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Décisions

CJUE, 10e ch., 29 juin 2023, n° C-763/21 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

TUIfly GmbH

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gratsias

Juges :

M. Ilešič, M. Jarukaitis

Avocat général :

Mme Medina

Avocats :

Me Giesberts, Me Westarp

CJUE n° C-763/21 P

28 juin 2023

1 Par son pourvoi, TUIfly GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021, TUIfly/Commission (T‑447/18, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:625), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation des articles 7 et 8 de la décision (UE) 2018/628 de la Commission, du 11 novembre 2016, concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport (JO 2018, L 107, p. 1) (ci-après la « décision litigieuse »), ainsi que des articles 9 à 11 de cette décision dans la mesure où ils se réfèrent à ces articles 7 et 8.

 Le droit de l’Union

2 La communication de la Commission, du 9 décembre 2005, intitulée « Lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux » (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2005 sur l’aviation »), contient, dans sa partie 5, intitulée « Les aides au démarrage », une section 5.2, intitulée « Critères de compatibilité ». Dans cette section, le point 79, sous f), de ces lignes directrices énonce :

« Compte tenu des objectifs précités et des difficultés importantes auxquelles peut donner lieu le lancement d’une nouvelle ligne, la Commission [européenne] pourra approuver [des aides consistant en des incitations financières au démarrage de nouvelles routes aériennes ou de nouvelles fréquences] lorsqu’elles rempliront les conditions suivantes :

[...]

f) Intensité et durée : l’aide dégressive peut être accordée pour une durée maximale de trois ans. Le montant de l’aide ne peut dépasser, chaque année, 50 % du montant des coûts éligibles de cette année et, sur la durée de l’aide, une moyenne de 30 % des coûts éligibles.

[...]

En tout état de cause, la durée pendant laquelle l’aide au démarrage est accordée à une compagnie devra rester inférieure de manière substantielle à la durée pendant laquelle celle-ci s’engage à exercer ses activités au départ de l’aéroport considéré, [...] »

3 La communication de la Commission, du 4 avril 2014, intitulée « Lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes » (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 sur l’aviation »), contient, dans sa partie 3, intitulée « Existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité », une section 3.5, intitulée « Relations financières entre les aéroports et les compagnies aériennes », laquelle contient elle-même une section 3.5.2, intitulée « Analyse ex ante de la rentabilité ». Dans cette section 3.5.2 figurent les points 61 à 66 de ces lignes directrices. Ces points 61, 63 et 66 précisent :

« 61. Actuellement, la Commission considère qu’une analyse ex ante de la rentabilité supplémentaire constitue le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des arrangements conclus par les aéroports avec des compagnies aériennes individuelles.

[...]

63. La Commission considère que les arrangements conclus entre des compagnies aériennes et un aéroport peuvent être jug[és] conformes au principe de l’opérateur en économie de marché lorsqu’ils contribuent progressivement, d’un point de vue ex ante, à la rentabilité dudit aéroport. Ce dernier doit démontrer que, lorsqu’il passe un accord avec une compagnie aérienne (contrat individuel ou régime général de redevances aéroportuaires, par exemple), il est à même de supporter la totalité des coûts générés par l’accord pendant toute la durée d’application de cet accord, en dégageant une marge bénéficiaire raisonnable [...] sur la base de perspectives satisfaisantes à moyen terme [...]

[...]

66. Lorsqu’elle procédera à l’appréciation d’accords entre aéroports et compagnies aériennes, la Commission prendra également en compte la mesure dans laquelle lesdits accords peuvent être considérés comme s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie globale des aéroports censée les amener à la rentabilité, tout au moins à long terme. »

4 La partie 5 desdites lignes directrices porte sur la compatibilité des aides au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. La section 5.1 de celles-ci précise les critères cumulatifs en vertu desquels les aides aux aéroports seront considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur conformément à cette disposition, tandis que la section 5.2 porte sur les aides au démarrage octroyées aux compagnies aériennes.

5 Le point 172 des mêmes lignes directrices précise que la Commission appliquera les principes énoncés dans celles-ci dans toutes les affaires portant sur des aides au fonctionnement, y compris celles illégales, accordées à des aéroports, même si l’aide a été octroyée avant le 4 avril 2014. Le point 174 de celles-ci indique, en revanche, que la Commission appliquera aux aides illégales au démarrage octroyées à des compagnies aériennes les règles en vigueur à la date de leur octroi et que, en conséquence, elle n’appliquera pas les principes énoncés dans les lignes directrices de 2014 sur l’aviation aux aides illégales au démarrage octroyées à des compagnies aériennes avant le 4 avril 2014.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6 Les antécédents du litige et la décision litigieuse, tels qu’ils sont présentés aux points 1 à 20 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

7 TUIfly est une entreprise fournissant des services de transport aérien. Elle a été créée au mois de janvier 2007 par la fusion de Hapag Lloyd Express GmbH (ci-après « HLX ») et de Hapag-Lloyd Flug, à la suite de laquelle elle a poursuivi les services de transport aérien antérieurement fournis par HLX. L’aéroport de Klagenfurt (Autriche) se trouve en périphérie de la ville du même nom, qui est la capitale du Land de Carinthie. Cet aéroport est exploité par Kärntner Flughafen Betriebsgesellschaft mbH (ci-après « KFBG »), ultimement détenue par des entités publiques. KFBG possède une filiale détenue à 100 %, Destinations Management GmbH (ci-après « DMG »), qui fournit différents services à l’aéroport, notamment en tant que consultant pour attirer les compagnies aériennes vers celui-ci.

8 Au mois de novembre 2002, DMG a lancé un appel d’offres pour une liaison aérienne entre Klagenfurt et une métropole européenne, à l’exception de Londres (Royaume-Uni) ainsi que de destinations situées à une distance de vol de moins de 500 kilomètres. Aucune offre n’ayant été présentée, l’appel d’offres a été retiré. Par la suite, une procédure négociée sans publication préalable a été menée, au terme de laquelle un accord de coopération a été conclu avec HLX. Cet accord a été en vigueur du 30 août 2003 au 31 mars 2008 (ci-après l’« accord de 2003 »). Par celui-ci, HLX s’engageait à ouvrir et à exploiter les lignes entre Klagenfurt et les aéroports de Cologne-Bonn (Allemagne) et de Hanovre (Allemagne). HLX s’engageait, en outre, à fournir un programme de services de commercialisation au profit de l’aéroport de Klagenfurt. Pour sa part, KFBG s’engageait à procéder à un paiement unique pour couvrir les coûts de lancement ainsi qu’à des versements mensuels pour les coûts de commercialisation.

9 Au mois de novembre 2003, DMG a lancé un nouvel appel d’offres pour l’ouverture de liaisons aériennes régulières entre Klagenfurt et des métropoles européennes, avec les mêmes exceptions que le précédent appel d’offres. Aucune offre n’ayant été présentée, l’appel d’offres a été retiré. Par la suite, une procédure négociée sans publication préalable a été menée, au terme de laquelle un accord de coopération a été conclu avec HLX. À compter du 1er mai 2004, l’offre de vols de HLX comprenait deux destinations supplémentaires, à savoir Hambourg (Allemagne) et Berlin (Allemagne).

10 À la suite de la fusion de HLX et de Hapag-Lloyd Flug, qui a donné lieu à la formation de TUIfly, KFBG a, le 10 décembre 2008, conclu un accord de suivi avec cette dernière. Cet accord est entré en vigueur le 1er avril 2008 et est venu à échéance le 31 mars 2013 (ci-après l’« accord de 2008 »). Par celui-ci, TUIfly s’engageait à exploiter, durant l’été de l’année 2008 et l’hiver des années 2008/2009, des lignes à destination de Cologne, de Hanovre, de Hambourg et de Berlin. Dans le cadre de cet accord, TUIfly devait également fournir un ensemble de services de commercialisation, en contrepartie desquels KFBG devait verser une somme annuelle et s’acquitter d’un montant unique pour l’habillage publicitaire des avions.

11 Le 22 février 2012, à la suite d’une plainte déposée par un concurrent d’une des compagnies aériennes présentes sur le marché européen du transport aérien de passagers et opérant à l’aéroport de Klagenfurt, alléguant que cette compagnie avait bénéficié d’aides d’État illégales, notamment de la part du Land de Carinthie, de la ville de Klagenfurt et de l’aéroport de Klagenfurt, par l’intermédiaire de KFBG, la Commission, après avoir transmis cette plainte à la République d’Autriche en demandant des renseignements supplémentaires, a décidé d’ouvrir une procédure d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Cette procédure a été étendue par une décision de la Commission du 23 juillet 2014. La Commission a demandé un complément d’information aux autorités autrichiennes par lettres du 15 décembre 2014 ainsi que des 13 janvier, 5 février, 19 mars et 25 septembre 2015. Les autorités autrichiennes ont répondu par lettres des 28 janvier, 12 février, 31 mars, 14 avril et 11 novembre 2015.

