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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 13 septembre 2022, n° 21/07064

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque Populaire Grand Ouest

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger-Le Gac, M. Garet

Avocats :

Me Moncoq, Me Hardy-Loisel, Me Ouairy Jallais

CA Rennes n° 21/07064

13 septembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

Le 14 février 2019, la société Tetra France (ci-après la société) a souscrit auprès de la Banque Populaire Grand Ouest (la BPGO) un billet à ordre d'un montant de 250.000 € venant à échéance le 14 mai 2019.

Sur le même document, M. [L] [W], dirigeant de la société, s'est porté avaliste du billet.

Par jugement du 13 mars 2019, la société a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée rétroactivement au 16 novembre 2018.

Le 21 mai 2019, la BPGO a déclaré ses créances au passif de la procédure collective, dont la somme de 250.000 € correspondant au montant du billet non honoré à son échéance.

Le 23 mai 2019, la BPGO a mis en demeure M. [W] de s'acquitter de son engagement d'aval en lui réglant la somme restée impayée.

En l'absence de règlement amiable, la banque a fait assigner M. [W] devant le tribunal de commerce de Saint Malo qui, par jugement du 21 septembre 2021, a :

- dit et jugé nul le billet à ordre du 14 février 2019 et, par voie de conséquence, nul l'aval donné par M. [W], le tribunal ayant également précisé que cet aval ne pouvait valoir cautionnement, faute de mentions manuscrites';

- débouté la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

- condamné la BPGO à payer à M. [W] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la BPGO aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 novembre 2021, la BPGO a interjeté appel de cette décision.

L'appelante a notifié ses dernières conclusions le 9 juin 2022, l'intimé les siennes le 5 mai 2022.

La clôture de la mise en état est intervenue par ordonnance du 20 juin 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La BPGO demande à la cour de :

Vu les articles 1224 à 1231 du code civil, l'article L 512-6 et l'article L 650-1 du code de commerce,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* rejeté la demande de M. [W] tendant à voir déclarer le billet nul';

* débouté M. [W] de sa demande tendant à être déchargé de son engagement';

* rejeté l'exception de mauvaise foi invoquée par M. [W]';

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la BGPO sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce pour immixtion caractérisée';

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé nul le billet et, par voie de conséquence, nul l'aval donné par M. [W], de même qu'en ce qu'il a jugé que cet aval ne pouvait valoir cautionnement faute de mentions manuscrites';

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la BPGO de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de M. [W]';

- le réformer en ce qu'il a condamné la BPGO au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

- condamner M. [W], en vertu de son aval, à payer à la BPGO la somme de 240.519,15€ selon décompte arrêté au 13 août 2019, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 juin 2019';

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner au paiement d'une somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile';

- le condamner aux entiers dépens.

Au contraire, M. [W] demande à la cour de :

A titre principal, vu l'article L 650-1 du code de commerce,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions';

- débouter la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

Y additant,

- condamner la BPGO à payer à M. [W] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';

- condamner la BPGO aux entiers dépens d'appel';

A titre subsidiaire, vu les articles L 512-1 et suivants du code de commerce, et l'article L 331-1 du code de la consommation,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la nullité du billet à ordre sur le fondement de l'article L 512-1 du code de commerce';

- prononcer la nullité du billet et, par voie de conséquence, celle de l'aval donné par M. [W], lequel ne peut pas non plus valoir cautionnement, faute de mentions manuscrites';

- débouter la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

A défaut,

Vu les articles L 512-3 et L 511-12 du code de commerce,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la mauvaise foi de la BPGO comme porteur du billet à ordre';

- dire et juger que la BPGO est porteur de mauvaise foi';

- en conséquence, débouter la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

Vu l'article 2314 du code civil,

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un plafond de retenue de garantie de 10.000 €, radicalement inexistant, et en ce qu'il n'a pas déchargé totalement M. [W] de son engagement d'aval';

- dire et juger que c'est par la négligence fautive de la BPGO que M. [W] n'a pu être subrogé dans ses droits et privilèges';

