CA Chambéry, 2e ch., 28 janvier 2021, n° 19/01174
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Madinier
Conseillers :
M. Therolle, Mme Caullireau Forel
EXPOSÉ DU LITIGE
M. D I est décédé le 17 novembre 2017 à Saint Jacques de Compostelle (Espagne), laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. M I et Mme N I.
Se prévalant du fait que le testament de D I n'a pas été exécuté, notamment en ce qu'il leur attribuait quatre cent quatre-vingt-treize (493) pièces d'or dites 'G J', M. M I, son épouse Mme Y X épouse I et leur enfant M. H I ont, par requête du 24 octobre 2018, saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry aux fins de saisie conservatoire à l'encontre de Mme N I.
Par ordonnance du 24 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry a notamment :
- autorisé M. M I, Mme Y X et M. H I à faire pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de Mme N I auprès du Crédit Agricole des Savoie, ..., ..., et ce pour garantie de la somme de 560 000 euros,
- autorisé les mêmes à faire pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de Mme N I et de M. C L auprès de la même banque, et ce pour garantie de la somme de 560 000 euros.
Cette saisie a été pratiquée le 24 janvier 2019 et dénoncée à Mme N I et à M. C L le 25 janvier 2019.
Par requête du 17 décembre 2018, M. M I, Mme Y X et M. H I ont saisi le juge de l'exécution aux fins de modification de la mesure conservatoire prononcée le 24 octobre 2018.
Par ordonnance du 19 décembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry a notamment autorisé M. M I, Mme Y X et M. H I à faire pratiquer une saisie conservatoire sur le ou les coffres forts loués par Mme N I au Crédit Agricole des Savoie, dans les agences situées ..., ..., ..., ..., ..., ... et ..., ..., et ce pour garantie de la somme de 560 000 euros.
Cette saisie a été pratiquée le 24 janvier 2019 et a été dénoncée à Mme N I le 25 janvier 2019.
Par acte d'huissier du 26 février 2019, Mme N I a fait assigner M. M I, Mme Y X et M. H I devant le juge de l'exécution aux fins de mainlevée de la mesure conservatoire portant sur son compte bancaire ouvert auprès du Crédit Agricole des Savoie, ..., ..., et de condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Par acte d'huissier du même jour, Mme N I et M. C L ont fait assigner M. M I, Mme Y X et M. H I devant le juge de l'exécution aux fins de nullité de la mesure de saisie conservatoire portant sur leur compte bancaire auprès du Crédit Agricole des Savoie, ..., ..., de mainlevée à titre subsidiaire de cette saisie et de condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Par acte d'huissier du même jour, Mme N I et M. F A, tous deux propriétaires d'un coffre-fort à l'agence du Crédit Agricole des Savoie, ..., ..., ont fait assigner M. M I, Mme Y X et M. H I devant le juge de l'exécution aux fins de nullité de la saisie conservatoire sur coffre-fort, d'interdiction de faire état de l'inventaire établi, de mainlevée à titre subsidiaire de cette mesure et de condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 6 mai 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Chambéry a, notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- prononcé la jonction des instances ainsi initiées,
- ordonné la mainlevée de toutes les saisies conservatoires pratiquées le 24 janvier 2019 par la SCP Roque & Ravier, Huissiers de Justice, au nom de M. M I, Mme Y X et M. H I sur les comptes bancaires et le contenu du coffre-fort de Mme N I et de M. C L ouvert dans les livres du Crédit Agricole des Savoie,
- interdit à chacune des parties de faire état de l'inventaire établi par l'Huissier de Justice dans le cadre de la saisie conservatoire portant sur le coffre-fort,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- condamné M. M I au paiement d'une amende civile d'un montant de 1 500 euros auprès du Trésor Public,
- dit que la décision sera notifiée au Trésor Public,
- condamné M. M I, Mme Y X et M. H I aux dépens.
Le tribunal a condamné M. M I au paiement d'une amende civile aux motifs que l'envoi d'un courrier le 28 février 2019 dans lequel il affirme qu'il n'est pas créancier de Mme N I, sans pour autant soutenir que celle-ci a payé une éventuelle dette suite aux saisies conservatoires, démontre qu'il avait connaissance, depuis le début de la procédure, que les mesures conservatoires étaient parfaitement injustifiées.
