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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 18 avril 2023, n° 22/01392

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baumann

Conseillers :

Mme Bonnet, Mme Muller

Avocats :

Me Dupuis, Me Riou, Me Lafon, Me Versigny

T. com. Nanterre, du 11 févr. 2022, n° 2…

11 février 2022

La SAS Buhr Ferrier [O] (ci-après BFG) est une entreprise familiale exerçant une activité de travaux de bâtiment depuis 1944.

Aux termes d'une donation-partage du 3 novembre 1997, M. [L] [O] et Mme [R] [G] [U] épouse [O], ont cédé les 2460 actions qu'ils détenaient dans la société à leurs deux fils, M. [C] [L] [O] et M. [E] [O], chacun recevant 1230 actions. Les 540 actions restantes ont été conservées par M. [L] [O] et deux autres actionnaires.

Depuis la transformation de la société en SAS en 2002, le capital social est détenu, par Messieurs [C] [L] et [E] [O] à hauteur de 1450 actions chacun, par [L] [O] à hauteur de 84 actions, les deux autres actionnaires détenant chacun 8 actions (soit un total de 3 000 actions).

Le 5 septembre 2002 - l'assemblée générale extraordinaire statuant sur la transformation de la société en SAS - a nommé M. [C]-[L] [O] comme président de la société BFG pour une durée de 6 ans et M. [E] [O] en qualité de vice-président. Ces nominations ont été renouvelées par assemblée du 25 mars 2008. M. [E] [O] a toutefois démissionné de ses fonctions le 6 décembre 2011, au motif d'une mésentente avec son frère, étant précisé qu'il avait préalablement, le 3 août 2011, fait l'objet d'un licenciement pour faute grave de son emploi salarié de conducteur de travaux, ce licenciement ayant ultérieurement été annulé par le conseil de prud'hommes.

Le chiffre d'affaires de la société BFG a chuté, de manière très conséquente, à compter de l'année 2011, ce qui a conduit à sa mise en sommeil en décembre 2018 (cessation d'activité), puis à une reprise d'activité en novembre 2020.

M. [E] [O] a considéré, d'une part que les assemblées générales des 20 mars et 30 juin 2020 ne respectaient pas le dispositif du décret du 16 mars 2020 (période Covid 19), d'autre part que M. [C] [L] [O] avait abusé de ses prérogatives de président de la société, lui reprochant d'avoir anéanti sa valeur au profit d'autres structures sociétaires lui appartenant, mais également de disposer d'un terrain pour ces mêmes entreprises sans aucun versement de loyers. Il a donc sollicité la nomination d'un mandataire ad hoc afin d'organiser les assemblées générales devant statuer sur la révocation de M. [C] [L] [O] et sa nomination en ses lieu et place.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 11 février 2022, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi le 26 octobre 2020 sur assignations délivrées à la société BFG et M. [C] [L] [O] à l'initiative de MM. [E] [O] et [L] [O], a :

- ordonné la jonction des affaires ;

- dit que l'assemblée générale ordinaire du 20 mars 2020 et celle du 30 juin 2020 ne sont pas entachées de nullité, déboutant M. [E] [O] de ses autres prétentions ;

- débouté M. [E] [O] de sa demande de nomination d'un mandataire ad-hoc ;

- débouté la société BFG et M. [C] [L] [O] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

- condamné M. [E] [O] à une amende civile de 3 000 euros ;

- condamné M. [E] [O] à payer à la société BFG et M. [C] [L] [O] la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] [O] à supporter les dépens.