12 Dans la décision litigieuse, la Commission a notamment considéré, en premier lieu, que l’aide consentie à l’aéroport de Klagenfurt par le financement public de KFBG et de DMG entre l’année 2000 et l’année 2010 constituait une aide au fonctionnement illégale, mais compatible avec le marché intérieur. À cet égard, elle a, en particulier, relevé que cette aide avait contribué à la réalisation de l’objectif d’intérêt commun consistant à améliorer la desserte et le développement régional du Land de Carinthie par l’exploitation d’une infrastructure de transport et que, sans celle-ci, KFBG et DMG auraient probablement été contraintes de se retirer du marché, ce qui aurait entraîné, pour le Land de Carinthie, la perte d’une infrastructure jouant un rôle important pour son accessibilité et son développement. Elle a également constaté, d’une part, un effet d’incitation, étant donné que, sans l’aide, cet aéroport aurait enregistré des pertes importantes la plupart des années concernées et, d’autre part, que le montant de cette aide était limité au minimum nécessaire.

13 En second lieu, la Commission a notamment considéré que l’accord de 2003 et l’accord de 2008 (ci-après, ensemble, les « accords litigieux ») contenaient des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur. En particulier, elle a considéré que l’approche préconisée en général dans les lignes directrices de 2014 sur l’aviation aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché aux relations entre les aéroports et les compagnies aériennes, à savoir l’analyse ex ante de la rentabilité marginale, devait être appliquée en l’espèce. Dans la mesure où, selon cette analyse, le résultat attendu pour les accords litigieux était négatif, la Commission a conclu que KFBG ne s’était pas comportée en investisseur privé en économie de marché lors de la signature de ces accords et qu’elle avait, par sa décision de les conclure aux conditions qu’ils prévoyaient, octroyé un avantage économique à HLX et à TUIfly.

14 S’agissant de la compatibilité de l’accord de 2003 avec le marché intérieur, la Commission l’a appréciée directement sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Elle a considéré que l’aide n’était pas compatible avec le marché intérieur au motif que celle-ci ne remplissait pas la condition selon laquelle l’aide doit être limitée dans le temps et concerner une liaison susceptible de devenir rentable.

15 S’agissant de la compatibilité de l’accord de 2008 avec le marché intérieur, la Commission l’a appréciée au regard des lignes directrices de 2005 sur l’aviation. Ayant relevé que cet accord ne prévoyait aucune connexion entre l’aide octroyée et les coûts éligibles et que ni la République d’Autriche, après une demande en ce sens, ni les tiers qui avaient présenté des observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen n’avaient communiqué d’information à cet égard, la Commission a conclu que la condition de compatibilité prévue au point 79, sous f), des lignes directrices de 2005 sur l’aviation n’était pas remplie.

16 Aux articles 7 et 8 de la décision litigieuse, la Commission a constaté que les montants des aides d’État illégales et incompatibles accordées à HLX et à TUIfly par la République d’Autriche s’élevaient à, respectivement, 9 566 963 euros et 1 134 091 euros. Les articles 9 à 11 de celle-ci imposent la récupération de ces aides auprès de leurs bénéficiaires.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2018, TUIfly a introduit un recours tendant à l’annulation des articles 7 et 8 de la décision litigieuse ainsi que des articles 9 à 11 de celle-ci dans la mesure où ils se réfèrent à ces articles 7 et 8. Au soutien de ce recours, TUIfly avait invoqué sept moyens. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens comme étant non fondés, ainsi que, par conséquent, le recours dans son intégralité, et a condamné TUIfly aux dépens.

 Les conclusions des parties devant la Cour

18 TUIfly demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler les articles 7 et 8 de la décision litigieuse ainsi que les articles 9 à 11 de celle-ci dans la mesure où ils se réfèrent à ces articles 7 et 8, et

– de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

19 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner TUIfly aux dépens.

 Sur le pourvoi

20 À l’appui de son pourvoi, TUIfly soulève deux moyens. Le premier, qui comporte cinq branches, est tiré de violations de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui auraient conduit le Tribunal à ne pas écarter, à tort, l’existence d’un avantage, au sens de cette disposition. Le second, qui comporte trois branches, est tiré d’interprétations erronées, car trop restrictives, de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui auraient conduit le Tribunal à écarter, à tort, la justification des mesures d’aide en cause au titre de cette disposition.

 Sur le premier moyen

 Sur la première branche, prise d’une méconnaissance de la dimension objective de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

– Argumentation des parties

21 Par la première branche de son premier moyen, TUIfly soutient que, à l’instar de la Commission dans la décision litigieuse, le Tribunal a considéré que le fait que les entités publiques autrichiennes n’avaient, avant la conclusion des accords litigieux, pas élaboré de plan d’affaires ou de document similaire constituait un indice important pour établir que le critère de l’investisseur privé en économie de marché n’était pas satisfait. Or, cette absence de document traduirait une intention subjective de ces autorités. De plus, le Tribunal aurait ignoré le fait que la rentabilité de ces accords avait été évaluée par référence aux estimations subjectives retenues par la République d’Autriche, ou, à tout le moins, il se serait rallié à cette approche au point 116 de l’arrêt attaqué. Ce faisant, le Tribunal aurait, au moins en partie, interprété la notion d’« avantage », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au regard des intentions subjectives de l’État membre concerné, commettant ainsi une erreur de droit. En effet, la notion d’« aide d’État » présenterait un caractère strictement objectif et son interprétation ne pourrait pas dépendre de la perception d’un État membre.

22 La Commission soutient que cette première branche du premier moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

23 Au point 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, constaté que, pour conclure que KFBG ne s’était pas comportée comme un investisseur privé en économie de marché et que, par suite, les accords litigieux conféraient un avantage à TUIfly, la Commission ne s’était pas uniquement fondée sur l’absence de plan d’affaires ou d’analyse de rentabilité au moment de l’adoption des accords litigieux, mais qu’elle avait analysé et corrigé les informations qui avaient été mises à sa disposition par la République d’Autriche.

24 Au soutien de cette constatation, le Tribunal a relevé, au point 114 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait de la décision litigieuse, qui, à cet égard, n’était pas contestée par TUIfly, que la Commission avait demandé à cet État membre, dans le cadre de la procédure administrative, d’effectuer une reconstitution de l’analyse de rentabilité qu’un tel investisseur aurait menée avant la signature de chacun des accords litigieux. Au même point, le Tribunal a, de plus, relevé qu’il ressortait de la décision litigieuse que ledit État membre avait élaboré un aperçu des coûts et des recettes marginaux qui pouvaient être attendus au moment de la conclusion de ces accords, en concluant à un résultat actualisé positif, mais que la Commission était parvenue à une autre conclusion, aboutissant à un résultat actualisé de l’analyse des coûts‑bénéfices qui était négatif.

25 Au point 115 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que, pour arriver à cette conclusion, la Commission avait estimé que, contrairement à ce qui avait été retenu par le même État membre, un investisseur privé en économie de marché aurait dû prendre comme référence les recettes non aéronautiques moyennes de la période précédant immédiatement l’entrée en vigueur des accords litigieux. En outre, il y a relevé que la Commission n’avait pas considéré l’aide au fonctionnement que KFBG recevait annuellement du Land de Carinthie comme étant une recette incrémentale et que cette institution avait, de plus, corrigé les montants des versements pour les services de commercialisation, afin de les faire correspondre aux valeurs exactes mentionnées dans ces accords.

26 Il ressort de ces éléments que, d’une part, si le Tribunal n’a effectivement pas exclu que l’absence de plan d’affaires ou de calcul de rentabilité pouvait être prise en considération par la Commission afin de conclure que le critère de l’investisseur privé en économie de marché n’était pas satisfait, ce qui est, d’ailleurs, conforme à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 113), il a toutefois, en substance, constaté que cette circonstance n’avait en l’espèce, pour la Commission, pas joué de rôle déterminant pour soutenir sa conclusion selon laquelle ce critère n’était pas respecté , dès lors que ladite circonstance n’avait pas servi de fondement unique à cette conclusion.

