CE, 8e et 3e ch. réunies, 4 avril 2018, n° 411792
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Annulation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Lombard
Rapporteur public :
Mme Cortot-Boucher
Avocat :
SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller
Vu la procédure suivante :
La société européenne Alliance Développement Capital SIIC a, en application des dispositions des articles L. 277 et L. 279 du livre des procédures fiscales, demandé au juge du référé fiscal du tribunal administratif de Paris de prononcer l'abandon de la saisie conservatoire de créances auprès de la Société Générale, pratiquée le 13 décembre 2016, et l'abandon de deux saisies conservatoires de biens placés dans un coffre-fort pratiquées le même jour auprès du Crédit Industriel et Commercial.
Par une ordonnance n° 1702650 du 14 mars 2017, le juge du référé fiscal du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 17PA01055 du 7 juin 2017, le juge du référé fiscal de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre l'ordonnance du juge du référé fiscal.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 7 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société européenne Alliance Développement Capital SIIC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Lombard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Société Alliance Développement Capital SIIC ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris qu'à la suite d'une procédure de rectification, la société Alliance Développement Capital SIIC a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, mis en recouvrement le 13 janvier 2014. D'une part, la société a formé une réclamation à l'encontre de ces impositions et rappels de taxe, laquelle a été rejetée le 20 mars 2015. La société a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge des impositions et rappels de taxe qui a été rejetée par un jugement du 28 février 2017. D'autre part, la société a assorti sa réclamation d'une demande de sursis de paiement. En l'absence de constitution de garanties par la société, le comptable a procédé à des mesures conservatoires le 13 décembre 2016, consistant en une saisie conservatoire de créances entre les mains de la Société Générale, ainsi qu'en deux saisies conservatoires de coffres-forts auprès du Crédit Industriel et Commercial. Le 16 février 2017, la société a contesté ces mesures devant le juge des référés fiscal du tribunal administratif de Paris conformément aux articles L. 277 et L. 279 du livre des procédures fiscales. Cette demande a été rejetée par une ordonnance rendue le 14 mars 2017, confirmée par une ordonnance du 7 juin 2017 du juge des référés fiscal de la cour administrative d'appel de Paris. La société Alliance Développement demande l'annulation de cette dernière ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. / Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 279 sont applicables à cette procédure, la juridiction d'appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal de grande instance ". Aux termes de l'article L. 279 du même livre : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. / Cette demande n'est recevable que si le redevable a consigné auprès du comptable, à un compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés. Une caution bancaire ou la remise de valeurs mobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation. / Le juge du référé décide dans le délai d'un mois si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 et si, de ce fait, elles doivent être ou non acceptées par le comptable. Il peut également, dans le même délai, décider de dispenser le redevable de garanties autres que celles déjà constituées. / Dans les huit jours suivant la décision du juge, le redevable et le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Celui-ci, dans le délai d'un mois, décide si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277 ".
3. Il résulte de ces dispositions, en particulier du dernier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, que la juridiction compétente pour statuer sur l'appel formé par la société Alliance Développement contre l'ordonnance du 14 mars 2017 du juge du référé fiscal du tribunal administratif de Paris était le tribunal administratif, dès lors qu'étaient en cause les mesures conservatoires prises par le comptable à la suite de la demande de sursis de paiement présentée par la société. Par suite, le juge du référé fiscal de la cour administrative d'appel de Paris était incompétent pour statuer sur l'appel formé par la société Alliance Développement contre cette ordonnance. Dès lors, la société est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 7 juin 2017 du juge du référé fiscal de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société européenne Alliance Développement Capital SIIC et au ministre de l'action et des comptes publics.