Par déclaration du 9 mars 2022, M. [E] [O] a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 février 2023, il demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a dit que les assemblées générales ordinaires des 20 mars et 30 juin 2020 n'étaient pas entachées de nullité ;

* a rejeté la nullité des assemblées générales ordinaires des 20 mars et 30 juin 2020 ;

* l'a débouté de sa demande de nomination d'un mandataire ad-hoc ;

* l'a condamné à payer une amende civile de 3 000 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société BFG et M. [C] [L] [O] de leur demande en paiement de dommages et intérêts ;

- débouter la société BFG et M. [C] [L] [O] de l'ensemble de leurs demandes;

Jugeant de nouveau sur les points infirmés,

- prononcer la nullité des assemblées générales ordinaires des actionnaires de la société BFG du 20 mars 2020 et du 30 juin 2020 ;

- nommer tel mandataire ad-hoc, ayant pour mission de convoquer l'assemblée générale ordinaire des associés de la société BFG sur première convocation, et deuxième convocation si nécessaire, afin de statuer sur l'ordre du jour suivant :

* révocation de M. [C]-[L] [O] de sa qualité de président de la société BFG ;

* nomination de M. [E] [O] en qualité de président ;

* pouvoirs pour formalités ;

- ordonner que le mandataire ad-hoc ainsi désigné devra procéder à la convocation de l'assemblée générale ordinaire dans le mois de sa désignation ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société BFG et M. [C] [L] [O] la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Jugeant de nouveau,

- condamner la société BFG et M. [C] [L] [O] à payer, in solidum, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société BFG et M. [C] [L] [O] aux entiers dépens.

La société BFG et M. [C] [L] [O], dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 mars 2023, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- déclarer M. [E] [O] mal fondé en l'ensemble de ses demandes ;

- rejeter les demandes tendant à voir :

* prononcer la nullité des assemblées des 20 mars et 30 juin 2020 ;

* désigner un mandataire avec pour mission de convoquer l'assemblée générale ordinaire des associés sur première convocation et deuxième convocation si nécessaire, afin de statuer sur la révocation de M. [C] [L] [O] en sa qualité de président de la société BFG et la nomination de M. [E] [O] en qualité de président ;

* condamner in solidum les intimés à payer une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] [O] à payer à chacun des intimés la somme supplémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] [O] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer recevable l'appel formé par M. [E] [O].

1 - sur la demande de nullité de l'assemblée générale du 20 mars 2020

M. [E] [O] soulève - sur le fondement des articles 1844 du code civil, et 227-9 du code de commerce - la nullité de l'assemblée générale du 20 mars 2020 au motif que les associés n'avaient pas la possibilité matérielle d'être présents à cette assemblée, dès lors que le déplacement de toute personne hors de son domicile était interdit à compter du 17 mars 2020 (décret Covid 19). Il soutient que cette assemblée s'est en fait réunie au mépris des circonstances sanitaires et des droits fondamentaux des actionnaires d'y participer, de sorte que sa nullité doit être prononcée. Il ajoute que l'assistance à une assemblée générale ne rentrait pas dans les autorisations exceptionnelles de sortie, notamment pour déplacement professionnel. Il fait enfin valoir que l'ordonnance du 25 mars 2020, applicable de manière rétroactive aux assemblées tenues à compter du 12 mars 2020, prévoyait des possibilités d'assistance par voie téléphonique au audiovisuelle, outre le vote par correspondance, et la possibilité de report des assemblées sur trois mois.

M. [C] [L] [O] et la société BFG font tout d'abord valoir que, à compter de l'année 2011, [E] [O] n'a plus jugé utile de se présenter aux premières assemblées convoquées (qui ne peuvent statuer qu'avec un quorum de la moitié des actionnaires présents), et qu'il ne se présentait qu'à la seconde assemblée générale, votant contre toute résolution, ce qui a empêché toute approbation des comptes de 2011 à 2018, les comptes des exercices 2019 à 2021 ayant pu être approuvés dès lors que M. [O] ne s'est pas présenté aux assemblées correspondantes. Ils font en outre valoir qu'ils ont dû mettre la société en sommeil le 1er décembre 2018, avant de la réactiver en novembre 2020 pour éviter une radiation, la société ne survivant que pour régler des contentieux.

