CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 28 mars 2019, n° 18/06560
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d'Azur et Cote d'Azur (Sté), Etablissement Trésor Public de Brignoles
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseillers :
Mme Pochic, Mme Lefebvre
EXPOSE DU LITIGE
En vertu d'un jugement rendu le 2 mai 2016 par le tribunal de première instance de Gand (Belgique), Monsieur Jo C. a fait délivrer à Monsieur Dirk D. par exploit du 3 mai 2017 un commandement de payer valant saisie immobilière pour avoir paiement de la somme de 31.689,37 euros en principal, intérêts et frais, emportant saisie des droits et biens immobiliers lui appartenant et situés sur la commune de [...], figurant au cadastre de ladite commune sous la référence section B n°3672 pour une contenance de 20a01ca.
Ce commandement publié le 7 juin 2017 étant demeuré infructueux, M.C. a fait assigner M.D. à l'audience d'orientation du juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan qui par jugement du 12 janvier 2018 , réputé contradictoire en l'absence du débiteur, a validé la procédure de saisie immobilière, mentionné la créance du poursuivant pour un montant de 31.689,37 euros arrêtés au 3 mai 2017sans préjudice des intérêts postérieurs au taux de légal majoré de 5 points jusqu'à parfait paiement ,et ordonné la vente forcée des biens saisis.
M.D. a relevé appel de cette décision par déclaration du 13 avril 2018 visant l'ensemble des chefs du jugement attaqué.
Par ordonnance du 23 avril 2018 il a été autorisé à assigner à jour fixe et les assignations délivrées à cette fin ont été transmises au greffe les 2 mai et 16 mai 2018.
Par conclusions notifiées le 20 avril 2018, invoquant la nullité de l'ensemble des actes de la procédure signifiés à son ancienne adresse à Eeklo (Belgique ) qu'il a quittée depuis le 5 mai 2017 pour s'établir à Evergeny ( Belgique) , irrégularités l'ayant empêché de faire valoir ses moyens de défense, et de solliciter des délais de paiement compte tenu de la disproportion entre le montant de la créance de M.C. et le bien immobilier saisi, il demande à la cour au visa des articles R 321-3 et R 522-5 du code des procédures civiles d' exécution , 16, 56, 528, 675, 683 648, 686 et 114 du code de procédure civile , R.311-7 du code des procédures civiles d' exécution et l'article 6 § 1 de la CEDH, de :
- prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, de l'assignation à comparaître devant le juge de l' exécution en date du 4 août 2017 et de l'acte de signification du jugement d'orientation en date du 12 janvier 2018 pour vice de forme.
- par voie de conséquence,
- annuler le jugement déféré.
Postérieurement à ces écritures et par jugement du 22 mai 2018 le tribunal de commerce de Gand (Belgique) a déclaré M.D. en état de faillite, Maître Geert D. étant désigné comme curateur.
Ce dernier est intervenu volontairement à la procédure ès-qualités, par conclusions notifiées le 22 octobre 2018.
Monsieur C. a notifié ses conclusions le 7 novembre 2018.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d’Azur, créancier inscrit a notifié ses conclusions le 28 novembre 2018.
Le Trésor Public de Brignoles cité par exploit du 7 mai 2018 délivré à personne se déclarant habilité, n'a pas constitué avocat.
L'affaire a été fixée à l'audience du 7 novembre 2018 à laquelle elle a fait l'objet d'un renvoi par mention au dossier, les parties étant invitées à présenter leurs observations sur l'effet de la procédure de faillite prononcée à l'encontre de M.D., sur l'instance en cours.
Par dernières conclusions notifiées le 1er février 2019 Maître Geert D., es-qualité de curateur de la faillite de M.D. demande à la cour, au visa du règlement UE 2015/848 du 20 mai 2015, de :
- dire et juger recevable son intervention volontaire, es-qualités,
- dire et juger que le jugement rendu le 22 mai 2018 par le tribunal de commerce de Gand emporte dessaisissement de M.D. au jour du prononcé,
- dans ces conditions constater l'absence d'opposition de Maître Geert D. es-qualités, à la confirmation du jugement déféré,
- dire et juger que la procédure de saisie immobilière se poursuivra devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan.
