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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 12 mai 2011, n° 09/06582

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCP Ouizille de Keating

Défendeur :

Flammarion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mme Dabosville, Mme Vaissette

Avocats :

SCP Marguet-Reboul, Me Gouesse

T. com. Nanterre, ch. 4, du 28 nov. 2008…

28 novembre 2008

La société HORIZON ILLIMITE SA, fiducie luxembourgeoise, a créé en 2002 la société EDITIONS LE SURENE SA en Suisse et a pris une participation de 98% dans le capital de la société française Dragoon Editions ci-après Dragoon spécialisée dans l'édition et la diffusion de tous supports dans le domaine de la communication, de la culture et des activités ludiques.

Le 16 janvier 2002, Dragoon a conclu avec la société Flammarion une convention par laquelle elle confiait à cette dernier moyennant une remise de 55% sur un prix public hors taxe, 'l'exclusivité de la diffusion et de la distribution de l'intégralité de la production éditoriale réalisée sous la marque ou en co-édition';

Par avenant du 18 novembre 2004, le contrat a été prolongé au-delà du 1er mars 2005 pour une nouvelle durée de trois ans.

Par jugement du 20 avril 2006, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de Dragoon et désigné la SCP Ouizille De Keating en qualité de liquidateur. La procédure de liquidation a été étendue à la société HORIZON ILLIMITE en 2008, la société EDITION LE SIRÈNE ayant fait l'objet d'une procédure de faillite en 2007.

Les opérations de liquidation de la société Dragoon ont fait apparaître une insuffisance d'actif d'un montant de 1,2M€.

Par acte en date du 2 octobre 2007, la SCP Ouizille De Keating es qualité a assigné la SA Flammarion devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de la somme de 1.406.533€ en réparation du préjudice collectif souffert par les créanciers sociaux.

Par jugement en date du 28 novembre 2008, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté la SCP Ouizille De Keating es qualité de liquidateur judiciaire de la société Dragoon de ses demandes,

- l'a condamnée aux dépens et à payer la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 30 juillet 2009, la SCP Ouizille De Keating es qualité a interjeté appel de cette décision ;

Aux termes de ses conclusions en date du 15 décembre 2010, elle demande à la cour de :

Vu les articles 1382 du code civil et L 650-1 du code de commerce ,

- condamner la société Flammarion à verser à la SCP Ouizille De Keating es qualité la somme de 369.420,07€ représentant l'aggravation de l'insuffisance d'actif en réparation du préjudice collectif souffert par les créanciers sociaux,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la société Flammarion s'est immiscée dans la gestion de la société Dragoon,

- condamner la société Flammarion à lui verser es qualité la somme de 369.420,07€ représentant l'aggravation de l'insuffisance d'actif en réparation du préjudice collectif souffert par les créanciers sociaux,

- à titre très subsidiaire, dire que l'action de la société Flammarion est constitutive d'une fraude au sens de l'article 650-1 du code de commerce,

- condamner la société Flammarion à verser par provision à la SCP Ouizille De keating es qualité la somme de 369.420,07€ représentant l'aggravation de l'insuffisance d'actif en réparation du préjudice collectif souffert par les créanciers sociaux,

- débouter la société Flammarion de ses demandes,

- condamner en outre la SA Flammarion aux dépens et à payer la SCP Ouizille De Keating la somme de 20.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir, après une présentation du groupe Dragoon Editions :

- que l'analyse des clause du contrat de diffusion et de distribution exclusive du 16 janvier 2002 laisse apparaître de manière parfaitement significative une immixtion caractérisée dans la gestion de l'entreprise Dragoon de la part de la société Flammarion,

- qu'ainsi la société Flammarion encaissait directement le prix des ventes et avait connaissance du chiffres d'affaires de la sociétéDragoon avant les dirigeants de cette dernière, que le distributeur est en position de force par rapport aux éditeurs et aux défaillants,

- que l'article L 650-1 du code de commerce ne conduit pas à exclure et à supprimer la responsabilité des fournisseurs de crédit même si son champ d'application est limité,

