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Décisions

Cass. 1re civ., 6 avril 1994, n° 92-15.170

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Douai, du 23 mars 1992

23 mars 1992

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les consorts X... ont présenté, sur le fondement de l'article 99 du Code civil, une requête en rectification de leurs actes d'état civil tendant à ce que soit substitué à leur patronyme celui de " du Bois d'Enghien " qui serait le nom porté par leur ascendant le plus ancien identifié sur son acte de mariage, dressé le 28 mai 1753 ; que leur requête ayant été rejetée par un jugement du 10 janvier 1991, les consorts X... ont relevé appel de cette décision en faisant valoir, en particulier, qu'une précédente décision, non notifiée, du même Tribunal, avait accueilli leur prétention ; qu'après débats à l'audience tenue le 16 septembre 1991, le prononcé de l'arrêt a été fixé au 6 janvier 1992, puis renvoyé au 23 mars suivant ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 23 mars 1992) d'avoir été lu en audience publique, alors, selon le moyen, que, rendue en matière gracieuse, cette décision devait, conformément à l'article 451 du nouveau Code de procédure civile, être prononcée hors la présence du public et que, faute d'avoir été informées des renvois successifs, les parties n'ont pas été en mesure d'invoquer cette violation du texte précité au moment du prononcé de l'arrêt ;

Mais attendu, selon l'article 458, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, qu'aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée pour inobservation des formes prescrites par l'article 451 du même Code, si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé de la décision par simples observations dont il est fait mention au registre d'audience ;

Et attendu que les consorts X..., auxquels il incombait, s'ils entendaient assister au prononcé de l'arrêt, de se présenter, en personne ou par leur conseil, aux audiences successivement fixées par la cour d'appel pour l'accomplissement de cette formalité, n'ont formulé aucune observation ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir rejeté la requête des consorts X... au motif, notamment, que ceux-ci n'avaient pas invoqué une éventuelle nullité de la décision frappée d'appel, alors qu'ayant accueilli leur demande par un premier jugement portant la date du 31 mai 1990, le Tribunal, qui se trouvait dès lors dessaisi, a cependant rendu, le 10 janvier 1991, une nouvelle décision écartant leurs prétentions ; d'où il suit qu'en confirmant cette seconde décision, en dépit du fait que son attention avait été appelée sur la violation de la règle du dessaisissement, la cour d'appel, qui s'est abstenue de tirer les conséquences légales de cette situation aurait violé les articles 5 et 481 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 481 du nouveau Code de procédure civile ne sont applicables qu'aux jugements prononcés en matière contentieuse ; que, n'ayant pas l'autorité de la chose jugée, les décisions rendues en matière gracieuse restent susceptibles d'être rapportées ou modifiées si les circonstances dans lesquelles elles ont été prononcées ont elles-mêmes changé ; qu'en l'espèce il ressort du dossier et de la décision de première instance qu'à la suite d'un échange de lettres entre le juge rapporteur et leur conseil, les consorts X... ont fait parvenir à ce magistrat des documents non encore produits ; que c'est donc avec l'accord des requérants que le Tribunal a procédé à un nouvel examen de l'affaire, à la lumière des derniers éléments de preuve produits ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors que le nom ne se perd pas par le non-usage ; que les juges du fond ont expressément retenu que les consorts X... " établissent une filiation directe ininterrompue entre eux et Jacques Y... du Bois d'Enghien " ; qu'en conséquence, dès lors qu'il était démontré que cet ascendant avait porté le nom " du Bois d'Enghien ", la possession loyale et prolongée du nom " X... ", propre à conférer à ceux qui le portent le droit à ce nom, ne faisait pas obstacle à ce que les requérants, renonçant à s'en prévaloir, revendiquent le nom de leur ancêtre, qu'ils n'ont pas perdu en raison de l'usage d'un autre nom par leurs ascendants les plus proches ; d'où il suit qu'en se déterminant ainsi qu'ils ont fait, les juges du second degré auraient violé la loi du 6 fructidor an II et les principes qui régissent le droit au nom ;

Mais attendu que la loi n'ayant réglé ni la durée ni les conditions de la possession propre à conférer le droit à ce nom, il appartient aux juges du fond d'en apprécier souverainement la loyauté et les effets ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le nom " du Bois d'Enghien " figurant seulement dans l'acte de mariage de Jacques Y..., dressé le 28 mai 1753, n'était déjà plus utilisé en 1754 pour désigner le fils du précédent, Pierre Y... " Denghien ", et n'avait jamais été porté par la suite, la cour d'appel a souverainement estimé que la possession de ce nom n'avait pas été suffisamment prolongée pour conférer un droit sur ce patronyme ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.