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
M.C. a notifié ses dernières écritures le 1er février 2019 tendant :
- à ce qu'il soit statué ce que de droit sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Maître D. es-qualités de curateur de la faillite de M.D., et pris acte de ce qu'il ne formule aucune contestation ni demande,
- constater que Maître D. es-qualités, ne reprend pas à son compte les moyens invoqués par M.D. désormais dessaisi, au soutien de son appel, ni ne soutient que le jugement encourt réformation pour quelque motif que ce soit,
- dire et juger au visa du dessaisissement découlant de l'ouverture de sa faillite par jugement du tribunal de commerce de Gand du 22 mai 018 que l'appel interjeté par le seul M.D. n'est plus soutenu et le juger subsidiairement infondé en l'en déboutant,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et renvoyer l'affaire devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan pour fixation de la date d'adjudication et poursuite de la saisie immobilière en ordonnant l'emploi « de l'instance d'appel » en frais privilégiés de vente,
- condamner M.D. en la personne du curateur de faillite, à lui payer la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par écritures précédemment notifiées le 2 novembre 2018 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Cote d'Azur ( la CRCAM), créancier inscrit, demande à la cour, au visa des dispositions des articles 8,8-1,8-2a et 8-3 du règlement UE 2015/848 du 20 mai 2015, de :
- statuer ce que de droit sur le bien-fondé de l'appel diligenté par M.D.,
- dire et juger que si la vente était ordonnée, le prix d'adjudication sera consigné entre les mains du séquestre désigné dans le cahier des conditions de vente déposé auprès du juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan,
- dire et juger que la procédure de distribution sera régie par les dispositions du code des procédures civiles d' exécution ,
- dire et juger qu'en cas de boni, celui-ci sera adressé au curateur, Maître D.,
-débouter Maître D. de toute autre demande que celle de la recevabilité de son intervention volontaire,
- réserver les dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le Trésor public, créancier inscrit ayant été cité à personne se déclarant habilitée, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
En vertu des articles 19 et 20 du règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, dont les dispositions sont applicables au procédures ouvertes postérieurement au 26 juin 2017, le jugement de déclaration de l'état de faillite de M.D., qui a désigné Maître D. en qualité de curateur, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les mêmes effets que ceux prévus par la loi de l'État d'ouverture, sauf disposition contraire dudit règlement et aussi longtemps qu'aucune procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, n'est ouverte dans cet autre État membre.
L'intervention volontaire de Maître D. ès-qualités, qui ne fait pas l'objet de contestation, sera déclarée recevable.
Le jugement de faillite emportant dessaisissement du débiteur, les écritures de Maître D. se substituent en conséquence aux conclusions notifiées par M.D. le 20 avril 2018.
Aux termes de ses dernières écritures qui seules saisissent la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile , Maître D. fait connaître qu'il ne s'oppose pas à la confirmation du jugement critiqué et à la poursuite de la procédure de saisie immobilière devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan.
Le jugement déféré ne faisant pas l'objet de critique, sera en conséquence confirmé.
Maître D. indique que conformément aux dispositions du règlement européen précité, les créanciers devront être désintéressés mais uniquement par l'intermédiaire, ou à tout le moins pour le compte de la masse faillie et ce afin de permettre la disparition des dettes du compte de la faillite, ajoutant que la créance de M.C. a été reconnue par le tribunal de première instance de Flandre Orientale ( Belgique) et inscrite dans la liste de la faillite de M.D.. Il précise que le solde du prix de vente réalisé devra être remis, après paiement des deux créanciers inscrits, à la masse de la faillite.
M.C. titulaire sur l'immeuble saisie d'une hypothèque judiciaire et la CRCAM qui dispose sur ce bien d'un privilège de deniers invoquent à juste titre les dispositions de l'article 8 du règlement règlement (UE) 2015/848 susvisé aux termes desquelles l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification, appartenant au débiteur et qui sont situés, au moment de l'ouverture de la procédure , sur le territoire d'un autre État membre.
Et suivant les dispositions de l'article 23 du réglement le créancier qui, après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité obtient par tout moyen, notamment par des voies d' exécution , satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur les biens du débiteur qui se situent sur le territoire d'un autre État membre restitue ce qu'il a obtenu au praticien de l'insolvabilité, sous réserve des articles 8 et 10.
Il y a donc lieu de dire que le prix d'adjudication sera consigné entre les mains du séquestre désigné dans le cahier des conditions de vente et que la procédure de distribution sera régie par les dispositions du code des procédures civiles d' exécution . En cas de boni, celui-ci sera adressé à Maître D. es-qualités.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
Les dépens d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'intervention volontaire de Maître Geert D., ès-qualité de curateur de la faillite de Monsieur Dirk D.,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Renvoie l'affaire devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan pour poursuite de la procédure de saisie immobilière,
Vu les dispositions des articles 8 et 23 du règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015,
Dit que le prix d'adjudication sera consigné entre les mains du séquestre désigné dans le cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Draguignan et que la procédure de distribution sera régie par les dispositions du code des procédures civiles d' exécution , et qu'en cas de boni, celui-ci sera adressé à Maître D. es-qualités.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.