- que l'interprétation de la notion de concours retenu par le jugement entrepris est parfaitement critiquable, que seule la notion d'apport en trésorerie est synonyme de concours ,

- que la responsabilité de la société Flammarion est donc engagée sur le plan de l'article 1382 du code civil, qu'elle a en effet capté la totalité des produits d'exploitation de Dragoon qu'elle a soutenu consciemment une exploitation déficitaire ayant conduit à la cessation des paiement, qu'elle a soutenu de manière abusive la société Dragoon dont elle était en fait co-dirigeant de fait eu égard au contrat signé,

- que subsidiairement et sur le fondement de l'article L 650-1 du code civil, il y a cette immixtion caractérisée de la société Flammarion dans la gestion de la société Dragoon,

- que le passif s'est essentiellement constitué à partir du milieu de l'année 2004 et s'est aggravé durant l'année 2005, que le préjudice lié à l'attitude de la société Flammarion peut être chiffré à la somme de 369.420,07€,

Aux termes de ses conclusions en date du 19 janvier 2011, la SA Flammarion demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que Flammarion n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile,

- dire et juger que Flammarion n'est pas responsable du dépôt de bilan de Dragoon dont elle n'a pas soutenu abusivement l'activité déficitaire,

- constater la volonté entêtée de maître Hart De Keating es qualité de dissimuler à la cour comme à Flammarion les procédures engagées ailleurs,

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 novembre 2008 en ce qu'il a débouté maître Hart de Keating es qualité de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement,

- constater que maître Hart De Keating es qualité ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les prétendues fautes commises par Flammarion et le préjudice subi par les créanciers de Dragoon,

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal de Nanterre du 28 novembre 2008 en ce qu'il a débouté maître Hart De Keating de l'intégralité de ses demandes, le cas échéant et si la cour l'estime opportun,

- constater que maître Hart de Keating es qualité a engagé diverses actions à l'encontre d'autres créanciers et des dirigeants de la société Dragoon,

En conséquence,

- surseoir à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision définitive dans le cadre de l'action en comblement de passif engagée à l'encontre des dirigeants de Dragoon;

En tout état de cause,

- juger que le comportement de maître Hart de Keating es qualité caractérise une faute,

- juger également le caractère abusif de la présente procédure,

- constater que les préjudices qui en sont résultés pour Flammarion ne sauraient être valorisés à une somme inférieure à 50.000€,

- condamner maître Hart de Keating es qualité à payer cette somme à Flammarion,

- condamner maître Hart de Keating aux entiers dépens et à payer à Flammarion une somme de 30.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Après un rappel du contrat de diffusion-distribution du 16 janvier 2002, des diverses procédures engagée par le liquidateur ( à l'encontre de Flammarion, des banques HSBC France et HSBC UBP et en comblement de passif contre les dirigeants) qui ne s'est cependant pas expliqué sur les procédures d'extension aux autres sociétés, la société Flammarion fait valoir :

- que le nouvel article 650-1 du code de commerce pose le principe de non responsabilité des créanciers du fait des concours consentis au débiteur avec trois tempéraments,

- que ce texte concerne les banques mais aussi les fournisseurs avec les délais de paiement consentis par ces derniers,

- que la jurisprudence antérieure est caduque,

- que la société Flammarion n'a commis aucune faute: il n'y a aucune société de fait entre Flammarion et Dragoon, qu'il n'y a pas eu immixtion, que la fraude n'est pas caractérisée, qu'enfin il n'y a pas lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice allégué.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient préalablement de rappeler préalablement les faits et les circonstances de la cause ;

Par jugement en date du 20 avril 2006, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Dragoon fixant provisoirement au 16 août 2005 la date de cessation des paiement ;

Dans le cadre de cette procédure, le liquidateur la SCP Ouizille De Keating a saisi le tribunal de commerce d'une extension de liquidation de la société Dragoon à deux autres sociétés HORIZON ILLIMITE SA et EDITIONS LA SIRÈNE SA, respectivement immatriculées au registre du commerce du Luxembourg et de Genève en raison de la confusion de leur patrimoine avec celui de la société Dragoon ;

