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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 6 juillet 2021, n° 20/01588

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Maidis (SAS)

Défendeur :

Emirates Advanced Investments Group (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay Briere

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

Avocats :

Me Buquet Roussel, Me Pardo, Me Cadeo de Iturbide, Me Marest, Me Loyer Saad

T. com. Versailles, du 31 janv. 2020, n°…

31 janvier 2020

La SAS Maidis, éditeur de logiciels spécialisé dans les systèmes d'information médicaux et dans les services à valeur ajoutée pour les acteurs de la santé, a notamment pour activité la conception, la réalisation, le développement, la distribution, la commercialisation et la maintenance de tous produits informatiques, matériels ou logiciels, dans le domaine de la santé.

Selon protocole du 29 avril 2007 conclu avec la société Sel Holding, associée de la société Maidis, la société Emirates advanced investments group (la société EAIG), société de droit émirati, s'est engagée à acquérir l'intégralité des titres détenus par la société Sel holding à hauteur de 45,1 % dans le capital de la société Maidis ainsi que 100 % du compte courant de l'associée sortante pour un montant de 1 000 000 d'euros. L'acte définitif de cession de ce compte courant au profit de la société EAIG est intervenu le 4 octobre 2007.

Selon accord de joint-venture conclu le 17 décembre 2007, la société Maidis et la société EAIG ont convenu de créer la société de droit émirati Maidis international, dans le but de développer une nouvelle génération de logiciels et d'en assurer la commercialisation dans les Emirats arabes unis, et plus généralement dans les pays arabes à l'exception de l'Egypte.

Les relations entre la société Maidis, d'une part, et les sociétés EAIG et Maidis International d'autre part, se sont dégradées à partir de l'année 2011.

Le mandat de M. B, président de la société Maidis, ayant pris fin le 9 juin 2012, un administrateur provisoire, en la personne de maître Laureau, a été désigné à l'initiative de la société EAIG, par ordonnance du 14 novembre 2012 ; sa mission a pris fin le 15 avril 2015.

En 2014, à la suite d'une augmentation de capital décidée par une assemblée générale extraordinaire du 27 novembre 2014, la participation de la société EAIG dans la société Maidis a été réduite de 45,1 à 10,92 %. La société Danosoft, MM. X et A Z sont également associés de la société Maidis.

La société EAIG, souhaitant être remboursée de son compte courant créditeur dans la société Maidis qui s'élevait à la somme de 1 420 121 euros au 31 décembre 2012, l'a assignée par acte en date du 16 août 2017, devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 31 janvier 2020, a :

- condamné la société Maidis à verser à la société EAIG la somme de 1 420 120,83 euros en remboursement de son compte courant créditeur ;

- débouté la société EAIG de sa demande au titre des intérêts du compte courant pour la somme de 193 528,61 euros ;

- débouté la société Maidis de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société Maidis à verser à la société EAIG la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Maidis aux dépens.

Par déclaration du 10 mars 2020, la société Maidis a interjeté appel du jugement.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire sollicitée par la société Maidis a été rejetée par ordonnance du 3 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 mai 2021, la société Maidis demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer le jugement ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que depuis le 1er janvier 2018, la société Yas Holding est venue aux droits de la société EAIG sans qu'elle en soit informée ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société EAIG en remboursement de compte courant et plus largement celles formées dans son assignation en date du 16 août 2017 notamment en raison de la mauvaise foi et de l'abus de droit que commet la société EAIG en lui demandant le remboursement de son compte courant et le paiement des intérêts y afférents alors que cette dernière est indirectement sa débitrice ;

A titre subsidiaire,

- dire qu'en application de l'accord régissant le remboursement des comptes courants constitué par la deuxième résolution de l'assemblée générale extraordinaire en date du 23 septembre 2003, adoptée à l'unanimité et opposable à la société EAIG, le remboursement du compte courant ne pourra s'effectuer que dans la stricte limite des possibilités de sa trésorerie ;

