CA Douai, 8e ch. sect. 2, 13 juin 2013, n° 12/04537
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Credipar, Facet Neuilly Contentieux Cape Bdf Nord Bac B, Natixis, Orange Service Client Internet Chez Effico Soreco, Soginorpa Maisons et Cites, Diac
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charbonnier
Conseillers :
Mme Convain, M. Pety
Vu le jugement réputé contradictoire prononcé par le juge du tribunal d'instance de Lens, statuant en matière de traitement des situations de surendettement des particuliers, le 13 novembre 2012 ;
Vu l'appel formé le 26 novembre 2012 ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 15 mai 2013 ;
Suivant déclaration enregistrée le 1er juin 2011 au secrétariat de la Banque de France, M. Eric C. et Mme Nathalie S. épouse C. ont demandé le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, ne parvenant pas à s'acquitter de leurs dettes en raison de l'absence de ressources mensuelles suffisantes et des dépenses nécessaires pour satisfaire aux besoins de la vie courante avec deux enfants majeurs à charge.
Le 4 août 2011, la commission de surendettement des particuliers du Pas de Calais, après avoir constaté leur situation de surendettement, a déclaré leur demande recevable.
L'instruction du dossier des débiteurs ayant fait apparaître qu'ils n'étaient pas dans une situation irrémédiablement compromise, la commission a traité le dossier selon la procédure classique de traitement des situations de surendettement.
À la suite de l'échec de la procédure amiable constaté le 20 octobre 2011, les débiteurs ont demandé à bénéficier des mesures imposées ou recommandées, par courrier du 31 octobre 2011.
Le 26 janvier 2012, après examen de la situation de M. Eric C. et Mme Nathalie S. épouse C. dont les dettes ont été évaluées à 35989,57 €, les ressources à 2092,12 € et les charges à 1910,88 €, la commission qui a déterminé un minimum légal à laisser à la disposition des débiteurs de 1567,51 euros, une capacité de remboursement de 181,24 euros et un maximum légal de remboursement de 524,61 euros, a retenu une mensualité de remboursement de 181,24 euros et a recommandé le remboursement d'une partie des dettes sur une durée de 24 mois au taux de 0 %, ces mesures étant destinées à permettre à M. Eric C., électricien au chômage depuis février 2011, de rechercher activement un emploi. Par ailleurs, dans le cadre de l'article L 331-7-2 du code de la consommation, la commission a indiqué que les débiteurs devaient vendre l'un de leurs véhicules et, compte tenu de la valeur du véhicule Citroën C4 immatriculé pour la première fois le 12 octobre 2009, a invité les débiteurs à vendre ce véhicule dans les six mois suivant l'homologation des mesures recommandées et à un prix proche de l'argus (+ ou -10 %), le produit de la vente devant être reversé au créancier ayant financé le bien, à savoir CREDIPAR, sous déduction d'une somme de 4000 € pour permettre aux débiteurs d'acquérir un véhicule de moindre valeur, le solde de la créance devant être remboursé en faisant l'objet d'un échelonnement.
A la suite de la notification de cette décision le 4 février 2012 aux débiteurs et le 6 février 2012 à la société DIAC, Mme Nathalie S. épouse C. a formé un recours par courrier recommandé avec demande d'avis de réception adressé au tribunal d'instance de Lens le 16 février 2012 et la société DIAC a formé un recours par courrier recommandé avec demande d'avis de réception adressé au greffe du tribunal d'instance le 7 février 2012.
La commission de la Banque de France a saisi le tribunal d'instance de Lens aux fins qu'il soit statué sur ces recours.
Au soutien de son recours, Mme Nathalie S. épouse C. a indiqué son désaccord quant à la vente de son véhicule Citroën C4 et a souhaité que le remboursement du crédit soit intégré dans le plan de surendettement. Par ailleurs, elle a précisé être divorcée de son époux depuis le 18 janvier 2012.
