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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 25 février 2019, n° 16/05360

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

CFB OPTIQUE (SARL)

Défendeur :

BERGERAC LA CAVAILLE NORD (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur CHELLE

Conseillers :

Madame FABRY, Monsieur PETTOELLO

Avocat :

SELAS JULIEN P.

BERGERAC, du 19 juill. 2016

19 juillet 2016

Par acte du 31 janvier 1995, la SCI Bergerac La Cavaille Nord a donné à bail commercial à la SARL CFB Optique un local situé dans le centre commercial « La Cavaille Nord » à Bergerac.

 

Le 15 octobre 2013, le bail a été renouvelé pour une durée de douze années avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, date à laquelle le loyer a été fixé à 44 972 euros HT et a fait l'objet depuis d'une révision annuelle pour être porté à 46 720,24 euros.

 

Le 23 juillet 2015, la société CFB Optique a sollicité la révision triennale du loyer pour modification des facteurs locaux de commercialité et a proposé un loyer de 24 200 euros HT.

 

Le bailleur n'ayant pas retenu cette proposition, la société CFB Optique a saisi le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Bergerac par acte du 4 janvier 2016.

 

Par ordonnance du 19 juillet 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bergerac a :

 

débouté la société CFB Optique de toutes ses demandes,

 

condamné la société CFB Optique à verser à la SCI Bergerac La Cavaille Nord la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

condamné la société CFB Optique aux dépens.

 

Par déclaration du 17 août 2016, la société CFB Optique a interjeté appel de la décision.

 

Le 7 octobre 2016, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui ne se sont pas accordées sur le principe d'une acceptation.

 

PRETENTIONS DES PARTIES

 

Par conclusions déposées en dernier lieu le 14 novembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société CFB Optique demande à la cour de :

 

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL CFB OPTIQUE de toutes ses demandes

 

A TITRE PRINCIPAL :

 

- ORDONNER la fixation du loyer à la somme de 24.200€ hors charge et hors taxes à compter du 1er janvier 2015

 

TITRE SUBSIDIAIRE :

 

- ORDONNER une mesure d'instruction en application de l'article R 145-30 du Code de commerce

 

- FIXER le montant provisionnel du loyer, pour la durée de l'instance, à la somme de 24 200 € à compter du 1er janvier 2015.

 

En tout état de cause,

 

- CONDAMNER la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

 

- CONDAMNER la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD aux entiers dépens

 

La société CFB Optique fait notamment valoir que la dernière fixation du loyer est intervenue en octobre 2013 avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, de sorte que la période de référence pour l'analyse de la modification des facteurs locaux de commercialité est comprise entre le 1er janvier 2012 et aujourd'hui ; qu'il convient de prendre en compte le rapport d'expertise établi le 10 janvier 2014 par Mme D., qui démontre une baisse de chiffre d'affaire de toute la zone commerciale La Cavaille Nord ainsi qu'une baise de l'affluence de la clientèle au sein de la zone dans laquelle est situé le magasin de la société CFB ; que depuis 2014, plusieurs grandes enseignes proches ont fermé ; que la société CDC, exploitant en face de la société CFB a été placée le 10 octobre 2014 en liquidation judiciaire, en dépit de son loyer de 30 000 euros annuels ; qu'il existe bien une modification des facteurs locaux de commercialité ; que ces loyers sont, selon l'expert, très élevés eu égard à cette situation.

 

Par conclusions déposées en dernier lieu le 13 janvier 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société Bergerac La Cavaille Nord demande à la cour de :

 

- DIRE ET JUGER l'appel de la SARL CFB OPTIQUE irrecevable et mal fondé,

 

-CONSTATER l'absence de modifications des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative sur la période triennale de référence,

 

- CONFIRMER l'ordonnance du 19 juillet 2016 dont appel en toutes ses dispositions,

 

- DEBOUTER la société C.F.B. Optique de l'intégralité de ses demandes,

 

- CONDAMNER la société C.F.B. Optique à payer à la SCI BERGERAC LA CAVAILLE NORD la somme de DEUX MILLE QUATRE CENTS EUROS (2 400 €) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

 

L'intimée fait notamment valoir que la société CFB Optique se repose sur un rapport d'expertise de Mme D. rendu dans le cadre d'une autre procédure, concernant la société Access Mod, et dont l'appréciation sur la modification des facteurs locaux de commercialité s'étendait entre 2006 et 2012 ; que ce rapport fait une proposition de valeur locative sans tenir compte des loyers pratiqués dans le voisinage immédiat du local concerné ; que par arrêt du 2 mars 2016, la cour d'appel de Bordeaux a rejeté les conclusions de l'expert D. ; que dès lors, la valeur locative des locaux loués est conforme au loyer actuellement payé ; que le centre commercial a su retrouver son dynamisme avec l'installation de nouveaux locataires.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2019.

 

Malgré les prescriptions de l'article 912 alinéa 3 du code de procédure civile qui l'imposent, la société CFB Optique n'a pas déposé à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries le dossier comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

L'appelante soutient que le juge des loyers commerciaux a commis une erreur de droit s'agissant de la prise en compte de la date du dernier renouvellement et de l'expertise diligentée en 2014 et non en 2013, et une erreur de fait en ce que ses pièces mettaient nettement en évidence l'existence de facteurs locaux de commercialité postérieures à la dernière modification du loyer.

 

Aux termes de l'article L. 145-38 du code de commerce :

 

« La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.

 

De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

 

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

 

En aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours. »

 

Il appartient en conséquence au preneur de démontrer la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative au cours de la dernière période triennale.

 

En l'espèce, la période triennale de référence est celle ayant couru à partir du renouvellement du bail du 15 octobre 2013, ou, si l'on prend sa date d'entrée en vigueur comme le demande le preneur, du 1er janvier 2012.

 

Or, le bailleur est fondé à opposer que le preneur se limite à se prévaloir d'un rapport d'expertise de Mme D. déposé en 2014 dans une autre procédure, qui a opposé le même bailleur à la société Access Mod.

 

C'est à bon droit que la SCI bailleresse relève l'absence de rapport entre les deux affaires, dans la mesure où le bail de la société Acess Mod en cause avait pris effet au 1er septembre 2006, soit très antérieurement à la période de référence dans la présente procédure. Au surplus, le bailleur peut utilement préciser que, par arrêt du 2 mars 2016, la présente cour lui a donné raison dans cette procédure, et a rejeté les conclusions de l'expert D. (sa pièce n° 4).

 

Un autre rapport de M. D., cité par le preneur appelant (page 8 de ses conclusions), et remontant à 2008, est encore moins pertinent pour la période de référence ici en cause.

 

Les diverses difficultés d'autres entreprises invoquées par le preneur (ses conclusions pages 10 à 12) ne sont pas suffisantes pour établir la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative au cours de la dernière période triennale.

 

Au contraire, le bailleur peut indiquer sans être démenti que 4 nouveaux locataires se sont installés entre janvier 2012 et avril 2016, et qu'il y a eu 3 implantations à l'extérieur.

 

Ainsi, il n'y a lieu ni à révision à la baisse du loyer, ni à expertise, faute de démonstration suffisante d'une modification substantielle susceptible d'entraîner une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

 

L'ordonnance attaquée sera en conséquence confirmée.

 

Sur les autres demandes

 

Partie tenue aux dépens d'appel, la société CFB Optique paiera à la SCI Bergerac La Cavaille Nord la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

 

Confirme l'ordonnance rendue entre les parties par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bergerac le 19 juillet 2016,

 

Condamne la société CFB Optique à payer à la SCI Bergerac La Cavaille Nord la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

 

Condamne la société CFB Optique aux dépens d'appel.

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