- dire que ces possibilités ne lui permettent pas à ce jour un remboursement intégral du compte courant qui ne pourra être remboursé que dans la limite de 5 % de la trésorerie disponible en fin de mois ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société EAIG ;

En tout état de cause,

- condamner la société EAIG à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société EAIG, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 avril 2021, demande à la cour de :

- débouter la société Maidis de son appel ;

- rejeter l'ensemble de ses demandes ;

- ce faisant, confirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande au titre des intérêts de son compte courant créditeur ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des intérêts du compte courant pour la somme de 193 528,61 euros ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Maidis à lui verser la somme de 234 121,18 euros correspondant au montant des intérêts afférents à son compte courant au titre des exercices arrêtés au 31 décembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2020 inclus ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour déclarerait que le procès verbal d'assemblée générale de la société Maidis daté du 23 septembre 2003 lui est opposable,

- constater que la partie du compte courant excédant 1 million d'euros, soit 420 121 euros, peut lui être remboursée à tout moment et sans condition des possibilités de trésorerie de la société Maidis ;

- constater qu'en deçà de ce montant, l'échéancier accordé ne pourrait être supérieur à deux années quelles que soient les capacités financières de la société Maidis ;

- en conséquence, condamner la société Maidis à lui verser immédiatement la somme de 420 121 euros correspondant à la partie du compte courant excédant 1 million d'euros ;

- condamner la société Maidis à lui verser la partie en deçà, soit la somme de 1 000 000 euros, sur deux années, soit par échéances mensuelles de 41 666,66 euros jusqu'au parfait règlement de la dette ;

- dire qu'à défaut de règlement d'une seule de ces échéances, la dette redeviendra immédiatement exigible dans son intégralité ;

- condamner la société Maidis à lui verser immédiatement la somme de 234 121,18 euros correspondant au montant des intérêts afférents à son compte courant au titre des exercices arrêtés au 31 décembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2020 inclus ;

En tout état de cause,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la société Maidis à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2021, jour de l'audience, avant l'ouverture des débats.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la société Maidis recevable.

A titre liminaire, la cour qui en application des dispositions de l'article 954 ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, précise qu'elle ne statuera pas sur les locutions 'constater' se trouvant au dispositif des écritures des parties, lesquelles ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne constituent que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande en remboursement de compte courant :

La société Maidis qui admet qu'en principe le remboursement d'un compte courant peut être demandé à tout moment par son titulaire en soulignant qu'il s'effectue cependant dans les limites de l'abus de droit, du principe de bonne foi et de l'adage selon lequel 'nul ne peut invoquer sa propre turpidude', fait valoir d'une part que la société EAIG sollicite ce paiement avec une particulière mauvaise foi qui a pour unique but de lui nuire dans la mesure où, en sa qualité d'associée, elle reçoit chaque année le rapport de gestion ainsi qu'une convocation pour prendre part au vote sur les comptes de sorte qu'elle a connaissance de ses difficultés financières qui ont débuté en 2010 concomitamment à la période durant laquelle la société EAIG s'est mise à refuser le paiement de ses factures ; qu'ainsi elle ne peut ignorer le résultat d'exploitation négatif au 31 décembre 2017 et au 31 décembre 2018, celui ci s'expliquant notamment par le fait qu'elle ne peut recouvrer les factures impayées par les sociétés Maidis international et EAIG. L'appelante qui décrit dans l'exposé des faits de ses écritures l'historique de ses relations contractuelles et des difficultés rencontrées avec la société EAIG, ajoute que cette dernière est débitrice à son égard d'une somme de plus de sept millions d'euros, qu'elle a détourné certains de ses salariés et s'est accaparée son savoir faire et le logiciel qu'elle a conçu, affirmant que ces éléments sont repris et reconnus par la présente cour dans son arrêt du 12 novembre 2015, le rapport de l'administrateur provisoire nommé en vue de l'assemblée générale du 27 novembre 2014 et le constat dressé par huissier le 22 octobre 2012.

