Cass. crim., 4 octobre 1983, n° 82-93.674
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
ATTENDU QUE X... ANNICK, GERANTE DE LA SARL " NARBONNE CINEMA ", A FAIT PROJETER DANS TROIS SALLES DONT ELLE ASSURE L'EXPLOITATION, NOTAMMENT LES 11 ET 12 SEPTEMBRE ET 12 NOVEMBRE 1982, UN " SPOT PUBLICITAIRE " PARLANT DANS LEQUEL IL ETAIT DIT " LE JOURNAL L'INDEPENDANT PUBLIE A NARBONNE DE FAUSSES NOUVELLES ET DES INFORMATIONS INEXACTES QUI TROMPENT LEURS LECTEURS. IL FAUT QUE CES CHOSES-LA SOIENT DITES PUISQUE LA LIBERTE DE LA PRESSE PERMET DE DIRE LA VERITE MAIS PAS LE CONTRAIRE " ;
QUE, PAR EXPLOIT DU 3 DECEMBRE 1982, Y... PAUL, CO-GERANT DE LA SOCIETE QUI EXPLOITE LE QUOTIDIEN L'INDEPENDANT, ESTIMANT QUE LES PROPOS PORTAIENT ATTEINTE A L'HONNEUR ET A LA CONSIDERATION DE CE JOURNAL, A CITE X... ANNICK DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL POUR DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER ;
EN L'ETAT :
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 5 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET DE L'ADAGE UNA VIA ELECTA, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;
" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE UNE PREVENUE, DEMOISELLE X..., GERANTE DE LA SOCIETE NARBONNE CINEMAS, COUPABLE DE DIFFAMATION ENVERS LE JOURNAL L'INDEPENDANT PAR LA DIFFUSION D'UN FILM, APRES AVOIR ECARTE LE MOYEN SOULEVE PAR DEMOISELLE X... ET TIRE DE L'APPLICATION DE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QU'UNE ASSIGNATION EN REFERE N'INTERDIT PAS LA SAISINE DU JUGE REPRESSIF (CF JUGEMENT P. 4, AL. 8) ET QU'IL Y A EU EFFECTIVEMENT UNE ACTION EN REFERE INTRODUITE PAR Y..., CO-GERANT DE LA SOCIETE L'INDEPENDANT CONTRE LA SOCIETE NARBONNE CINEMAS TENDANT A LA SAISIE DES DOCUMENTS INCRIMINES, MAIS QUE, DANS SES ECRITURES, DEMOISELLE X... AVAIT CONCLU A L'INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES ;
QU'UNE ASSIGNATION EN REFERE " DANS LES CIRCONSTANCES CI-DESSUS PRECISEES " N'INTERDISAIT PAS LA SAISINE DU JUGE REPRESSIF (CF ARRET P. 7, AL. 6 ET 7) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VISANT TOUTE ACTION EXERCEE DEVANT LA JURIDICTION CIVILE SANS EXCLURE L'ACTION EN REFERE QUI CONSTITUE UNE ACTION PORTEE DEVANT LE JUGE CIVIL, LA COUR A VIOLE L'ARTICLE PRECITE ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ASSIGNATION DEVANT LE JUGE CIVIL AYANT ETE DELIVREE A LA SOCIETE PRISE EN LA PERSONNE DE SA GERANTE, ET LA CITATION CORRECTIONNELLE A L'INTERESSEE, PRISE EN SA QUALITE DE GERANTE DE LA SOCIETE, IL Y AVAIT EFFECTIVEMENT IDENTITE DE PARTIES DEVANT LES JUGES CIVIL ET CORRECTIONNEL ;
QU'AINSI, LA COUR A DE NOUVEAU VIOLE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
" ALORS, QU'EN OUTRE, PEU IMPORTAIT QUE, DEVANT LE JUGE CIVIL, DEMOISELLE X... AIT CONCLU A SON INCOMPETENCE DES LORS QUE CE JUGE NE S'EST DECLARE INCOMPETENT ET QU'EN S'ABSTENANT DE RECHERCHER SI LE JUGE CIVIL ETAIT REELLEMENT INCOMPETENT, LA COUR A ENTACHE SON ARRET DE MANQUE DE BASE LEGALE AU REGARD DE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