27 D’autre part et surtout, il en ressort que le Tribunal a constaté, sans que cela soit remis en cause au stade du pourvoi, que la Commission ne s’était pas contentée de la reconstitution de l’analyse de rentabilité qui lui avait été présentée par la République d’Autriche pour chacun des accords litigieux, mais qu’elle avait modifié cette dernière, en retenant une référence différente pour la détermination des recettes estimées, en excluant que l’aide au fonctionnement reçue par KFBG soit qualifiée de « recette incrémentale » et en corrigeant les montants des versements pour les services de commercialisation afin de les faire correspondre aux valeurs indiquées dans les accords litigieux.

28 Ainsi, il ne saurait, en tout état de cause, être déduit de ces points de l’arrêt attaqué que le Tribunal, en violation de la jurisprudence selon laquelle la notion d’« avantage », inhérente à la qualification d’« aide d’État » d’une mesure, revêt un caractère objectif (arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 17, ainsi que du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 122), aurait omis de censurer la Commission pour avoir conclu, sur la base de ces éléments, que les accords litigieux conféraient un avantage à la requérante. En effet, il ressort des motifs contestés de l’arrêt attaqué que cette conclusion de la Commission n’était pas fondée sur les éléments identifiés par TUIfly au point 21 du présent arrêt.

29 La première branche du premier moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une absence de prise en considération de la rentabilité globale des actions de commercialisation prévues

– Argumentation des parties

30 Par la deuxième branche de son premier moyen, TUIfly fait valoir que l’application incorrecte, par le Tribunal, du critère de l’investisseur privé en économie de marché, telle qu’exposée dans la première branche du présent moyen, a conduit cette juridiction à ne pas prendre en compte de manière adéquate la rentabilité à long terme des actions de commercialisation prévues par les accords litigieux, alors pourtant qu’il ressort de la jurisprudence que les perspectives de rentabilité à long terme sont pertinentes dans le cadre de l’application de ce critère.

31 À cet égard, TUIfly fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal a motivé l’absence de prise en compte de ces perspectives par la constatation selon laquelle, avant la conclusion des accords litigieux, aucun plan d’affaires ou autre document similaire n’avait été établi. Or, comme cela aurait été démontré dans le cadre de la première branche du présent moyen, en statuant ainsi, le Tribunal aurait méconnu la dimension objective de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

32 En deuxième lieu, le Tribunal ne saurait avoir valablement justifié sa position par l’invocation, au point 96 de l’arrêt attaqué, des « spécificités du secteur des compagnies aériennes à bas coûts », à savoir « un mode de gestion très dynamique », qui excluraient la prise en considération, par un opérateur en économie de marché, de telles perspectives de rentabilité. Indépendamment du secteur d’activité concerné, un opérateur économique privé devrait, à tout moment, réagir aux conditions de marché. De plus, compte tenu des informations dont aurait disposé un tel opérateur au moment de la conclusion des accords litigieux, à savoir les années 2003 et 2008, il n’aurait, à cette époque, eu aucune raison de douter de la continuité de la croissance à long terme de ce secteur. Ni le Tribunal ni la Commission n’auraient fourni de motivation à l’appui de leur position et les termes généraux utilisés, traduisant une référence erronée aux critères actuels, feraient apparaître qu’ils ne se sont pas placés à la date pertinente pour effectuer l’analyse de la rentabilité prévisible de ces accords.

33 En outre, l’examen du cas d’espèce montrerait que les perspectives de rentabilité à long terme auraient dû être prises en compte, les versements effectués par l’investisseur public ayant poursuivi des objectifs de valorisation à long terme du Land de Carinthie, les aéroports régionaux remplissant des fonctions liées à la politique des transports, à l’aménagement du territoire ou au développement local, ce que le Tribunal aurait pourtant ignoré. À cet égard, il serait impossible de comprendre en quoi la décision (UE) 2018/10 de la Commission, du 20 février 2014, concernant l’affaire SA.18855 (C 5/08) (ex NN 58/07) – Danemark – Accord de 1999 conclu entre la société aéroportuaire d’Aarhus et Ryanair (JO 2018, L 3, p. 9), dont TUIfly s’est prévalue en première instance et dont il ressortirait que, dans l’évaluation des accords entre les aéroports et les compagnies aériennes, il convient de déterminer si l’accord est susceptible de faire partie de la stratégie globale de l’aéroport visant à augmenter la rentabilité à long terme, serait « sortie de son contexte », comme le Tribunal l’aurait indiqué aux points 103 et 104 de l’arrêt attaqué.

34 En troisième lieu, contrairement à ce qui ressortirait des points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, l’accord de 2008 aurait bien été une reconduction de l’accord de 2003 et aurait donc bien plaidé en faveur d’une prise en compte de la rentabilité à long terme de ceux-ci. Les modifications intervenues entre ces deux accords, énumérées par le Tribunal, seraient exactes, mais il en tirerait à tort la conclusion que l’accord de 2008 ne pouvait pas être considéré comme étant une reconduction de l’accord de 2003. À cet égard, le Tribunal n’aurait pas motivé la raison pour laquelle la notion de « reconduction » requerrait une totale identité des conditions prévues par ceux-ci.

35 La Commission fait valoir que cette deuxième branche est en partie irrecevable et en partie non fondée.

– Appréciation de la Cour

36 En premier lieu, il convient de relever que, certes, au point 95 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, au moment où chacun des deux contrats en cause avait été conclu, les autorités autrichiennes n’avaient pas élaboré un aperçu des coûts et des recettes marginaux qui pouvaient être attendus et il en a déduit que, dans ce contexte, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’un investisseur privé en économie de marché aurait évalué la rentabilité de ces contrats eu égard aux coûts et aux recettes escomptés pour leur durée d’application.

37 Toutefois, ce constat est manifestement celui d’un élément objectif, découlant de l’état des faits aux moments pertinents, dont la réalité n’est, en outre, pas contestée. Par suite, la prise en compte dudit constat, par la Commission, puis par le Tribunal, pour déterminer sur quelle durée un investisseur privé en économie de marché aurait évalué la rentabilité escomptée des accords litigieux au moment de leur conclusion, ne saurait être considérée comme entraînant une méconnaissance, par le Tribunal, du fait que, comme la Cour l’a itérativement jugé, la notion d’« aide d’État », au sens du traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 87 ainsi que jurisprudence citée). Au demeurant, ainsi que cela a déjà été indiqué au point 26 du présent arrêt, l’absence d’évaluation préalable peut constituer un élément pertinent dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 113).

38 Il ne saurait pas davantage être considéré que la non-élaboration d’un tel aperçu traduirait une intention subjective de la République d’Autriche, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 du présent arrêt, cette jurisprudence visant les motivations des auteurs de mesures d’aides telles qu’elles résultent des objectifs poursuivis par les mesures en cause et de leur justification (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 17, ainsi que du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 122).

39 L’argumentation exposée au point 31 du présent arrêt doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.

40 En deuxième lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 71 ainsi que jurisprudence citée).

41 En revanche, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié des faits, la Cour est compétente pour exercer son contrôle, dès lors que le Tribunal a qualifié leur nature juridique et en a fait découler des conséquences en droit. Le pouvoir de contrôle de la Cour s’étend, notamment, à la question de savoir si le Tribunal a appliqué des critères juridiques corrects lors de son appréciation des faits (arrêt du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 72 ainsi que jurisprudence citée).

42 Il convient également de rappeler que des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’un arrêt du Tribunal doivent être rejetés d’emblée comme étant inopérants, puisqu’ils ne sauraient en tant que tels entraîner l’annulation de l’arrêt sous pourvoi (arrêts du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 41, et du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 32).

43 En l’espèce, les points contestés par l’argumentation exposée aux points 32 et 33 du présent arrêt se trouvent dans la partie de l’arrêt attaqué consacrée à l’analyse d’un grief avancé par TUIfly dans le cadre de son troisième moyen de première instance, grief par lequel elle faisait valoir, en substance, ainsi que cela ressort du point 90 dudit arrêt, que la Commission aurait dû prendre en compte, lors de l’appréciation de la rentabilité des accords litigieux, des éléments afférents aux avantages des services de commercialisation en cause qui allaient au‑delà des durées respectives des liaisons aériennes convenues et qui renforceraient la visibilité et la fréquentation de l’aéroport de Klagenfurt.

44 Or, à l’égard de ce grief, dont il est précisé, à ce point 90, qu’il ne saurait prospérer, le Tribunal a constaté, « en premier lieu », au point 91 de l’arrêt attaqué, que TUIfly n’avait pas présenté, au cours de la procédure administrative, d’éléments de preuve démontrant, de manière chiffrée, la façon dont la consolidation de la notoriété de l’aéroport de Klagenfurt en tant que destination de voyage et le renforcement de son image généreraient des recettes futures. Il a ajouté qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation des éléments qui auraient pu lui être soumis, et que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union européenne en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée.

