CAA Marseille, 4e ch. formation a 3, 18 décembre 2014, n° 14MA03654
MARSEILLE
Arrêt
Rejet
1°) d'annuler le jugement n° 1300698 du 20 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 8 janvier 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté sa réclamation préalable et, d'autre part, à ce que soit prononcée la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 septembre 2012 sur ses biens meubles corporels ;
2°) d'annuler la décision précitée du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes, de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur ses biens meubles corporels et de déclarer sa dette fiscale infondée dans son principe ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2014,
- le rapport de M. Guidal, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant respectivement sur les années 2008 et 2009, M. B...a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour des montants respectivement de 16 010 034 et de 4 849 066 euros au titre de l'année 2008 et de 43 081 et 18 505 euros au titre de l'année 2009, mises en recouvrement le 31 décembre 2011 ; que l'intéressé a présenté une réclamation d'assiette contre ces impositions assortie d'une demande de sursis de paiement le 4 mai 2012 ; que, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, faute de réponse à sa demande de constitution de garanties, a engagé le recouvrement forcé de ces impositions et, par acte d'huissier du 18 septembre 2012, a fait procéder à la saisie conservatoire de biens meubles corporels appartenant à M. B...; que celui-ci a contesté cet acte de poursuite le 16 novembre 2012 devant le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes et a saisi le même jour le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, qui a rejeté sa requête par un jugement du 28 mars 2014 au motif qu'elle était prématurée ; qu'à la suite du rejet le 8 janvier 2013 de sa réclamation dirigée contre le procès-verbal de saisie, l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler cet acte, de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur ses biens et de déclarer à titre subsidiaire sa dette fiscale infondée ; que par un jugement du 20 juin 2014, le tribunal a rejeté ces demandes au motif que, d'une part, les conclusions tendant à l'annulation de la saisie conservatoire étaient portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et, d'autre part, que la créance fiscale du Trésor étant exigible l'administration était, en l'espèce, fondée à recourir à cette mesure conservatoire ; que M. B...relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que si le requérant demande l'annulation de la décision en date du 8 janvier 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a rejeté sa réclamation, ses conclusions doivent être regardées comme tendant en réalité à obtenir la décharge de l'obligation de payer les sommes dont le recouvrement forcé a été entrepris par la saisie conservatoire pratiquée le 18 septembre 2012 sur ses biens meubles corporels ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 277 du même livre, dans sa rédaction applicable : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. / Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisièmes et quatrièmes alinéas de l'article L. 279 sont applicables à cette procédure, la juridiction d'appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal de grande instance. " ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, il n'appartient à la juridiction administrative, ni d'apprécier la validité d'un acte de poursuite, ni de se prononcer sur la manière dont les poursuites sont menées à bien ; que si M. B...soutient, à l'appui de sa contestation de la saisie conservatoire diligentée en vue du recouvrement des sommes litigieuses, que le procès-verbal de saisie n'a pas été signé par les personnes présentes lors de l'opération en méconnaissance des dispositions de l'article R. 222-16 du code de procédure civile, qu'il n'était pas en mesure de signer le procès-verbal de saisie en connaissance de cause en raison de son état de santé dégradé et que les biens saisis ne lui appartenaient pas, de tels moyens ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent être soumis à la juridiction administrative en application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; que, par ailleurs, si M. B...demande que soit ordonnée la mainlevée de la saisie conservatoire opérée par le Trésor sur ses biens meubles corporels, de telles conclusions ne ressortissent pas à la compétence de la juridiction administrative et ne sont, dès lors, pas recevables ;
6. Considérant qu'en revanche, relèvent du juge de l'impôt les contestations relatives au recouvrement qui portent sur l'existence de l'obligation de payer résultant de mesures conservatoires prises par le comptable du Trésor compte tenu de l'exigibilité de la somme réclamée ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales qu'en l'absence de constitution de garanties, le sursis de paiement sollicité dans l'attente d'une décision définitive sur la contestation d'assiette soulevée par le contribuable, s'il fait obstacle aux actes de poursuites ayant pour effet immédiat de déposséder le contribuable, ne s'oppose pas à ce que le comptable chargé de poursuivre le recouvrement des impôts contestés prenne des mesures conservatoires pour en garantir le paiement ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande de sursis de paiement présentée le 4 mai 2012 par M.B..., le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes a demandé à l'intéressé par lettre du 11 mai 2012, réceptionnée le 18 mai suivant, de constituer des garanties à hauteur des sommes dont le paiement lui était réclamé ; qu'il est constant que M. B...s'est abstenu de donner suite à cette demande ; que, dès lors, le comptable a pu à bon droit, par l'acte contesté, faire saisir à titre conservatoire les biens meubles corporels de l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales afin de garantir la créance du Trésor dans l'attente d'une décision sur la contestation d'assiette portée le 24 octobre 2012 par M. B...devant le tribunal administratif de Nice ; qu'il appartenait seulement au requérant, s'il s'y croyait fondé, de saisir le juge du référé fiscal d'une demande tendant à la limitation ou l'abandon de la saisie conservatoire au regard, le cas échéant, des conséquences difficilement réparables qu'elle était susceptible de comporter, ainsi que le lui permettaient les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que doivent être rejetée, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête présentée par M. B...tendant à que soit ordonnée la mainlevée de la saisie conservatoire opérée le 18 septembre 2012 à la demande du Trésor sur ses biens meubles corporels sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.