" ET ALORS, ENFIN, QU'EN VISANT UNE ASSIGNATION AU CIVIL " DANS LES CIRCONSTANCES CI-DESSUS PRECISEES ", SANS PRECISER LESDITES CIRCONSTANCES, L'ARRET ENCOURT UNE NOUVELLE FOIS LE GRIEF DE DEFAUT DE BASE LEGALE AU REGARD DE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT QU'IL CONFIRME QUE LA PREVENUE A SOULEVE L'EXCEPTION DE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE AUX TERMES DUQUEL " LA PARTIE QUI A EXERCE SON ACTION DEVANT LA JURIDICTION CIVILE COMPETENTE NE PEUT LA PORTER DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE " ET CE, AUX MOTIFS QUE Y..., ES QUALITES DE CO-GERANT DE LA SARL " L'INDEPENDANT ", ANTERIEUREMENT A LA DELIVRANCE DE LA CITATION DEVANT LE JUGE REPRESSIF POUR DIFFAMATION PUBLIQUE, AVAIT INTENTE UNE PROCEDURE DEVANT LE JUGE DES REFERES POUR VOIR ORDONNER DIVERSES MESURES CONSERVATOIRES ;
ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND, POUR ECARTER CETTE EXCEPTION, ONT ENONCE " QUE L'ASSIGNATION EN REFERE N'INTERDIT PAS LA SAISINE DU JUGE REPRESSIF " ;
ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR A DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;
QU'EN EFFET, L'ASSIGNATION DEVANT LE JUGE DES REFERES A POUR OBJET DE VOIR ORDONNER, AUX TERMES DES ARTICLES 809 ET 848 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LES MESURES CONSERVATOIRES OU DE REMISE EN ETAT QUI S'IMPOSENT, SOIT POUR PREVENIR UN DOMMAGE IMMINENT, SOIT POUR FAIRE CESSER UN TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE, CE QUI DONNE LIEU, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 484 DU CODE PRECITE, A UNE DECISION PROVISOIRE ;
QU'IL S'EN DEDUIT QU'UNE TELLE ASSIGNATION NE PEUT S'ANALYSER EN UNE ACTION EN JUSTICE, AU SENS DE L'ARTICLE 5 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, MAIS EN UNE MESURE CONSERVATOIRE QUI NE SAURAIT FAIRE OBSTACLE AU DROIT DE LA VICTIME D'UNE INFRACTION DE SAISIR LE JUGE PENAL PAR TELLE VOIE QUE DE DROIT ;
QUE LA RECHERCHE DE L'IDENTITE OU DE LA NON-IDENTITE DES PARTIES, DE L'OBJET OU DE LA CAUSE EST, DANS CETTE HYPOTHESE, JURIDIQUEMENT SANS INTERET ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI :
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;
" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE UNE PREVENUE, DEMOISELLE X..., GERANTE DE LA SOCIETE NARBONNE CINEMAS, COUPABLE DE DIFFAMATION ENVERS LE JOURNAL L'INDEPENDANT, PAR LA DIFFUSION D'UN FILM ;
AUX MOTIFS QUE LE FILM LITIGIEUX CONTENAIT DES IMPUTATIONS PRECISES ET EXPLICITES PORTANT ATTEINTE A L'HONNEUR OU A LA CONSIDERATION DU JOURNAL ET QUE DEMOISELLE X... N'A APPORTE AUCUN FAIT JUSTIFICATIF SUFFISANT POUR FAIRE ADMETTRE SA BONNE FOI (CF ARRET P. 8, ALINEAS 4 ET 5) ;
ALORS QUE LA COUR N'A PAS REPONDU, MEME IMPLICITEMENT, A UN MOYEN PEREMPTOIRE DES CONCLUSIONS QUI, S'IL AVAIT ETE ACCUEILLI, DEVRAIT ENTRAINER LA RELAXE DE LA PREVENUE ;
QU'EN EFFET CETTE DERNIERE SOUTENAIT DANS SES CONCLUSIONS QUE, SI LE DELIT ETAIT RETENU, ELLE DEVAIT ETRE RELAXEE, CAR ELLE NE SERAIT QUE COMPLICE DE DEMOISELLE Z..., AUTEUR PRINCIPAL ET GERANTE DES ETABLISSEMENTS Z..., A L'EGARD DE LAQUELLE LES POURSUITES AVAIENT ETE ANNULEES ;
QU'AINSI L'ARRET EST ENTACHE DE DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS ;
" ATTENDU QUE DANS SES CONCLUSIONS D'APPEL, X... A SOUTENU, AU DEMEURANT A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE L'ANNULATION PAR LES PREMIERS JUGES DE LA CITATION QUI AVAIT ETE EGALEMENT DELIVREE PAR LA PARTIE CIVILE A LA GERANTE DE LA SOCIETE PROPRIETAIRE DES SALLES DE CINEMA OU AVAIT ETE PROJETE LE " SPOT PARLANT " CRITIQUE, DEVAIT ENTRAINER SA RELAXE, N'ETANT QUE LA COMPLICE D'UN FAIT PRINCIPAL " DONT LES POURSUITES AVAIENT ETE ANNULEES " ;
QUE LA DEMANDERESSE FAIT GRIEF A LA COUR DE N'AVOIR PAS REPONDU A CE QU'ELLE QUALIFIE DE MOYEN PEREMPTOIRE ;
MAIS ATTENDU QUE X... ANNICK AYANT ETE CITEE COMME ETANT L'UN DES AUTEURS DU DELIT REPROCHE, CE QUE LA COUR A CONSTATE, LES JUGES DU FOND QUI APPRECIENT LIBREMENT LE MODE DE PARTICIPATION DES PREVENUS AUX FAITS SPECIFIES ET QUALIFIES, ONT PU, SANS AVOIR A S'EXPLIQUER SPECIALEMENT SUR L'ARGUMENT SOULEVE ET QUI, AU DEMEURANT, EST DEPOURVU DE TOUTE BASE LEGALE, RETENIR, PAR LES MOTIFS QU'ELLE ENONCE, SANS INSUFFISANCE NI CONTRADICTION, LA DEMANDERESSE DANS LES LIENS DE LA PREVENTION ;
QU'EN EFFET LA NULLITE DE LA CITATION CONCERNANT L'UN DES PREVENUS NE SAURAIT AVOIR POUR CONSEQUENCE LA RELAXE DE CEUX DONT LA CITATION A ETE RECONNUE REGULIERE ET QUI A SUPPOSER QUE X... ANNICK N'AIT ETE QUE LA COMPLICE DE LA GERANTE DE LA SOCIETE PROPRIETAIRE DES SALLES, CE QU'ELLE N'A JAMAIS TENTE D'ETABLIR, LA MISE HORS DE CAUSE DE L'AUTEUR PRINCIPAL PRETENDU, POUR DES CAUSES LIEES A UNE IRREGULARITE DE PROCEDURE QUI LUI EST PUREMENT PERSONNELLE, NE SAURAIT BENEFICIER A UN EVENTUEL COMPLICE AU SENS DE L'ARTICLE 59 DU CODE PENAL ;
D'OU IL SUIT QUE LA COUR A IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT REPONDU AUX CONCLUSIONS DE LA PREVENUE EN RETENANT SA CULPABILITE EN TANT QU'AUTEUR PRINCIPAL ;
QUE LE MOYEN NE SAURAIT DONC ETRE ACCUEILLI ;
MAIS SUR LE MOYEN RELEVE D'OFFICE ET PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 749 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
" EN CE QUE LA COUR A PRONONCE LA CONTRAINTE PAR CORPS A L'ENCONTRE DE X... ANNICK, RECONNUE COUPABLE DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER ;
" VU LEDIT ARTICLE ;
ATTENDU QUE SELON LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 749 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, LA CONTRAINTE PAR CORPS NE PEUT JAMAIS ETRE PRONONCEE EN MATIERE D'INFRACTION POLITIQUE ;
QUE LES DELITS DE PRESSE SONT COMPRIS PARMI LES DELITS POLITIQUES ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT PAR VOIE DE RETRANCHEMENT ET SANS RENVOI, DANS SES DISPOSITIONS RELATIVES A LA CONTRAINTE PAR CORPS, L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE MONTPELLIER, EN DATE DU 7 OCTOBRE 1982, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES.