CA Agen, 1re ch. civ., 28 mars 2018, n° 17/00347
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sierra Alfa Oy (Sté)
Défendeur :
Prime Turbines (Sté)
D'autre part, a rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 15 novembre 2017 sans opposition des parties, devant Aurore BLUM, conseiller faisant fonction de président, rapporteur, assistée de Nathalie CAILHETON, greffier. Le conseiller rapporteur, en a, dans son délibéré, rendu compte à la cour composée, outre elle-même, de Dominique BENON et Marie-Paule MENU, conseillers, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du code de procédure civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par la présidente, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'elle indique.
La société SIERRA ALFA OY de droit finnois domiciliée à HELSINKI (FINLANDE) possède une flotte d'aéronef à des fins d'entraînement militaire dans laquelle se trouve un appareil de type PILATUS PORTER B2/H2 équipé d'une turbine PRAT WHITNEY n° 41 354.
Dans cadre de la maintenance de la turbine, la société SIERRA ALFA OY se rapprochait début 2006 de la société ICARUS AEROTECHNIC, laquelle s'adressait à son partenaire la société de droit américain PRIME TURBINES domiciliée à DALLAS, TEXAS, USA.
Le 26 janvier 2016, la société ICARIUS AEROTECHNIC émettait un devis d'un montant de 94.574 dollars sous réserve d'inspection du moteur n° 41.354 après dépose et envoi de la turbine à DALLAS.
Afin de ne pas immobiliser l'avion le temps de la réparation la société SIERRA ALFA OY demandait un devis de location pour une turbine laquelle signait un contrat de location le 26 janvier 2016.
Suite à un différent sur le paiement concernant les sommes à honorer, selon requête du 9 novembre 2016, la société PRIME TURBINES était autorisée par le président du tribunal de grande instance de Cahors par ordonnance du 10 novembre 2016 a saisir à titre conservatoire l'aéronef PILATUS en le maintenant sur l'aérodrome CAHORS / LALBENQUE et plus particulièrement sa turbine n° 56 544 en garantie d'une somme en principal de 59.099,50 dollars.
Faute d'avoir obtenu une réponse à sa proposition de consignation de la somme demandée en contre partie de la main-levée de la saisine, la société SIERRA ALFA OY saisissait le juge des référés du tribunal de commerce de CAHORS lequel par ordonnance du 27 février 2017 :
- Se déclarait compétent pour juger de l'affaire,
- Ordonnait la consignation à la CARPA de la somme de 47.153,71 dollars ou 43.141 euros,
- Ordonnait en conséquence après la consignation constatée la main-levée de la saisie conservatoire autorisée le 10 novembre 2016,
- Ordonnait à SIERRA ALFA OY de restituer à PRIME TURBINES sa turbine n° 56 544 dans les 10 jours de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 250 euros par jours de retard,
- Ordonnait à PRIME TURBINES de restituer à SIERRA ALFA OY sa turbine n° 41 354 dans les 10 jours de la notification de l'ordonnance sous astreinte de 250 euros par jours de retard
- Se déclarait incompétent pour connaître du différent qui oppose les parties dans le cadre des prestations fournies par PRIME TURBINES et des effets de la saisie conservatoire pratiquée sur la turbine n° 56 544,
- Renvoyait les parties à se pourvoir devant la juridiction de DALLAS TEXAS.
Parallèlement, le 8 décembre 2016, la société PRIME TURBINES assignait la société SIERRA ALFA OY devant le tribunal du TEXAS, comté de DALLAS, USA, afin de statuer sur la reprise de sa turbine de location et en paiement de la somme de 96.297,21 dollars avec intérêts de droit.
Par acte du 20 mars 2017, la société SIERRA ALFA OY relevait appel.
Par conclusions déposées le 6 novembre 2017 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la société SIERRA ALFA OY conclut au visa de l'article 872 et 873 du Code de procédure civile, L 511-1, L 512-2 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, R 123-9 du code de l'aviation civile, à l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné la consignation des sommes sous condition de séquestre et déconsignation après restitutions réciproques, et en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts.
Elle demande en conséquence, d'ordonner à la société PRIME TURBINES de lui restituer la somme de 43.141 euros, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de l'arrêt, et de lui allouer une somme de 252.916 euros ou à tout le moins 147.916 euros.
Enfin elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance en ce que sa demande d'indemnité de procédure a été rejetée et demande de lui allouer une somme de 4.000 euros au titre de la première instance et 3.000 euros au titre de celle d'appel.
En réponse, par conclusions déposées le 2 novembre 2017 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, La société PRIME TURBINES conclut à titre principal à l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a retenu la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Cahors. A titre subsidiaire elle en sollicite la confirmation et reconventionnellement au visa de l'article 32 du Code de procédure civile demande la condamnation de la société SIERRA ALFA OY à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Enfin elle sollicite une indemnité de procédure de 5.000 euros.
SUR CE, LA COUR
Sur la compétence territoriale et matérielle du juge des référés
La société PRIME TURBINES fait valoir que l'ensemble des relations contractuelles des parties par application de l'article 17 du contrat de location signé le 26 janvier 2016, relèvent de la compétence de la juridiction du TEXAS en l'espèce le comté de DALLAS.
Elle justifie par ailleurs d'avoir déposé au fond le 8 décembre 2016, dans les trois mois de la saisie conservatoire, une 'Plaintif original petition' version américaine de notre assignation, de sorte que la procédure est régulière quant aux règles du Code des procédures civiles d'exécution.
