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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 24 octobre 2019, n° 15/02815

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Saint Nicolas de Rubelles (Selas)

Défendeur :

Pharmacie des Vignes, Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

Mme Paulmier-Cayol, Mme Leroy-Richard

T. com. Amiens, du 5 mai 2015

5 mai 2015

Monsieur R., pharmacien qui exploitait depuis 2001 un fonds de commerce de pharmacie à Crégy les Meaux et monsieur et madame P., tous deux pharmaciens ont constitué le 30 avril 2005 la SELAS Pharmacie des vignes, M. R. étant détenteur de 50 % du capital et monsieur et madame P. de 25 % chacun.

La société Pharmacie des vignes a acquis :

- le 16 juin 2005, le fonds de commerce de M. R. moyennant le prix de 1 800 000 euros, cette acquisition étant financée par un prêt consenti par la Société générale,

- le 30 mai 2005, 96 des 100 actions de la société G. qui exploite un fonds de commerce de pharmacie dans un centre commercial à Rubelles, moyennant le prix de 2 256 135 euros, monsieur et madame P. et M. R. acquérant à titre personnel les quatre dernières actions de la société G. (M. et Mme P. une action chacun, M. R. deux actions), le capital de la société G. étant ainsi cédé pour le prix total de 2 350 141 euros.

M. R. est alors le pharmacien titulaire de l'officine de Crégy les Meaux tandis que monsieur et madame P. sont les pharmaciens co-titulaires de l'officine de Saint Nicolas de Rubelles; cette acquisition a été financée par un prêt de 2 200 000 euros consenti par le Crédit agricole Brie Picardie à la société Pharmacie des vignes garanti par un nantissement des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles appartenant à la société Pharmacie des vignes, le blocage de la somme de 500 000 euros sur les comptes courants de monsieur et madame P. et M. R. et les cautions personnelles de M. R. et monsieur et madame P. à hauteur de 550 000 euros.

Les remontées de dividendes de la société Saint Nicolas de Rubelles à la société Pharmacie des vignes ou autres 'management fees' devaient permettre à cette dernière de rembourser l'emprunt contracté auprès du Crédit agricole Brie Picardie.

En 2007, M. R. et monsieur et madame P. ont décidé de restructurer le capital des deux sociétés pour scinder les intérêts des associés :

- le 25 juin 2007, M. R. a cédé toutes ses actions dans la société Pharmacie des vignes à la société Saint Nicolas de Rubelles au prix de 25 000 euros ;

- le 26 juin 2007, monsieur et madame P. ont cédé à M. R. leurs deux actions de la société Saint Nicolas de Rubelles ;

- le même jour la société Saint Nicolas de Rubelles a acquis de la société Pharmacie des vignes les 96 actions que celle-ci détenait, moyennant le prix de 2 400 000 euros acquitté par une reprise de l'encours de l'emprunt d'acquisition sous la forme d'une délégation de créances avec substitution du débiteur du Crédit agricole Brie Picardie (1 885 994, 85 €), une compensation de créances avec la société Pharmacie des vignes (204 629,12 €), des prêts consentis par M. R. et monsieur et madame P. sous la forme de transferts de comptes courants de la société Pharmacie des vignes à la société Saint Nicolas de Rubelles (309 376 €) ;

- le 16 août 2007, la société Saint Nicolas de Rubelles a annulé ces 96 actions par la voie d'une réduction de capital, M. R. demeurant alors son seul associé.

M. R. devient le pharmacien titulaire de l'officine Saint Nicolas de Rubelles, tandis que monsieur et madame P. deviennent les pharmaciens co-titulaires de l'officine de Crégy les Meaux (Pharmacie des vignes).

Le 22 juin 2010, M. R. cède à sa soeur, Mme Hélène T. qui exploite alors à l'Hay les roses une officine de pharmacie appartenant à la société Pharmacie du jardin parisien, 25 % des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles pour le prix de 250 000 euros. Dans le même temps, madame T. cède à M. R. 47,5 % du capital de la société Pharmacie du jardin parisien ; elle quitte la direction de cette entreprise, devient salariée de la société Saint Nicolas de Rubelles.

Entre 2007 et 2009, la société Saint Nicolas de Rubelles obtient différents concours de la part du Crédit agricole Brie Picardie sous forme de prêts, de facilités de trésorerie ou d'allongements de prêts.

Au début de l'année 2012, sollicité à nouveau par M. R., le Crédit agricole refuse les modalités de financement proposées par le médiateur de la Banque de France et subordonne l'augmentation de ses concours à des conditions strictes.

Au mois de mars 2012, M. R. quitte ses fonctions de président de la société Saint Nicolas de Rubelles et est remplacé par Mme T..

Le 21 mai 2012 une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l'encontre de la société Saint Nicolas de Rubelles et un jugement du 18 novembre 2013 arrête un plan de redressement par voie de continuation prévoyant le remboursement intégral sur dix ans d'un passif de 3 942 000 euros dont 2 937 000 euros de passif bancaire.

C'est dans ces circonstances que la société Saint Nicolas de Rubelles a dénoncé une fraude dans la mise en oeuvre des opérations capitalistiques menées en 2005 et 2007 à l'encontre de ses anciens associés auxquels elle reproche d'avoir privilégié leurs intérêts personnels au détriment de l'intérêt social et un soutien abusif et des fautes imputées au Crédit agricole entre 2005 et 2012.

Saisi par la société Saint Nicolas de Rubelles et son commissaire à l'exécution d'un plan de redressement d'une action indemnitaire dirigée à l'encontre de la société Crédit agricole Brie Picardie, la société Pharmacie des vignes, monsieur et madame P. et M. R. et par la société Pharmacie des vignes et monsieur et madame P. d'une action de même nature à l'encontre de la société cabinet José G., commissaire aux comptes et de la SELARL M.S., avocats, le tribunal de commerce d'Amiens, par un jugement rendu le 5 mai 2015, s'est déclaré compétent à l'égard de M. G. et a mis hors de cause la société Cabinet José G., a déclaré prescrite l'action dirigée contre la société M.S. et a débouté la société Saint Nicolas de Rubelles et son commissaire à l'exécution du plan de l'ensemble de leurs demandes.

Le tribunal de commerce a principalement retenu que n'était pas démontré le caractère fautif de l'opération de restructuration faite en 2007 et des concours apportés par la banque.

La société Saint Nicolas de Rubelles et la SCP A., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement ont relevé appel de cette décision le 5 juin 2015.

Par une ordonnance rendue le 15 décembre 2015, le conseiller de la mise en état a désigné M. Guy B. en qualité d'expert afin principalement d'analyser la consistance et les conséquences de l'endettement résultant de l'acquisition par la société Pharmacie des vignes en 2005 du fonds de commerce de M. R. et les actions de l'EURL G. (future société Saint Nicolas de Rubelles), les circonstances et les conséquences de l'opération de restructuration capitalistique de la société Saint Nicolas de Rubelles menée en 2007, les flux de trésorerie de la société Saint Nicolas de Rubelles par rapport à l'endettement souscrit et son évolution jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et de donner un avis sur les concours bancaires octroyés et des conventions de trésorerie conclues au regard des usages bancaires.

Aux termes de conclusions remises en dernier lieu le 3 septembre 2019 et dont le dispositif doit être expurgé des mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, la société Saint Nicolas de Rubelles et le commissaire à l'exécution du plan de redressement demandent à la cour :

- de débouter monsieur et madame P. de l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'estoppel,

- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de prononcer la nullité de toutes les garanties accordées en contrepartie des concours financiers litigieux,

- de condamner in solidum le Crédit agricole Brie Picardie, monsieur et madame P., M. R. et la société Pharmacie des vignes à payer à la société Saint Nicolas de Rubelles les sommes de :

* 242 000 € indûment payés par Saint Nicolas de Rubelles au titre du prêt souscrit par la Pharmacie des Vignes dans le cadre du « LBO » ;

* 891 780,54 € payés par Saint Nicolas de Rubelles jusqu'à l'ouverture de sa procédure collective au titre du remboursement du prêt transféré pour financer l'achat de ses propres actions ;

* la part de la créance de 1 214 448,70 € qui sera définitivement admise au passif de Saint Nicolas de Rubelles et qui représente le solde de la créance que la CRCAM BP a déclaré impayé au-dit passif au titre de l'encours du prêt transféré pour financer l'achat de ses propres actions ;

* tous intérêts, pénalités ou majorations qui s'ajouteraient à la créance de la CRCAM BP définitivement admise au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre de l'encours du prêt transféré pour financer l'achat de ses propres actions, outre les éventuels intérêts, pénalités et majorations encourus au titre de l'article L.622-28 du Code de commerce ;

*190 901 € payés par la société Saint Nicolas de Rubelles jusqu'à l'ouverture de sa procédure collective au titre du remboursement des concours à moyen terme de 400 000 € accordés par la CRCAM BP le 27 décembre 2007 ;

* la part de la créance de 285 172 € qui sera définitivement admise au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles et qui représente le solde de la créance que la CRCAM BP a déclarée impayée au dit passif au titre de l'encours des concours à moyen terme de 400 000 € qu'elle a accordés le 27 décembre 2007 ;

* tous intérêts, pénalités ou majorations qui s'ajouteraient à la créance de la CRCAM BP définitivement admise au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre de l'encours des concours à moyen terme de 400 000 € qu'elle a accordés le 27 décembre 2007, outre les éventuels intérêts, pénalités et majorations encourus au titre de l'article L.622-28 du Code de commerce ;