Elle ajoute que le moment auquel lui a été délivrée l'assignation par la société EAIG est particulièrement significatif de la volonté de cette dernière d'échapper à la procédure d'arbitrage et qu'enfin la saisie pratiquée sur ses comptes bancaires le 23 décembre 2020 et qui a lourdement perturbé sa gestion courante est un autre élément démontrant sa mauvaise foi.

L'appelante fait valoir d'autre part qu'en tout état de cause la société EAIG ne peut passer outre à la résolution prise en assemblée générale extraordinaire le 23 septembre 2003, adoptée à l'unanimité des associés et régissant les apports en compte courant et leurs modalités de remboursement en fonction des possibilités de trésorerie de la société, rappelant qu'une convention ou une décision adoptée à l'unanimité des associés peut régulièrement fixer les modalités de remboursement sans que ni la loi ni la jurisprudence imposent l'incorporation de ces décisions aux statuts. Elle précise qu'en septembre 2003, la société Sel holding, dirigée comme elle par M. X Z, était son actionnaire à 95 % et que la signature par ce dernier du procès verbal de cette assemblée atteste que les résolutions en ont été légalement et valablement adoptées de sorte qu'elles sont régulières et opposables à la société Sel holding qui a cédé sa créance de compte courant à l'intimée dans sa totalité et avec ses conditions, soutenant que ces résolutions, régulièrement adoptées en assemblée générale et qui n'ont de surcroît jamais été contestées, s'imposent aux propriétaires d'actions au moment de la décision comme à leurs cessionnaires ; elle souligne que la cession de compte courant au profit de l'intimée a été effectuée sans réserve et sans garantie sur la solvabilité du débiteur et que le fait que l'acte de cession ne mentionne pas les résolutions de l'assemblée générale extraordinaire du 23 septembre 2003 n'est pas suffisant pour les rendre inopposables à la société cessionaire.

Elle demande par conséquent l'application de ces résolutions fixant les modalités de remboursement du compte courant afin de 'pérenniser dans le temps la situation de trésorerie de la société' en faisant part de ses difficultés de trésorerie et de son impossibilité de rembourser le compte courant, le rapport de maître Laureau en date du 22 janvier 2020 et ses comptes sur les exercices 2017 à 2019 faisant la preuve de ses difficultés financières de sorte qu'il doit lui être accordé un délai de paiement conformément à l'article 1343-5 du code civil ; elle ajoute enfin que la surface financière de la société EAIG, considérée comme le fonds souverain d'investissement des Emirats arabes unis, ne nécessite pas qu'il soit procédé au versement urgent des condamnations prononcées.

La société EAIG qui rappelle d'abord la jurisprudence relative aux comptes d'associés en soulignant que le remboursement peut notamment être exigé quelle que soit la situation financière de la société, conteste ensuite tout abus de droit en relevant que l'existence d'un conflit entre les associés de la société Maidis international depuis plus de huit ans, ne saurait remettre en question le principe du droit au remboursement de son compte courant, d'autant que la situation financière de la société Maidis s'est pérennisée depuis 2015.

Elle conteste également toute prétendue mauvaise foi et intention de nuire, prétendant que c'est la société Maidis qui n'a de cesse depuis près de huit ans de lui nuire en refusant de rembourser son compte courant ; elle relève qu'il est vain de prétendre qu'elle aurait pu être intéressée par le savoir faire de la société Maidis pour utiliser notamment son logiciel Cynara dès lors que celle ci lui en a concédé dès 2007 une licence d'exploitation perpétuelle et gratuite pour développer en partenariat avec la société Maidis international un logiciel 'nouvelle génération' (Maidina) exploitable dans les Emirats arabes unis ; elle observe aussi qu'elles ne sont pas en concurrence dès lors qu'elle même n'exploite aucun logiciel en France.