S'agissant de la nullité invoquée, ils font observer que les dispositions statutaires ont parfaitement été respectées, s'agissant des convocations et de la tenue de l'assemblée qui devait statuer sur les comptes avant le 31 mars 2020. Ils affirment qu'il était tout à fait possible de se déplacer le 20 mars, puisque [C] [L] [O] était présent. Ils font observer que [E] [O] ne s'est pas soucié de la tenue de l'assemblée, qu'il n'a pas transmis de pouvoir, qu'il n'en a pas demandé le report, de sorte que l'assemblée n'est pas critiquable.

Il résulte de l'article 1844 du code civil que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.

L'article L.227-9 du code de commerce dispose que les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient (...). Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

L'article 30 des statuts de la société BFG dispose que :

'l'assemblée générale ordinaire ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins la moitié des actions ayant le droit de vote tel qu'il est prévu ci-dessus. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis.

Elle statue à la majorité des 2/3 des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés et, dans le cas où il est procédé à un scrutin, les actionnaires s'étant abstenus sont considérés comme ayant voté contre. Sur deuxième convocation, les décisions sont prises à la majorité simple.'

Il résulte enfin de l'article 1er du décret 2020-260 du 16 mars 2020, applicable à compter du 17 mars 2020 à 12 heures que : 'afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu'au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes: 1°- Trajets entre le domicile et le ou les lieux d'exercice de l'activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d'être différés (...).'

Il est constant que l'assemblée générale du 20 mars 2020 a été convoquée et qu'elle s'est tenue de manière conforme aux dispositions statutaires.

Il est également constant que le décret du 16 mars 2020 interdisait tout déplacement d'une personne hors de son domicile, hormis quelques exceptions, étant observé que le déplacement d'un actionnaire pour assister à une assemblée générale ne pourrait être qualifié de déplacement professionnel qu'à condition que ce dernier ait également une activité salariée dans la société (ce qui n'était plus le cas pour M. [E] [O], à la différence de M. [C] [L] [O]).

M. [E] [O] sollicite la nullité de l'assemblée générale au motif que les actionnaires se trouvaient dans l'impossibilité matérielle de se déplacer du fait de l'interdiction édictée par le gouvernement. Force est toutefois de constater que la situation des trois actionnaires principaux n'était pas identique : [C] [L] [O] était présent à l'assemblée (son déplacement pouvait être considéré comme professionnel puisqu'il était salarié de la société), [L] [O] était absent pour des raisons de santé, et l'absence de [E] [O] pouvait certes s'expliquer par l'interdiction matérielle de se déplacer, mais également par d'autres motifs personnels.

Si l'on peut admettre que l'absence contrainte d'un actionnaire, résultant d'une interdiction de se déplacer, puisse éventuellement entraîner la nullité de l'assemblée générale en raison d'une atteinte aux droits de ce dernier, il n'en est pas de même d'une absence volontaire pour des motifs purement personnels.

M. [O] ne soutient pas qu'il ait eu l'intention d'assister à l'assemblée. En tout état de cause, il n'a jamais informé la société BFG d'une telle intention, qui aurait éventuellement été entravée par l'interdiction de déplacement, et n'a jamais sollicité un report de cette assemblée.

Faute pour M. [O] d'apporter la preuve qu'il ait eu l'intention d'assister à l'assemblée générale, son absence ne peut être qualifiée de contrainte, de sorte qu'il ne peut invoquer une atteinte à ses droits, sa demande en nullité de l'assemblée générale ne pouvant qu'être rejetée.

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'assemblée générale du 20 mars 2020.

2 - sur la demande de nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2020

M. [O] soulève également la nullité de l'assemblée générale du 30 juin 2020, convoquée sur deuxième convocation (le quorum n'ayant pas été atteint le 20 mars 2020), au motif que cette dernière aurait été envoyée de mauvaise foi par le président puisqu'il n'avait pu assister à la première assemblée générale, faisant valoir qu'il s'est ainsi trouvé 'privé de sa possibilité de bloquer les résolutions lors de l'assemblée générale réunie sur première convocation'.