- en conséquence, débouter la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

- si mieux n'aime la cour, décharger M. [W] à hauteur de 80.000 €';

Vu l'article L 650-1 du code de commerce,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la BPGO';

- dire et juger nul l'aval donné par M. [W]';

- en conséquence, débouter la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions';

- si mieux n'aime la cour, condamner la BPGO à verser à M. [W] des dommages et intérêts équivalents aux sommes réclamées, soit 240.519,15 € outre intérêts légaux postérieurs au 21 juin 2019 jusqu'à la présente décision';

- à défaut, réduire la garantie due à la BPGO à hauteur de 80.000 €';

En toutes hypothèses,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la BPGO de toutes ses demandes, fins et conclusions et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens';

Y additant,

- condamner la BPGO au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 en cause d'appel';

- condamner la BPGO aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la demande principale de M. [W] tendant à l'annulation de son aval sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce':

Cet article dispose :

« Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.»

C'est ce qu'a jugé le tribunal qui, pour annuler l'aval consenti par M. [W] à la BPGO en garantie du billet à ordre souscrit par la société Tetra France, a retenu que la banque avait soutenu fautivement la société en renouvelant par sept fois un billet financier de 250.000 € alors que l'entreprise ne parvenait pas à rétablir ses résultats toujours déficitaires, que la banque connaissait l'étendue des difficultés de sa cliente qu'elle avait ainsi contribué à aggraver et que, ce faisant, la BPGO s'était immiscée dans la gestion de la société.

M. [W] demande à la cour de confirmer cette décision, réaffirmant d'une part que le concours financier de la BPGO était manifestement fautif, d'autre part que la banque s'est immiscée dans la gestion de la société en maintenant une ligne de crédit qu'elle savait ne pas pouvoir être remboursée et en faisant croire aux cocontractants de la société qu'elle était toujours in bonis.

Il ajoute que la banque a pris des garanties «'radicalement disproportionnées'» en recueillant non seulement l'aval du dirigeant, mais également un gage-espèces à concurrence de 20'% des bordereaux de remise à l'escompte de créances professionnelles qui lui étaient cédées par la société.

Au contraire, la BPGO conteste tout concours fautif, a fortiori toute immixtion dans la gestion de l'entreprise et toute prise de garantie disproportionnée.

Pour s'en défendre, elle fait valoir qu'elle s'est bornée à soutenir financièrement la société, comme elle le faisait depuis plusieurs années, que les billets qu'elle était régulièrement amenée à renouveler ne présentaient pas de conditions défavorables à la société ni n'avaient pour objectif d'aggraver sa situation financière, de tromper les cocontractants de l'entreprise ou encore de favoriser la banque en assurant son désintéressement prioritaire par rapport aux autres créanciers de la procédure collective, laquelle n'était d'ailleurs pas encore ouverte à cette époque.

La banque maintient qu'elle n'a accompli aucun acte de gestion ou de direction de l'entreprise, ni n'a jamais donné d'ordres à son dirigeant. Quant à la prise de garanties prétendument disproportionnées, elle fait remarquer qu'elle s'est bornée à recueillir, outre l'aval de M. [W], un gage-espèces plafonné à 10.000 €.

A - Sur la fourniture d'un crédit fautif :

Au vu des pièces versées aux débats, la cour considère que la BPGO a fourni à la société un crédit excessif, par là même fautif.

En effet, elle observe que si le compte bancaire de l'entreprise affichait régulièrement un solde créditeur, en réalité cette apparence était trompeuse, puisque ce solde ne s'expliquait que par l'octroi répété de billets financiers systématiquement renouvelés à leur échéance sans que la société ne commence jamais à les rembourser. C'est ainsi que la banque a accordé à la société':

- un billet de 200.000 € le 14 février 2017, non honoré à son échéance, mais renouvelé le 17 mai 2017,

- un billet de 200.000 € le 17 mai 2017, non honoré à son échéance mais renouvelé le 16 août 2017,

- un billet de 200.000 € le 16 août 2017, non honoré à son échéance mais renouvelé par l'octroi d'un nouveau billet de 250.000 € le 16 novembre 2017,