Elle expose qu'il n'existe en l'état aucune procédure d'arbitrage entre elle et la société appelante qui a simplement adressé une 'notice of dispute' à l'émir de Dubaï et à l'ambassadeur de France aux Emirats Arabes Unis, élément dont elle a été uniquement informée dans le cadre de la présente procédure ; que c'est de manière légitime qu'elle a procédé à une nouvelle saisie à l'encontre de la société Maidis qui n'a jamais commencé à exécuter la décision assortie de l'exécution provisoire, laquelle n'a pas été suspendue, de sorte que le jugement devra également être confirmé de ce chef ; que les accusations de l'appelante relatives aux prétendus détournements de salariés ainsi que ses allégations 'd'accaparation de logiciel' ont déjà été rejetées par la juridiction prud'homale, confirmée en appel et ne sont corroborées par aucun élément ni commencement de preuve, soutenant qu'en tout état de cause le litige oppose la société Maidis et la société Maidis international dans la mesure où la créance dont l'appelante se prévaut est relative à des factures émises au nom de la société Maidis international, personne morale autonome, et dont l'appelante n'a sollicité le paiement pour la première fois qu'en 2018.

S'agissant de l'existence prétendue d'un accord relatif au remboursement des comptes courants, la société EAIG soutient d'abord que la résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 23 septembre 2003 lui est inopposable en exposant en premier lieu que le procès verbal dont il est indiqué qu'il aurait été dressé en 2003, n'a pas de force probante dans la mesure où on ignore dans quelles conditions il a été voté faute de production de la lettre de convocation aux associés de la société Maidis et de la feuille de présence à l'assemblée générale extraordinaire ; qu'en deuxième lieu la clause de blocage de compte courant, à supposer qu'elle soit jugée comme régulièrement adoptée, n'a jamais été incorporée aux statuts de la société Maidis de sorte qu'elle ne peut constituer une clause statutaire qui lui soit opposable dans la mesure où elle n'était pas associée lorsque cette délibération a été votée et qu'elle n'a pas été portée à sa connaissance dans l'acte de cession de compte courant, observant qu'en application des statuts elle n'avait accès aux procès verbaux d'assemblées générales que sur les trois derniers exercices précédant la cession.

Elle fait valoir ensuite que même si la clause de blocage de 2003 lui était déclarée opposable, elle ne remettrait pas en question le principe même du remboursement immédiat de la partie du compte excédant un million d'euros, observant pour le surplus que les chiffres communiqués par l'appelante sont contradictoires, incomplets et non actualisés et que de surcroît depuis l'augmentation de capital intervenue en 2015, la situation financière de cette dernière s'est pérennisée, son résultat ayant triplé, son chiffre d'affaires étant resté constant de 2017 à 2019 et celle ci ayant embauché de nouveaux salariés.

Elle ajoute enfin que la création d'une nouvelle société dont l'associée unique est la société Maidis et qui a le même objet social que cette dernière dont le président a expliqué aux actionnaires qu'un transfert partiel des actifs était envisagé, fait la preuve de l'urgence qui existe à ce qu'elle soit remboursée de son compte courant avant que l'appelante ne soit vidée de ses actifs.

Le compte courant d'associé a pour caractéristique essentielle, en l'absence d'une convention particulière ou statutaire le régissant, d'être remboursable à tout moment, indépendamment de la capacité de paiement de la société débitrice et sans qu'il puisse être tenu compte en particulier de ses difficultés de trésorerie pour refuser d'en ordonner le remboursement.

Seule une clause conventionnellement prévue, en particulier une clause statutaire ou une clause adoptée à l'unanimité des associés lors d'une résolution d'assemblée générale ainsi que la fraude, l'abus ou la mauvaise foi de l'associé sollicitant le remboursement de son compte courant permettent d'écarter le principe du droit au remboursement immédiat d'un tel compte, lequel n'est pas d'ordre public.

