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Décisions

CA Orléans, 27 mai 2010, n° 09/03506

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Reflective Insulation Compagny (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

M. Garnier, M. Monge

Avoués :

SCP Laval Lueger, SCP Desplanques - Devauchelle

Avocat :

Me Chanteduc

T. com. Tours, du 23 oct. 2009

23 octobre 2009

Prononcé le 27 MAI 2010 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

La société par actions simplifiée Réflective Insulation Company dite Rinco a été constituée le 16 février 2007 entre M. A, d'une part, la société financière Romain, d'autre part, détenteurs chacun de 1850 actions, M. X, par ailleurs dirigeant social de la société financière Romain en devenant le président et M. A le directeur général.

Les relations entre les deux dirigeants se sont très vite dégradées et c'est dans ces conditions que M. A a saisi, le 23 août 2007, le tribunal de commerce de Tours aux fins d'annulation de diverses décisions prises par M. X en violation des dispositions des articles L. 227 -9 et L.227 - 10 du code de commerce, de remboursement des sommes versées par la société Rinco aux sociétés dans lesquelles M. X et sa famille avaient des intérêts, de validation d'une saisie conservatoire effectuée entre les mains de la Société Générale et de remboursement du solde de son compte courant par la société Rinco ou, à défaut, par M. Y

Par jugement en date du 23 octobre 2009, le tribunal a déclaré irrecevables l'ensemble des demandes de M. A dirigées contre M. X, l'a débouté de ses autres demandes et a également débouté la société Rinco de demandes reconventionnelles tendant au versement d'un complément d'apport contractuellement prévu, ainsi qu'à l'indemnisation d'un préjudice résultant de l'activité de M. A au service d'une société concurrente.

Le tribunal a enfin condamné M. A au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens.

M. A a régulièrement interjeté appel de cette décision le 18 novembre 2009.

Réitérant ses griefs à l'encontre de M. X, il a sollicité l'infirmation du jugement entrepris, le débouté de la société Rinco ou de M. X de l'intégralité de leurs demandes, la validation de la saisie conservatoire, le remboursement du solde de son compte courant, soit la somme de 39'026,26 euros, outre intérêts légaux à compter du 23 août 2007, l'annulation de toutes les décisions prises par M. X unilatéralement, sans consultation, accord ou ratification par les associés, le remboursement des sommes versées aux sociétés dans lesquelles M. X ou sa famille avaient des intérêts et, le cas échéant, le remboursement par M. X lui même, la transmission des éléments de la présente affaire au procureur de la République et enfin, le paiement d'une somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Rinco a conclu à l'irrecevabilité des demandes formées à l'encontre de M. X, et également formées en nullité de conventions passées avec des sociétés tierces, dès lors que ni celui là, ni celles ci n'étaient dans la cause.

Subsidiairement, elle a fait valoir que toutes les décisions prises l'avaient été en conformité aux statuts et aux dispositions légales, que les décisions que M. A contestait aujourd'hui avaient été, à un moment ou à un autre, approuvées par lui et que, de plus, la plainte pénale qu'il avait déposée, de même que le contrôle fiscal qu'il avait suscité n'avaient eu aucune suite.

S'opposant par ailleurs au remboursement du solde du compte courant de M. A, elle lui a réclamé au contraire le solde de 14'000 € qu'il s'était engagé, le 16 février 2007, à apporter en compte courant, sous forme d'un abandon de créance sous le bénéfice d'une clause de retour à meilleure fortune d'elle même dans un délai de trois ans, outre les intérêts au taux légal à compter de la demande.

Lui faisant en outre grief de ne pas consacrer son temps à l'exercice de sa fonction de directeur général et d'être au contraire au service salarié d'une société concurrente en violation de son engagement, elle lui a demandé de justifier des rémunérations perçues par lui de cette société.

Dans l'attente, elle a sollicité un sursis à statuer et le versement d'une provision de 50'000 € à valoir sur son préjudice.

Elle a enfin demandé paiement d'une somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité des demandes à l'encontre de parties non assignées :

Attendu que selon l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ;

Qu'il s'ensuit que M. A qui n'a attrait dans la cause que la société Rinco, est irrecevable à solliciter la condamnation de M. X à titre personnel ou celle de sociétés qu'il n'a pas assignées à cette fin, de même qu'il ne peut pas soulever la nullité de conventions passées avec ces mêmes sociétés sans les avoir préalablement appelées dans la cause ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. X, sauf à ajouter que l'irrecevabilité concerne également les demandes de condamnation des sociétés La Tergaterie - Financière Romain et Wine Line, ainsi que de nullité des conventions passées avec ces mêmes sociétés ;

Sur la régularité des décisions prises par M. X :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 227 - 9 du code de commerce, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient;

Qu'en l'espèce, l'article 13 in fine des statuts dispose :

' dans les rapports avec les actionnaires, le président ne peut, sans l'accord de l'unanimité desdits actionnaires et sauf à engager sa responsabilité personnelle :

' - décider des investissements supérieurs à 50'000 € ;

' - céder des éléments d'actif d'une valeur supérieure à 50'000 €;

' - procéder à la création de filiales, prises de participations ou rachats ' ;

Que des explications de M. A, il n'apparaît pas que M. X ait procédé à des investissements ou à des cessions d'éléments d'actif supérieurs à 50'000 € sans son consentement ;

Que les opérations les plus importantes qu'il conteste sont des avances en compte courant à hauteur de 41'500 et 40'000 € au profit de sociétés dans lesquelles M. X aurait des intérêts ;