* 18 848,64 € représentant le surcoût d'intérêts payé par la société Saint Nicolas de Rubelles jusqu'à l'ouverture de sa procédure collective au titre du remboursement du prêt n°97104831301 ; surcoût résultant de l'augmentation du taux d'intérêt à la suite du rallongement du prêt intervenu à compter du 15 mai 2011 ;

* 18 101,33 € représentant le surcoût d'intérêts payés par la société Saint Nicolas de Rubelles jusqu'à l'ouverture de sa procédure collective au titre du remboursement du prêt n°00025862867 ; surcoût résultant de l'augmentation du taux d'intérêt à la suite du rallongement du prêt intervenu à compter du 15 mai 2011 ;

* la part de la créance d'intérêt de 52 776,36 € qui sera définitivement admise au passif de la société St Nicolas de Rubelles et qui représente le surcoût d'intérêts impayés arrêtés à l'ouverture de la procédure collective de la société Saint Nicolas de Rubelles, au titre de l'encours du prêt n°97104831301 ;

* la part de la créance d'intérêt de 63 354,67 € qui sera définitivement admise au passif de la société St Nicolas de Rubelles et qui représente le surcoût d'intérêts impayés arrêtés à l'ouverture de la procédure collective de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre de l'encours du prêt n°00025862867 ;

* tous intérêts, pénalités ou majorations qui s'ajouteraient, en application de l'article L.622-28 du Code de commerce , à la créance de la CRCAM BP définitivement admise au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre de l'encours du prêt n°97104831301;

* tous intérêts, pénalités ou majorations qui s'ajouteraient, en application de l'article L.622-28 du Code de commerce , à la créance de la CRCAM BP définitivement admise au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre de l'encours du prêt n°00025862867 ;

* 204 629,12 € représentant le montant compensé par Pharmacie des Vignes avec une créance certaine, liquide et exigible de la société Saint Nicolas de Rubelles et ayant servi au financement de l'achat de ses propres actions par Saint Nicolas de Rubelles ;

* 283 000 € représentant le montant de l'accroissement du passif tiers constaté à l'ouverture de la procédure collective de la société Saint Nicolas de Rubelles et imputable à la CRCAM BP, M. Jean-Pierre P., Mme Marie-Jacqueline P., M. Jean-Marc R. et à la Pharmacie des Vignes ;

* 16 524 € représentant le montant de la créance de M. Jean-Pierre Gabriel André P. et de Mme Marie-Jacqueline Alice P., épouse P., inscrite au passif de la société Saint Nicolas de Rubelles au titre du solde du financement de l'achat de ses propres actions ;

- d'annuler les privilèges de nantissement de fonds de commerce inscrits par la CRCAM BP le 28 novembre 2007 pour 2 640 000 € sous le n° 2011PN0238, le 13 février 2008 pour 240 000€ sous le n° 2008PN0055 et le 13 février 2008 pour 240 000 € sous le n°2008PN0056 ;

- de débouter le Crédit agricole Brie Picardie, M. Jean-Pierre P., Mme Marie-Jacqueline P., M. Jean-Marc R. et la société Pharmacie des Vignes de leurs demandes ;

- de les condamner in solidum à payer à la société la société Saint Nicolas de Rubelles la somme de 62 481,25 € en remboursement des frais d'expertise ;

- de condamner in solidum le Crédit agricole Brie Picardie, M. Jean-Pierre P., Mme Marie-Jacqueline P., M. Jean-Marc R. et la société Pharmacie des Vignes à payer la somme de 60 000 € à chaque appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes soutiennent que monsieur et madame P. ne sont pas fondés à invoquer l'estoppel au seul motif qu'elles ont rappelé qu'une société avait la possibilité juridique de racheter ses propres actions alors que le litige porte sur les circonstances frauduleuses dans lesquelles cet acte notamment a été réalisé.

Sous le visa de l'article L 650-1 du code de commerce , elles font valoir que les concours apportés par le Crédit agricole Brie Picardie du mois de mars 2005 au mois de février 2012 (financement du LBO opéré par la société Pharmacie des vignes, refinancement des prêts contractés en 2001 par la société Saint Nicolas de Rubelles pour 1 341 894 €, ouverture d'une ligne de trésorerie de 60 000 euros en 2006, délégation de créance avec changement de débiteur en 2007 lors du rachat de ses propres actions par la société Saint Nicolas de Rubelles pour 1 885 995 €, prêts débloqués en 2008 pour 400 000 €, allongement des crédits et prêts), par la société Pharmacie des vignes et par M. R. et monsieur et madame P. lors du rachat de ses propres actions en 2007 pour environ 500 000 euros entrent tous dans les prévisions du texte cité en ce qu'ils sont fautifs et procèdent d'une fraude.

Elles soutiennent que le constat d'échec de l'opération de 'LBO' qui a été très rapidement posé et la situation économique de la société Saint Nicolas de Rubelles auraient dû inciter la banque à faire preuve de prudence avant d'accorder des financements hors de proportion avec la capacité d'autofinancement de l'entreprise et de consentir à des opérations qui ont transféré sur la société Saint Nicolas de Rubelles l'ensemble des risques liés à ces financements. Elles dénoncent un soutien abusif accordé sans instruction sérieuse des demandes de concours , qui a maintenu artificiellement l'activité de l'entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise dans le contexte d'une proximité d'intérêts entre la banque et M. R.. Elles renvoient à l'analyse faite par l'expert judiciaire de la chute brutale de l'excédent brut d'exploitation dès le deuxième trimestre 2005, d'une insuffisance chronique de capacité d'autofinancement de l'entreprise, de la situation comparable de la société Pharmacie des vignes qui n'a rétabli son équilibre financier qu'à la faveur du transfert de sa dette à la société Saint Nicolas de Rubelles en 2007 et elles soutiennent que la banque n'a pas procédé au suivi d'usage de la situation économique et financière d'une entreprise fortement endettée auprès d'elle et que lorsqu'elle a réuni les éléments pertinents d'information en 2008 et 2009, elle les a ignorés pour poursuivre ses concours . Elles renvoient aux notations défavorables de la société Saint Nicolas de Rubelles auprès de la Banque de France comme au sein du Crédit agricole.

Elles font valoir que ces circonstances confèrent un caractère fautif aux concours apportés par la société Pharmacie des vignes, monsieur et madame P. et M. R. en 2007.

Elles indiquent que les fraudes qu'elles démontrent notamment au regard de l'article L225-216 du même code sont les causes de l'ensemble des concours abusifs consentis ultérieurement par la banque qui engagent la responsabilité de celle-ci.

Les appelantes contestent devoir démontrer que la société Saint Nicolas de Rubelles ignorait l'inadéquation des concours à sa situation économique et relèvent que le fait que la banque ait refusé plusieurs demandes de concours supplémentaires ne saurait exclure le caractère fautif de son soutien. Elles font plaider que le devoir de non ingérence dans les affaires de sa cliente qui s'impose à la banque ne peut l'exonérer de toute responsabilité dans l'appréciation de la régularité des opérations qu'elle finance et elles soulignent que, notamment, la banque n'a pas vérifié que la société Saint Nicolas de Rubelles était en capacité de servir à la société Pharmacie des vignes des dividendes permettant d'honorer le prêt consenti pour le 'LBO', rappelant que l'expert judiciaire a qualifié d'irréalistes les prévisions fournies à cette occasion. Elles dénoncent le caractère manifestement anormal du rachat par la société Saint Nicolas de Rubelles de ses propres actions deux ans après une opération de LBO inhabituelle dans ce milieu professionnel et défaillante dans sa mise en oeuvre en soulignant l'absence de tout intérêt de cette opération pour l'entreprise et les avantages que pouvaient en revanche en tirer les autres protagonistes.

Elles fustigent les griefs émis par la banque à l'encontre de la gestion de l'entreprise par madame T. qui n'a pris la fonction de présidente qu'au mois de mars 2012 soit peu avant de déclarer l'état de cessation des paiements de l'entreprise, M. R. étant jusqu'alors le seul interlocuteur de la banque.

Les appelantes font valoir que l'opération de LBO de 2005 a lourdement affecté la situation financière de la société Saint Nicolas de Rubelles et que la restructuration de 2007 a directement abouti à sa ruine alors que le statu quo aurait fait supporter l'échec du LBO à la société Pharmacie des vignes, aux associés et à la banque.

Sous le visa de l'article L 225-216 du code de commerce , les appelantes dénoncent une fraude dans l'opération de LBO dont le document prévisionnel fourni à la banque mentionnait que le coût de l'emprunt serait directement re-facturé par la société Pharmacie des vignes à la société Saint Nicolas de Rubelles ; elles notent que l'expert judiciaire a confirmé que les dividendes servis à la société Pharmacie des vignes ne représentaient que 27 % de l'emprunt tandis que la société Saint Nicolas de Rubelles accordait des avances à la société holding et payait des services en exécution de conventions dont la régularité était questionnée.

Elles font valoir que la restructuration capitalistique faite en 2007 constitue également une violation de la même disposition dont elle soutient l'application nonobstant le délai de deux années écoulé depuis l'opération de 'LBO'en ce qu'elle a permis à la banque d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce de l'entreprise, ce qu'elle n'avait pu faire lors du LBO et elles soulignent la surévaluation des titres de la société Saint Nicolas de Rubelles retenue par l'expert à cette occasion. Elles indiquent que cette restructuration équivaut en réalité en une seconde opération d'acquisition faite avec les concours financiers de la société Pharmacie des vignes, de monsieur et madame P. et de M. R., permettant à ce dernier d'acquérir l'ensemble du capital de la société Saint Nicolas de Rubelles sans supporter aucun endettement tandis que la 'société-cible' consentait une garantie sur son fonds de commerce .