La décision des premiers juges qui ont admis la demande en remboursement du compte courant de la société EAIG démontre que cette demande ne peut constituer un abus de droit, quand bien même le jugement serait infirmé sur la condamnation prononcée.

Il ressort des écritures des parties et des décisions de justice, rendues notamment par la présente cour depuis 2013, que des relations conflictuelles perdurent depuis dix ans non seulement entre les parties mais aussi entre la société Maidis, M. B, son actuel dirigeant et la société Maidis international dans laquelle chacune des parties et M. B sont associés, respectivement à hauteur de 51 % pour la société EAIG et de 26 % et 23 % pour la société Maidis et M. Zahran. Ce conflit s'est notamment traduit par le refus de la société Maidis international de régler à la société Maidis plusieurs factures pour un montant de plus de cinq millions d'euros.

La suspicion de la société Maidis à l'égard de la société EAIG qu'elle accuse d'avoir accaparé son savoir faire, en particulier le logiciel qu'elle a conçu et certains de ses salariés, est contestée par l'intimée ; en outre celle ci, même si elle est actionnaire majoritaire de la société Maidis international, n'est pas elle même débitrice des factures dont l'appelante soutient qu'elles restent impayées pour un montant de plusieurs millions d'euros, ces factures étant établies au nom de la société Maidis international, en exécution de conventions signées entre cette dernière et la société Maidis. De surcroît, ce n'est que par assignation du 3 décembre 2018, que la société Maidis a introduit devant le juge du fond, à l'encontre des sociétés Maidis international et EAIG, une action en paiement des factures établies au cours de l'année 2012 dont elle estime être incontestablement créancière à hauteur d'une somme de 3 412 886,63 euros, celle ci indiquant dans l'assignation se réserver la possibilité de saisir les juridictions compétentes pour le règlement d'autres factures dont elle ne réclame pas le paiement 'faute d'absolue évidence' ; il ressort des conclusions soutenues par la société EAIG à l'occasion de cette procédure qu'elle conteste fermement la créance prétendue de la société Maidis qui a été jugée irrecevable en son action par jugement du 31 janvier 2020 dont la société Maidis a relevé appel ainsi que le précise l'intimée.

La présente cour a statué par arrêt du 7 juin 2018 sur l'appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye saisi par la société Maidis d'une demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société EAIG et d'un de ses anciens salariés, M. Y, auquel elle reprochait d'une part une faute lourde caractérisée notamment par la divulgation d'informations sur la société Maidis à la société EAIG par ce salarié qu'elle jugeait déloyal et d'autre part une concurrence déloyale au profit des sociétés Maidis international et EAIG ; la cour a confirmé le jugement qui avait débouté la société Maidis de toutes ses demandes à l'encontre de M. Y en écartant dans les motifs de cet arrêt, au regard notamment du contexte des conflits opposant les dirigeants et actionnaires des sociétés en cause, tant la faute lourde qu'une violation, au profit des sociétés EAIG et Maidis international, de la clause de non concurrence prévue au contrat de travail liant ce salarié à la société Maidis.

Aucun autre des éléments versés aux débats, au regard du contentieux toujours en cours concernant le paiement des factures établies au nom de la société Maidis international, ne permet d'établir le prétendu détournement de salariés et de savoir faire invoqué par la société Maidis de sorte qu'il ne peut se déduire des soupçons affirmés par cette dernière la preuve de la mauvaise foi et de l'intention de nuire alléguées à l'encontre de la société EAIG.

S'agissant des difficultés financières de la société Maidis, s'il en est effectivement fait état tant dans le dernier rapport établi par maître Laureau le 22 janvier 2020 que dans l'arrêt de la présente cour du 12 novembre 2015 et dans le rapport du 26 novembre 2014 de maître Sénéchal qui relevait cependant que la société Maidis renouait avec une rentabilité positive et s'il est avéré que la société EAIG, en sa qualité d'associée, a eu connaissance de ces difficultés, il ne peut s'en déduire pour autant sa mauvaise foi dans la mesure où le principe du remboursement d'un compte courant à l'associé qui en fait la demande s'impose en dépit des difficultés financières par la société.