La société Dragoon avait pour objet en France et à l'étranger directement ou indirectement l'édition, la création, la diffusion, la commercialisation de tous supports et objets dans le domaine de la communication de la culture du sport et des activités ludiques....etc ;

La société La SIRÈNE a fait l'objet d'une procédure de faillite par jugement du tribunal de première instance de la république et du canton de Genève en 2007 et la procédure de liquidation judiciaire de la société Dragoon a été étendue à la société HORIZON ILLIMITE par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 mai 2008 ;

Pour la société Dragoon, l'actif réalisé s'élève à 2.782,92€ pour un passif admis et vérifié de 1.215.585,12€ soit une insuffisance d'actif de 1.212.802,20€ ;

A partir de mars 2002, l'activité commerciale de la société Dragoon, créée en 1996, et de son groupe, la réalisation ainsi que l'encaissement de la quasi totalité de ses produits d'exploitation se sont réalisés au travers du contrat de diffusion et de distribution la liant à la société Flammarion. Ce contrat de trois ans a été prorogé pour trois nouvelles années à partir du 1er mars 2005 par un avenant du 18 novembre 2004 ;

Aux termes de ce contrat, la distribution des ouvrages vendus par Dragoon à Flammarion était assurée par la société Union Distribution ( UD) société du groupe Flammarion; Dragoon restait propriétaire des ouvrages en dépôt chez UD jusqu'à la date de leur expédition aux revendeurs. UD s'engageait à accepter, dans une certaine limite, les retours de livres invendus que Dragoon devait ensuite racheter à Flammarion. Dans ce cadre, Flammarion fournissait mensuellement à Dragoon les états des ventes réalisées et des retours des livres invendus au cours du mois précédent. Sur la base de cet état, Dragoon établissait une facture du montant des ventes, retours déduits ;

Si pour un mois donné ce montant était négatif( notamment lorsque le nombre de retours était supérieur au nombre des ventes) Dragoon était tenue de rembourser ce découvert à Flammarion par traite à 90 jours. En garantie des sommes pouvant être dues dans ce cadre, le contrat stipulait la constitution progressive, par prélèvement sur le chiffre d'affaires d'une garantie à hauteur de 76.250€ hors taxes au profit de Flammarion. En complément Dragoon consentait à Flammarion et à UD un gage commercial sur la totalité de son stock destiné à n'être mis en oeuvre que dans la seule hypothèse ou la retenue de garantie n'aurait pas été suffisante. Enfin conformément aux engagements, Dragoon informait Flammarion de sa ligne éditoriale et 'calait' avec elle les impératifs qu'elle supposait à l'occasion de réunions prévues à cette fin par le contrat;

Au cours de l'année 2005, les difficultés que connaissait déjà la société Dragoon se sont accrues: en mars 2005, le montant des retours d'ouvrage a atteint la somme de 150.000€ de sorte que la société Flammarion a accepté le principe d'un paiement échelonné par traites de sa créance et en complément, Dragoon a proposé à Flammarion d'imputer sur le chiffre d'affaires les retours d'ouvrages. Cependant, la traite à échéance du 30 juin 2005 est revenue impayée ;

Au mois de septembre 2005, monsieur Salmon, représentant de la société Dragoon, a proposé à Flammarion en substitution des traites que la société n'était pas en mesure d'honorer, de prélever 20.000€ sur son chiffre d'affaires des mois d'octobre et novembre. Comprenant que la situation de la société Dragoon était sérieusement compromise, la société Flammarion décidait de mettre un terme 'à ses concours ' le chiffre d'affaires de Dragoon n'étant plus suffisant pour 'absorber' les sommes dues au titre des retours d'ouvrages ;