Elles rappellent que le rachat par la société Saint Nicolas de Rubelles de ses propres actions a été convenu sur la base de la même valorisation des titres que celle retenue en 2005 alors même que la rentabilité de l'entreprise avait fortement chuté depuis lors, caractérisant un préjudice supplémentaire subi par la société Saint Nicolas de Rubelles, dénonçant une nouvelle fraude de ce chef.

Elles soutiennent que l'ensemble des concours accordés par la banque après 2007 résulte des fraudes initiales commises en 2005 et 2007 qui avaient compromis irrémédiablement la survie de l'entreprise, la banque tentant ainsi de recouvrer partie de ses engagements.

Enfin, les appelantes détaillent les éléments de préjudice qu'elles imputent aux acteurs des fraudes dénoncées et identifient les garanties dont elles sollicitent l'annulation.

Par des conclusions remises dernièrement le 14 septembre 2015, l'intéressé n'ayant pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise, M. R. demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter toutes demandes faites à son encontre, subsidiairement de dire que la somme de 453 239 euros correspondant au compte courant qu'il a abandonné viendra en déduction de toute condamnation éventuelle et de condamner in solidum les intimés à le garantir de toutes condamnations éventuelles et de lui accorder le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelant la genèse du projet, M. R. relate que dans le cadre de l'opération de LBO réalisée en 2005, il était prévu que l'intégralité des bénéfices de la société Saint Nicolas de Rubelles soit distribuée à la société Pharmacie des vignes pour permettre à celle-ci d'honorer son prêt, que c'est Mme P. au début de l'année 2006 qui a remis en cause son activité au sein de la société Saint Nicolas de Rubelles, monsieur et madame P. décidant alors de ce désengager de cette entreprise et qu'après avoir envisagé une cession des deux sociétés à des tiers, il s'est résolu à la scission du groupe des deux sociétés.

Soulignant le nombre important de professionnels et d'administrations qui ont validé ces opérations de restructuration, il soutient que l'opération réalisée en 2007 était régulière sur le plan juridique, conteste que le prix de rachat des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles ait été surévalué et relève que la société Saint Nicolas de Rubelles a alors acquis la moitié du capital de la société Pharmacie des vignes libérée de la charge du prêt afférent au LBO.

Il fait valoir que cette opération n'était pas contraire à l'intérêt social de la société Saint Nicolas de Rubelles la charge du prêt venant en réalité compenser l'obligation de servir des dividendes à sa société-mère et il fait état des résultats de l'exploitation de l'entreprise à partir de 2007 qui ont permis une reconstitution des capitaux propres à hauteur d'un million d'euros ; il questionne la gestion de l'entreprise par Mme T. à compter de 2011.

Il relève que les difficultés à l'origine de l'état de cessation des paiements sont survenues en 2011 alors qu'acceptant une proposition de poste dans l'industrie pharmaceutique, il s'est désengagé de la gestion de la société Saint Nicolas de Rubelles, la banque refusant alors de poursuivre le soutien qu'elle avait accordé jusque-là à l'entreprise.

M. R. conteste avoir commis quelque faute et souligne que, pas plus que monsieur et madame P., il ne s'est enrichi par l'effet de la restructuration opérée en 2007 ; il dénonce l'outrance des demandes indemnitaires qui correspondent en fait au montant des concours dont la société Saint Nicolas de Rubelles a effectivement bénéficié.

Il note que l'ensemble de l'opération de 2007 a été menée avec le plein accord de monsieur et madame P., professionnels expérimentés pour avoir géré trois officines de pharmacie au cours de leur carrière, M. P. étant alors le président de la société Saint Nicolas de Rubelles, seul habilité à engager la société.

Il indique qu'aux termes d'un protocole conclu avec Mme T. au mois d'avril 2013 il a accepté d'abandonner intégralement son compte courant d'associé (453 239 €) pour favoriser le redressement de l'entreprise et de céder à Mme T. toutes ses actions dans la société Saint Nicolas de Rubelles pour un euro.

Il impute des fautes à l'ensemble des intervenants aux opérations litigieuses et sollicite leur garantie.

Par des conclusions remises en dernier lieu le 4 septembre 2019 et dont le dispositif doit être expurgé de toutes les mentions qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes demandent à la cour de :

- déclarer la société Saint Nicolas de Rubelles, maître Jérome C. et la SCP C.-A. irrecevables à contester la licéité du rachat des actions de la première, par application du principe de l'estoppel,

- de confirmer le jugement dont appel,

- subsidiairement, si le rachat par la société Saint Nicolas de Rubelles de ses propres actions était jugé illicite et frauduleux, de débouter les appelants des demandes dirigées à leur encontre,

- plus subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite leur action et celle de la société Pharmacie des vignes à l'encontre de M. G. et de la SELARL M., S. et associés et de condamner ceux-ci solidairement avec M. R. et le Crédit agricole Brie Picardie à les garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre,

- encore plus subsidiairement si leur action à l'encontre de la SELARL M., S. et associés était déclarée irrecevable, de condamner celle-ci à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né d'une manoeuvre dilatoire, - encore plus subsidiairement, limiter à la somme de 16 524,48 euros le préjudice à eux imputable et rejeter toute demande de condamnation solidaire,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a mis la société Cabinet José G. hors de cause et rejeté l'exception d'incompétence présentée par M. José G., l'infirmer en ce qu'il a prononcé condamnations à leur encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner solidairement tous succombants aux dépens et à payer à chacun la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Soulignant qu'ils sont profanes en matière juridico-financière, monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes font valoir qu'il est désormais avéré que le montage conçu par M. R. avec l'aide de ses conseils juridiques et techniques et le concours du Crédit agricole Brie Picardie a eu pour seul objectif et pour effet de permettre à l'intéressé de troquer un petit fonds de commerce d'une officine de pharmacie de village contre 100 % de l'actionnariat d'une importante officine de pharmacie située dans un centre commercial sans débourser de trésorerie, ni aucune contrepartie à leur préjudice, leur faisant perdre leur patrimoine professionnel.

Ils exposent qu'après l'opération de 'LBO' les désaccords existants entre M. R. et madame P. qui travaillait au sein de la société Saint Nicolas de Rubelles et leur souhait de prendre leur retraite à moyen terme ont conduit monsieur et madame P. à décider sortir du capital de la société Saint Nicolas de Rubelles.

Rappelant les modalités des opérations litigieuses menées en 2007, ils relèvent que celles-ci ont été favorables à la société Saint Nicolas de Rubelles qui a reconstitué en grande partie ses capitaux propres entre 2007 et 2011 et qui en toute hypothèse aurait dû payer des 'management fees' à la société Pharmacie des vignes.

Ils soutiennent que les difficultés connues par la société Saint Nicolas de Rubelles à compter de 2011 par suite d'une stagnation du chiffre d'affaires et d'une baisse de la marge brute et de l'excédent brut d'exploitation dans une conjoncture défavorable sont sans rapport causal avec les dispositions prises quatre ans auparavant.

Ils imputent à M. R. des pressions destinées à obtenir d'eux des avantages indus tels l'abandon de créances en compte courant pour un montant total de 250 000 euros et indiquent avoir déclaré une créance de 16 524,35 euros au passif de la procédure collective de la société Saint Nicolas de Rubelles.

Ils font valoir que la société Saint Nicolas de Rubelles ne peut soutenir que l'opération capitalistique réalisée en 2007 était irrégulière après avoir indiqué en première instance que la 'régularité juridique de l'opération n'est pas en cause , puisqu'un texte permet à une société de racheter ses propres actions.'

Ils contestent toute responsabilité sur le fondement de l'article L 225-216 du code de commerce dans la mesure où aucune garantie n'a été constituée à leur bénéfice.

Ils font valoir que l'article L 650-1 du code de commerce ne peut leur être utilement opposé alors que les seuls concours qu'ils ont apportés à la société Saint Nicolas de Rubelles sont des abandons de créances opérés à leur préjudice.

Ils font état de l'avantage pour la société Saint Nicolas de Rubelles d'acquérir pour 25 000 euros 50 % des actions de la société Pharmacie des vignes qui réalisait un chiffre d'affaires de 2 000 000 € et qui était désendettée par le transfert de son passif à la société Saint Nicolas de Rubelles.

Ils notent que les deux sociétés ont maintenu une activité excédentaire après 2007 et contestent tout lien causal entre les opérations menées en 2005 et 2007 et les difficultés rencontrées par la société Saint Nicolas de Rubelles à partir de 2011.

Ils relèvent qu'en contrepartie du transfert du prêt contracté en 2005 pour acquérir les actions de la société Saint Nicolas de Rubelles, la société Pharmacie des vignes a perdu 96 % des actions de cette dernière dont le fonds était valorisé à 5 millions d'euros, soutiennent que les cessions des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles ont été conclues au prix du marché et contestent que la société Pharmacie des vignes ait reçu tout avantage indû.

