CA Rennes, 2e ch., 7 avril 2017, n° 16/00939
RENNES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
M. Le Potier, Mme Dotte-Charvy
FAITS et PROCÉDURE :
Par acte du 1er avril 2009, M. André P. a cédé un fonds artisanal de terrassements et travaux publics à la SARL Primot-Le R. moyennant le prix total de 210 000 euros payable :
- à concurrence de 95 000 euros comptant au moyen d'un prêt bancaire,
- à concurrence de 115 000 euros au moyen d'un crédit-vendeur, remboursable pour 100 000 euros au taux fixe de 4,5 % en 60 mensualités de 1 864,30 euros et le solde de 15 000 euros à terme sans intérêt.
L'acquéreur a affecté à titre de nantissement en gage au profit du vendeur le fonds artisanal en ce compris tous les éléments corporels et incorporels susceptibles de nantissement, avec transport d'indemnité d'assurance en cas de sinistre total ou partiel.
Les échéances sont restées impayées à compter de juillet 2013, et M. P. a obtenu par ordonnance sur requête en date du 05 février 2014 l'autorisation de former une saisie conservatoire entre les mains de la compagnie Gan Assurances en garantie du paiement des sommes dues à la société P.-Le R. dans la limite de 34 000 euros ; la saisie a été signifiée au tiers le 14 février 2014 et dénoncée à la société P.-Le R. le 21 février suivant.
Par acte en date du 05 mars 2014, M. P. a fait assigner la société P.-Le R. devant le tribunal de commerce de Quimper aux fins de la voir condamner à lui payer en principal la somme globale de 33 743 euros.
Par jugement en date du 17 octobre 2014, le tribunal de commerce de Quimper a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société P.-Le R. et a désigné Maître Paul-Henri S. en qualité de mandataire judiciaire ; M. P. a déclaré ses créances pour un montant total de 36 916 euros.
Par acte en date du 22 juin 2015, la société P.-Le R. et Maître S. en qualité de mandataire au redressement judiciaire ont fait assigner M. P. aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, et par jugement en date du 20 janvier 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Quimper a fait droit à la demande, débouté les parties de leur demande de frais irrépétibles et condamné M. P. aux dépens.
Celui-ci en a relevé appel, et au terme de ses conclusions il demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter la demande de mainlevée, et de condamner la société P.-Le R. à verser la somme de 2 000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.
Au terme de leurs conclusions la société P.-Le R. et Maître S., en qualité de mandataire au redressement judiciaire, demandent à la cour de confirmer la décision en toutes ses dispositions, condamner M. P. à payer à la société P.-Le R. une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens recouvrables conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. P. le 05 avril 2016, et pour la société P.-Le R. et Maître S. le 18 mai 2016.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2016.
SUR CE :
Il sera préalablement observé que par jugement en date du 18 décembre 2015, le tribunal de commerce de Quimper a arrêté purement et simplement le plan d'apurement de la société P.-Le R. et a désigné Maître S. en qualité de commissaire à son exécution ; les intimés en font état à titre liminaire dans leurs écritures déposées le 18 mai 2016, indiquant que Maître S. n'est par conséquent plus mandataire mais simplement commissaire, alors que les conclusions sont prises sous son ancienne qualité.
Pour faire droit à la demande de mainlevée, le juge de l'exécution a considéré que de la combinaison de l'article L. 621-40 du code de commerce et des articles L. 521-1 et R. 522-7 du code des procédures civiles d'exécution il résultait qu'une saisie conservatoire signifiée avant la date de cessation des paiements et non convertie en saisie-attribution avant la date du jugement d'ouverture n'emportait plus affectation spéciale et privilégiée au profit du créancier saisissant, et qu'en l'espèce, si une action en paiement a été entreprise par le créancier le 05 mars 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du 17 octobre 2014, ce qui obère l'obtention d'un titre exécutoire et de fait la possible conversion de la saisie conservatoire.
M. P. soutient devant la cour comme en première instance qu'en application de l'acte de cession et aux termes de l'article L. 121-13 du code des assurances, il bénéficie de l'indemnité que devait verser l'assureur au titre du sinistre de la pelle à pneu accidentée nantie, laquelle indemnité a été transportée de plein droit à son profit sans entrer dans le patrimoine de la société P.-Le R., et qu'en application des dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances il dispose également d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur, et que c'est à tort que le premier juge a refusé de se prononcer sur ces moyens comme relevant du fond du droit.
Aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce visé par le premier juge, devenu L. 622-21 depuis le 1er janvier 2006 en application de la loi du 26 juillet 2005, puis modifié par ordonnance en date du 18 décembre 2008, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, et arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
Si l'article L. 121-13 du code des assurances dont se prévaut M. P. à titre principal prévoit que les indemnités dues sont attribuées aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, les intimés rappellent que cette disposition implique que la créance sur laquelle porte la sûreté réelle doit être certaine, liquide et exigible.
En l'espèce, M. P. a obtenu la saisie conservatoire litigieuse pour sûreté et garantie du paiement de six échéances échues et impayées de juillet à décembre 2013 (11 305,80 euros), et également de la totalité du prix devenu exigible en cas de non-paiement d'une seule échéance conformément aux dispositions de l'acte de cession, soit pour un montant supplémentaire de 22 557,20 euros (échéances de janvier à avril 2014 pour 7 557,20 euros, outre le solde de 15 000 euros exigible au terme) ; M. P. a ensuite fait assigner la société P.-Le R. en paiement de ces sommes le 05 mars 2014, et cette procédure a dû être interrompue en application de l'article L. 622-21 précité ; en outre, M. P. a déclaré le 17 novembre 2014 ces sommes au passif du redressement judiciaire, augmentées de frais irrépétibles et de dépens ; par conséquent la créance de l'appelant n'est à ce jour pas certaine, liquide et exigible.
M. P. se prévaut à titre subsidiaire des dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances prévoyant un droit d'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur, et les intimés font valoir à juste titre que cet article concerne les assurances de responsabilité de l'assuré résultant d'un fait dommageable causé à un tiers, alors qu'en l'espèce il s'agit de l'assurance d'un véhicule.
Aussi et conformément aux dispositions de l'article L. 521-1 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie conservatoire qui n'a pas été convertie en saisie-attribution avant le jugement d'ouverture de redressement judiciaire du débiteur, ce qui est le cas en l'espèce, est inopérante et doit donner lieu à mainlevée.
Pour ces motifs, la décision dont appel sera confirmée en toutes ses dispositions.
Appelant qui succombe, M. P. sera tenu aux dépens de la procédure d'appel, recouvrables conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, débouté de sa demande de frais irrépétibles, et devra verser une somme de 1 000 euros à la société P.-Le R. sur ce chef.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Quimper du 18 décembre 2015, constate que Maître S. est désormais commissaire à l'exécution du plan d'apurement du passif de la SARL Primot-Le R. ;
Confirme le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;
Condamne M. P. aux dépens de la procédure d'appel, qui seront recouvrables conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à la SARL Primot-Le R. la somme de 1 000 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.