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Décisions

Cass. crim., 16 février 1988, n° 87-84.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau

Rapporteur :

M. Zambeaux

Avocat général :

Mme Pradain

Avocat :

SCP Waquet et Farge

Lyon, du 11 juin 1987

11 juin 1987

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 341 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de séquestration arbitraire et les a condamnés de ce chef ;

" alors, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles 341 du Code pénal et 73 du Code de procédure pénale, que le délit de séquestration arbitraire est justifié lorsque la personne arrêtée est l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant ; qu'en l'espèce, il est établi que P... a été arrêté et détenu dans les locaux du magasin alors qu'il venait de commettre un vol dans le supermarché ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait sans se contredire constater l'existence d'une infraction flagrante et condamner les personnes qui avaient qualité pour procéder à cette arrestation et détention ;

" alors, d'autre part, que le délit de séquestration arbitraire suppose l'intention de priver illégalement une personne de sa liberté d'aller et venir ; qu'en l'espèce, il n'est pas constaté que les prévenus en interpellant P..., auteur d'un vol flagrant, et en le retenant dans le magasin avant d'appeler les gendarmes, aient eu conscience d'agir contrairement aux prescriptions légales ; qu'en se déterminant ainsi, sans établir ni constater l'élément intentionnel du délit poursuivi, les juges du fond n'ont pas caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction prévue par l'article 341 du Code pénal " ;

Attendu qu'il résulte des constatations des juges du fond que P..., âgé de 16 ans, a été surpris dans un magasin, le 19 septembre 1985 à 16 heures, alors qu'il avait dérobé une revue sportive ; que Y... l'a conduit au bureau de la direction où, avec X... et Z..., il l'a retenu et interrogé ; que les trois prévenus ont exercé des violences sur P... et lui ont fait signer une reconnaissance de vols ; que ce n'est qu'à 23 heures qu'ils ont appelé téléphoniquement les gendarmes ;

Attendu que si les dispositions de l'article 73 du Code de procédure pénale autorisent un particulier à appréhender l'auteur d'un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement ce n'est qu'à la condition de s'assurer de la personne du délinquant jusqu'à ce que celui-ci soit remis entre les mains de l'officier de police judiciaire avisé dans les meilleurs délais que les circonstances permettent ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors qu'il s'est écoulé sept heures entre l'interpellation de P... et l'avis donné aux gendarmes dont il n'est pas établi, ni même allégué, que les prévenus aient été empêchés de les informer au plus tôt ;

Qu'en outre les prévenus ont utilisé cette séquestration pour procéder à de véritables interrogatoires en se livrant à des violences sur la victime ;

Qu'il se déduit ainsi des énonciations de l'arrêt attaqué l'intention volontaire de priver de sa liberté la personne arrêtée dans un but autre que celui de la remettre le plus rapidement possible à l'autorité qualifiée ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 373 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de dénonciation calomnieuse et les a condamnés de ce chef ;

" aux motifs que le vol du poste auto-radio a été mentionné sur la reconnaissance de vol signée par P... et remise aux militaires de la gendarmerie ;

" alors, d'une part, que le délit de dénonciation calomnieuse suppose que l'écrit calomniateur émane de l'auteur de la dénonciation ou d'un tiers agissant pour son compte ; que dès lors il ne peut exister de dénonciation calomnieuse si la personne prétendument calomniée rédige elle-même l'écrit où elle reconnaît avoir commis des faits délictueux ; qu'en l'espèce, la reconnaissance de vol émanant de P..., elle ne saurait constituer l'écrit matérialisant la dénonciation ;

" alors, d'autre part, que le délit de dénonciation calomnieuse n'existe qu'autant que la fausseté des faits dénoncés est caractérisée par une décision d'acquittement ou de relaxe, de non-lieu ou par un classement sans suite ; qu'aucune des mentions de l'arrêt attaqué ne relève que l'autorité destinataire a constaté la fausseté des faits dénoncés et qu'ainsi la déclaration de culpabilité est dépourvue de base légale " ;

Attendu que selon l'arrêt attaqué, X... a eu l'idée d'imputer faussement à X... le vol d'un auto-radio, que Z... a fait signer à celui-ci la reconnaissance de ce vol, établie par Y..., et remise aux gendarmes ;

Attendu que s'il est vrai que les juges ne font pas état de la décision constatant la fausseté du fait dénoncé et que dès lors le délit prévu par l'article 373 du Code pénal n'est pas caractérisé les peines infligées aux demandeurs n'en sont pas moins justifiées par la condamnation pour séquestration de personne prononcée à leur égard ;

D'où il suit que, par application de l'article 598 du Code de procédure pénale, la peine étant justifiée, le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.