Il n'est pas fait la preuve par l'appelante de l'introduction d'une procédure d'arbitrage préalablement à la délivrance de l'assignation introductive de la présente instance alors même que celle ci ne produit qu'un document intitulé 'notice of dispute', c'est à dire un avis de différend ou de contestation, adressé, par une lettre recommandée internationale postée le 14 août 2017, à l'Emir de Dubaï, dont copie a été adressée à l'ambassadeur de France dans ce pays ; outre que cet avis, comme il se déduit des explications données par l'appelante elle même, est un préalable à une procédure d'arbitrage, la société EAIG n'en a pas été destinataire, étant observé au demeurant que cet avis n'est parvenu que le 20 août 2017 à Abu Dhabi, postérieurement à la remise de l'assignation délivrée le 16 août 2017 à l'initiative de la société EAIG.

Enfin, la poursuite par la société EAIG d'une saisie attribution des comptes de la société Maidis pratiquée le 23 décembre 2020, suite au rejet, par ordonnance du 3 décembre 2020, de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, n'est pas davantage révélatrice de la mauvaise foi et d'une intention de nuire de l'intimée dès lors que celle ci ne constitue que l'exécution d'un jugement exécutoire que la partie condamnée n'a pas exécuté de son propre chef.

La société appelante n'est donc pas fondée à s'opposer par ce moyen au remboursement du compte courant dont elle ne conteste pas que la société EAIG est titulaire.

Il est versé aux débats par la société Maidis le procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 23 septembre 2003 aux termes duquel a été notamment adoptée à l'unanimité la résolution suivante :

- Afin de pérenniser dans le temps la situation de trésorerie de la société, l'assemblée décide que seule la partie du compte courant excédant un million d'euros pourra être remboursée à tout moment à l'associé prêteur.

En deçà de ce montant, les remboursements pourront s'effectuer de la façon suivante :

- De la date de la présente assemblée au 31/12/2006, le solde du compte courant au 31 décembre de chaque année ne pourra être inférieur à celui qu'il était à l'ouverture de l'exercice.

- Du 1/01/07 au 31/12/2008, un remboursement pourra intervenir chaque fin de mois dans la limite de 5 % du montant disponible en trésorerie à cette date.

- A compter du 1er janvier 2009, dans la stricte limite des possibilités de trésorerie de la société, le compte courant redeviendra une créance exigible'.

Etant rappelé que conformément à l'article L.227-9 du code de commerce, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient, l'article 20 des statuts de la société Maidis relatif à ces décisions collectives précise notamment qu'à chaque assemblée est tenue une feuille de présence, que les associés peuvent se faire représenter aux délibérations de l'assemblée par un autre associé et que les décisions collectives qualifiées d'extraordinaires ne sont valablement prises, sur première consultation, que si les associés présents ou représentés possèdent au moins la moitié des actions ayant le droit de vote. Ce même article précise également in fine que les décisions collectives des associés, quel qu'en soit leur mode, sont constatées par des procès verbaux établis sur un registre spécial ou sur des feuillets mobiles numérotés, tenus au siège de la société et signés le jour même de la consultation par le président de séance, ces procès verbaux devant notamment indiquer le mode, le lieu et la date de consultation, l'identité des associés et celle de toute autre personne ayant assisté à tout ou partie des délibérations.