M. M I, Mme Y X et M. H I ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour en date du 21 juin 2019.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2020, ils demandent à la cour de :
- constater que M. M I n'a pas introduit les procédures de saisie conservatoire avec mauvaise foi,
- infirmer le jugement en ce qu'il a mis à sa charge une amende civile de 1 500 euros,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Mme Y X et M. H I ne maintiennent pas leur appel en l'absence de condamnation à leur encontre au paiement d'une amende civile.
M. M I sollicite l'infirmation du jugement déféré en sa seule disposition relative à l'amende civile et indique ne pas avoir requis ces mesures conservatoires de mauvaise foi.
En réplique, par conclusions adressées par voie électronique le 4 novembre 2019, Mme N I, M. C L et M. F A demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant,
- condamner M. M I et Mme Y X au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'amende civile pour appel abusif et dilatoire,
- condamner les mêmes à leur payer la somme de 15 000 euros pour procédure abusive, celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs écritures, les intimés exposent que les appelants ont, par courrier en date du 28 février 2019, sollicité du juge de l'exécution la mainlevée de toutes les saisies conservatoires qui ont pu être prises, reconnaissant ne plus disposer d'aucune créance à l'encontre Mme N I.
Ils estiment ainsi que la décision rendue par le juge de l'exécution prenant acte de leur position ne peut être valablement contestée dans la mesure où les appelants ne disposent plus d'intérêt à agir.
Ils soulignent qu'il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats que les époux I ont fait preuve de mauvaise foi dans l'ensemble des procédures engagées depuis de nombreux mois.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
' Mme N I, M. C L et M. F A, au terme de la motivation de leurs conclusions soulèvent le défaut d'intérêt à agir de M. M I et de Mme Y X, sans reprendre cette fin de non-recevoir aux termes du dispositif de leurs écritures.
' M. M I ne poursuit la réformation du jugement déféré qu'en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une amende civile.
Sur l'amende civile
Il résulte des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
Le seul fait de pratiquer trois saisies conservatoires de comptes bancaires et du contenu d'un coffre-fort le 24 janvier 2019 et d'écrire le 28 février 2019 au juge de l'exécution, saisi par les pseudo débiteurs :
«Par la présente, nous sollicitons la main levée de toutes les saisies conservatoires qui ont pu être prises à l'encontre de Mme N I, de M. F A et de M. C L.
Nous mettons un terme à toutes les procédures engagées puisque nous reconnaissons que nous ne disposons plus d'aucune créance à l'encontre de Mme N I», alors qu'entre ces deux dates, les saisis n'ont procédé à aucun paiement entre les mains des saisissants, démontre immanquablement que ces derniers ont pratiqué ces saisies conservatoires en sachant pertinemment qu'ils n'avaient pas de créance à l'encontre des saisis.
La pratique de ces mesures était donc abusive et justifie parfaitement que ce comportement fautif soit sanctionné par le prononcé d'une amende civile.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur l'appel incident
Mme N I, M. C L et M. F A forme chacun une demande de dommages et intérêts de 15 000 euros soit 5 000 euros pour chacun d'eux pour appel abusif.
Si les mesures conservatoires étaient abusives, le fait de faire appel pour tenter de se soustraire à une amende civile prononcée en première instance relève du droit fondamental de pouvoir soumettre ses contestations à un juge, sans que l'exercice de cette voie de recours ait, en l'espèce, dégénéré en abus.
Ils seront, en conséquence, déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
Pour la même raison, l'appel interjeté n'expose pas les appelants au prononcé d'une seconde amende civile.
Sur les demandes annexes
M. M I et Mme Y X seront condamnés à payer à Mme N I, M. C L et M. F A la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils supporteront, également, les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. M I au paiement d'une amende civile.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile au titre de la procédure d'appel.
Déboute Mme N I, M. C L et M. F A de leurs demandes de dommages et intérêts.
Condamne M. M I, Mme Y X à payer à Mme N I, M. C L et M. F A la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne les mêmes à supporter les dépens exposés en appel.