Ils font valoir que monsieur et madame P., actionnaires sortants, n'ont retiré aucun avantage de l'opération menée en 2007 qui a conduit à la réduction du capital de la société Saint Nicolas de Rubelles mais qu'ils ont au contraire perdu leur comptes courants d'un montant de 134 971 euros. Ils contestent toute notion de concours au sens de l'article L 650-1 ou de fraude et excluent tout lien de causalité avec un état de cessation des paiements de la société Saint Nicolas de Rubelles fixé au 15 janvier 2012 et qu'ils attribuent à des carences dans la gestion par M. R. puis par madame T..

Ils notent que l'expert judiciaire n'a retenu aucun fait susceptible de constituer une faute à eux imputable et que si des fautes ou des fraudes étaient avérées elles seraient imputables à M R. et à la banque. Ils soulignent que M. R. était le seul interlocuteur de la banque alors même qu'il n'était pas le représentant légal de la société Saint Nicolas de Rubelles entre 2005 et 2007 et que les liens privilégiés entre celui-ci et la banque sont un élément essentiel de compréhension des faits de la cause dont l'un et l'autre ont tiré avantage.

La société Pharmacie des vignes et monsieur et madame P. indiquent que la mise en cause de M. G. commissaire aux comptes qui a validé l'opération de rachat par la société Saint Nicolas de Rubelles de ses propres actions est justifiée sur le fondement de l'article L 721-3 2° du code de commerce et ils soutiennent que le délai de prescription de l'article L 225-254 du même code n'a commencé à courir qu'à la date à laquelle ils ont été eux-mêmes assignés devant le tribunal ou à la date de la condamnation prononcée à leur encontre.

Les mêmes reprochent à la société M., S. et associés d'avoir tardé à invoquer un défaut d'intérêt à agir à son encontre au motif que les actes litigieux ont été rédigés par maître M. avant la constitution de la société d'avocats et ils présentent une demande indemnitaire sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile.

Ils contestent que leur action soit prescrite en application de l'article 2224 du code civil en plaidant que le dommage dont ils demandent garantie sera constitué par une éventuelle condamnation et ils invoquent un manquement à l'obligation d'information du client et au devoir de veiller à l'efficacité de l'acte rédigé.

Visant le décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif aux experts-comptables et les articles L823-9 et suivants du code de commerce relatifs aux commissaires aux comptes, ils dénoncent un manquement de M. G. à son devoir de conseil lors de l'opération de restructuration de 2007 et relèvent que le rapport du commissaire aux comptes du 30 juillet 2007 mentionne une réduction des capitaux propres de la société Saint Nicolas de Rubelles de 73 920 euros correspondant au rachat de ses propres actions mais omet la réduction des capitaux propres résultant du transfert de la dette de la société Pharmacie des vignes pour 2 326 080 euros.

Par des conclusions remises en dernier lieu le 31 juillet 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie (le Crédit agricole) demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, de débouter la société Saint Nicolas de Rubelles de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 18 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole relate les conditions dans lesquelles il a concouru à un projet innovant présenté en 2005 par M. R. de regroupement de deux officines de pharmacie qui présentaient des résultats financiers très élevés avec une marge brute de 30,2 %, supérieure à la moyenne de la profession, puis à une restructuration en 2007 motivée par le souhait de monsieur et madame P. de préparer leur départ à la retraite. Il fait état d'une activité performante de la société Saint Nicolas de Rubelles de 2007 à 2011 avant que les résultats de l'entreprise ne se dégradent à l'occasion du désengagement partiel de M. R. et sous la gestion de madame T..

Soutenant que le visa de l'article L 650-1 du code de commerce par les appelantes constitue un fondement juridique erroné, il fait valoir que la mise en cause de sa responsabilité doit satisfaire les critères de l'article 1382 (désormais 1240) du code civil avant que ne puisse être discutée l'existence d'une fraude, d'une immixtion fautive ou d'une disproportion dans les garanties prises.

Il conteste avoir commis quelque faute dans l'octroi des concours litigieux à la société Saint Nicolas de Rubelles dont la situation n'était pas irrémédiablement compromise avant 2011.

Il rappelle les éléments d'appréciation qu'il avait reçus de professionnels lors des opérations menées en 2005 et 2007 et qui montraient deux entreprises en très bonne santé ; il souligne qu'il ne lui appartient pas d'apprécier l'intérêt social des choix qui sont faits par les gestionnaires.

Il indique qu'en 2006 M. R. a investi avec un autre associé dans une autre officine de pharmacie, la Pharmacie de la justice, qu'il a participé à la création d'un GIE ayant vocation à négocier avec les grossistes-répartiteurs pour obtenir des économies d'échelle pour les différentes pharmacies du groupe et que les fiches d'instruction des demandes de financement rendent compte d'une étude sérieuse de ces demandes et d'une situation saine de la société Saint Nicolas de Rubelles. Il détaille les éléments dont il disposait lors de l'instruction de chaque demande de concours et souligne que certaines demandes ont été rejetées.

Il fait état de difficultés de communication avec la société Saint Nicolas de Rubelles à partir de 2011, date à laquelle un différend familial a opposé M. R. à Mme T. et où le premier se serait désengagé de la gestion de l'entreprise, des réserves émises sur les éléments transmis par la société Saint Nicolas de Rubelles au médiateur de la Banque de France et des conditions qu'il a alors posées à un gel du remboursement du prêt initial pendant deux ans de manière à partager le risque avec les fournisseurs et les associés.

Il conteste que la fonction d'administrateur de la caisse locale de la banque mutualiste que M. R. partage avec 900 autres personnes ait eu quelque incidence sur l'analyse indépendante faite par la banque des demandes qui lui étaient présentées.

Il fait valoir que la société Saint Nicolas de Rubelles ne peut se prévaloir du caractère abusif du soutien bancaire sans démontrer qu'elle ignorait que les concours était inadaptés ou que sa situation était irrémédiablement compromise.

Le Crédit agricole soutient que n'est pas démontré le lien de causalité entre les concours fautifs qui lui sont imputés et les difficultés de l'entreprise qui sont apparues en 2011.

Il fait plaider que la régularité juridique des opérations réalisées en 2005 et 2007 relève de la seule responsabilité des conseils juridiques et comptables des parties.

Le Crédit agricole soutient par ailleurs qu'il n'est pas justifié d'une violation de l'article L 225-216 du code de commerce à l'occasion de l'opération de LBO menée en 2005 : il relève qu'en sus des dividendes servis à la société Pharmacie des vignes par sa filiale, deux conventions de prestation de services ont effectivement profité à la société Saint Nicolas de Rubelles dont les résultats se sont améliorés entre 2005 et 2007 et ont permis à la holding de rembourser l'emprunt d'acquisition.

Il conteste la référence à la même disposition légale s'agissant de l'opération de restructuration de 2007 en faisant valoir que l'article L 225-216 ne concerne que les opérations d'acquisition de capital par un tiers et elle souligne que cette restructuration résulte de faits survenus après le LBO.

Il indique que le seul fait de demander une nouvelle garantie (nantissement du fonds de commerce ) ou d'avoir apporté des concours entre 2007 et 2011 ne suffit pas à caractériser une fraude.

A titre subsidiaire, le Crédit agricole souligne que le préjudice invoqué par la société Saint Nicolas de Rubelles se rapporte à des encours bancaires non remboursés et qui font l'objet d'une contestation de la débitrice dans le cadre de la vérification des créances de la procédure collective. Il dénonce un détournement de la procédure dévolue au juge-commissaire.

Il fait valoir que le créancier fautif et auteur d'une fraude n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif.

Par des conclusions remises en dernier lieu le 30 janvier 2019, la société Cabinet José G. et M. José G. demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en garantie engagée à l'encontre de la société Cabinet José G.,

- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Amiens en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de l'action dirigée à l'encontre de M. José G. au détriment de la compétence du tribunal de grande instance d'Amiens,

- de déclarer l'action dirigée à leur encontre prescrite,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré mal fondée l'action en garantie engagée à l'encontre de M. José G.,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné sur le principe M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes à payer à M. José G. des dommages et intérêts pour procédure abusive, y ajoutant, de les condamner à leur payer chacun la somme de 15 000 € sur ce fondement,

- de débouter M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes de leurs demandes dirigées à leur encontre,

- de condamner M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes et toute autre partie qui entendrait formuler des prétentions à leur encontre à leur payer à chacun la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'appel et de première instance.

Au visa de l'article L. 721-3 du code de commerce , M. José G. souligne qu'il n'a pas la qualité de commerçant en ce que son activité de commissaire aux comptes est de nature purement civile. Il précise au visa de l'article 51 du code de procédure civile qu'une prorogation de compétence ne peut jouer au profit du tribunal de commerce , juridiction d'exception qui ne peut connaître de demandes incidentes ou connexes qui n'entrent pas dans son champ d'attribution.

Sous le visa des articles 30 à 32 et 122 du code de procédure civile, la société Cabinet José G. soutient qu'elle n'a pas la qualité pour défendre (sic) en ce qu'elle n'est pas intervenue dans l'opération litigieuse ni en qualité de commissaire aux comptes ni en qualité d'expert comptable.

Subsidiairement, M. José G. et la société Cabinet José G. font valoir que l'action engagée par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes est prescrite en application de l'article L. 225-254 du code de commerce .