Conformément aux statuts ce procès verbal est signé par M. X Z, alors président de la société Maidis, qui a présidé la séance ; si la feuille de présence accompagnant cette délibération n'a pas été communiquée par la société Maidis malgré les observations en ce sens de la société intimée, le procès verbal note cependant que 'le président constate que les associés présents réunissant au moins la moitié des actions ayant le droit de vote, l'assemblée peut valablement délibérer'. L'absence de mention de l'identité des associés présents ne porte pas atteinte à la régularité de cette délibération dans la mesure où, comme le souligne la société Maidis, confortée notamment par l'historique figurant dans le rapport d'enquête établi par maître Laureau le 22 janvier 2020, l'appelante, lors de sa constitution intervenue deux mois avant la délibération litigieuse, avait uniquement pour associés la société Sel holding, présidée par M. X Z, laquelle détenait 95 % du capital social, et M. A Z qui détenait 5 % des actions.

Par conséquent, du fait de la présence de M. X Z, représentant l'actionnaire à 95 % du capital social de la société Maidis, le quorum nécessaire à la délibération en assemblée générale extraordinaire était nécessairement atteint et la régularité de ce procès verbal ne peut être valablement contestée.

Cette délibération qui est intervenue à l'unanimité des associés présents à cette assemblée a pu valablement décider de modalités aménageant conventionnellement le remboursement du compte courant d'associé et dérogeant au principe de son remboursement immédiat à la demande de l'associé détenteur du compte courant ; elle s'imposait à la société Sel holding, associée de la société Maidis.

Cette dernière, lorsqu'elle a cédé ses actions et le compte courant dont elle était titulaire à la société EAIG, n'a pas pu céder plus de droits qu'elle n'en détenait, de sorte que les modalités de remboursement du compte courant prévues lors de l'assemblée du 23 septembre 2003 s'imposent à la société EAIG, en sa qualité de cessionnaire des droits et obligations de la société Sel holding, peu important qu'aucune clause du protocole d'accord et de l'acte de cession ne visent cette résolution, étant observé qu'il était prévu au protocole d'accord sur la cession que 'la cession du compte courant est faite sans garantie de la solvabilité future du débiteur'.

Par conséquent, les modalités de remboursement du compte courant doivent s'effectuer conformément à la résolution n° 2 votée lors de cette assemblée générale extraordinaire.

Comme l'observe justement la société EAIG, cette résolution prévoit que la partie du compte courant excédant 1 million d'euros peut être remboursée à tout moment à l'associé prêteur, de sorte que la société Maidis devra être condamnée, sans autre condition, au paiement de la somme de 420 121 euros.

Pour la somme en deçà de 1 000 000 euros, le compte courant est exigible 'dans la stricte limite des possibilités de trésorerie de la société'.

Il est exact, comme relevé par l'intimée, qu'il existe des discordances dans les chiffres figurant dans les différents bilans des exercices 2018 et 2019 entre ceux versés aux débats sous les pièces 39 et 40 de l'appelante et ceux communiqués d'une part à maître Laureau qu'il vise dans le rapport précité qu'il a réalisé à la suite de l'assignation en redressement judiciaire dont la société Maidis a fait l'objet en 2019, et d'autre part aux associés de la société Maidis pour ces deux exercices.

Il ressort néanmoins de ces différentes pièces comptables que le résultat d'exploitation de la société appelante a été négatif sur l'exercice 2018, y compris dans les comptes transmis aux associés de l'appelante, l'intimée en faisant une lecture erronée en page 29 de ses écritures ; si les pièces comptables communiquées établissent également, outre le maintien du chiffre d'affaires de la société Maidis sur les exercices 2017 à 2019 dans une fourchette comprise entre 2 828 347 euros en 2017 et 2 674 269 euros en 2019, que la société a présenté un bénéfice sur les exercices 2016, 2018 et 2019, le compte de l'année 2017 a cependant été largement déficitaire et le commissaire aux comptes de la société, interrogé par maître Laureau à l'occasion du rapport précité, a indiqué que celle ci rencontrait des difficultés depuis de nombreuses années, en raison principalement du non paiement par la société Maidis international des prestations fournies par l'appelante ; le commissaire aux comptes a lancé une procédure d'alerte en 2018 après avoir constaté de nombreux retards de paiement, cette procédure démontrant que la situation de la société Maidis n'a pas évolué aussi favorablement que maître Sénéchal avait pu le constater dans son rapport du 26 novembre 2014, dans lequel il indiquait que celle ci renouait alors avec une rentabilité positive.