La SCP Ouizille de Keating, soutenant que les dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, recherche la responsabilité de la société Flammarion sur le fondement de l'article 1382 du code civil au motif que la société Flammarion contrôlait, et ce pour une période très longue et irrévocable, l'entière exploitation de son cocontractant, la totalité de sa production éditoriale réalisée sous sa marque ou en co-production, en exclusivité et par tous canaux de vente en France et dans le monde, que Flammarion a soutenu de façon consciente une exploitation déficitaire ayant conduit à la cessation des paiements alors que dès février 2005 elle avait une parfaite connaissance de la situation irrémédiablement compromise de Dragoon. Il conclut subsidiairement sur l'application de l'article L 650-1 précité ;

La société Flammarion conclut à l'application des dispositions de cet article, la notion de ' concours ' pouvant parfaitement s'appliquer selon elle au cas de l'espèce.

Sur l'article L 650-1 du code de commerce :

L'article L 650-1 du code de commerce applicable aux procédures collectives ouvertes, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2006 dispose que 'lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci';

Ce texte n'a pas pour objet de poser le principe d'une irresponsabilité des créanciers mais d'aménager les conditions dans lesquelles cette responsabilité peut être engagée (déclaration n° 2005-522 du Conseil Constitutionnel du 22 juillet 2005) avec retour à la responsabilité civile lorsqu'il existe un des trois cas prévus par ce texte ;

Les termes génériques de ' concours consentis' et de 'créancier' du texte conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit ;

Des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur peuvent ainsi constituer des concours au sens de l'article susvisé. En effet, outre le fait que la société Flammarion revendique elle-même cette qualification pour le paiement de sa créance par traites échelonnées, il a été déjà jugé, sous l'empire de la jurisprudence antérieure à la loi de sauvegarde, que la responsabilité d'un créancier ayant accordé des délais de paiement pouvait être recherchée pour soutien abusif sur le fondement de l'article 1382 du code civil ( Cour de Cassation Chambre Commerciale 10 décembre 2003) ;

Il y a donc lieu de faire application des dispositions de l'article L 650-1 précité.

La SCP Ouizille se doit donc de développer son argumentation sur un ou plusieurs des trois cas prévus par ce texte soit :

- la fraude,

- une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur,

- des garanties prises en contrepartie de ces concours disproportionnées.

Elle fonde essentiellement sa demande sur une immixtion de la société Flammarion dans la gestion de la société Dragoon, la société Flammarion s'étant en fait comportée comme un dirigeant de fait de cette société ayant par ailleurs capté la totalité des produits d'exploitation de Dragoon, et accessoirement sur la fraude ;

Sur l'immixtion :

La SCP Ouizille De Keating soutient en effet que la société Flammarion s'est en fait comportée comme un dirigeant de fait de la société Dragoon en s'immisçant de manière caractérisée dans sa gestion, les clauses du contrat relatives à ses conditions financières, aux obligations de chaque partie laissant apparaître une imbrication des intérêts des deux sociétés, avec une société créée de fait avec pour corrolaire une intervention directe, positive et indéniable de la société Flammarion dans la gestion économique et financière de la société Draggon ;

Elle fait valoir qu'en dépit d'une situation catastrophique qu'elle connaissait parfaitement, la société Flammarion a accordé des délais de paiement dans le but avoué de se faire rembourser sa créance, que l'immixtion doit s'entendre plus largement que la simple gestion de fait mais également comme une immixtion caractérisée c'est à dire ponctuelle et appuyée reprenant en ces termes la thèse de Monsieur Legeais in ' Responsabilité du banquier fournisseur de crédit' Jurisclasseur commercial fasc 346 n°116, qu'en l'espèce, le distributeur intervenait directement et de manière caractérisée dans la gestion de la société Dragoon n'hésitant pas notamment à procéder à des compensations sur le chiffre d'affaires avec les factures de retour d'ouvrages ;

La société Flammarion réplique que la SCP Ouizille De Keating invoque principalement la dépendance étroite du Groupe Dragoon Editions vis à vis de Flammarion liée à la durée et aux conditions financières du contrat et que ces faits en rentrent pas dans le cadre de l'article L 650-1 ;

Elle fait valoir en effet :

- qu'il n'existe aucun acte positif et indépendant de direction et de gestion caractérisant l'immixtion.

- que le contrat de distribution est un contrat classique conclu entre un éditeur de livres et un prestataire auquel on confère l'exclusivité de la distribution, contrat conforme aux usages de la profession,

- que ce contrat n'a pas vocation à substituer le distributeur aux choix éditoriaux qui constituent l'essence même de l'activité d'éditeur,

- que Flammarion ne disposait pas de l'intégralité de la distribution des ouvrages Dragoon puisque le contrat excluait les ventes clubs, collectivités, écoles, bibliothèque et comités d'entreprise par correspondance et par courtage,

- que le système de compensation qui a été envisagé parallèlement à l'octroi de délais a été mis en oeuvre à la demande de Dragoon,

- que Flammation n'a jamais été associée aux bénéfices et aux pertes de Dragoon.

Et sur ce :

La notion d'immixtion eu sens de l'article L. 650-1 s'entend non seulement de la gestion de fait par une substitution au gérant de droit mais également plus largement par la volonté du créancier de faire prendre des décisions dans son seul intérêt, décisions qui sans son influence n'auraient pas été prises et décision qui se trouvent à l'origine du préjudice allégué, étant toutefois observé que l'immixtion ne doit pas pour autant se confondre avec la dépendance économique susceptible d'être recherchée sous d'autres chefs (article L. 420-2 du code de commerce) ;

En l'espèce, la SCP Ouizille De Keating ne démontre pas l'existence d'une gestion de fait de la société Dragoon par la société Flammarion; en effet, elle n'établit aucun acte positif de direction et de gestion en toute indépendance de la part de Flammarion ;

En ce qui concerne l'immixtion dans le sens plus extensif précédemment retenu, il faut se reporter aux clauses et conditions du contrat de distribution ;

Si le contrat a été conclu en janvier 2002 avec une prise d'effet en mars 2002, il faut noter que ce contrat, librement signé par Dragoon, reconduit par un avenant de mars 2004 à compter de mars 2005 et jamais dénoncé (bien que dénonçable six mois avant son échéance, page 10 des conclusions SCP Ouizille De Keating) a pourtant permis à Dragoon de dégager des bénéfices en 2002 et 2003, les résultats étant négatifs à compter de 2004 ( la SCP Ouizille De Keating, page 5 de ses conclusions) ;

Par ailleurs, la SCP Ouizille De keating n'explique pas en quoi les principales clauses du contrat qui ont été précédemment exposés permettaient à la société Flammarion une immixtion caractérisée même de façon ponctuelle dans la gestion de Dragoon ;

Le contrat est manifestement conforme aux usages de la profession même s'il est susceptible d'induire une certaine dépendance économique de l'éditeur envers le distributeur ;

Il faut noter que si par l'article 7 du contrat, Dragoon s'obligeait à participer aux réunions de la direction commerciale de Flammarion au cours desquelles devaient être définis par cette dernière les objectifs de mise en place, et s'obligeait de même à exposer son programme aux réprésentants du diffuseur trois mois avant parution, ainsi que le fait observer la société Flammarion, cela n'avait pas pour but d'influer sur les choix éditoriaux ( comment cela aurait il pu être trois mois seulement avant parution ) mais bien d'aider le distributeur à avoir une certaine visibilité sur la quantité et la nature des ouvrage retenus par l'éditeur et donc effectivement être informé de la ligne éditoriale et du programme des parutions ;

En effet, la société Flammarion choisissait les points de vente, les revendeurs et le marchés opportuns ainsi que cela vient d'être rappelé mais cela est inhérent même au contrat de distribution et ne ressort nullement d'une 'gestion économique et stratégique concernant la société Dragoon' ainsi que le soutient la société Ouizille DE Keating ;

