Cass. 3e civ., 22 juin 2023, n° 22-12.794
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme TEILLER
1. Il est donné acte à M. [Z] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [R].
Exposé du litige
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 9 décembre 2021) et les productions, par acte notarié du 20 mai 2016, M. [Z] (le promettant) a consenti à M. [V] (le bénéficiaire) une promesse unilatérale de vente de biens immobiliers à rénover, sous conditions suspensives, la date limite de réitération par acte authentique ayant été reportée au 15 septembre 2016.
3. M. [V] a levé l'option pour le compte de la société Augustodunum, bénéficiaire substitué, selon de nouvelles modalités de réalisation acceptées par le promettant.
4. La vente n'ayant pas été réitérée malgré une mise en demeure adressée par le notaire au bénéficiaire pour une signature de l'acte authentique le 21 septembre 2016, M. [Z] a assigné M. [V] et la société Augustodunum en réalisation forcée de la vente et en paiement de dommages-intérêts.
Moyens
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le promettant fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès que les parties sont définitivement convenues de la chose et du prix ; qu'à ce titre, sauf volonté particulière qu'il appartient aux juges de caractériser, le report du transfert de propriété n'est pas réputé reporter la formation de la vente ; qu'en retenant en l'espèce, par motif éventuellement adopté, que le report du transfert de propriété au jour de la réitération de la vente en la forme authentique, tel que convenu à la promesse, impliquait que la levée de l'option de la promesse n'avait pas suffi à former la vente quand, en l'absence de tout autre élément, ce report de transfert de propriété ne permettait pas d'en déduire un report de la vente elle-même, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1589 du code civil. »
Motivation
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Les bénéficiaires contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que, le promettant n'ayant pas critiqué dans ses conclusions d'appel le motif des premiers juges, ce moyen serait nouveau, mélangé de fait et de droit.
7. Cependant, la cour d'appel ayant énoncé faire sienne l'exacte motivation des premiers juges, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations du juge du fond, est de pur droit.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1583 et 1589, alinéa 1er, du code civil :
9.Selon le premier de ces textes, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acquéreur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
10. Aux termes du second , la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
11. Pour rejeter la demande d'exécution forcée de la vente, l'arrêt retient que le transfert de propriété est reporté au jour de la constatation de la vente en la forme authentique, même si l'échange des consentements nécessaire à la formation de la convention est antérieur à la vente et qu'en conséquence, la levée de l'option exercée par le bénéficiaire ne rend pas la vente parfaite mais crée une obligation réciproque de faire consistant à passer l'acte authentique.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acte authentique de vente n'était pas un élément du consentement des parties mais une simple modalité d'exécution de la vente que la levée de l'option par le bénéficiaire avait rendue parfaite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. Le promettant fait le même grief à l'arrêt, alors « que la levée d'option par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente, même conclue antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, rend la vente parfaite : qu'en opposant que la promesse unilatérale litigieuse n'était pas soumise aux dispositions issues de l'ordonnance du 10 février 2016 pour en déduire que M. [Z] ne pouvait forcer à l'exécution de la vente en dépit de la levée de l'option par les bénéficiaires de la promesse, la cour d'appel a violé les articles 1101 ancien, 1134 ancien et 1583 du code civil. »
Réponse de la cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1589 du même code :
14. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
15. Aux termes du second, la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
16. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce, n'admet la possibilité de faire procéder à l'exécution forcée d'une promesse unilatérale de vente que dans l'hypothèse d'une stipulation contractuelle spécifique et que l'acte en cause en ce qu'il porte sur l'exécution forcée par voie judiciaire ne mentionne que le bénéficiaire de la promesse.
17. En statuant ainsi, alors que la jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui n'a pas été modifiée sur ce point par l'arrêt du 23 juin 2021 ( 3e Civ, 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554), comme la clause de l'avant-contrat relative à son exécution forcée, ne régissent que les conséquences juridiques, pour le promettant, de son engagement définitif de vendre dès la signature de la promesse unilatérale de vente, excluant qu'il puisse se rétracter avant la levée de l'option par le bénéficiaire ou, postérieurement à celle-ci, refuser de réaliser la vente devenue parfaite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la mise hors de cause de Mme [R] et rejette la demande indemnitaire de M. [Z], l'arrêt rendu le 9 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [V] et la société civile immobilière Augustodunum aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et la société civile immobilière Augustodunum et les condamne in solidum à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.