calcul, alors que les dividendes provenant de participations comparables dans des sociétés de capitaux résidentes sont dès le départ intégrés dans ladite assiette, sans être déduits de cette dernière ni, partant, réintégrés dans la même assiette.

29 L’article 63, paragraphe 1, TFUE interdit de manière générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les États tiers.

30 Conformément à une jurisprudence constante, constituent, notamment, des restrictions à la liberté de circulation des capitaux les mesures qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents d’un État membre d’en faire dans d’autres États (arrêt du 16 juin 2022, ACC Silicones, C 572/20, EU:C:2022:469, point 31 et jurisprudence citée).

31 Les mesures nationales pouvant être qualifiées de « restrictions » au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE comprennent, notamment, des mesures instaurant une différence de traitement qui, lorsqu’elle conduit à un traitement moins avantageux des revenus d’un résident d’un État membre ayant pour origine un autre État, par rapport au traitement des revenus ayant pour origine le premier État membre, est susceptible de dissuader un tel résident d’investir ses capitaux dans un autre État [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Revenus versés par des OPCVM), C 480/19, EU:C:2021:334, point 27 et jurisprudence citée].

32 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, au cours de la période d’imposition 2001, des modalités d’imposition différentes s’appliquaient, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle, aux dividendes perçus de sociétés résidentes et aux dividendes perçus de sociétés non-résidentes.

33 En effet, ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, au cours de la période d’imposition 2001, les dispositions selon lesquelles, lors de la première étape de ce calcul, 20 % des dividendes perçus n’étaient pas inclus dans cette assiette s’appliquaient uniquement aux dividendes provenant de participations dans des sociétés non-résidentes. Dès lors, lors de la seconde étape dudit calcul, seuls ces derniers dividendes étaient visés par l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle, selon lequel les dividendes dont il n’avait pas été tenu compte en vertu de l’article 8b, paragraphe 1, du KStG étaient réintégrés au bénéfice d’exploitation résultant de l’activité commerciale ou industrielle en cause, dans la mesure où ils avaient été déduits lors de la détermination de ce bénéfice. Cela avait pour conséquence que les 20 % de dividendes qui avaient précédemment été déduits de ladite assiette étaient réintégrés dans celle-ci.

34 En ce qui concerne les dividendes versés par des sociétés de capitaux résidentes, l’article 8b, paragraphe 1, du KStG était applicable pour la première fois au cours de la période d’imposition 2002. Cela signifiait que, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle d’une société, la totalité de ces dividendes, versés au cours de la période d’imposition 2001, devaient être pris en compte dès la première étape de ce calcul. L’article 8b, paragraphe 1, du KStG n’étant pas applicable, aucune partie desdits dividendes n’était écartée. Par conséquent, lors de la seconde étape dudit calcul, il n’y avait pas non plus lieu de procéder à une réintégration au titre de l’article 8, point 5, de la loi relative à la taxe professionnelle, dès lors que cette disposition ne s’appliquait que si et dans la mesure où des dividendes n’avaient pas été pris en compte en vertu de l’article 8b, paragraphe 1, du KStG.

35 Ainsi qu’il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi, une telle différence de traitement dans les deux étapes du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle a eu pour résultat que tant les dividendes versés par des sociétés résidentes que ceux versés par des sociétés non-résidentes étaient intégralement inclus dans cette assiette et soumis à la même charge fiscale. En effet, si les dividendes versés par des sociétés résidentes étaient inclus dans ladite assiette dès le départ, les dividendes versés par des sociétés non-résidentes étaient inclus dans la même assiette à hauteur de 80 %, lors de la première étape de ce calcul, les 20 % restants y étant réintégrés lors de la seconde étape dudit calcul, de telle sorte qu’ils étaient soumis à 100 % à la taxe professionnelle au titre de la période d’imposition 2001.

36 Dès lors, cette différence de traitement, lors des deux étapes du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle, entre les dividendes distribués par des sociétés résidentes et ceux versés par des sociétés non-résidentes ne conduit pas à un traitement désavantageux des seconds par rapport aux premiers, la totalité des dividendes étant, dans les deux cas, incluse dans cette assiette.

37 Au contraire, ladite différence de traitement et, en particulier, la réintégration des 20 % des dividendes dans l’assiette de la taxe professionnelle, contestée par H Lebensversicherung, visent à garantir que les dividendes distribués par des sociétés non-résidentes soient soumis à la même charge fiscale que ceux versés par des sociétés résidentes, en étant intégralement compris dans cette assiette.

38 À cet égard, la situation en cause au principal se distingue de celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage (C 377/07, EU:C:2009:29), dans laquelle l’application, aux dividendes distribués par des sociétés résidentes et par des sociétés non-résidentes, de deux régimes d’imposition différents au titre de l’impôt sur les sociétés pour la période d’imposition 2001 avait pour conséquence que seules les sociétés détenant des participations dans des sociétés résidentes pouvaient bénéficier d’un avantage fiscal.