Sur le fond, M. José G. rappelle qu'il n'est intervenu qu'en qualité de commissaire aux comptes et non d'expert-comptable et qu'il n'est pas tenu d'un devoir de conseil mais est investi d'une mission légale et d'intérêt général au sens de l'article L. 823-10 du code de commerce . Il souligne qu'il ne doit pas s'immiscer dans la gestion des entreprises ou établir la comptabilité des sociétés. Il note qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyens et qu'il n'est pas établi en l'espèce qu'il aurait manqué à ses obligations de vérification et de contrôle. Il indique que l'utilisation des techniques de sondage est justifiée et qu'il n'est pas tenu de contrôler l'ensemble de la comptabilité. Il fait valoir que ses missions lui interdisent de se faire le juge de l'opportunité des décisions prises par la société.

Il soutient que M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes n'établissent aucune faute, préjudice ni lien de causalité à l'appui de leur action en garantie. Il souligne que le rapport d'expertise judiciaire confirme le bon accomplissement de ses missions.

Par des conclusions remise dernièrement le 26 août 2019, la SELARL FLG Avocat anciennement dénommée SELARL M.S. & associés demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, de déclarer irrecevable et mal fondé l'appel en garantie formé par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes, de déclarer irrecevables et mal fondées toutes prétentions émises à l'encontre de la société d'avocats et d'accorder à celle-ci le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FLG avocat relate que maître Isabelle M., alors collaboratrice de maître Frédéric S. a rédigé les divers contrats de cession conclus en 2007, qu'elle-même n'a été constituée qu'en 2008 et elle soutient que monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes n'ont pas d'intérêt à agir à son encontre. Elle conteste toute intention malicieuse dans l'invocation tardive de cette fin de non recevoir dont la pertinence n'est pas discutée et qui résulte seulement du ré-examen du dossier par un autre conseil.

Elle soutient que l'action introduite à son encontre le 21 octobre 2013 est prescrite depuis le 19 juin 2013.

Sur le fond, elle conteste que le rédacteur des actes litigieux ait commis quelque faute en soutenant que les dispositions de l'article L 225-216 du code de commerce ne sont pas applicables à l'opération de rachat par la société Saint Nicolas de Rubelles de ses propres actions et que cette opération est conforme aux dispositions des articles L 225-207 à L 225-217 du même code et qu'elle n'a suscité aucune observation de l'administration fiscale lors d'une vérification de comptabilité opérée sur la période 2006-2007.

Elle fait valoir que l'opération de restructuration menée en 2007 a été rendue nécessaire par la mésentente entre associés, qu'elle a été élaborée en amont de l'intervention du rédacteur des actes, que le prix de rachat des actions était cohérent avec la valorisation du fonds de commerce en 2005.

Elle ajoute que monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes ne pourraient se prévaloir d'un préjudice qui résulterait d'une intention malicieuse qui leur serait imputable dans la mise en oeuvre de leur projet.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été close le 5 septembre 2019.

MOTIFS

Sur l'action principale de la société Saint Nicolas de Rubelles et du commissaire à l'exécution du plan de redressement

Le principe de l'estoppel s'oppose à ce qu'une partie puisse invoquer une argumentation contraire à celle qu'elle a avancé auparavant et est sanctionnée par l'irrecevabilité des prétentions contradictoires du plaideur.

Toutefois, la circonstance que les appelantes ont convenu de la possibilité légale pour une société d'acquérir ses propres parts n'atteint pas le droit qu'elles ont de contester la régularité des modalités selon lesquelles une telle opération a été menée en l'espèce.

Le moyen soulevé par M. et Mme P. tiré de l'estoppel est en conséquence rejeté.

***

Il est constant que les relations nouées entre monsieur et madame P., monsieur R., la société Saint Nicolas de Rubelles et le Crédit agricole à partir de 2005 s'inscrivent dans le projet élaboré par M. R. de constituer un groupe de sociétés exploitant des officines de pharmacie afin d'obtenir des économies d'échelle en termes d'une part d'approvisionnement et d'autre part de fonctionnement principalement par une mutualisation du personnel.

Indépendamment des opérations capitalistiques réalisées entre la société Pharmacie des vignes et la société Saint Nicolas de Rubelles, ce projet s'est concrétisé par la création du GIE Pharmextend destiné à soutenir les officines dans leurs achats, l'apport à la société Saint Nicolas de Rubelles au mois de juin 2006 du fonds de commerce de la société Pharmacie de la justice et du passif y afférent et la prise d'une participation par M. R. en 2010 dans le capital de la société Pharmacie du jardin parisien appartenant à Mme T., sa soeur.

Les interprétations subjectives faites par les parties de la situation économique de la société Saint Nicolas de Rubelles entre 2005 et 2012 conduisent à titre liminaire à rappeler les principales données issues des bilans et comptes de résultat annuels de l'entreprise.

en k€     2003     2004     2005     2006     2007     2008     2009     2010              2011

fonds de com                  3 536    3 536    3 536    3 536    3 536    3 536    3 536        3 536

capitaux propres                           839        958        874        -1425    -1265    -1056     -678      -496

CA         4 600    4 831    4 883    4 654    4 799    4 750    4 801    4 656    4 672

MB %    29,38    30,16    27,84    29,60    29,54    28,67    31,40    29,99              28,78

Charges de personnel    488        490        637        846        818       795        793              710        854

EBE*     571        719       339        117        237        369        455       411        193

EBE/CA %           12,4      14,8       6,9         2,5         4,9         7,6         9,4         8,8              4,1

Intérêts emprunts          176        133        184        88          104       142        143              117        143

Résultat net                     394        118        35          100        160       208        163              181

* excédent brut d'exploitation non retraité

Il convient d'observer que le chiffre d'affaires de l'entreprise est demeuré relativement stable sur toute la période, que le taux de marge brute est resté au-dessus de la moyenne du secteur définie par l'organisme professionnel Interfimo sauf en 2005, que l'excédent brut d'exploitation significativement très élevé en 2004 a fortement décru en 2005 et en 2006 puis s'est redressé entre 2007 et 2010 sans pour autant que le ratio entre l'excédent brut d'exploitation et le chiffre d'affaires atteigne jamais à partir de 2005 la moyenne définie par Interfimo (11%), enfin que le résultat net, toujours positif a suivi globalement l'évolution de l'excédent brut d'exploitation.

A la lumière du rapport d'expertise, il ressort les éléments de fait suivants.

- acquisition des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles en 2005 par une opération dite de 'leverage by out' (LBO)

La société Pharmacie des vignes a acquis 96 % des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles au prix de 2 350 141 € au moyen d'un prêt de 2 200 000 € consenti par le Crédit agricole et remboursable sur douze ans (soit un montant total de 434 505 € entre juillet 2005 et juin 2007). Les parties à cette opération se sont appuyées sur un état prévisionnel de l'activité de la société Saint Nicolas de Rubelles dressé par l'organisme Pharmautile.

En faisant référence à l'étude du secteur réalisée par Interfimo et aux deux modes habituels d'évaluation des actions d'une société commerciale (pourcentage du chiffre d'affaires ou multiple de l'excédent brut d'exploitation) , l'expert judiciaire retient que, conscientes de la rentabilité exceptionnelle de l'entreprise sous la gestion de M. G., les parties ont établi le prix d'acquisition en dégradant de 20 % l'excédent brut d'exploitation réalisé en 2004 mais conclut néanmoins à une sur-évaluation du prix de cession de 470 000 euros.

Il émet l'avis que cette sur-évaluation estimée était 'peu détectable [...] par un évaluateur au jour du 30 avril 2005" ; en effet, appliquant expressément le principe selon lequel 'une entreprise vaut ce qu'elle rapporte', l'expert a pris en compte la très forte baisse de l'excédent brut d'exploitation enregistrée postérieurement à la cession pour établir son estimation, donnée qui n'était pas connue à la date de la cession.

Il ressort de ces éléments que le niveau du prix de la cession opérée en 2005 ne peut avoir d'incidence juridique sur la solution du présent litige même s'il est à l'évidence un élément économique déterminant du succès de l'opération.

- restructuration opérée en 2007

La société Saint Nicolas de Rubelles a acquis les 96 % de ses propres actions que détenait la société Pharmacie des vignes au prix de 2 400 000 euros payé par la reprise de l'encourt du prêt consenti par le Crédit agricole pour 1 885 994 €, l'abandon d'une créance détenue sur la société Pharmacie des vignes (204 629 €) et des prêts consentis par monsieur et madame P. et monsieur R. sous forme de crédits en compte courant (309 376 €). La banque a accepté une substitution de débiteur, a déchargé monsieur et madame P. des engagements de caution qu'ils avaient souscrits au bénéficie de la société Pharmacie des vignes et a pris un nantissement sur le fonds de commerce de la société Saint Nicolas de Rubelles en remplacement du nantissement sur les actions de cette société qui garantissait le prêt initialement contracté par la société Pharmacie des vignes. Dans le même temps, la société Saint Nicolas de Rubelles a acquis de M. R. 50 % des actions de la société Pharmacie des vignes moyennant le prix de 25 000 euros.

L'expert relève que les actions de la société Saint Nicolas de Rubelles ont été valorisées au même montant qu'en 2005 sans tenir compte de la forte baisse de la rentabilité de l'entreprise depuis lors ; il indique que si le ratio d'endettement par rapport au chiffre d'affaires est inférieur à l'indicateur Interfimo (91% vs 93 %) le ratio d'endettement par rapport à l'excédent brut d'exploitation est très nettement supérieur à l'indicateur Interfimo (11,4 vs 8).