Elle estime donc que la juridiction commerciale française des référés ou au fond n'a de compétence ni matérielle, ni territoriale pour juger de l'opportunité et des conséquences entre les parties de la procédure actuellement pendante devant la juridiction de DALLAS.
Qu'en tout état de cause, le dossier est en litispendance au visa de l'article 100 du Code de procédure civile sachant que la juridiction américaine est au visa de l'article 102 du même code de dégré supérieur.
En réponse la société SIERRA ALFA OY soutient que les juridictions françaises sont, au visa de l'article R. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution, compétentes s'agissant d'une mesure d'exécution pratiquée en France, au surplus autorisée par le juge français.
A cet égard, il convient de rappeler que de jurisprudence constante les clauses attributives de compétence territoriale (art. 48 CPC) ne sont pas opposables en cas de saisine du juge des référés. En effet, le juge des référés, juge de l'évidence, ne tranche pas le fond du droit, de sorte que ce moyen ne peut être opposé à la société SIERRA ALFA OY s'agissant qui plus est, d'une mesure d'exécution autorisée par application de l'article R 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution.
En conséquence, il convient de débouter la société PRIME TURBINES de son exception de compétence.
L'ordonnance est confirmée sur ce point.
Sur la mesure d'exécution
La société PRIME TURBINES a déposé le 8 décembre 2016 à l'encontre de la société SIERRA ALFA OY, devant le comté de DALLAS (pièces 24, 25 et 47 intimée) un 'Plaintif original petition' en recouvrement des sommes qu'elle estime lui être dues. Par jugement du 6 juillet 2017, rectifié le 17 juillet suivant, le comté de DALLAS a condamné par défaut la société SIERRA ALFA OY à la somme de 96.297,21 dollars US, outre les intérêts au taux de 5 % à compter du jugement (pièces n° 45 et 46 intimée).
La société SIERRA ALFA OY fait valoir que le premier juge en ne se limitant pas uniquement à la consignation des sommes mais en ordonnant la restitution réciproque des turbines (celle louée contre celle réparée) a méconnu l'incompétence sur le fond qu'il venait pourtant de consacrer, pour autant elle n'entend pas contester les restitutions réciproques ordonnées.
Elle prétend toutefois que c'est à tort que le séquestre des sommes a été ordonné s'agissant d'un bien qui ne lui appartenait pas, en effet la turbine de type PT 6A34 n° de série PCE 56544, objet de la saisie, est la propriété de PRIME TURBINES, donnée à la location à la société SIERRA ALFA OY.
A cet égard, s'il est exact que l'article R 521-1 du Code des procédures civiles d'exécution stipule que la saisie peut être pratiquée sur les biens corporels ou incorporels du débiteur, que la turbine saisie n'est pas la propriété de la société SIERRA ALFA OY mais celle de PRIME TURBINES, pour autant devant le premier juge elle a d'une part, aux termes de ses écritures, proposé de consigner les sommes détenues à ce jour à la CARPA, d'autre part, devant la cour elle conclut à la confirmation des restitutions réciproques des turbines. Depuis en outre, la juridiction de DALLAS a pris un jugement de condamnation à l'encontre de SIERRA ALFA OY. Si cette décision ne permet pas en elle même le recouvrement de la créance, en revanche elle est suffisante au stade des référés pour justifier de la réalité du différent, de sorte qu'au jour où la Cour statue le principe de la consignation est parfaitement fondé, les contestations quant à la régularité de la saisie conservatoire sont devenues sans objet du fait de la proposition d'une consignation et la restitution réciproque des turbines.
Sur la demande de dommages et intérêts
Le juge des référés qui n'est pas saisi du principal, n'a pas à se prononcer sur une question de fond. Il ne lui revient donc pas de condamner à des dommages et intérêts, en revanche il peut cependant accorder une provision sur dommages et intérêts.
La société SIERRA ALFA OY fait valoir que si les fonds ont été consignés le 24 mars 2017, la main levée n'est intervenue que le 3 avril suivant. Qu'en raison de la saisie elle a supporté une perte d'exploitation, des frais de redéploiement des pilotes, un préjudice d'image, des difficultés à faire renouveler le certificat de navigabilité, sauf que la demande indemnitaire étant rattachée à la demande principale au fond échappe à la compétence du juge des référés, que l'ensemble de ces demandes impose l'examen de l'affaire au fond, que celle à titre de provision sur dommages et intérêts se heurte à une contestation sérieuse faute d'évaluation évidente, de sorte qu'aucune demande de provision sur dommages et intérêts ne peut prospérer à ce stade.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de provision sur dommages et intérêts.
Sur la demande au titre de l'article 32 du Code de procédure
La société PRIME TURBINES juge dilatoire l'appel de la société SIERRA ALFA OY, sauf que l'exercice d'une voie de recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts que s'il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice, ou erreur équipollente au dol. A défaut d'en avoir justifié, la demande est rejetée.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes d'indemnités de procédure.
Succombant au principal, la société SIERRA ALFA OY supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu à référé devant la Cour sur les mesures d'exécution et leurs conséquences,
Confirme l'ordonnance déférée,
Dit n'y avoir lieu indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société SIERRA ALFA OY aux entiers dépens et autorise Me T., avocat, à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.