45 Ce n’est que « en second lieu et en tout état de cause » que, aux points 92 à 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à l’appréciation du point de savoir si la Commission aurait dû prendre en compte, dans le cadre de son analyse ex ante de la rentabilité marginale des accords litigieux, des éléments qui dépassaient le cadre temporel de ceux-ci.

46 Il ne saurait, toutefois, être déduit de la seconde partie de cette incise que l’ensemble des motifs figurant à ces points 92 à 106 a été développé par le Tribunal à titre surabondant. En effet, comme le Tribunal l’a également indiqué à ce point 92, il a, auxdits points de l’arrêt attaqué, procédé à l’analyse du grief avancé devant lui dans la mesure où, par celui-ci, TUIfly soutenait, en substance, que la Commission aurait dû prendre en compte des éléments de nature à démontrer la rentabilité des accords litigieux, même si ces éléments ne devaient se réaliser qu’au‑delà de la durée d’application de ceux-ci.

47 Cette question ne se confond toutefois pas entièrement avec celle de savoir si TUIfly avait, au cours de la procédure administrative, fourni certains éléments de preuve chiffrés à la Commission démontrant la façon dont la consolidation de la notoriété de l’aéroport de Klagenfurt en tant que destination de voyage et le renforcement de son image généreraient des recettes futures. En effet, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » au moment où elle a arrêté la décision litigieuse, visés par le Tribunal au point 91 de l’arrêt attaqué, incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation globale, prenant en compte tout élément pertinent de l’espèce permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un investisseur privé, que la Commission doit effectuer lors de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 59 et 71, ainsi que du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, points 110 et 118).

48 Par conséquent, le seul fait, relevé par le Tribunal à ce point 91, que TUIfly n’avait pas produit, au cours de la procédure administrative, des données chiffrées telles que celles visées audit point 91 ne suffisait pas à écarter le grief qui lui était soumis, lequel, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, visait plus largement à vérifier si la Commission avait, en l’espèce, été tenue de prendre en compte, dans le cadre de son analyse de la rentabilité prévisible des accords litigieux, des bénéfices qui auraient pu découler de ces accords, au profit de l’aéroport de Klagenfurt, et donc de KFBG, au-delà de la durée de leur application.

49 L’argumentation exposée aux points 32 et 33 du présent arrêt ne saurait donc être écartée d’emblée comme étant inopérante et il convient, par suite, de procéder à son appréciation. À cet égard, comme l’a fait valoir TUIfly, le Tribunal a, au point 96 de l’arrêt attaqué, indiqué que, certes, un investisseur privé en économie de marché normalement prudent et diligent peut être disposé à prendre un risque commercial en concluant un accord qui est déficitaire pendant toute la durée prévue, dans la perspective réelle de reconduire l’accord et, partant, de bénéfices futurs compensant ces pertes, et que ce comportement visant la rentabilité à long terme peut répondre à une rationalité économique.

50 Le Tribunal a ajouté que, toutefois, il découlait du point 95 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est exposé au point 36 du présent arrêt, que la Commission avait pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer qu’un investisseur privé en économie de marché normalement prudent et diligent n’aurait, dans le cas d’espèce, pas escompté le renouvellement de chaque accord en tant que tel à son terme. Il a également ajouté, au même point 96, que, comme la Commission l’avait relevé dans la décision litigieuse, un tel investisseur aurait été conscient qu’il était de la nature même des compagnies aériennes à bas coûts, à l’instar de TUIfly, d’opter pour un mode de gestion très dynamique des ouvertures et des fermetures de lignes en fonction des conditions de marché.

51 Par l’argumentation exposée au point 32 du présent arrêt, TUIfly conteste, premièrement, que le « mode de gestion dynamique » est spécifique au secteur de l’aviation à bas coûts. Elle entend ainsi qu’un tel mode de gestion ne saurait avoir valablement été pris en compte par la Commission, puis par le Tribunal, pour justifier une analyse de la rentabilité des accords litigieux se limitant à apprécier celle-ci sur la durée de leurs applications respectives. Or, TUIfly met ainsi en cause non pas des appréciations ou des qualifications de nature juridique effectuées par le Tribunal, mais une appréciation purement factuelle, sans prétendre que les faits en cause auraient été dénaturés. Cette partie de l’argumentation est, par conséquent, irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt.

52 Deuxièmement, en tant que, par cette argumentation, TUIfly fait valoir que, à l’époque de la conclusion des accords litigieux, un investisseur privé en économie de marché n’aurait pas eu de raison de douter de la continuité de la croissance à long terme de ce secteur, il suffit de relever que cette affirmation vise à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits, de sorte qu’elle doit également être écartée comme étant irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt.

53 Troisièmement, en tant que, par ladite argumentation, TUIfly fait valoir, d’une part, que la Commission a insuffisamment motivé la décision litigieuse à l’égard de ces éléments factuels, il suffit de rappeler que les arguments d’un pourvoi qui critiquent non pas l’arrêt rendu par le Tribunal à la suite d’une demande d’annulation d’une décision, mais la décision dont l’annulation a été demandée devant le Tribunal ne sont pas recevables (arrêt du 17 décembre 2020, Inpost Paczkomaty/Commission, C‑431/19 P et C‑432/19 P, EU:C:2020:1051, point 108).

54 D’autre part, en tant qu’elle fait valoir que le Tribunal n’a pas motivé sa propre position à l’égard de ces éléments, il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Toutefois, cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et cette motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 189, ainsi que du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 113).

55 Ladite obligation de motivation constitue, par ailleurs, une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, cette question relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs ne sont pas étayés ou sont entachés d’erreurs, de tels vices entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci (arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37, ainsi que du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 64 et jurisprudence citée).

56 Or, ainsi qu’il ressort du point 32 du présent arrêt, lorsque TUIfly soutient que le Tribunal a insuffisamment motivé ses appréciations relatives auxdits éléments factuels, elle lui fait plus précisément grief d’avoir fait état de « termes généraux [...] traduisant une référence erronée aux critères actuels ». Par cette argumentation, TUIfly ne fait donc, en réalité, pas valoir une absence de motivation de l’arrêt attaqué, mais conteste les motifs mêmes sur lesquels celui-ci repose. La violation alléguée, par le Tribunal, de son obligation de motivation n’est donc pas établie. Par ailleurs, dans la mesure où TUIfly conteste le bien-fondé de ce qu’a jugé le Tribunal, il suffit de relever que cette argumentation ne se distingue pas, en substance, de l’argumentation déjà écartée aux points 51 et 52 du présent arrêt et doit donc également être écartée, pour les mêmes motifs que ceux exposés à ces points.

57 Quatrièmement, au point 102 de l’arrêt attaqué, que TUIfly ne conteste pas, le Tribunal a relevé que, selon sa propre jurisprudence citée à ce point, la qualification d’une mesure d’« aide d’État » ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de cette institution, à la supposer établie. Il en a déduit que TUIfly ne saurait se prévaloir d’une supposée pratique décisionnelle antérieure de la Commission pour mettre en cause la légalité de la décision litigieuse. C’est ensuite « en tout état de cause » que, aux points 103 et 104 de cet arrêt, il a considéré que les références effectuées par cette société à certaines décisions antérieures de la Commission ne parvenaient pas à étayer sa position.

58 Or, il suffit de relever, sans même avoir à se prononcer sur le caractère opérant de l’argumentation exposée au point 33 du présent arrêt, que, au point 104 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, dans la décision 2018/10 invoquée par TUIfly, ce n’est qu’après avoir constaté, dans un premier temps, que l’accord en cause dans cette décision était marginalement rentable que la Commission avait vérifié, dans un second temps, que cet accord s’inscrivait à long terme dans une stratégie de rentabilité. Compte tenu de ce constat, que TUIfly ne conteste pas davantage, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu, à ce point 104, qu’il n’existait pas de contradiction entre ladite décision et la décision litigieuse, l’examen de la rentabilité marginale des accords litigieux, effectué par la Commission, ayant donné lieu à un résultat négatif. En outre, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, le Tribunal a, par ledit constat, motivé à suffisance de droit sa conclusion, figurant au point 103 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les références faites à la décision 2018/10 par TUIfly étaient « sorties de leur contexte ».