Par courrier reçu au greffe le 25 septembre 2012, la société DIAC, qui a justifié avoir préalablement notifié son argumentation à M. Eric C. dans les conditions fixées à l'article R 331-9-2 du code de la consommation, a sollicité la restitution du véhicule Renault Twingo qu'elle avait financé et a accepté les modalités de remboursement prévues par la Banque de France sur le solde après vente aux enchères publiques du véhicule. Elle a soutenu qu'elle se prévalait de la clause de réserve de propriété par subrogation effectuée à son profit par la société Renault.
Les débiteurs et les créanciers ont été régulièrement convoqués à l'audience du 9 octobre 2012.
À l'audience du 9 octobre 2012, M. Eric C. et Mme Nathalie S. épouse C. ont comparu et ont indiqué qu'ils étaient divorcés depuis le 18 janvier 2012, soit antérieurement aux mesures recommandées de la commission de la Banque de France, que Mme Nathalie S. épouse C. était licenciée depuis le 4 octobre 2012 et habitait Dunkerque.
Les créanciers suivants ont adressé des observations par courrier :
-la société FACET a fixé sa créance à 4731,92 euros et 1085,32 euros
-la Caisse d'épargne a fixé sa créance à 7627,84 €
Les autres créanciers n'ont pas comparu et n'ont pas fait d'observations.
Par jugement en date du 13 novembre 2012, le juge du tribunal d'instance de Lens, statuant en matière de surendettement des particuliers, a :
• dit que la contestation formée par la société DIAC contre les mesures imposées le 26 janvier 2012 par la commission de surendettement des particuliers du Pas-de-Calais était recevable l'égard de M. Eric C. et irrecevable à l'égard de Mme Nathalie S. épouse C. ;
• dit le recours de la société DIAC bien fondé à l'égard de M. Eric C. ;
• ordonné à M. Eric C. de restituer à la société DIAC le véhicule automobile Renault Twingo gamme 2010 authentique eco2 immatriculé BC 507 DH n° de série VF1CNBA0543864790;
• dit que la contestation formée par Mme Nathalie S. épouse C. contre les mesures imposées le 26 janvier 2012 par la commission de surendettement des particuliers du Pas-de-Calais était recevable en la forme ;
• renvoyé le dossier à la commission de surendettement pour examen de la situation et disjonction du dossier ;
• rappelé que le présent jugement bénéficiait de l'exécution provisoire de droit ;
• constaté l'absence de dépens.
Monsieur Eric C. a relevé appel de ce jugement le 26 novembre 2012.
À l'audience du 15 mai 2013, M. Eric C., assisté de son conseil, fait valoir à l'appui de son appel que le juge du tribunal d'instance, usant des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L 332-3 du code de la consommation, n'est pas en droit d'ordonner au débiteur de restituer au créancier le bien sur lequel ce dernier dispose d'une clause de réserve de propriété et que le premier juge ne pouvait donc ordonner la restitution du véhicule puisqu'il ne détient d'aucun texte le pouvoir d'ordonner la restitution d'un tel bien ; que s'agissant de la clause de réserve de propriété invoquée par la société DIAC, celle-ci doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison et doit être claire, apparente, lisible, non équivoque pour pouvoir être directement compréhensible pour l'acheteur ; qu'en l'espèce, l'article 8.2 des conditions contractuelles particulières ne fait référence qu'à un gage et l'article 8.3 mentionne la possibilité d'invoquer par voie de subrogation la clause de réserve de propriété du vendeur plutôt que le droit de gage visé à l'article 8.2 ; qu'ainsi, même si le procès-verbal de livraison comporte un paragraphe relatif à la subrogation de la DIAC sur la clause de réserve de propriété, la signature qu'elle porte sur le document ne fait que justifier de la réception du véhicule et ne démontre pas le caractère certain de son acceptation ; que de surcroît, cette clause est abusive en ce qu'elle aggrave la situation de l'emprunteur et l'induit en erreur sur l'étendue de son droit de propriété. Il demande donc à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Lens le 13 novembre 2012 en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule Renault Twingo et de renvoyer la société DIAC à mieux se pourvoir, de confirmer le jugement en ses autres dispositions et de laisser à chaque partie la charge de ses dépens.