Pour conclure que le prix de cession retenu a surévalué la réalité économique de la société Saint Nicolas de Rubelles, l'expert s'est principalement fondé sur le ratio d'endettement au regard des deux exercices antérieurs et il a estimé nulle la valeur des parts de la société Pharmacie des vignes acquise par la société Saint Nicolas de Rubelles.

Or, le fait que la société Pharmacie des vignes soit désormais libérée du prêt du Crédit agricole était de nature à valoriser sinon comptablement du moins économiquement les parts acquises par la société Saint Nicolas de Rubelles ; en outre, l'opération s'inscrivait dans un projet plus large de constitution et de structuration d'un groupe dont la société Saint Nicolas de Rubelles devait être la tête, cette circonstance pouvant inciter à une valorisation plus élevée de la part des différents acteurs ; de même le maintien du chiffre d'affaires pouvait laisser espérer qu'une meilleure rentabilité pourrait être restaurée après la période transitoire 2006-2007 à la faveur de l'objet même de l'opération globale (réaliser des économies d'échelle) ; enfin, la cession litigieuse a par elle-même fait retrouver à la société 'cible' l'entière maîtrise du sort de son résultat, les remontées de dividendes n'ayant plus lieu.

Ces considérations qui tempèrent la référence de l'expert judiciaire à des moyennes, ajoutées au fait qu'il n'appartenait pas à la banque de s'immiscer dans la négociation du prix entre les parties à la cession conduisent à retenir que si la société Saint Nicolas de Rubelles a racheté ses actions à un prix sans doute très élevé au regard de sa situation d'endettement en 2007, cette sur-évaluation à laquelle elle a consenti en toute connaissance ne peut être utilement critiquée dans le cadre de la présente action.

- fonctionnement de la société Saint Nicolas de Rubelles à compter de 2007

Il ressort des constatations techniques de l'expert dont la matérialité n'est pas contestée que les dirigeants de la société Saint Nicolas de Rubelles n'ont jamais été en mesure de rétablir la rentabilité de l'entreprise à un niveau comparable aux données générales de l'organisme Interfimo et de lui faire dégager une capacité d'autofinancement lui permettant de faire face à ses besoins.

Cette situation a conduit la société Saint Nicolas de Rubelles a sollicité à plusieurs reprises le concours de sa banque :

* une autorisation de découvert de 60 000 euros a été accordée au mois de septembre 2006,

* un concours de trésorerie de 200 000 € a été accordé à la fin de l'année 2007,

* un nouveau prêt de 200 000 € a été accordé à la fin de l'année 2007 pour financer l'acquisition des titres de la société Pharmacie de la justice et divers travaux,

* un allongement de huit ans de la durée du prêt afférent à l'acquisition de ses actions a été refusé par la banque qui a néanmoins accordé au mois de mai 2009 une suspension pendant sept mois des échéances de ce prêt,

* un crédit-relais de 60 000 euros a été accordé au mois de novembre 2010 dans l'attente de la cession du fonds de commerce de la société Pharmacie des vignes ; la cession du fonds de commerce étant intervenue le 28 février 2011, ce crédit a été remboursé le 11 juillet 2011,

* un allongement des trois prêts principaux (dont celui afférent au rachat de ses propres actions), a été accordé au mois d'avril 2011.

L'expert souligne que dès l'opération de restructuration de 2007, la société Saint Nicolas de Rubelles connaissait une insuffisance chronique de capacité d'autofinancement. Il évalue à 1 172 327 € le déficit cumulé d'autofinancement sur la période de 2006 à 2011 et indique que ce déficit a été comblé, outre les apports des associés et de M.Mme P. qui en représentent la moitié, notamment par une augmentation des encours auprès de la société Pharmacie de la justice, par des crédits-fournisseurs et par un découvert comptable auprès de la banque.

De fait, jusqu'à la fin de l'année 2011, la société Saint Nicolas de Rubelles a honoré l'ensemble de ses engagements à la faveur des concours qui lui étaient ainsi régulièrement apportés.

***

En application de l'article L650-1 du code de commerce , lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ces concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Il est constant que cette disposition pose un principe d'irresponsabilité au bénéfice du créancier qui, de manière fautive, a apporté son concours à une entreprise faisant ensuite l'objet d'une procédure collective. Elle prévoit néanmoins trois situations qui mettent en échec ce principe d'irresponsabilité, seul le cas d'une fraude étant débattu dans le cadre de la présente espèce.

Elle implique que soit démontré le caractère fautif du concours critiqué au regard de la situation de l'entrepris et la fraude commise par son auteur.

Il convient de relever que, si elle n'exclut pas une action judiciaire par l'entreprise bénéficiaire des concours critiqués à l'encontre de son financeur sur un fondement contractuel, cette disposition destinée à protéger les auteurs de concours susceptibles d'être apportés à des entreprises fragiles dans un intérêt général de soutien à l'activité économique, vise habituellement les actions en responsabilité engagées par toute personne extérieure à l'entreprise en difficulté qui pâtit de la défaillance de celle-ci.

C'est pourquoi il est admis que la responsabilité du financeur dont la mise en jeu est poursuivie est de nature délictuelle ainsi qu'en conviennent les appelantes dans leurs conclusions (page 21) sans pour autant répondre au moyen par lequel le Crédit mutuel allègue une erreur dans le fondement juridique de l'action menée par la société Saint Nicolas de Rubelles elle-même à l'encontre de ses propres co-contractants.

Dans ce contexte, il ressort de façon manifeste des conclusions des parties et notamment de celles des appelantes que n'entre pas dans le débat soumis à la cour la question éventuelle d'un manquement de la banque à un devoir de mise en garde ou de conseil envers sa cliente, la société Saint Nicolas de Rubelles.

Les appelantes ne discutent pas le droit pour tous les intimés de se prévaloir de la disposition précitée en leur qualité de créanciers, nonobstant le fait que certains d'entre eux n'ont pas déclaré de créance au passif de la procédure collective de la société Saint Nicolas de Rubelles (société Pharmacie des vignes) ou se sont désistés d'une telle déclaration de créance (M. R.).

Entendue largement, la notion de concours inclut non seulement les concours bancaires de toute nature mentionnés ci-dessus mais aussi les avances consenties par les associés ou toute personne y ayant intérêt. Tel est le cas des avances en compte-courant consenties par monsieur et madame P. et par M. R. à la société Saint Nicolas de Rubelles en 2007 à hauteur de 64 560 € et 79411 € pour les deux premiers et de 174 405 € pour le dernier, qui constituent les seuls concours invoqués par l'appelante à l'appui de son action contre les intéressés.

Pour autant, aucun des motifs développés par l'appelante dans ses conclusions ne tend à définir le caractère fautif de ces trois concours .

Il faut observer que si monsieur et madame P. ont manifestement souhaité séparer leurs intérêts de ceux de la société Saint Nicolas de Rubelles peu de temps après l'opération de LBO, les circonstances de fait étayées par les documents émanant de la banque qui désignent M. R. comme l'homme clé, seul initiateur du projet économique et seul interlocuteur des financeurs convainquent que monsieur et madame P. ont davantage subi le transfert de leur créance de la société Pharmacie des vignes à la société Saint Nicolas de Rubelles plutôt qu'ils ne l'ont voulu ; cette disposition allait en effet à l'encontre de leur volonté de se désengager de la société Saint Nicolas de Rubelles.

Par ailleurs, leur caractère ponctuel, leur date et leur montant rapporté au niveau d'activité de la société Saint Nicolas de Rubelles et à son degré d'endettement excluent tout lien de causalité entre ces concours et les déboires de l'entreprise ou la survenance d'un état de cessation des paiements en 2012.

Enfin, n'est pas davantage imputée à monsieur et madame P. une fraude commise à l'occasion de ces prêts.

S'agissant du concours apporté par M. R., les appelantes ne développent pas davantage le moindre moyen en fait susceptible d'établir son caractère fautif, l'intégralité de leurs développements étant consacrée au caractère fautif des concours apportés par la banque.

De même le seul concours de 174 405 € accordé en 2007 à une entreprise réalisant un chiffre d'affaires de plus de quatre millions d'euros et un résultat bénéficiaire sur sept années et ayant par ailleurs reçu pendant la même période des concours bancaires de près de trois millions d'euros ne saurait avoir le moindre lien causal même partiel avec l'état de cessation des paiements constaté en 2012.

En excluant tous concours fautifs de la part des intéressés, ces seuls motifs suffisent à faire échec à l'action engagée par la société Saint Nicolas de Rubelles à l'encontre de monsieur et madame P. et de M. R. sans qu'il y ait lieu de discuter l'existence ou non d'une fraude ayant présidé aux opérations litigieuses.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Saint Nicolas de Rubelles et le commissaire à l'exécution de son plan de redressement de toutes leurs demandes dirigées contre monsieur et madame P. et M. R. en ce qu'elles sont fondées sur une faute dans l'octroi de concours .

***

En application du texte précité, il appartient aux appelantes d'établir que le Crédit agricole a commis une faute en soutenant abusivement une exploitation irrémédiablement compromise ou en fournissant un crédit ruineux et qu'une fraude a présidé à ces soutiens abusifs, étant observé que ne sont invoquées en l'espèce ni l'existence d'une immixtion fautive de la banque dans la gestion de la société Saint Nicolas de Rubelles, ni le caractère disproportionné des garanties obtenues par le créancier.