Il a été démontré que l'assemblée générale du 20 mars 2020 s'était tenue de manière régulière, sans toutefois atteindre le quorum, de sorte que la convocation de la seconde assemblée générale, conforme à l'article 30 des statuts, était parfaitement régulière.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la seconde assemblée générale.

3 - sur la demande de nomination d'un mandataire ad hoc

M. [E] [O] sollicite la nomination d'un mandataire ad hoc aux fins de convocation d'une assemblée générale de la société BFG, afin de statuer sur un ordre du jour relatif à la révocation de M. [C] [L] [O] en sa qualité de président de la société BFG et sur sa nomination en ses lieux et place. Il invoque à ce titre les abus de M. [C] [L] [O], la chute brutale du chiffre d'affaires de la société, la création de sociétés concurrentes par ce dernier, et sa mauvaise gestion. M. [E] [O] fait valoir, qu'au regard des dispositions statutaires, la révocation ad nutum du président est prévue, mais impossible à mettre en oeuvre dès lors que les assemblées sont convoquées par le président qui arrête seul l'ordre du jour, les actionnaires n'ayant pas un tel pouvoir. Il observe que les actionnaires ne pourraient ainsi statuer sur la révocation de M. [C] [L] [O] qu'à condition que ce dernier accepte d'insérer ce point à l'ordre du jour, ce qu'il a refusé suite à la demande formée en ce sens le 15 juin 2020, caractérisant ainsi sa carence, de sorte qu'il est fondé à solliciter la nomination d'un mandataire ad hoc.

M. [C] [L] [O] et la société BFG s'opposent à cette demande, faisant en premier lieu valoir qu'une simple mésentente ne suffit pas à caractériser un péril imminent pouvant motiver une demande de révocation judiciaire, qui n'a d'ailleurs jamais été sollicitée. Ils soutiennent ensuite que les statuts ne prévoient pas la possibilité d'une révocation ad nutum, ajoutant qu'en tout état de cause, l'inscription d'une résolution ne peut intervenir qu'à l'initiative du président ou du vice président de la société, et non pas à la demande d'un actionnaire. Ils font valoir que, démissionnaire de ses fonctions de vice président, [E] [O] s'est privé de la possibilité d'inscrire une question à l'ordre du jour d'une assemblée. Ils font encore valoir que la désignation d'un mandataire ad hoc ne serait envisageable qu'en cas de carence du président, aucune carence ne pouvant lui être imputée à ce titre puisque ce dernier a toujours convoqué l'assemblée annuelle dans les six mois de la clôture des comptes.

Les articles 22 et 23 des statuts disposent que : 'les assemblées sont convoquées par le président ou le vice président (...)'. ' l'ordre du jour des assemblées est précisé dans la convocation. Il est arrêté par le ou les auteurs de la convocation. L'ordre du jour d'une assemblée ne peut être modifié sur deuxième convocation'.

L'article 30 des statuts précise que : 'l'assemblée générale ordinaire peut prendre toutes les décisions autres que celles ayant pour effet de modifier directement ou indirectement les statuts (...). Elle a notamment les pouvoirs suivants : nommer et révoquer le président, le vice-président, les commissaires aux comptes et les liquidateurs (...)'.

Depuis la démission de M. [E] [O] de ses fonctions de vice -président en décembre 2011, M. [C] [L] [O], président, a seul qualité pour convoquer l'assemblée générale et pour arrêter l'ordre du jour.

Aux termes de l'article 30 précité, la révocation du président fait bien partie des pouvoirs conférés à l'assemblée générale. Les statuts ne précisant pas les circonstances dans lesquelles peut intervenir cette révocation, il convient de considérer qu'elle peut intervenir aussi bien ad nutum que pour juste motifs.

Force est toutefois de constater qu'aux termes des statuts, cette révocation doit être décidée en assemblée générale, celle-ci ne pouvant être convoquée que par le président, ce dernier ayant également seul qualité pour arrêter l'ordre du jour de l'assemblée.

La nomination d'un mandataire ad hoc - à l'effet de convoquer une assemblée ayant pour objet de statuer sur la demande de révocation du président - ne pourrait ainsi être envisagée qu'à condition, pour [E] [O], de démontrer la carence du président dans la convocation d'une assemblée, cette carence ne pouvant être appréciée qu'au regard d'une obligation lui incombant.

La seule obligation du président, quant aux assemblées générales, est de convoquer une assemblée annuelle (article 30 des statuts), dans les six mois de la clôture de l'exercice, afin de statuer sur les comptes.

Ainsi que le fait observer M. [C] [L] [O], il n'est justifié d'aucune carence qui puisse lui être imputée à ce titre. Le fait de ne pas avoir donné suite au courrier de [E] [O], du 15 juin 2020, lui demandant d'inscrire certaines résolutions à l'ordre du jour (révocation du président) ne peut constituer une carence dès lors qu'il n'avait aucune obligation à ce titre, étant seul habilité à arrêter l'ordre du jour d'une assemblée.

Il n'est ainsi justifié d'aucune carence de M. [C] [L] [O] dans son obligation de convocation d'une assemblée générale ou de fixation d'un ordre du jour.

Faute pour M. [E] [O] de justifier d'une telle carence, il n'est pas fondé à solliciter la nomination d'un mandataire ad hoc. Il s'en déduit que, même si les statuts prévoient une possibilité de révocation du président, le fait que le vice-président ait démissionné conduit en fait à une impossibilité de mise en oeuvre de la révocation du président, ce qui constitue une simple application des statuts qui ne peut être contournée, notamment par la nomination d'un mandataire ad hoc.

4 - sur l'amende civile prononcée par le premier juge

M. [E] [O] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une amende civile au motif qu'il avait agi de manière dilatoire. Il soutient que la motivation du tribunal - tenant au fait qu'il aurait 'perturbé le déroulement du dossier en affirmant ''à l'audience du 18 mars 2021''que l'état de santé de son père était normal, acceptant le principe de la conciliation alors même que celui-ci était dans un état physique alarmant' - est erronnée, l'état de son père n'étant nullement alarmant à cette date, son hospitalisation deux jours plus tard et son décès le 30 mars 2021 ne permettant pas de déduire un état alarmant au 18 mars 2021, ni l'existence d'une action dilatoire.

M. [C] [L] [O] sollicite la confirmation du jugement sur ce point, faisant valoir que l'affirmation selon laquelle son père allait bien le 18 mars 2021 est contraire aux documents médicaux qui font état d'une altération de l'état général et asthénie importante depuis le 9 mars 2021, de sorte que le tribunal a retenu à juste titre un comportement procédural dilatoire.

Il résulte de l'article 32-1 du code de procédure civile que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L'hospitalisation de M. [L] [O] est intervenue le 20 mars 2021, soit deux jours après l'audience du 18 mars. Au moment de l'hospitalisation, il est noté une altération de l'état général, avec 'asthénie depuis 2/3 jours', l'altération remontant ainsi au 17 ou 18 mars, aucun élément ne permettant en tout état de cause de retenir un état 'alarmant' à la date de l'audience du 18 mars. Il n'est pas non plus justifié d'une perturbation du 'déroulement du dossier' du fait de la déclaration de M. [E] [O] quant à l'état de santé de son père, les parties ayant rapidement conclu après l'audience du 18 mars 2021, l'audience de plaidoirie s'étant tenue le 24 novembre 2021. Il n'est ainsi justifié d'aucun comportement dilatoire de M. [E] [O], de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une amende civile.

5 - sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens, mais infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. S'agissant en effet d'un litige opposant principalement une fratrie dans la gestion d'une société familiale, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir son droit, tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'appel formé par M. [E] [O],

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 11 février 2022 sauf en ce qu'il a condamné M. [E] [O] au paiement d'une amende civile de 3.000 euros et au paiement de frais irrépétibles,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute M. [C] [L] [O] et la société Buhr Ferrier [O] de leurs demandes à ce titre,

Et y ajoutant,

Condamne M. [E] [O] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.