39 En effet, par cet arrêt, la Cour a jugé que, en raison de l’application, aux dividendes distribués par des sociétés résidentes et par des sociétés non–résidentes, de deux régimes d’imposition différents au titre de l’impôt sur les sociétés pour la période d’imposition 2001, les sociétés résidentes détenant des participations ayant subi une dépréciation dans des sociétés non-résidentes se trouvaient, pendant cette période d’imposition, dans une situation moins avantageuse que celles détenant de telles participations dans des sociétés résidentes, puisqu’une société résidente pouvait déduire de ses revenus imposables les réductions de bénéfices dues à un amortissement partiel de participations détenues dans des sociétés résidentes, mais ne pouvait pas déduire de ses revenus imposables de telles réductions de bénéfices, lorsqu’elles étaient afférentes à des participations dans des sociétés non-résidentes (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage, C 377/07, EU:C:2009:29, points 25 et 26).

40 En revanche, dans la situation en cause au principal, ainsi qu’il a été relevé aux points 35 et 37 du présent arrêt, tant les dividendes perçus de sociétés résidentes que ceux perçus de sociétés non-résidentes sont intégralement inclus dans l’assiette de la taxe professionnelle et soumis à la même charge fiscale.

41 L’argument de H Lebensversicherung selon lequel une restriction à la libre circulation des capitaux découlerait de la complexité de la réglementation nationale en cause au principal ainsi que du caractère imprévisible de cette dernière, en raison de la réforme et de la circonstance qu’une incertitude s’agissant des résultats d’investissement aurait uniquement existé s’agissant des investissements dans des sociétés non-résidentes, ne saurait être retenu. D’une part, il découle de la demande de décision préjudicielle, comme cela a été relevé au point 14 du présent arrêt, que l’application de cette réglementation résulte de l’exercice d’une faculté par H Lebensversicherung. D’autre part, les arguments de H Lebensversicherung relatifs à la complexité de ladite réglementation ne sont pas de nature à démontrer que les règles prévues par celle-ci auraient été impossibles ou excessivement difficiles à respecter lors de l’investissement dans des sociétés non-résidentes.

42 Enfin, il est certes vrai que les mesures nationales pouvant être qualifiées de « restrictions » au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE comprennent non seulement des mesures susceptibles d’empêcher ou de limiter l’acquisition d’actions des sociétés établies dans d’autres États, mais également des mesures susceptibles de dissuader le maintien de telles participations dans des sociétés établies dans d’autres États (arrêt du 22 janvier 2009, STEKO Industriemontage, C 377/07, EU:C:2009:29, point 24 et jurisprudence citée).

43 À cet égard, les arguments de H Lebensversicherung visent à démontrer que la réglementation nationale en cause au principal aurait rendu plus intéressante la revente de participations dans une société non-résidente que leur maintien, dès lors que, dans le cas de la revente de ces participations, les plus-values en résultant n’auraient pas été imposées au titre de la taxe professionnelle. Toutefois, de tels arguments ne permettent pas de mettre en évidence un désavantage que les dividendes distribués par une société non-résidente auraient subi par rapport à ceux distribués par une société résidente en raison du maintien de telles participations.

44 Par conséquent, dès lors que la différence de traitement opérée par la réglementation d’un État membre, lors des étapes du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle, entre les dividendes distribués par des sociétés résidentes et ceux versés par des sociétés non-résidentes ne conduit pas à un traitement désavantageux des seconds par rapport aux premiers, la totalité des dividendes étant, dans les deux cas, incluse dans cette assiette et soumise à la même charge fiscale, une telle différence de traitement n’est pas susceptible de dissuader les résidents de cet État membre d’investir leurs capitaux dans un autre État et, partant, ne constitue pas une restriction à la libre circulation des capitaux.

45 Il convient, dès lors, de répondre à la question préjudicielle que l’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre selon laquelle, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle d’une société, les dividendes provenant de participations de moins de 10 % dans des sociétés de capitaux non-résidentes sont réintégrés dans cette assiette, si et dans la mesure où ces dividendes ont été déduits de cette dernière lors d’une étape antérieure de ce calcul, alors que les dividendes provenant de participations comparables dans des sociétés de capitaux résidentes sont dès le départ intégrés dans ladite assiette, sans être déduits de cette dernière ni, partant, réintégrés dans la même assiette.

Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 63 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre selon laquelle, lors du calcul de l’assiette de la taxe professionnelle d’une société, les dividendes provenant de participations de moins de 10 % dans des sociétés de capitaux non-résidentes sont réintégrés dans cette assiette, si et dans la mesure où ces dividendes ont été déduits de cette dernière lors d’une étape antérieure de ce calcul, alors que les dividendes provenant de participations comparables dans des sociétés de capitaux résidentes sont dès le départ intégrés dans ladite assiette, sans être déduits de cette dernière ni, partant, réintégrés dans la même assiette.