59 L’argumentation exposée aux points 32 et 33 du présent arrêt doit, par conséquent, être écartée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

60 En troisième lieu, en ce que TUIfly reproche au Tribunal d’avoir, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, erronément considéré que l’accord de 2008 n’était pas une reconduction de l’accord de 2003, il suffit de constater que, à ces points ainsi qu’au point 98 de cet arrêt, le Tribunal a relevé plusieurs différences existant entre ces accords en termes d’engagements d’exploitation de vols, ainsi que le fait que celui de 2008 prévoyait, à la différence de celui de 2003, un volume minimal de passagers. Le Tribunal a, en outre, au point 99 de l’arrêt attaqué, non contesté par le présent pourvoi, relevé que des différences, détaillées à ce point, existaient entre ces accords en ce qui concerne les services de commercialisation. Ainsi qu’il ressort des points 97 à 99 de l’arrêt attaqué, c’est sur la base de l’ensemble de ces éléments que le Tribunal a constaté que l’accord de 2008 ne constituait pas une simple reconduction des termes de celui de 2003.

61 Il ressort de ce qui précède que, aux points 96 et 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a non pas qualifié la nature juridique de certains faits, mais a procédé à une appréciation des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis. Partant, l’argumentation visant à contester cette appréciation, exposée au point 34 du présent arrêt, doit être écartée comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 40 de ce dernier, aucune dénaturation n’étant invoquée.

62 Par ailleurs, en ce que TUIfly reproche au Tribunal de ne pas avoir motivé sa position quant au fait que l’accord de 2008 ne pouvait pas être considéré comme étant une simple reconduction de l’accord de 2003, il suffit de constater qu’il découle de ces points 97 à 99 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, motivé sa position à cet égard à suffisance de droit, de sorte que cet argument doit être écarté comme étant non fondé. En outre, il découle desdits points que, contrairement à ce que TUIfly soutient, le Tribunal n’a aucunement exigé que, pour que l’accord de 2008 pût être considéré comme étant une reconduction de l’accord de 2003, il eût fallu que des conditions d’application totalement identiques aient été stipulées. Par suite, cet argument, reposant sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, doit être écarté comme étant non fondé.

63 Par conséquent, ce troisième volet de l’argumentation doit être écarté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé, ainsi que, par conséquent, la deuxième branche du premier moyen de pourvoi.

 Sur la troisième branche, prise d’une application injustifiée des lignes directrices de 2014 sur l’aviation

– Argumentation des parties

64 Par la troisième branche de son premier moyen, TUIfly fait valoir que les lignes directrices de 2014 sur l’aviation, invoquées par la Commission et le Tribunal au point 122 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec les points 82 à 87 de celui-ci, afin de motiver le refus de prendre en considération, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, les perspectives de rentabilité à long terme des accords litigieux, n’auraient pas dû être prises en compte et appliquées en l’espèce. Le moment pertinent pour examiner si ce critère est satisfait serait celui auquel les mesures étatiques concernées ont été adoptées, à savoir les années 2003 et 2008. Ces lignes directrices, adoptées au cours de l’année 2014, n’auraient donc pas pu être appliquées de manière rétroactive. Leur point 174 exclurait d’ailleurs leur application aux aides accordées avant le 4 avril 2014.

65 De plus, certes, au point 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal exposerait la raison pour laquelle, selon lui, l’analyse ex ante de la rentabilité marginale constitue un critère admissible au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché, et cela indépendamment d’une application desdites lignes directrices. Cela ne justifierait cependant pas l’omission de prendre en compte les perspectives de rentabilité à long terme. Or, pour ce qui est précisément de la justification de cette omission, la Commission se serait exclusivement et explicitement appuyée sur les seules règles énoncées dans les mêmes lignes directrices, sans que le Tribunal relève cette contradiction, ce dernier ayant au contraire fait sienne l’argumentation de la Commission développée sous le couvert de celles-ci.

66 Leur application à des évènements ayant eu lieu au cours des années 2003 et 2008 serait, de surcroît, entachée d’une erreur matérielle, le secteur des aéroports ayant connu au cours des dernières décennies une évolution économique considérable, comme la Commission l’aurait constaté dans sa décision 2013/693/UE, du 3 octobre 2012, concernant l’aide d’État SA.23600 – C 38/08 (ex NN 53/07) – Allemagne – Financement du terminal no 2 de l’aéroport de Munich (JO 2013, L 319, p. 8).

67 La Commission fait valoir que la présente branche est en partie non fondée et en partie inopérante.

– Appréciation de la Cour

68 Au point 122 de l’arrêt attaqué, qui visait à répondre, ainsi qu’il ressort du point 111 de cet arrêt, à l’argumentation de TUIfly selon laquelle, s’agissant de l’appréciation de la stratégie globale de l’aéroport de Klagenfurt, la Commission s’était fondée, de manière contradictoire et sans offrir de motivation suffisante, uniquement et ponctuellement sur la rentabilité des mesures individuelles, en appliquant les lignes directrices de 2014 sur l’aviation, et non sur la rentabilité globale, le Tribunal a, en tant que cet argument était relatif à la non-applicabilité des lignes directrices de 2014 sur l’aviation, renvoyé à l’analyse effectuée aux points 82 à 87 de l’arrêt attaqué.

69 À ce point 82, le Tribunal a relevé que, compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 78 à 80 de cet arrêt, une seule question se posait dans le cadre du moyen qui était soumis à son appréciation, lequel était, ainsi qu’il ressort du point 74 dudit arrêt, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission aurait outrepassé sa marge d’appréciation lors de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, en appliquant « les critères sévères énoncés dans les lignes directrices de 2014 [sur l’aviation] », pourtant postérieures à la conclusion des accords litigieux. Le Tribunal a identifié cette question comme n’étant pas celle de savoir si la Commission avait correctement opté pour l’application de ces lignes directrices au lieu d’autres lignes directrices prétendument « moins sévères », mais celle de savoir si la méthode retenue par la Commission lors de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché était appropriée au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il a notamment souligné, à cet égard, que le choix d’une méthode à l’aune de laquelle l’application de ce critère doit être appréciée est indépendant de la question de l’applicabilité des lignes directrices de 2014 sur l’aviation ou des lignes directrices précédentes.

70 Ainsi qu’il ressort d’une lecture conjointe des points 81 et 82 du même arrêt, le Tribunal a, ce faisant, expliqué la conclusion qu’il avait retenue au point 81 de l’arrêt attaqué, où il avait indiqué que l’argument de TUIfly selon lequel la Commission avait erronément appliqué les lignes directrices de 2014 sur l’aviation était inopérant.

71 Par ailleurs, le Tribunal a, au point 84 de l’arrêt attaqué, constaté qu’il ressortait des considérants 264 à 275 de la décision litigieuse que la référence que la Commission y avait effectuée aux lignes directrices de 2014 sur l’aviation ne constituait pas une décision procédurale privilégiant l’application d’une méthode d’appréciation du critère de l’investisseur privé en économie de marché au détriment d’une méthode qui serait énoncée dans des lignes directrices préalablement adoptées, mais que la Commission s’était référée à celles-ci pour relater les raisons pour lesquelles l’analyse ex ante de la rentabilité marginale constituait la méthode la plus pertinente dans la présente affaire aux fins de l’application de ce critère. Il en a conclu, au point 85 de cet arrêt, qu’il convenait en tout état de cause de rejeter comme étant non fondé le grief invoqué par TUIfly qui était tiré d’une erreur de procédure résultant de l’application des lignes directrices de 2014 sur l’aviation.

72 S’agissant précisément de l’application de la méthode d’examen de la rentabilité ex ante effectuée par la Commission, le Tribunal a considéré, aux points 86 à 106 de l’arrêt attaqué, que c’était sans commettre d’erreur et conformément à son devoir de motivation que cette institution avait exposé, dans la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles elle avait opté en l’espèce pour l’application de cette méthode et que, dans le cadre de cette application, elle avait à juste titre limité son examen à l’horizon temporel de la durée des accords litigieux.

73 Plus particulièrement, il a exposé, au point 87 de cet arrêt, que la Commission avait opté pour l’analyse de la rentabilité marginale, s’appuyant sur des informations qui étaient disponibles à la date de l’octroi des mesures en cause et des évolutions qui étaient prévisibles à cette date, et s’était écartée de l’analyse comparative, dès lors qu’elle avait douté que, au moment où la décision litigieuse a été adoptée, il était possible de définir un point de référence approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires, et qu’elle avait tenu compte, notamment, des considérations liées à la divergence des coûts et des recettes entre les aéroports, du fait que les pratiques commerciales entre les aéroports et les compagnies aériennes ne reposent pas toujours sur un barème de redevances publié, et de la circonstance que, au cours de la procédure pendante devant elle, ni la République d’Autriche ni aucun tiers intéressé n’avait proposé un échantillon d’aéroports suffisamment comparables à l’aéroport de Klagenfurt.