La société DIAC, représentée par son conseil, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'égard de la société DIAC et de statuer ce que de droit quant aux dépens. Elle fait valoir les dispositions de l'article L 331-7-2 précise que la commission (ou le juge surendettement) recommande que les mesures prévues aux articles L 331-7 et L 331-7-1 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette, ce qui est le cas lorsqu'il est fait droit à la demande de revendication de propriété qui permet de diminuer le montant de la créance de la société DIAC celle-ci pouvant revendre par la suite le véhicule aux enchères publiques, le prix venant en réduction de sa créance ; que par ailleurs, en l'espèce la subrogation est expressément acceptée par le vendeur au profit de la société DIAC et par le client ; qu'il ne résulte pas que par l'existence du gage, la société DIAC a nécessairement renoncé à se prévaloir de la subrogation dans la réserve de propriété, autre sûreté du vendeur ; qu'au contraire, il s'agit d'une possibilité pour elle de se prévaloir de la clause de réserve de propriété au lieu et place du droit de gage ; qu'en l'espèce, la société DIAC a pris la décision de se prévaloir de la clause de réserve de propriété valablement constituée et pour laquelle elle a été subrogée ; que la seule obligation pour le créancier est de ne pas prétendre simultanément être propriétaire sur le fondement de la clause de réserve de propriété qui lui a été transmise par subrogation et prétendre être créancier gagiste ; qu'en l'espèce, la société DIAC ne se prévaut que de la clause de réserve de propriété.
Les autres intimés, régulièrement convoqués par lettre recommandée avec accusé de réception, signé par eux-mêmes ou par personne habilitée, n'ont pas comparu ni personne pour les représenter. L'arrêt sera réputé contradictoire par application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
SUR CE,
Attendu que l'article 2367 du code civil dispose notamment que la propriété d'un bien peut être retenue à titre de garantie et que la propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle assure le paiement ;
Que la clause de réserve de propriété suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie ; qu'à défaut de complet paiement à l'échéance, le créancier peut demander la restitution du bien objet de la clause de réserve de propriété afin de recouvrer le droit d'en disposer, la valeur du bien repris étant alors imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie ;
Que la clause de réserve de propriété est transmissible par voie de subrogation ;
Attendu que suivant offre préalable de crédit accessoire à la vente d'un véhicule acceptée le 15 octobre 2010, la société DIAC a consenti à M. Eric C. un prêt d'un montant en capital de 8157 €, au taux d'intérêt nominal de 4,99 % l'an, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule automobile Renault Twingo gamme 2010 AUTHENTIQUE ECO2 d'une valeur de 9158,50 euros ;
Que cette offre préalable de crédit comporte une clause de réserve de propriété à l'article 8.3 des DISPOSITIONS CONTRACTUELLES ET PARTICULIÈRES : « Réserve de propriété : Nous pouvons invoquer, par voie de subrogation, la clause de réserve de propriété du vendeur plutôt que notre droit de gage visé à l'article 8.2 » ;
Qu'il résulte de la facture en date du 10 novembre 2010 établie par la SANEG, concessionnaire Renault à Carvin, vendeur du véhicule en cause, et du 'Procès-verbal de livraison et demande de règlement à DIAC' signé le 12 novembre 2010 par M. Eric C. et par la SANEG que le vendeur a livré le véhicule en cause à M. Eric C. le 12 novembre 2010 et a, en exécution de l'article 1250 du Code civil, subrogé expressément la société DIAC dans la réserve de propriété du véhicule automobile Renault remis à M. Eric C. bénéficiaire du contrat de vente à crédit souscrit le 15 octobre 2010 ;
