CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 20 novembre 2013, n° 13/19494
PARIS
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
Mme Maunand
Avocats :
Me Bodereau, Me Guerre
L'association du patrimoine religieux et liturgique et l'association Sainte Croix de Riaumont ont interjeté appel de la décision le 1er août 2013. Elles ont fait assigner le 22 août 2013, l'Etat devant le Premier Président de la cour d'appel de Paris aux fins de sursis à exécution et de condamnation de celui-ci à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, l'Etat estime qu'il n'existe aucun moyen sérieux de réformation du jugement et donc s'oppose à la demande de sursis à exécution. Il sollicite l'allocation d’une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
SUR CE, Attendu que l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'"en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la Cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le Premier Président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le Premier Président à une amende civile d'un montant maximum de 3.000 euros sans préjudice des dommages intérêts qui pourraient être réclamés" ;
Attendu que les demanderesses soutiennent que les cloches litigieuses sont sorties du domaine public, que la procédure de déclassement était en cours et que les cloches estimées à une valeur symbolique devaient être transférées à leur bénéfice, que le juge de l'exécution n'a pas tenu compte de ces faits ;
Attendu qu'en vertu de l'article L222-2 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d'un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d'une saisie revendication ; que l'article R222-18 du même code dispose que la mainlevée de la saisie peut être ordonnée à tout moment par le juge qui a autorisé la saisie ;
Attendu que la saisie revendication a été autorisée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ordonnance du 7 novembre 2012 en raison de l'existence d'une procédure de déclassement des cloches en cours ;
Attendu que les cloches litigieuses étaient celles de la cathédrale Notre Dame de Paris ; qu'elles appartenaient donc de ce chef au domaine public ; qu'en effet, l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907 prévoit qu'à défaut d'association cultuelle, les édifices affectés à l'exercice du culte ainsi que les meubles les garnissant continueront sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion ; que l'article 1 de la loi du 13 avril 1908 a complété ce dispositif en précisant que, par exception au régime des attributions de biens par décret, les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés s'ils n'ont été ni restitués ni revendiqués dans le délai légal ; qu'il s'ensuit que la cathédrale Notre Dame est propriété de l'Etat ; que les cloches, qui sont des meubles, le sont devenues aussi ;
Attendu que ces cloches qui ont été retirées de la cathédrale en vue de leur remplacement par de nouvelles cloches, continuent à appartenir au domaine public à raison de leur origine et de leur intérêt sauf à ce qu'elles aient fait l'objet d'une décision de déclassement ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal de réunion du 9 juillet 2012 de l'observatoire du patrimoine religieux à laquelle étaient présents, le représentant de la DRAC Ile de France, de l'abbaye de Riaumont, de l'observatoire et de l'oeuvre des campagnes que les cloches étaient en cours de déclassement afin une fois revenues au domaine privé d'être revendues par France Domaine et que le représentant de la DRAC, le conservateur des monuments historiques, proposait de mener à bien la procédure de déclassement et d'estimer les cloches à une valeur symbolique, l'abbaye de Riaumont ayant émis le voeux de les inclure dans le clocher de l'église de Riaumont ; que ce document non signé établit seulement l'existence d'une procédure de déclassement en cours mais non achevée, un intérêt de l'association de l'abbaye de Riaumont pour ces cloches mais pas de droit de propriété sur celles-ci, le conservateur régional des monuments historiques n'ayant pas le pouvoir d'engager l'Etat ;
Attendu qu'il ressort d'un courrier postérieur en date du 13 décembre 2012 émanant de la directrice régionale des affaires culturelles Ile de France qu'il a été mis fin à la procédure de déclassement et que le Ministère de la Culture et de la Communication entend conserver ces objets présentant un intérêt public historique justifiant qu'ils soient maintenus dans le domaine public ; que ce courrier précise qu'un groupe de travail réunissant la ville de Paris et le clergé affectataire ainsi que l'Etat devait se réunir pour étudier la possibilité de restituer au public ces objets au travers d'une exposition permanente dans l'enceinte de Notre Dame ; Attendu que si les deux associations demanderesses pouvaient donc avoir un intérêt à solliciter la mesure en novembre 2012, le maintien de la saisie revendication ne se justifie plus dès lors qu'il est avéré que les cloches n'ont pas été déclassées et restent la propriété de l'Etat qui entend leur donner une destination particulière et ne pas les fondre comme le craignaient les deux associations ; Attendu qu'il n'existe dès lors aucun moyen sérieux de réformation ou d'annulation de la décision entreprise ; Attendu que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Attendu que les associations demanderesses, succombant, doivent supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de sursis à exécution du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris du 18 juillet 2013 présentée par l'association de sauvegarde du patrimoine religieux et liturgique et l'association Sainte Croix de Riaumont ;
Rejetons la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons l'association de sauvegarde du patrimoine religieux et liturgique et l'association Sainte Croix de Riaumont aux dépens.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.