- un billet de 50.000 € le 9 novembre 2017, non honoré à son échéance mais renouvelé par l'octroi du billet de 250.000 € du 16 novembre 2017,

- un billet de 250.000 € le 16 novembre 2017, non honoré à son échéance mais renouvelé le 16 février 2018,

- un billet de 250.000 € le 16 février 2018, non honoré à son échéance mais renouvelé le 14 mai 2018,

- un billet de 250.000 € le 14 mai 2018, non honoré à son échéance mais renouvelé le 16 août 2018,

- un billet de 250.000 € le 16 août 2018, non honoré à son échéance mais renouvelé le 15 novembre 2018,

- un billet de 250.000 € le 15 novembre 2018, non honoré à son échéance mais renouvelé le 14 février 2019,

- enfin un billet de 250.000 € le 14 février 2019, soit le billet litigieux, non honoré à son échéance du fait de l'ouverture de la procédure collective intervenue le 13 mars 2019.

Si cette pratique n'est pas illicite, en revanche sa durée, de deux années, la rendait périlleuse, alors en effet que, parallèlement, les performances de la société ne s'amélioraient pas, ses capitaux propres étant en effet négatifs depuis plusieurs années déjà.

B - Sur l'allégation d'une fraude':

Même si M. [W] n'utilise pas ce terme, pour autant il impute à la banque un comportement frauduleux, puisqu'il lui reproche d'avoir voulu contourner les règles de la procédure collective en se protégeant par rapport aux autres créanciers pour obtenir un désintéressement prioritaire sous la forme d'un aval.

Cependant, si l'imprudence de la banque est caractérisée dans l'octroi d'un crédit excessif, en revanche la fraude n'est pas démontrée, étant en effet observé':

- qu'il n'est pas établi que la banque ait ainsi «'recyclé'» de précédentes créances non garanties en une nouvelle créance qu'elle aurait pris soin d'assortir d'un aval, le premier billet, d'un montant de 200.000 €, ayant en effet été accordé le 14 février 2017 ex nihilo, au surplus à une époque où la société n'était pas encore en cessation des paiements';

- que les billets suivants n'ont fait que renouveler ce crédit, sans constitution de garanties supplémentaires en faveur de la banque.

Ainsi, la preuve n'est pas rapportée que la banque se soit intentionnellement protégée en fraude des droits des autres créanciers.

C - Sur l'allégation d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur':

L'immixtion susceptible d'être reprochée au banquier doit s'entendre d'actes positifs de direction de l'entreprise, assimilable à une gestion de fait de celle-ci, ou encore de l'exercice d'une influence décisive sur la gestion du débiteur.

Or, M. [W], qui dirigeait la société Tetra France depuis plusieurs années déjà, ne justifie pas en quoi la BPGO l'aurait dépossédé de ses pouvoirs de direction de l'entreprise, lui aurait donné des ordres, ou l'aurait contraint à accepter des concours ou des garanties dont il doit aujourd'hui répondre.

Le grief tiré d'une immixtion caractérisée de la banque n'est donc pas établi.

D - Sur l'allégation d'une prise de garanties disproportionnées par rapport aux concours accordés':

Ici encore, le grief n'est pas établi.

En effet, la BPGO a fait avaliser le billet litigieux par M. [W], ce qui a eu pour effet de soumettre ce dernier à l'obligation de rembourser la même somme que celle empruntée par la société pour le cas où elle n'y satisferait pas elle-même.

Ainsi et par définition, un aval ne peut pas constituer une garantie disproportionnée par rapport au montant du concours accordé.

Certes, la BPGO s'était également fait consentir une autre garantie sous la forme d'un gage-espèces susceptible d'être alimenté par une retenue d'un montant maximal de 20'% sur chacun des bordereaux de remise à l'escompte de créances détenues par la société sur ses clients.

Pour autant, il est constant que la banque n'a jamais profité pleinement de cette garantie, si ce n'est dans la limite d'une somme de 10.000 € qui constituait le plafond d'abondement du compte sur lequel les retenues devaient être versées.