Enfin en ce qui concerne plus précisément les délais de paiement et le système de compensation, il résulte des pièces versées aux débats que la société Dragoon a elle-même proposé et sollicité ces deux types de concours de la part de la société Flammarion, monsieur Salmon, responsable de la société Dragoon remerciant même dans un courriel le responsable Flammarion ' de ses efforts dans ce dossier'( courriels de monsieur Flammarion des 29 mars, 11 mai, 26 septembre et 8 décembre 2005 'Flammarion rejette notre demande d'étalement des retours à nouveau, en retenant la totalité de notre chiffre d'affaires ..... cette situation est certes conforme à l'application stricte de notre contrat de diffusion...') ;

Il résulte donc de ce qui précède que la SCP Ouizille De Keating ne démontre pas des faits susceptible de caractériser une immixtion de la société Flammarion dans la gestion de la société Dragoon ;

Sur la fraude :

La SCP Ouizille De Keating qualifie, pages 27-28 de ses conclusions, de 'fraude' les délais de paiement accordés et le système de compensation accepté, soulignant que le but avoué était en fait de se faire 'rembourser sa créance' au détriment des créanciers qui ont d'ailleurs déclaré des créances supérieures à celle de Flammarion. Elle souligne également que la signature de l'avenant de novembre 2004 maintenant le prix de vente des ouvrages de la société Dragoon à la société Flammarion au prix de 47% du prix public hors taxe alors que le contrat aurait du se reconduire tacitement est édifiante et apporte un premier élément concernant 'l'intention frauduleuse' de la société Flammarion ;

La société Flammarion réplique que la société Dragoon a librement consenti au renouvellement du contrat qu'elle n'a jamais envisagé de rompre et que l'avenant n'a pas modifié les termes du contrat de distribution, que la société Flammarion est un de plus gros créanciers de la société Dragoon (déclaration de créance pour 112.121,48€, qu'enfin la notion de fraude se réfère principalement à des incriminations pénales ;

Et sur ce :

La fraude en matière civile ou commerciale ne se démarque guère de la fraude pénale: il s'agit d'un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indû ou réalisé avec l'intention échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive (fraude à la loi) ;

Lors de l'élaboration de la loi de sauvegarde des entreprises, les débats parlementaires avaient d'ailleurs fait allusion à propos des nouvelles dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce à la notion de 'faute pénale' ( intervention A.Vidalies JOAN CR 2ème séance du 3 mars 2005) ;

Le rapporteur du sénat ( rapport J-J Hyest page 441 et 442) évoque d'ailleurs l'escompte d'effets fictifs ou de complaisance, la mobilisation de bordereau Dailly de factures ne correspondant pas à des créances réelles ou la circulation de traites de cavalerie, 'la participation du créancier à de telles pratique doit aussi l'empêcher de se prévaloir du régime de responsabilité limité institué par la présente disposition' ;

Or en l'espèce, les faits reprochés à la société Flammarion, soit la signature de l'avenant de novembre 2004, l'acceptation de traites parfaitement causées permettant ainsi indirectement l'octroi de délais de paiement, et un système de compensation, ne sont manifestement pas de nature frauduleuse ;

La SCP Ouizille De Keating ne démontre donc pas la fraude qu'elle allègue ;

Il résulte donc de ce qui précède qu'en l'absence de l'un des cas permettant de rechercher la responsabilité des créanciers tel que prévu aux dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce (en l'espèce immixtion et fraude alléguées), il y a lieu de débouter la SCP Ouizille De Keating, es qualité, de l'ensemble de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Flammarion :

La société Flammarion réclame la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Mais les éléments de la cause ne permettent pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de l'appelante d'agir en justice ;

La demande de ce chef sera donc rejetée ;

Par contre , il sera fait application des dispositions de l'article 700 du CPC au bénéfice de la société Flammarion dans les termes du présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort:

Confirme le jugement rendu le 28 novembre 2008 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la SA Flammarion de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SCP Ouizille De Keating es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Dragoon Editions à payer à la SA Flammarion la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP Ouizille De Keating es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Dragoon Editions aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Lissarague-Dupuis-Boccon-Gibod, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.