74 Quant à l’argumentation que TUIfly opposait au choix de cette méthode, tirée du fait qu’elle méconnaîtrait les particularités du secteur aérien du début des années 2000, le Tribunal a relevé, au point 89 de l’arrêt attaqué, que cette argumentation concernait l’application concrète de la méthode retenue par la Commission au cas d’espèce, et il l’a écartée au terme d’une analyse effectuée aux points 90 à 107 de cet arrêt, qui ont fait l’objet de la deuxième branche du présent moyen de pourvoi.

75 Or, premièrement, dès lors que la Commission est tenue d’examiner les mesures en cause dans le cadre des compétences que lui attribue l’article 107 TFUE, le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, considérer que la question déterminante en l’espèce était non pas de savoir si la Commission avait, à tort, appliqué les lignes directrices de 2014 sur l’aviation afin d’apprécier si, en l’espèce, le critère de l’investisseur privé en économie de marché était satisfait, mais seulement de savoir si la méthode choisie par la Commission pour l’application de ce critère était appropriée au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, point 39). Par suite, il était fondé à écarter comme étant inopérant l’argument de TUIfly selon lequel la Commission avait erronément appliqué les lignes directrices de 2014 sur l’aviation.

76 Deuxièmement, et à cet égard, il convient de rappeler que l’examen qu’il appartient à la Commission d’effectuer, lors de l’application du critère de l’opérateur privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe dans le cadre de laquelle cette institution dispose d’une large marge d’appréciation (arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 34 et jurisprudence citée) et, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission, celui-ci devant toutefois, notamment, vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, et contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 117 ainsi que jurisprudence citée).

77 La légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée, qui incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 47 du présent arrêt et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 118 ainsi que jurisprudence citée).

78 Aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un opérateur privé normalement prudent et diligent, il convient de se référer à un tel opérateur se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État concerné (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, points 109 et 112 ainsi que jurisprudence citée).

79 C’est dans ce cadre qu’il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent de l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé (arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 110 ainsi que jurisprudence citée) et au regard de ces éléments qu’il appartient au Tribunal d’effectuer son contrôle.

80 Par la présente branche, TUIfly ne conteste toutefois pas l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 86 et 87 de l’arrêt attaqué, par laquelle il a, en substance, constaté que, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le choix de la Commission de retenir, en l’espèce, aux fins de l’application de ce critère, la méthode consistant à procéder à une analyse ex ante de la rentabilité des accords litigieux, telle qu’elle aurait été escomptée par un investisseur privé au moment de la conclusion de chacun des accords litigieux, était approprié. En effet, ainsi qu’il ressort des points 64 à 66 du présent arrêt, TUIfly se limite, en substance, à soutenir que les lignes directrices de 2014 sur l’aviation n’auraient pas dû être appliquées afin de déterminer si les accords litigieux contenaient une aide, que, indépendamment de leur application, les perspectives de rentabilité à long terme des accords litigieux auraient dû être prises en compte à ces fins et que leur application à des faits antérieurs à leur adoption est entachée d’une erreur matérielle.

81 Troisièmement, dans la mesure où il peut être compris que TUIfly fait valoir que, nonobstant la non-application des lignes directrices de 2014 sur l’aviation, le Tribunal aurait dû censurer la Commission pour ne pas avoir pris en compte, lors de son application dudit critère, les perspectives de rentabilité à long terme des accords litigieux, il y a lieu de constater qu’elle formule ainsi, en substance, le même grief que celui déjà formulé par la deuxième branche de son premier moyen de pourvoi, dont il a déjà été établi qu’elle ne peut pas être accueillie.

82 Quatrièmement, dans la mesure où TUIfly reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission se serait contredite, dans la décision litigieuse, en justifiant la non-prise en compte des perspectives de rentabilité à long terme des accords litigieux par un renvoi aux lignes directrices de 2014 sur l’aviation, tout en indiquant qu’elle ne les aurait citées qu’en tant qu’illustration de principes généraux déjà établis au moment de la conclusion des accords litigieux, TUIfly implique que le Tribunal aurait omis de censurer une violation, par la Commission, de son obligation de motivation et aurait lui-même violé l’obligation de motivation qui lui incombe. Cependant, dès lors que le Tribunal avait constaté que l’argumentation de TUIfly tirée de l’application erronée des lignes directrices de 2014 sur l’aviation était inopérante et que, par ailleurs, la Commission n’avait pas outrepassé sa marge d’appréciation en retenant en l’espèce, au regard de l’ensemble des éléments pertinents, comme méthode d’analyse aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, celle de l’analyse ex ante de la rentabilité marginale, il ne pouvait nécessairement constater aucune contradiction dans la décision litigieuse. Par suite, la Cour ne saurait pas davantage constater de contradiction dans les motifs du Tribunal.

83 Cinquièmement, en tant que TUIfly fait valoir que l’application de ces lignes directrices en l’espèce est entachée d’une erreur matérielle, il suffit de constater que cette argumentation repose sur la prémisse selon laquelle c’est en raison de l’application des lignes directrices de 2014 sur l’aviation que, lors de l’application du critère de l’investisseur privé, la Commission n’a pas pris en compte d’éventuelles perspectives de rentabilité des accords litigieux allant au-delà de la durée d’application de ceux-ci. Or, il résulte de l’analyse qui précède que cette prémisse est erronée.

84 Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être écartée comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche, prise d’une application incorrecte des lignes directrices de 2014 sur l’aviation

– Argumentation des parties

85 Par la quatrième branche de son premier moyen, TUIfly fait valoir que le Tribunal a interprété l’article 107, paragraphe 1, TFUE de manière erronée, en se ralliant à l’application illégale, effectuée par la Commission, des lignes directrices de 2014 sur l’aviation, sans examiner l’argument de TUIfly selon lequel, à supposer même que ces lignes directrices aient effectivement été applicables en l’espèce, la Commission les aurait en tout état de cause appliquées de manière incorrecte. La motivation avancée à cet égard au point 84 de l’arrêt attaqué serait, en outre, insuffisante.

86 Renvoyant à la section 3.5.2 desdites lignes directrices, TUIfly fait valoir que le point 66 de celles-ci ajoute un paramètre supplémentaire à prendre en considération dans le cadre de l’analyse ex ante de la rentabilité, à savoir la mesure dans laquelle les accords entre les aéroports et les compagnies aériennes peuvent être considérés comme s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie globale des aéroports censée amener ces derniers à la rentabilité, à tout le moins à long terme. En revanche, les mêmes lignes directrices ne fourniraient aucun soutien au contrôle en deux étapes auquel la Commission aurait procédé. Un tel contrôle serait, en outre, illogique. En effet, si un accord devait déjà être rentable, au sens du point 64 de celles-ci, pendant la durée de son application, il ne serait pas nécessaire de vérifier, en vertu de ce point 66, si le critère de l’opérateur en économie de marché est respecté.

87 La Commission fait valoir que cette branche n’est pas fondée.

– Appréciation de la Cour

88 En premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi que cela a déjà été constaté dans le cadre de l’analyse de la troisième branche du présent moyen, le Tribunal a, au point 81 de l’arrêt attaqué, conclu, à titre principal, que l’argument de TUIfly tiré de l’application rétroactive erronée, par la Commission, des lignes directrices de 2014 sur l’aviation était inopérant et, aux points 86 à 106 de celui-ci, que son argumentation visant à établir que la Commission aurait en toute hypothèse dû tenir compte, dans son analyse de la rentabilité prévisible des accords litigieux, des perspectives de rentabilité à long terme était en tout état de cause non fondée.

89 Il découle de ces éléments que l’argumentation de TUIfly visant, en substance, à ce que la Cour constate que le Tribunal, à l’instar de la Commission, a appliqué de manière incorrecte les lignes directrices de 2014 sur l’aviation repose sur une prémisse qui ne trouve pas de fondement dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’ayant pas procédé à une telle application. En outre, il résultait nécessairement de ces appréciations du Tribunal que l’argumentation de TUIfly tirée d’une erreur qui aurait été commise par la Commission lorsqu’elle aurait effectivement procédé à l’application de ces lignes directrices était également écartée. Par conséquent, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, le défaut de motivation allégué à l’égard du point 84 de l’arrêt attaqué n’est pas établi.

90 En second lieu, en tant que TUIfly reproche à la Commission d’avoir procédé, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, à une analyse en deux étapes de la rentabilité prévisible des accords litigieux qui ne trouverait pas de fondement dans les lignes directrices de 2014 sur l’aviation, il y a lieu de rejeter cette argumentation comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 53 du présent arrêt, celle-ci visant non pas l’arrêt attaqué, mais la décision litigieuse.