Que la subrogation est expressément acceptée par le vendeur au profit de la société DIAC et par M. Eric C. puisque sous la mention 'SUBROGATION AU PROFIT DE DIAC : En exécution de l'article 1250 du code civil, le fournisseur subroge expressément DIAC dans tous droits, actions et privilèges à l'encontre du bénéficiaire du contrat de crédit mentionné ci-dessus et notamment la réserve de propriété fondée sur la loi 80-335 du 12 mai 1980', mention qui est claire, apparente, lisible et non équivoque, figure une date, en l'occurrence le 12 novembre 2010, ainsi que la signature de la SANEG (fournisseur) et de M. Eric C. (client) ;
Que M. Eric C. n'est pas fondé à soutenir qu'il a été induit en erreur sur l'étendue de son droit de propriété alors que sur la facture du 10 novembre 2010 qui lui a été adressée par la SANEG, vendeur du véhicule financé, figure la mention suivante : 'Clause de réserve de propriété : nous nous réservons la propriété des marchandises objets des présents débits, jusqu'à leur paiement intégral, conformément à la loi 80-335 du 12 mai 1980' et que l'article 8.3 des conditions contractuelles particulières du contrat de crédit souscrit par M. Eric C. le 15 octobre 2010 prévoit expressément que la société DIAC a la possibilité d'invoquer, par voie de subrogation, la clause de réserve de propriété du vendeur au lieu et place du gage visé à l'article 8.2 ;
Que la société DIAC qui bénéficie par subrogation dans les droits du vendeur d'une clause de réserve de propriété valablement constituée sur le véhicule financé, justifie donc être fondée à se prévaloir de sa qualité de propriétaire du véhicule automobile en cause ;
Attendu que l'article L 331-7-2 du code de la consommation dispose que « la commission peut recommander que les mesures prévues aux articles L 331-7 et L 331-7-1 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette » ;
Qu'en vertu de cet article, il est possible de subordonner l'application des mesures de désendettement à l'exécution par le débiteur d'obligations mises à sa charge afin de faciliter le paiement de ses dettes ;
Que si le juge du surendettement ne peut contraindre un débiteur à restituer le véhicule qui fait l'objet d'une clause de réserve de propriété ni en ordonner la vente, en revanche il peut subordonner l'application des mesures de désendettement prévues aux articles L 331-7 du code de la consommation (notamment la suspension de l'exigibilité des créances) à l'obligation de restitution du véhicule qui fait l'objet d'une clause de réserve de propriété, une telle restitution étant de nature à faciliter le paiement d'une dette au sens de l'article L 331-7-2 du code de la consommation et à favoriser le redressement du débiteur en diminuant son endettement ;
Attendu que c'est justement que le premier juge, après avoir relevé que la subrogation à laquelle le débiteur avait consenti lors de la vente, avait eu pour effet de transférer le bénéfice de la clause de réserve de propriété au prêteur, la société DIAC, et que cette clause avait pour effet de suspendre le transfert de propriété du véhicule vendu jusqu'au paiement intégral du prix, et après avoir retenu que la société DIAC avait fixé sa créance à la somme de 8123,15 euros et produisait la cote Argus de ce véhicule, fixée au 22 septembre 2012 à 5343 € représentant 73 % de sa créance, a considéré que le véhicule Renault ne pouvait être considéré comme entrant dans le patrimoine du débiteur et en a ordonné la restitution ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef sauf à préciser que l'obligation de restitution à la société DIAC du véhicule automobile Renault Twingo, mise à la charge de M. Eric C., constitue une condition de la suspension de l'exigibilité des créances et doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Attendu que le jugement entrepris sera également confirmé en ses autres dispositions qui ne sont pas critiquées ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser que l'obligation de restitution à la société DIAC du véhicule automobile Renault Twingo, mise à la charge de M. Eric C., constitue une condition de la suspension de l'exigibilité des créances et doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Met les dépens d'appel à la charge du trésor public.