Ainsi, il en est justifié par la mention figurant sur le relevé de compte de la société, relevé qui, en date du 23 avril 2018, indique que la retenue sur la cession Dailly du même jour n'a pas pu être mobilisée du fait du plafond déjà atteint du compte de garantie.

En d'autres termes, la BPGO ne disposait pas d'autres garanties, pour protéger sa créance, que de l'aval de M. [W] et d'un gage-espèces limité à 10.000 €.

D'ailleurs et au surplus, la banque n'a pas manqué d'en informer le liquidateur judiciaire lorsqu'elle lui a déclaré ses créances.

C'est aussi la raison pour laquelle elle ne réclame aujourd'hui à M. [W] qu'une somme de 240.519,15 €, la banque ayant en effet déjà déduit du solde de sa créance le montant du gage-espèces dont elle disposait au jour du jugement d'ouverture.

Il en résulte que M. [W] ne peut pas reprocher à la banque d'avoir pris des garanties disproportionnées par rapport au concours accordé.

En définitive et quand bien même ce concours était imprudent, pour autant l'ensemble des conditions prévues à l'article L 650-1 du code de commerce ne sont pas réunies pour justifier l'annulation de l'aval consenti par M. [W].

Le jugement sera infirmé en ce sens.

II - Sur les demandes subsidiaires de M. [W]':

A - Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité à agir contre l'avaliste en l'absence de justification de l'admission de la créance au passif de la procédure collective':

La BPGO justifie avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Certes, elle ne produit pas l'état des créances admises à la procédure collective ni aucune décision du juge commissaire qui, en cas de contestation, aurait statué sur celle-ci pour admettre ou rejeter la créance déclarée.

Pour autant, M. [W] lui-même n'aurait pas manqué de produire cette décision de rejet, si tant est qu'elle eût existé.

D'ailleurs, il ne soutient même pas que cette créance ait été contestée, ni par la débitrice, ni par lui-même, alors qu'il aurait eu qualité pour le faire par application de l'article R 624-8 du code de commerce.

Aussi et en l'absence de justification d'une contestation, la créance déclarée par la banque sera réputée avoir été admise au passif de la procédure collective par la seule apposition de la signature du juge commissaire sur la liste des créances établie par le liquidateur et ce, conformément à l'article R 624-3 du code de commerce.

En tout état de cause, l'admission de la créance au passif n'est pas une condition de recevabilité de l'action contre l'avaliste dès lors que la créance a été déclarée, ce qui est le cas en l'espèce.

Le moyen d'irrecevabilité sera donc écarté.

B - Sur le moyen tiré de la nullité formelle du billet':

L'article L 512-1 du code de commerce dispose':

«'I. - Le billet à ordre contient ;

1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;

2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;

3° L'indication de l'échéance ;

4° Celle du lieu où le paiement doit s'effectuer ;

5° Le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ;

6° L'indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ;

7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.

II. - Le billet à ordre dont l'échéance n'est pas indiquée est considéré comme payable à vue.

III. - A défaut d'indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.

IV. - Le billet à ordre n'indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur.'»

Pour contester la validité du billet souscrit par la société le 14 février 2019, M. [W] dénonce l'absence d'indication du lieu où le paiement devait s'effectuer, plus précisément d'une absence de précision quant l'adresse du paiement puisqu'il n'est mentionné sur le billet que': «'BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST - BPO ST BRIEUC'».

Cependant, il convient à nouveau de rappeler que la créance est réputée avoir été admise sans contestation, ce dont il résulte que le billet à l'origine de celle-ci a été reconnu valable.

Par ailleurs et en tout état de cause, il faut rappeler':

- qu'en application de l'article précité, à défaut d'indication spéciale, le lieu de création du titre est réputé être celui du paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur';

- que d'ailleurs, cette règle corrobore celle prévue à l'article 1342-6 du code civil selon laquelle, à défaut d'une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le paiement doit être fait au domicile du débiteur.

Or, en l'espèce, le domicile du souscripteur est expressément mentionné sur le billet': «'Tetra France SAS, [Adresse 6]'».

Dès lors, il s'agit également du lieu où la banque était censée se faire payer à l'échéance du billet.

Le moyen sera donc écarté.

C - Sur le moyen tiré de la perte du bénéfice de subrogation':

L'article 2314 du code civil dispose ce qui suit':

«'Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté.'»

Cette disposition profite, non seulement à la caution, mais également à l'avaliste.

Se prévalant de cette règle, M. [W] fait valoir que la BPGO bénéficiait d'un gage-espèces lui imposant de prélever 20'% du montant des bordereaux de remise à l'escompte et de les porter au crédit d'un compte de retenue venant en garantie de tous concours octroyés à la société.

Constatant que la banque s'est bornée à alimenter ce compte de quelques milliers d'euros seulement, alors qu'elle aurait dû prélever 20'% du montant de chaque créance escomptée, il lui reproche d'avoir limité sans raison valable son gage-espèces à la somme de 10.000 € et d'avoir ainsi exposé l'avaliste, par sa carence à se constituer une garantie suffisante, à devoir répondre de son engagement davantage qu'il n'aurait eu à le faire si la banque avait provisionné autant qu'elle le devait.

M. [W] demande en conséquence à la cour de le décharger totalement de son engagement et, à titre subsidiaire, de l'en décharger à hauteur d'au moins 80.000 €, soit une somme égale à 20'% du montant des créances escomptées sur lesquelles la banque a omis de prélever sa garantie.

Cependant et ainsi qu'elle le fait valoir, la banque n'était pas tenue de prélever, à titre de garantie de ses concours, 20'% de l'ensemble des créances professionnelles escomptées au bénéfice de la société, l'acte de «'retenue de garantie'» souscrit le 27 mars 2018 par la société Tetra France le 27 mars 2018 n'évoquant en effet qu'une retenue «'à concurrence de 20'%'», s'agissant là d'un pourcentage maximal de prélèvement.

D'ailleurs, les capacités financières de la société s'en seraient trouvées considérablement réduites si elle avait dû se priver d'un cinquième des sommes escomptées.

C'est ce qui explique que les sommes retenues aient été versées sur un compte dédié dont le plafond était fixé à 10.000 €, ainsi qu'il est indiqué sur les relevés produits par la banque.

En conséquence et en l'absence de faute comme de négligence de la banque dans la défense de ses droits ou privilèges, il n'y a pas lieu à décharge de l'avaliste.

D - Sur le moyen tiré de la mauvaise foi du porteur du billet':

L'article L 511-12 du code de commerce dispose que les personnes actionnées en vertu d'une lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur.

Ce texte est également applicable au billet à ordre, par application de l'article L 512-3 du code commerce.

Il en résulte notamment que l'exception de défaut de provision d'un billet à ordre peut être invoquée contre un porteur de mauvaise foi pour s'opposer à son action en paiement.

Ainsi, peut être qualifié de porteur de mauvaise foi, et se voir opposer la sanction prévue à l'article L 511-12, le bénéficiaire d'un effet de commerce dès lors qu'il est établi qu'il savait, au moment de l'escompte, que la provision promise ne serait pas constituée à son échéance, ou encore que la situation du tireur était irrémédiablement compromise et qu'il a ainsi, en acceptant cet effet, agi sciemment au détriment du débiteur.

Encore faut-il le démontrer, la seule imprudence du bénéficiaire ne faisant pas de lui un porteur de mauvaise foi au sens de l'article précité.

Or, c'est sans convaincre que M. [W] se borne à affirmer que la BPGO savait, au moment où elle a reçu le billet litigieux, soit le 14 février 2019, que la société était déjà dans une situation irrémédiablement compromise.

En effet, nonobstant le fait que la date de cessation des paiements de la société ait été fixée par le tribunal rétroactivement au 16 novembre 2018, pour autant il n'est pas démontré que la banque ait pu avoir une appréciation complète de la situation économique et financière de l'entreprise.

A cet égard, il convient notamment de rappeler':

- que la société poursuivait alors son activité et, en particulier, qu'elle continuait à céder des créances professionnelles à la banque, l'ayant encore fait quelques jours seulement avant le renouvellement du dernier billet, une somme de 5.529,06 € ayant ainsi été escomptée le 11 février 2019';

- que sa situation bancaire ne se dégradait pas non plus, son compte demeurant créditeur bien que grâce au renouvellement régulier du billet tous les trois mois, au demeurant à l'instar de ce qui s'était toujours passé depuis deux ans déjà sans que la société ait eu à déposer son bilan';

- que dans ces conditions, et sauf à avoir une connaissance plus complète de la situation de l'entreprise, en particulier de son carnet de commandes, rien ne laissait particulièrement entrevoir la perspective d'un dépôt de bilan';

- que d'ailleurs, M. [W], bien qu'étant alors dirigeant de la société, s'abstient de toutes explications quant aux causes de ce dépôt de bilan, se bornant toutefois à évoquer un passif admis pour un montant total de 1.035.120,38 €, ce qui démontre que la société avait bien d'autres dettes que celles contractées auprès de la BPGO, lesquelles n'excédaient pas un total de 266.006,07 €, montant du billet inclus.

Ainsi, la preuve n'est pas rapportée que la banque avait connaissance de la situation économique et financière globale de la société, et partant, qu'elle ait sciemment accepté le nouveau billet, qui n'était d'ailleurs que le renouvellement du précédent, au détriment du débiteur.

En conséquence, la banque ne saurait se voir interdire le recouvrement de sa créance auprès de l'avaliste, sa seule imprudence ne faisant pas d'elle un porteur de mauvaise foi au sens de l'article L 511-12.

III - Sur la demande en paiement formée à l'encontre de M. [W]':

L'article L 511-21 dispose en son alinéa 7 que le donneur d'aval est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant.

En conséquence et en l'absence d'autres moyens opposants, M. [W] sera condamné à payer à la BPGO une somme de 240.519,15 €, selon décompte arrêté au 13 août 2019, pour solde du billet litigieux.

Conformément à la demande de la banque ainsi qu'à l'article 1231-6 du code civil, cette condamnation produira des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juin 2019.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

IV - Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par M. [W] à l'encontre de la banque':

Se prévalant de nouveau de la faute commise par la BPGO dans l'octroi d'un crédit excessif à la société, M. [W] réclame la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalent à la somme qui lui est réclamée en sa qualité d'avaliste.

Cependant et à nouveau, cette demande ne saurait être examinée autrement que sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce qui, en cas d'ouverture d'une procédure collective, subordonne la mise en cause de la responsabilité des créanciers du fait des préjudices causés par les concours consentis':

- d'une part à l'existence d'un concours fautif,

- d'autre part à l'existence d'une fraude, d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou à la prise de garanties disproportionnées au concours.

Or, il a été précédemment démontré que si le concours accordé par la BPGO à la société Tetra France pouvait être considéré comme fautif car excessif, en revanche aucune preuve n'était rapportée, ni d'une fraude de la banque, ni de son immixtion dans la gestion du débiteur, ni enfin d'une prise de garanties disproportionnées.

En conséquence, les conditions légales d'une mise en cause de la responsabilité civile de la banque n'étant pas réunies, aucune condamnation indemnitaire ne saurait être prononcée à son encontre.

Dès lors, M. [W] sera débouté de sa demande en dommages-intérêts.

V - Sur les autres demandes':

La BPGO sera déboutée de la demande qu'elle forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, partie perdante, M. [W] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- infirme le jugement en toutes ses dispositions';

- statuant à nouveau et y ajoutant :

* déboute M. [L] [W] de l'ensemble de ses demandes et défenses';

* condamne M. [L] [W], en qualité d'avaliste du billet à ordre souscrit par la société Tetra France le 14 février 2019, à payer à la société Banque Populaire Grand Ouest une somme restant due de 240.519,15 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2019.

* déboute la société Banque Populaire Grand Ouest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamne M. [L] [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.