En outre, maître Laureau indique en conclusion de son rapport du 22 janvier 2020 qui est l'élément le plus récent qui est fourni à la cour sur la situation financière de la société Maidis, qu'il 'semblerait que l'état de cessation des paiements soit avéré sauf à ce que d'autres informations soient communiquées' ; le fait que la société Maidis, comme elle l'a précisé, ait réussi à prouver lors de l'audience du 28 mai 2020 qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements et l'analyse des comptes sociaux effectuée de 2016 à 2019 par la société EAIG, ne permettent pas de ne pas tenir compte des difficultés financières avérées et constatées par un professionnel du chiffre.

Au vu de ces éléments, de la situation financière de la société Maidis fragilisée par le défaut de paiement des factures établies au nom de la société Maidis international, lequel fait toujours l'objet d'une instance en cours et du fait que l'appelante devra s'acquitter immédiatement de la somme de 420 121 euros, il doit être considéré, en application de la délibération adoptée lors de l'assemblée du 23 septembre 2003, que la trésorerie de la société ne permet pas d'exiger immédiatement le règlement de la somme de 1 000 000 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Maidis au paiement de la somme de 1 420 120,83 suros.

Sur l'appel incident de la société EAIG :

La société EAIG critique le jugement qui a rejeté sa demande au titre des intérêts produits depuis 2013 sur son compte d'associé en exposant en premier lieu que celui ci a été dûment rémunéré pendant cinq années par la société Maidis, entre 2008 et 2012 inclus, au taux admis par l'administration fiscale au titre de la rémunération des comptes courants, ce qui démontre qu'il était convenu entre les associés que le compte serait rémunéré ; qu'en second lieu, le président de la société Maidis a pris unilatéralement la décision de cesser la rémunération de son compte courant alors que celle ci, conformément à l'article L.225-96 du code de commerce, aurait dû être soumise à l'approbation des associés et votée à l'unanimité dès lors qu'elle portait atteinte à l'engagement d'un des associés de la SAS. Elle fait état enfin de la résolution votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 23 septembre 2003 pour le cas où la cour retiendrait qu'elle lui soit opposable.

La société Maidis ne formule aucune observation à cet égard.

Les délibérations de l'assemblée du 23 septembre 2003 dont la cour considère qu'elles sont opposables à la société intimée, en sa qualité de cessionnaire des actions de la société Sel holding, prévoient dans une première résolution que ' toutes les avances consenties par un associé, quel qu'il soit, ne pourront être rémunérées à un taux supérieur à celui admis par l'administration fiscale au titre de la rémunération des comptes courants' de sorte que la société EAIG est fondée en sa demande au titre des intérêts dans les proportions admises par l'administration fiscale et dont elle détaille dans ses écritures le calcul de 2013 à 2020, calcul à propos duquel la société appelante ne formule aucune contestation.

Il convient par conséquent, infirmant le jugement, d'accueillir sa demande à hauteur de la somme de 234 121,18 euros à ce titre.

Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il convient de débouter la société EAIG de sa demande aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel de la société Maidis recevable ;

Infirme le jugement du 31 janvier 2020 sauf en ce qu'il a condamné la société Maidis à verser à la société Emirates advanced investments group la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Maidis à verser à la société Emirates advanced investments group la somme de 420 121 euros, au titre de la partie du compte courant immédiatement exigible ainsi que celle de

234 121,18 euros au titre des intérêts portant sur les exercices des années 2013 à 2020 ;

Dit que la somme de 1 000 000 euros n'est pas immédiatement exigible ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Maidis à verser à la société Emirates advanced investments group les dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.