Il convient aussi de noter qu'aucun élément du dossier ne vient corroborer la fourniture par le Crédit agricole d'un crédit ruineux dont les appelantes ne se prévalent pas alors que l'expert judiciaire a vérifié que les conditions financières des concours bancaires litigieux étaient conformes aux usages de l'époque voire plus favorables pour la débitrice.

Au terme d'une analyse minutieuse de la situation comptable, économique, financière de la société Saint Nicolas de Rubelles et des conditions dans lesquelles les demandes de concours ont été présentées par le dirigeant et instruites par la banque, l'expert judiciaire a retenu que dès 2005 la société Saint Nicolas de Rubelles a enregistré une rentabilité faible au regard d'une part des indicateurs moyens du secteur et des prévisionnels d'exploitation, d'autre part des résultats antérieurs sur la base desquels l'opération de LBO avait été montée financièrement.

Il n'est pas discuté qu'en 2005, nonobstant un prix de cession des actions de la société Saint Nicolas de Rubelles à la société Pharmacie des vignes que l'expert a considéré comme élevé, la société Pharmacie des vignes qui avait repris l'exploitation saine du fonds de commerce de M. R. et qui, pour honorer les échanges du prêt consenti par le Crédit agricole, prévoyait de bénéficier des remontées de dividendes et d'une facturation de services que la société Saint Nicolas de Rubelles était pleinement en mesure de payer au regard de ses résultats et de sa rentabilité antérieure, était elle-même en capacité d'honorer son engagement envers la banque.

Si l'expert judiciaire a pu questionner la réalité des prestations facturées par la société Pharmacie des vignes à la société Saint Nicolas de Rubelles, il n'est pas démontré que les conventions inter-entreprises étaient fictives ; en outre, il n'appartenait pas au Crédit agricole de s'immiscer alors dans les modalités convenues entre les deux sociétés, étant observé que la banque a alors obtenu une garantie de la seule société Pharmacie des vignes.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'opération menée et financée en 2005 était une opération usuelle et aucun élément du dossier ne permet de retenir que le prêt consenti par le Crédit agricole à la société Pharmacie des vignes a été fautif.

Au cours de la période entre le mois de juillet 2005 et le mois de juin 2007, aucun incident de paiement n'est venu troubler le service de la dette de la société Pharmacie des vignes et il n'est pas davantage invoqué quelque difficulté financière connue par la société Saint Nicolas de Rubelles et dont la banque aurait pu avoir connaissance.

Il convient d'observer que pendant la même période (octobre 2006) M. R. et M. D. ont présenté au Crédit agricole qui l'a acceptée une demande de financement d'un projet d'acquisition, via une société Pharmacie de la justice à créer, de la SNC Pharmacie Acker qui exploitait une officine dans un centre commercial, poursuivant ainsi leur projet global.

Dans un courrier adressé à la banque au mois de mars 2007, M. R. annonce d'une part la décision de la société Saint Nicolas de Rubelles d'acquérir 49,99 % des parts de la future SELAS Pharmacie de la justice, d'autre part la décision de séparer les sociétés Pharmacie des vignes et Saint Nicolas de Rubelles en transférant sur la seconde qui rachètera ses propres actions la charge du prêt consenti à la première. M. R. indique alors que la société Saint Nicolas de Rubelles supportera la charge de ce prêt ' mais sans charge supplémentaire car le montant des mensualités payées par la société Pharmacie des vignes est intégralement re-facturé à la SELAS Pharmacie Saint Nicolas'. Pour autant il n'appartenait pas à la banque de rechercher les circonstances de ces re-facturations.

La validité juridique du rachat, par la société elle-même, d'actions déjà émises et de la réduction du capital non motivée par des pertes suivie d'une annulation des actions rachetées n'est pas discutée en elle-même ; elle est prévue par les articles L225-206 et L225-207 du code de commerce et favorise 'mécaniquement' le ou les associés restants.

M. B., expert judiciaire relève que la forte baisse de l'excédent brut d'exploitation enregistrée par la société Saint Nicolas de Rubelles au cours de la période 2005 - 2006 devait interroger sur la possibilité pour l'entreprise de dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour assurer le remboursement du capital emprunté et il fustige l'instruction par le Crédit agricole de la demande de transfert de prêt qui a fait fi d'une telle vérification.

Il émet l'avis qu'il appartenait alors à la banque de s'assurer que l'entreprise disposerait jusqu'au terme du prêt sollicité de la capacité d'autofinancement nécessaire pour rembourser l'ensemble du capital emprunté.

Il met en exergue que le transfert du prêt initialement consenti à la société Pharmacie des vignes a privé la société Saint Nicolas de Rubelles de ses capitaux propres qui sont passés par l'effet de la restructuration de 2007 de + 874 k€ à - 1 425 k€.

Or, il ressort de la fiche d'instruction de cette demande de financement par la banque que le chargé d'affaires a inscrit cette demande dans le projet plus global porté par M. R. tendant à créer un réseau de pharmacie dont la société Saint Nicolas de Rubelles serait la base et M. R. le 'Manager', qu'il a retenu que l'exercice 2006 était en 'demi-teinte' au niveau des résultats mais qu'il s'agissait de structures juridiques récentes encore fortement affectées par l'endettement lié aux acquisitions des fonds d'officines et que le groupe en création présentait de bonnes perspectives de marges notamment grâce au GIE Pharmextend.

Le directeur d'agence rapportait quant à lui le projet de groupe de M. R. à l'évolution du marché de la pharmacie, relevant que l'organisation envisagée pour les achats était inexistante en France mais très développée en Belgique, notait que les dirigeants et notamment M. R. montraient des qualités de visionnaire et de gestionnaire, que la structure était correcte 'bien que l'endettement pèse, mais reste raisonnable par rapport à la valeur des fonds de commerce .'

Il est patent que la banque ne pouvait ignorer la très forte tension qu'allait générer le prêt sollicité au regard de la faible capacité d'autofinancement de l'entreprise et une demande de financement supplémentaire à hauteur de 200 000 euros présentée dès le mois de novembre 2007 pour couvrir des besoins de trésorerie devait lui confirmer la fragilité de l'entreprise clairement mise en exergue par l'expert judiciaire.

Pour autant, sauf à priver toute structure économique naissante d'un concours bancaire souvent nécessaire préalablement à l'installation d'une rentabilité pérenne, il ne saurait être imputé à faute au Crédit agricole de ne pas s'être assuré d'emblée que la société Saint Nicolas de Rubelles serait en mesure de dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour rembourser le capital emprunté pendant toute la durée du prêt (12 ans), comme le suggère l'expert.

Ce dernier note avec bon sens que lorsque la capacité d'autofinancement d'une entreprise reste de façon prolongée inférieure à sa charge de remboursement en capital, il est 'plus probable qu'improbable' que la société soit contrainte de déposer son bilan avant le terme du prêt.

Mais cette réalité ne confère pas d'emblée un caractère fautif à des concours octroyés sur une période de deux ans (juin 2007 - mai 2009) au cours de laquelle une amélioration nette sinon suffisante de l'excédent brut d'exploitation, du résultat net et donc de la capacité d'autofinancement a été observée (cf tableau supra).

En l'espèce, nonobstant l'insuffisance des résultats obtenus par la société Saint Nicolas de Rubelles en 2005 - 2006, période par nature sensible en ce qu'elle faisait suite à un changement dans la gestion de l'entreprise, la stabilité du chiffre d'affaires, le maintien d'une marge brute à un niveau supérieur à la moyenne du secteur, un excédent brut d'exploitation qui tendait à se redresser après une très forte chute en 2006 et le fait que le prêt transféré avait été honoré jusque là étaient autant d'indicateurs favorables au financement d'un projet plus global dont le potentiel économique avait convaincu la banque à tort ou à raison ; il est un fait que les résultats nets de la société lui ont permis d'améliorer ses fonds propres d'un million d'euros sur quatre ans.

De même, au regard des données comptables disponibles, il n'apparaît pas que l'ouverture d'une ligne de trésorerie de 60 000 euros au mois de septembre 2006, le financement par un prêt de 200 000 euros au mois de novembre 2007 de l'acquisition d'une nouvelle officine dont un bénéfice était nécessairement attendu et la suspension pendant sept mois au mois de mai 2009 des échéances du prêt transféré en 2007 puissent être qualifiés de fautifs. Il convient d'observer que la société Saint Nicolas de Rubelles a toujours honoré ses obligations bancaires, fiscales et sociales jusqu'en 2011, l'expert relevant seulement quelques périodes limitées pendant lesquelles l'autorisation de découvert a été dépassée.

Il est certes avéré par le caractère laconique de certaines des fiches d'instruction souligné à juste titre par l'expert, que la banque a, en 2007 et jusqu'en 2009 accueilli avec une facilité certaine les demandes de financement de la société Saint Nicolas de Rubelles en considération de la confiance qu'elle avait placée dans la capacité de M. R. à développer son projet ; pour autant, aucun élément du dossier ne permet de retenir l'existence d'une collusion frauduleuse ou fautive avec celui-ci : M. R. avait effectivement montré des qualités de gestionnaire dans le développement de son officine entre 2001 et 2005, il justifiait de compétences académiques, il présentait un projet crédible au regard du marché de la pharmacie à l'époque.

La rigueur nécessaire dans l'analyse de la situation comptable du demandeur de crédit n'excluant pas de la part de la banque une appréciation subjective des chances de succès d'un projet, une estimation même imprudente des conditions ou délais nécessaires à ce succès ne saurait suffire à caractériser un concours fautif au sens de l'article L 650-1.

Il faut observer qu'à la fin de l'année 2011, à une époque où l'entreprise avait enregistré une dégradation significative de la plupart des indicateurs (baisse de plus d'un point de la marge brute, baisse de moitié de l'excédent brut d'exploitation lié notamment à une hausse des charges de personnel déjà anormalement élevées, forte baisse du taux de rentabilité), le médiateur de la Banque de France suggérait encore un renforcement des concours bancaires, circonstance qui doit tempérer l'appréciation péremptoire d'une situation irrémédiablement compromise de l'entreprise.

A cet égard, ce n'est pas sans contradiction que les appelantes soutiennent à la fois que les concours accordés par le Crédit agricole à la société Saint Nicolas de Rubelles jusqu'en 2009 seraient fautifs et que le refus de concours opposé en 2011alors que la situation comptable était nettement dégradée le serait tout autant.

Il n'est donc pas démontré que les concours accordés par la banque à la société Saint Nicolas de Rubelles ont été fautifs, étant observé que le remboursement en 2010 du crédit-fournisseur qui avait été octroyé par le CERP jusqu'en 2009 pour environ 400 000 euros n'est pas étranger aux difficultés de trésorerie connues par l'entreprise en 2011.

Dès lors, il n'y a lieu d'examiner l'existence d'une fraude au regard de l'article L225-216 du code de commerce qui interdit qu'une société avance des fonds , accorde des prêts ou consente une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers ; il suffit de relever que le Crédit agricole qui n'a été à l'initiative d'aucune des opérations litigieuses n'était pas informé en 2005 des avances faites par la société Saint Nicolas de Rubelles à sa société-mère, qu'il n'a pris alors aucune sûreté sur les biens de la société Saint Nicolas de Rubelles et que l'opération de 2007 n'entre pas dans le champ de l'article précité. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que la seconde opération a pu être envisagée par la banque dès 2005 et qu'elle constituait un tout avec le LBO.

Dans ces circonstances, le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a débouté la société Saint Nicolas de Rubelles et le commissaire à l'exécution du plan de leurs demandes dirigées à l'encontre du Crédit agricole.

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Succombant dans ses prétentions, la société Saint Nicolas de Rubelles supporte les dépens de première instance et d'appel exposés par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes, par M. R. , par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie et par elle-même.

L'équité commande que la somme totale de 20 000 euros soit accordée à monsieur et madame P. au titre des frais exposés en première instance et devant la cour et celle de 15 000 euros soit accordée au Crédit agricole en sus de la somme allouée par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de la société Saint Nicolas de Rubelles.

Il n'y a lieu à application de l'article 700 au bénéfice de la société Pharmacie des vignes et de M. R..

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Les motifs qui précèdent rendent pour l'essentiel sans objet les demandes en garantie formées par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes et notamment celles dirigées à l'encontre de M. R. et du crédit agricole.

Pour autant, les exceptions soulevées et les demandes reconventionnelles ou accessoires imposent d'examiner l'ensemble des moyens.

Sur l'action formée par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes à l'encontre de la société Cabinet José G., M. José G. et les demandes reconventionnelles

L'article 51 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que les autres juridictions que le tribunal de grande instance ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.

Il est constant que le tribunal de commerce n'est pas compétent, en dehors des cas de connexité et d'indivisibilité, pour connaître des actions en responsabilité à l'encontre des commissaires aux comptes personnes physiques qui exercent une activité civile ; c'est donc à tort que le tribunal de commerce d'Amiens s'est déclaré compétent pour connaître de l'action engagée contre l'intéressé ; il y a lieu à infirmation de la disposition de ce chef.

Pour autant, selon l'article 89 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

La cour étant juridiction d'appel du tribunal de grande instance d'Amiens désigné par l'intéressé comme juridiction compétente, il convient d' évoquer l'action en garantie formée par M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes à l'encontre de M. José G..

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L'article L. 822-18 du code de commerce prévoit que les actions en responsabilité dirigées contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions de l'article L. 225-254.

Ce dernier article dispose à son tour que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé de sa révélation.

En l'espèce, il ne ressort d'aucun élément des écritures et des pièces versées aux débats que des éléments auraient été dissimulés par M. José G. à M. et Mme P., le point de départ du délai triennal devant être fixé au jour de la certification des comptes soit en l'espèce le 12 juin 2008, de sorte que l'action introduite au 15 mai 2014, date de l'assignation délivrée à M. José G. est prescrite et partant irrecevable.

Il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

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L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. L'article 32 ajoute qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

L'article 122 du même code prévoit que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen sur le fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, des comptes et statuts de la société Saint Nicolas de Rubelles ainsi que de la lettre d'acceptation de la mission de commissaire aux comptes et des rapports, que ce n'est pas la société Cabinet José G. qui est intervenue en tant que commissaire aux comptes de l'opération litigieuse mais M. José G.. Il ressort également que cette même société n'est pas intervenue en tant qu'expert-comptable de la société Saint Nicolas de Rubelles.

M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes n'ont en conséquence pas d'intérêt à agir contre la société Cabinet José G. et sont, partant, irrecevables en leur action à l'encontre de cette dernière société. Le jugement est infirmé sur ce chef.

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La société Cabinet José G. et M. José G. ne démontrent pas que la procédure tant en première instance qu'en appel ait dégénéré en abus de droit ou aurait été intentée dans l'intention de leur nuire de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. et Mme P. à payer à la société Cabinet José G. la somme de 2 000 € à titre de dommage et intérêts.

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Succombant dans leurs demandes, M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes sont condamnés in solidum à payer les dépens de première instance et d'appel exposés par la société Cabinet José G. et M. José G. .

L'équité commande d'accorder tant à la société Cabinet José G. qu'à M. José G. la somme de 3000 € (soit au total 3 000 euros) à la charge de M. et Mme P. et de la Selas Pharmacie des Vignes in solidum.

Sur l'action de monsieur et madame P. et de la société Pharmacie des vignes à l'encontre de la Selarl Mathieu S. & associés

Il est constant que la Selarl Mathieu S. & associés dont monsieur et madame P. sollicitent la garantie en ce qu'elle aurait manqué à ses obligations de rédacteur d'actes au titre d'actes datant entre 2005 et 2007, a été créée postérieurement aux faits litigieux en novembre 2008 et immatriculée en janvier 2009.

Il en résulte que M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes sont irrecevables à agir à l'encontre de la Selarl Mathieu S. & associés pour défaut d'intérêt à agir à son encontre.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs.

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Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus dans une intention dilatoire de les soulever plus tôt.

En l'espèce, il ne ressort d'aucun élément des débats et des pièces que la Selarl Mathieu S. & associés aurait soulevé ce nouveau moyen pour la première fois devant la cour d'appel dans une intention dilatoire. Au surplus, M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes ne démontrent pas que la tardiveté de ce moyen leur aurait causé un préjudice. Leur demande indemnitaire sur ce fondement est en conséquence rejetée.

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Succombant dans leurs demandes, M. et Mme P. et la Selas Pharmacie des Vignes sont condamnés in solidum à payer les dépens de première instance et d'appel exposés la Selarl Mathieu S. & associés.

Il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Selarl Mathieu S. & associés.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

rejette le moyen tiré de l'estoppel ;

confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Saint Nicolas de Rubelles et le commissaire à l'exécution du plan de redressement de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de monsieur R., de monsieur et madame P., de la société Pharmacie des vignes et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie ;

le confirme en ce qu'il a condamné la société Saint Nicolas de Rubelles et la SCP A. ès qualités aux dépens exposés en première instance par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes, par M. R., par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie et par elle-même et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'infirme en ses autres dispositions relatives à la société Saint Nicolas de Rubelles ;

statuant à nouveau et y ajoutant,

condamne in solidum la société Saint Nicolas de Rubelles et la SCP A. ès qualités aux dépens d'appel à l'exclusion de ceux exposés par M. G. , la société Cabinet José G. et la SELARL M., S. & associés et à payer à monsieur et madame P. la somme totale de 20 000 euros au titre des frais exposés en première instance et devant la cour et à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Pharmacie des vignes et de M. R. ;

infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions relatives à M. G. et à la société Cabinet José G. et statuant à nouveau,

- déclare le tribunal de commerce d'Amiens incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Amiens pour connaître de l'action engagée contre M G. par monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes ;

évoquant cette action, la déclare irrecevable comme prescrite ;

- déclare monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes irrecevables en leur action à l'encontre de la société Cabinet José G. ;

- déboute M. G. et la société Cabinet José G. de leur demande indemnitaire ;

- condamne in solidum monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes aux dépens de première instance et d'appel exposés par M. G. et la société Cabinet José G. et à payer à M. G. la somme de 3 000 euros et à la société Cabinet José G. la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 au titre des frais exposés en première instance et en appel ;

confirme le jugement en ce qu'il a déclaré M. et Mme P. et à la Selas Pharmacie des Vignes irrecevables à agir à l'encontre de la Selarl Mathieu S. & associés ;

l'infirmant sur le surplus des dispositions relatives à la Selarl Mathieu S. & associés, condamne in solidum monsieur et madame P. et la société Pharmacie des vignes aux dépens de première instance et d'appel exposés par la Selarl Mathieu S. & associés et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de celle-ci ;

accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à la SELARL Lexavoué , à la SELARL C.-S. représentée par maître C., maître Franck D., et à la SCP F.C., avocats.