Qu'il résulte certes de l'article 15 des statuts que les conventions intervenues entre la société et le dirigeant, directement ou par personne interposée, doivent être approuvées par les associés, sauf à engager la responsabilité du dirigeant, mais que, si tel n'avait pas été le cas, il appartenait alors à M. A d'appeler M. X dans la cause ;

Et attendu que les seules sanctions possibles sont, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 227 - 9, la nullité des décisions prises en violation des statuts, et, en vertu de l'article L. 227 - 10 alinéa 3 du code de commerce, la prise en charge par le dirigeant des conséquences dommageables des conventions non approuvées, passées entre lui même et la société, de sorte que, dans le premier cas, les cocontractants auxquels la demande de nullité portait atteinte aux droits, et, dans le second cas, le dirigeant fautif, devaient impérativement être appelés dans la cause, ainsi qu'il a déjà été dit ;

Que dès lors, les contestations de l'appelant apparaissent sans portée ;

Sur la demande de restitution de l'avance en compte courant:

Attendu qu'aux termes d'un acte sous seing privé en date du 16 février 2007, intitulé ' contrat d'abandon de créances ', M. A a consenti à la société Rinco une ' remise de créance ' pour un montant de 55'500 € étant précisé que, dans le cas où la société Rinco reviendrait à meilleure fortune ' après une période irrévocable de trois ans ', elle reverserait la somme à M. A ;

Attendu que celui ci n'a en fait avancé en compte courant d'associé que la somme de 41'500 € dont il demande aujourd'hui le remboursement, au motif que son engagement aurait été obtenu par dol et que la somme versée par lui aurait été détournée par M. X ;

Que, sur ce dernier point, il lui appartiendra d'exercer les actions qu'il croira pouvoir être utiles à l'encontre de M. X, mais que ceci ne met pas à la charge de la société Rinco une obligation de remboursement ;

Que, s'agissant du dol allégué, M. A ne caractérise aucune manoeuvre dont il aurait été l'objet de la part de son cocontractant pour le conduire à consentir à un abandon de sa créance ;

Qu'il démontre d'autant moins le dol que la signature de l'acte a précédé de trois mois le versement partiel de l'avance en compte courant promise et dont M. A avait renoncé par avance au remboursement ;

Qu'ainsi, les premiers juges ont à bon droit débouté M. A de sa demande ;

Et attendu qu'il s'ensuit que la saisie conservatoire pratiquée par M. A ne peut pas être validée, mais que mainlevée doit au contraire en être ordonnée ;

Sur les demandes reconventionnelles :

Attendu qu'est, en premier lieu, sollicité le paiement du solde de l'avance en compte courant ;

Mais attendu qu'il résulte de l'acte du 16 février 2007, ci dessus cité, que l'avance en compte courant était destinée à soutenir financièrement le développement de la société, dont le démarrage de l'activité engendrerait un besoin important en financement ;

Qu'il n'apparaît pas que M. A ait été mis en demeure de régler le solde de l'avance avant la présente instance ;

Qu'aujourd'hui, alors que la société existe depuis plus de trois ans et n'a donc plus besoin de fonds pour démarrer, ni apparemment pour prospérer, la cause de l'obligation a disparu ;

Qu'à tout le moins, s'il devait être pris en considération le fait que l'obligation avait une cause lorsqu'elle a été souscrite, il conviendrait de considérer qu'en vertu de la clause de retour à meilleure fortune, la somme devrait à ce jour être restituée ;

Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit rejeté la demande ;

Attendu qu'en second lieu, il est réclamé la production de justificatifs et le versement d'une provision dans l'attente du chiffrage de l'indemnité que la société Rinco entend réclamer pour la violation par M. A d'une clause d'exclusivité ainsi libellée :

' Chacun des actionnaires s'engage à réserver l'essentiel de son activité professionnelle à la société Rinco et à consacrer la totalité de son temps de travail à l'exercice de la fonction qu'il occupe ou occupera au sein de la société ' ;

Qu'à titre de sanction, il était prévu que ' l'actionnaire qui aurait exercé des fonctions rémunérées en faveur d'autres sociétés ou entreprises indemnisera la société à hauteur de l'ensemble des rémunérations (salaires, primes, indemnités....) perçues pendant la totalité de la période concernée, majorée de l'ensemble des charges sociales (patronales et salariales) ' ;

Qu'autrement dit, M. A, seul concerné par cette disposition, était tenu de consacrer la totalité de son temps de travail à ses fonctions de directeur général de la société Rinco, sans contrepartie aucune, financière ou autre, à peine des plus lourdes sanctions ;

Que le caractère abusif de cette clause est manifeste et qu'elle ne peut, dès lors, qu'être annulée ;

Que les premiers juges doivent donc encore être approuvés d'avoir débouté la société Rinco de sa demande ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Attendu que le sens du présent arrêt et l'équité commandent de n'indemniser personne de ses frais non compris dans les dépens et de laisser ces derniers à la charge de celui qui les a exposés ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes tendant à l'annulation de conventions conclues avec les sociétés La Tergaterie - Financière Romain et Wine Line, ainsi qu'à ce que soit ordonné le remboursement par elles des sommes perçues en vertu desdites conventions ;

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire effectuée le 27 juillet 2007 entre les mains de la Société Générale à la requête de M. Z A au préjudice de la société Rinco ;

Annule la clause de non-concurrence signée le 16 février 2007 ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Dit que chacune d'elles conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés.