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Décisions

Cass. crim., 7 juillet 1998, n° 97-81.273

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joly

Rapporteur :

M. Desportes

Avocat général :

M. Le Foyer de Costil

Avocat :

Me Roger

Colmar, ch. corr., du 24 janv. 1997

24 janvier 1997

Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Romain X... et pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, 324-9 et 362-6 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a reconnu Romain X... coupable du délit de recours aux services d'une entreprise clandestine ;

" aux motifs que son expérience d'homme d'affaires avisé n'a pas pu le laisser dans l'ignorance des tractations de son fils avec Francesco Z..., et que des documents montrent qu'il surveillait étroitement l'activité de ce dernier ; qu'il savait que la SA Y...- X... était incapable de terminer ses chantiers importants sans le recours à un sous-traitant irrégulier ; que sa fille Diana X... a témoigné des difficultés de Francesco Z... pour encaisser certains effets de commerce, les traites notamment ; qu'il n'est pas pensable que la famille X..., qui a fait carreler l'appartement de Diana X... par Francesco Z... et l'a payé avec 2 grosses plaques de marbre, ait ignoré le caractère clandestin d'un artisan rémunéré d'une aussi étrange façon ; que le carrelage de l'appartement d'Avoriaz par le même artisan revêt pour les mêmes raisons le caractère de recours aux services d'une entreprise clandestine ; que la culpabilité de Romain X... pour recours aux services d'une entreprise clandestine doit donc être effectivement retenue ;

" alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que le rappel des déclarations d'un témoin ne suffit pas à caractériser les éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel de l'infraction de recours aux services d'une entreprise clandestine ; qu'ainsi, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société Y...- X... et pris de la violation des articles 121-2 et 121-3 du nouveau Code pénal, 324-9 et 362-6 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif a reconnu la société anonyme Y...- X... coupable du délit de recours aux services d'une entreprise clandestine ;

" aux motifs que l'implication du directeur général, administrateur de fait de la SA Y...- X..., associée surabondamment à celle de son fils, également membre du conseil d'administration, amène à retenir la responsabilité pénale de la société anonyme conformément à l'article L. 362-6 du Code du travail ;

" alors, d'une part, que la responsabilité pénale d'une personne morale ne peut être recherchée du fait des agissements de ses administrateurs ou représentants qu'à la condition que ces faits aient été réalisés pour son compte ; qu'ainsi la seule référence à l'implication d'organes ou de représentants de la société dans la commission de l'infraction poursuivie ne suffit pas à caractériser cet élément constitutif de la responsabilité pénale de la société ; que, dès lors, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, que seules les fautes intentionnelles commises par les organes ou les représentants des personnes morales peuvent engager la responsabilité de celles-ci ; qu'en s'abstenant de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie par lesquels les requérants faisaient valoir que, si Romain X... revêtait la qualité de représentant de la société, son fils ne possédait ni la qualité d'organe ni celle de représentant de la société ; que les pièces du dossier démontraient que Romain X... ignorait le caractère clandestin de l'entreprise Z..., circonstances d'où il résultait que les conditions nécessaires à la responsabilité pénale de la société n'étaient pas réunies, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour l'exécution de marchés de travaux qui lui étaient confiés, la société Y...- X... a eu recours, entre les mois de mai 1994 et décembre 1995, aux services de Francesco Z..., qui exerçait une activité de carreleur et employait plusieurs salariés sans avoir accompli l'une quelconque des obligations prévues par l'article L. 324-10 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ; qu'à la suite de ces faits, le ministère public a fait citer devant le tribunal correctionnel, notamment la société Y...- X... et son directeur général, Romain X..., pour infraction à l'article L. 324-9, alinéa 2, du Code du travail ;

Attendu que, pour les déclarer coupables de ce chef, la cour d'appel énonce que Romain X..., directeur général chargé, par délégation, de l'administration de la société Y...- X..., ne pouvait ignorer le caractère clandestin de l'entreprise de Francesco Z... ; que les juges relèvent, notamment, que le prévenu avait recruté lui-même l'un des salariés employé par cette entreprise ; qu'ils ajoutent que la participation de Francesco Z... à l'exécution des travaux, avait été organisée, en connaissance de sa situation, par Franck X..., administrateur de la société, lequel se trouvait placé sous l'étroite surveillance de son père Romain X... ; que les juges retiennent encore que ce dernier savait, en raison de son expérience, que la société qu'il dirigeait était dans l'incapacité de terminer dans les délais contractuels les chantiers importants qu'elle avait en charge sans l'aide d'un sous-traitant irrégulier ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que Romain X..., organe de la société Y...- X..., a eu sciemment recours, pour le compte de cette société, aux services d'un entrepreneur clandestin, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.