91 La quatrième branche du premier moyen de pourvoi doit, par conséquent, être rejetée comme étant en partie non fondée et en partie irrecevable.

 Sur la cinquième branche, prise d’une violation du principe de sécurité juridique

– Argumentation des parties

92 Par la cinquième branche de son premier moyen, TUIfly fait valoir que, en appliquant des principes tirés d’une pratique administrative postérieure à la conclusion des accords litigieux, le Tribunal a violé le principe de sécurité juridique, sous l’angle du principe de protection de la confiance légitime et du principe de non-rétroactivité. En effet, eu égard à ces principes, qui vaudraient également pour les exigences d’ordre documentaire, l’absence de plan d’affaires n’aurait aucunement dû être prise en considération lors de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, l’élaboration d’un plan d’affaires n’ayant, à l’époque de la conclusion des accords litigieux, été requise ni par la pratique administrative ni par la jurisprudence. De plus, au point 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait écarté, sans même l’avoir examinée, son argumentation prise de ce que la Commission aurait violé ces deux principes en tirant, dans la décision litigieuse, des conséquences de l’absence de plan d’affaires.

93 La Commission soutient que cette branche n’est pas fondée.

– Appréciation de la Cour

94 Au point 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, écarté l’argumentation de TUIfly selon laquelle la Commission avait illégalement déduit de l’absence de plan d’affaires complet, lors de la conclusion des accords litigieux, le non-respect, en l’espèce, du critère de l’investisseur privé en économie de marché ainsi que, par conséquent, ses allégations de violation des principes de protection de la confiance légitime et de non-rétroactivité.

95 Ainsi qu’il résulte d’une lecture d’ensemble des points 113 à 117 de cet arrêt, ce point 117 constitue le point conclusif de l’analyse de la première branche du quatrième moyen de première instance, effectuée par le Tribunal aux points 114 à 116 dudit arrêt, par laquelle TUIfly avait notamment fait valoir qu’une telle déduction était contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de non-rétroactivité, dès lors que ni la jurisprudence ni la pratique décisionnelle contemporaines de la date de conclusion de ces accords n’auraient exigé l’élaboration de plans d’affaires complets avant l’adoption des mesures litigieuses.

96 Or, ainsi qu’il résulte de l’analyse de la première branche du premier moyen du pourvoi, et contrairement à ce que TUIfly fait valoir, le Tribunal a, en substance, considéré, à ces points 114 à 116, que la Commission n’avait pas procédé à une telle déduction dans la décision litigieuse. Il ne s’est en outre, ni à ces points 114 à 116 ni dans les autres motifs par lesquels il a rejeté le quatrième moyen de première instance, appuyé sur une telle absence de plan d’affaires complet.

97 Il en découle, d’une part, que, dans la mesure où, par la cinquième branche de son premier moyen, TUIfly reproche au Tribunal d’avoir lui‑même violé ces principes en appliquant des exigences documentaires qui résulteraient d’une pratique administrative postérieure à la conclusion des accords litigieux, cette partie de l’argumentation doit être écartée comme étant non fondée, l’arrêt attaqué ne faisant nullement apparaître que le Tribunal aurait lui-même procédé à une telle application. D’autre part, dans ces conditions et compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, il ne saurait être considéré que, en écartant, en une phrase, l’argumentation de TUIfly tirée d’une violation desdits principes, le Tribunal a violé l’obligation de motivation qui lui incombait, étant donné qu’il résultait de l’analyse effectuée aux points 114 à 116 de l’arrêt attaqué que celle-ci était fondée sur une prémisse erronée et devait donc nécessairement être écartée.

98 Par conséquent, cette cinquième branche du premier moyen doit être écartée comme étant non fondée ainsi que, par suite, le premier moyen de pourvoi.

 Sur le second moyen

 Sur la première branche, prise d’une méconnaissance de l’importance relative de la rentabilité dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

– Argumentation des parties

99 Par la première branche de son second moyen, TUIfly fait valoir, en premier lieu, que les points 191, 193 et 195 de l’arrêt attaqué sont entachés d’erreurs, le critère d’une rentabilité à court ou à moyen terme n’étant pertinent que pour l’étape de la qualification des faits. Ainsi, c’est à tort que le Tribunal aurait considéré, à l’instar de la Commission, que l’absence de rentabilité des lignes aériennes opérées par TUIfly était un critère pertinent pour écarter la justification des aides en cause.

100 En élaborant un tel critère, en application duquel elle a considéré que, du seul fait de l’absence de rentabilité des liaisons aériennes concernées, un opérateur agissant en économie de marché n’aurait pas adopté les mesures en cause, la Commission aurait déplacé des éléments pertinents pour l’étape de la qualification des faits vers celle de la justification de l’aide. La Commission, puis le Tribunal, auraient ainsi appliqué un critère ne trouvant de fondement ni dans un texte, ni dans la jurisprudence, ni dans la pratique administrative de l’époque et auraient donc indûment restreint le champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Des considérations de principe tirées de l’économie du système suffiraient à établir qu’un critère d’évaluation conçu pour être appliqué au stade de la qualification des faits ne peut pas être transposé tel quel au stade de la justification, sauf à priver d’effet utile l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, car une telle approche, pourtant retenue par la Commission et le Tribunal, rendrait toute justification impossible, précisément en raison de l’absence de rentabilité constatée au stade de la qualification en tant qu’aide.

101 En second lieu, même dans l’hypothèse, que TUIfly conteste, où l’existence d’une rentabilité serait exigée à l’étape de la justification, celle-ci ne pourrait qu’indirectement être prise en compte dans le cadre de l’examen tendant à établir si l’aide considérée est susceptible de contribuer à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. À cet égard, le Tribunal aurait correctement identifié, au point 186 de l’arrêt attaqué, le critère pertinent, qui, en substance, serait celui de savoir dans quelle mesure l’aide est susceptible de réellement contribuer à la réalisation du but poursuivi. Cependant, si, dans ce cadre, l’existence d’une rentabilité est exigée, celle-ci ne pourrait fournir qu’une indication indirecte, en ce sens que la mesure est susceptible de contribuer à la réalisation de l’objectif visé, à savoir, en l’espèce, le développement économique de la Carinthie. Il en découlerait que l’examen de la rentabilité effectué dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE doit être différent de celui effectué au stade de la qualification des faits.

102 La Commission fait valoir que cette branche n’est pas fondée.

– Appréciation de la Cour

103 Au point 189 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il était constant que l’objectif associé à l’aide accordée à HLX et à TUIfly était le développement de l’aéroport de Klagenfurt par une nette augmentation du volume des passagers sur les nouvelles routes qui seraient opérées par celles-ci et que, par conséquent, il était, en l’espèce, revenu à la Commission d’examiner si l’aide en cause avait pour effet d’inciter HLX et TUIfly à adopter un comportement destiné à atteindre un objectif d’augmentation des passagers empruntant l’aéroport de Klagenfurt, nécessaire à la réalisation des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

104 Il a relevé, au point 190 de cet arrêt, que, à cet égard, en dépit de l’invitation faite par la Commission, la République d’Autriche n’avait pas établi que les conditions applicables pour déclarer les aides au démarrage en cause compatibles avec le marché intérieur étaient remplies et que les parties intéressées n’avaient pas davantage apporté d’arguments en ce sens.

105 Il a constaté plus précisément, au point 191 dudit arrêt, que, en ce qui concerne l’accord de 2003, la Commission, se référant à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, s’était focalisée sur la rentabilité des nouvelles lignes qui devaient être opérées par HLX sur la base de cet accord pour conclure que la République d’Autriche ne lui avait transmis aucune étude sur la rentabilité future de celles-ci. Il a, en outre, observé que cette institution avait aussi constaté que la durée de quatre ans dudit accord n’était pas nécessaire ou appropriée par rapport aux coûts de l’ouverture d’une nouvelle liaison aérienne. Au point 192 du même arrêt, il a relevé, en ce qui concerne l’accord de 2008, que la Commission, en application des lignes directrices de 2005 sur l’aviation, avait constaté que cet accord ne prévoyait pas de connexion entre l’aide octroyée ainsi que les coûts éligibles et qu’aucune information ni explication n’avaient été fournies à cet égard par cet État membre ni les tiers intéressés, de sorte que la condition prévue au point 79, sous f), de ces lignes directrices n’était pas satisfaite et que l’aide au démarrage ne pouvait donc pas être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur.

106 Le Tribunal a ensuite indiqué, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait ainsi expliqué avec une motivation suffisante et, compte tenu de sa marge d’appréciation, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, les raisons pour lesquelles les aides contenues dans les accords litigieux ne pouvaient pas être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur. À cet égard, il a commencé, au point 194 de l’arrêt attaqué, par préciser que les critères appliqués par la Commission étaient conformes à l’exigence découlant de la jurisprudence qu’il avait rappelée aux points 186 et 187 de cet arrêt, selon laquelle, pour être compatible avec le marché intérieur, l’aide considérée doit avoir un effet d’incitation aux fins du développement d’une activité, tout en étant nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Au point 195 dudit arrêt, il a relevé, s’agissant de l’accord de 2003, que l’absence de pronostics de rentabilité des liaisons opérées par HLX ne pouvait que confirmer que les mesures d’aide en cause n’étaient pas strictement nécessaires au développement du Land de Carinthie par l’augmentation du nombre des passagers fréquentant l’aéroport de Klagenfurt. Au point 196 du même arrêt, il a ajouté, s’agissant de l’accord de 2008, que le paragraphe 79, sous f), des lignes directrices de 2005 sur l’aviation visait aussi à rechercher la présence d’un effet d’incitation pour le développement du Land de Carinthie et que, dès lors que cet accord ne prévoyait pas de connexion entre l’aide octroyée et les coûts éligibles, la Commission avait pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure à l’incompatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur.

107 Il découle de ces éléments que, contrairement à ce que fait valoir TUIfly, le Tribunal n’a, à ces points 193 et 195, pas fait application du critère de rentabilité dont il avait précédemment validé l’utilisation par la Commission dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, mais a procédé, ainsi qu’il ressort des points 191 et 194 de l’arrêt attaqué, à l’appréciation d’un critère de rentabilité différent, qui avait été appliqué par la Commission dans le cadre de son analyse de la compatibilité éventuelle des aides en cause avec le marché intérieur.

108 En effet, aux fins de l’application de ce premier critère, il s’agissait, pour la Commission, de déterminer et, pour le Tribunal, de contrôler, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 47, 78 et 79 du présent arrêt, si les accords litigieux pouvaient être considérés comme étant rentables du point de vue de l’investisseur, en l’espèce KFBG, et cela afin de déterminer si l’entreprise bénéficiaire, en l’espèce HLX puis TUIfly, aurait pu obtenir des facilités comparables de la part d’un investisseur privé normalement prudent et diligent et, partant, afin de déterminer si ces accords accordaient aux compagnies aériennes concernées un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

109 En revanche, dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il s’agissait, comme le Tribunal l’a indiqué notamment au point 194 de l’arrêt attaqué, d’apprécier si la Commission avait à bon droit considéré que les aides en cause n’étaient pas justifiées au titre de cette disposition et si elle s’était, à cet égard, à bon droit référé, en substance, à l’absence de rentabilité, du point de vue de HLX, puis de TUIfly, des nouvelles liaisons aériennes qui devaient être exploitées par ces compagnies aériennes en vertu des accords litigieux, comme un élément indiquant que ces aides ne répondaient pas à la condition d’incitation découlant de ladite disposition.

110 Par conséquent, il y a lieu de constater que l’argumentation de TUIfly exposée aux points 99 et 100 du présent arrêt procède d’une confusion entre le critère de rentabilité appliqué dans le cadre de l’appréciation du critère de l’investisseur privé en économie de marché, qui vise la rentabilité des accords considérés du point de vue de l’investisseur, et le critère de rentabilité qui, en l’espèce, a été appliqué afin d’apprécier si les aides en cause pouvaient être justifiées au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Reposant ainsi sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, elle doit être écartée comme étant non fondée.

111 Il en va de même de l’argumentation exposée au point 101 du présent arrêt, qui procède de la même confusion que l’argumentation déjà rejetée aux points 107 à 110 du présent arrêt, TUIfly visant, par celle-ci, à démontrer que, contrairement à ce qu’aurait retenu le Tribunal, l’examen de la rentabilité qui a été effectué dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE devait être différent de l’examen de la rentabilité qui avait été effectué dans le cadre du paragraphe 1 de cet article.

112 La première branche du second moyen de pourvoi doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche, prise de l’application d’un critère non pertinent lors de l’examen de la justification de l’accord de 2003 au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

– Argumentation des parties

113 Par la deuxième branche de son second moyen, TUIfly fait, en premier lieu, valoir que, en reprenant, aux points 190 et suivants de l’arrêt attaqué, le critère utilisé par la Commission, le Tribunal s’est attaché à l’absence de rentabilité de l’accord de 2003 ou à l’absence d’identification par la République d’Autriche de perspectives de rentabilité des liaisons opérées par HLX pour exclure la justification de cet accord au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En recourant ainsi, au stade de la justification, au critère de l’investisseur privé en économie de marché, il aurait commis une erreur de droit.

114 D’une part, ainsi que cela a été indiqué dans le cadre de la première branche du présent moyen, les conditions de mise en œuvre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE seraient fondamentalement différentes de celles régissant l’établissement d’une justification au titre du paragraphe 3, sous c), de cet article. D’autre part, il serait constant que des décisions ou des textes non encore adoptés lorsque l’accord de 2003 a été conclu ne sauraient être appliqués à celui-ci. Or, le critère de la rentabilité de cet accord ne trouverait aucun soutien dans les textes, la jurisprudence ou la pratique administrative de l’époque, les « conditions » mentionnées dans la décision litigieuse n’ayant été définies en tant que principes généraux qu’au cours des années 2012 et 2013. La seule décision de référence disponible alors, à savoir la décision du 14 juin 1999, relative à l’aéroport de Manchester (NN 109/98), aurait retenu comme seul critère déterminant le point de savoir si les fonds versés ou les autres mesures similaires avaient un effet discriminatoire entre les usagers de l’infrastructure aéroportuaire. Dans la décision litigieuse, la Commission se référerait à une autre décision, adoptée après la conclusion de l’accord de 2003, qui indiquerait expressément qu’il s’agit de la première décision relative à des aides au démarrage en faveur de compagnies aériennes. Cela confirmerait que les critères utilisés en l’espèce ne peuvent, en toute logique, pas avoir correspondu à ceux utilisés dans la pratique administrative suivie au moment de cette conclusion.

115 En deuxième lieu et en tout état de cause, la motivation avancée par le Tribunal pour conclure à l’absence de justification de l’accord de 2003 au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE serait illogique et inappropriée. Aux points 186, 188 et 189 de l’arrêt attaqué, il aurait correctement identifié la question déterminante dans le cadre de ce paragraphe 3, sous c), à savoir le caractère approprié de la mesure d’aide en cause pour inciter le bénéficiaire de celle-ci à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation des objectifs poursuivis, en l’occurrence faciliter le développement de certaines activités économiques dans un contexte régional.

116 Toutefois, dans cette optique, le point 195 de l’arrêt attaqué ne serait pas compréhensible. D’une part, le Tribunal, en ne recherchant pas si l’aide en cause avait pour effet d’inciter TUIfly à adopter un comportement destiné à atteindre un objectif d’augmentation du nombre de passagers empruntant l’aéroport de Klagenfurt, n’y aurait pas appliqué le critère qu’il a précédemment défini. Ce faisant, il aurait méconnu le fait que les accords de commercialisation avaient précisément pour but une telle augmentation. D’autre part, ce point serait erroné, dès lors qu’une absence de pronostics de rentabilité ne saurait permettre de préjuger de la rentabilité effective ou de la nécessité d’une mesure, de sorte que le caractère non nécessaire de la mesure pour le développement du Land de Carinthie ne saurait en être déduit.

117 En troisième lieu, aux points 195 et 201 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en considérant que la compatibilité des prétendues aides contenues dans l’accord de 2003 avec le marché intérieur était exclue du fait de la durée de quatre ans prévue pour chacun des accords, aurait méconnu le fait que, selon la pratique administrative de la Commission au moment de la conclusion de l’accord de 2003, une durée de quatre ans était une durée raisonnable pour des accords de commercialisation. De plus, à ces points, le Tribunal aurait considéré que, en l’absence de pronostics relatifs à la rentabilité des liaisons aériennes en cause, la durée de quatre ans de cet accord n’était ni nécessaire ni appropriée, sans expliquer, toutefois, dans quelle mesure l’absence d’analyse de rentabilité peut avoir un impact sur la durée à retenir.

118 La Commission fait valoir que cette branche est en partie irrecevable et en partie non fondée.

– Appréciation de la Cour

119 En premier lieu, il convient de constater que, par son argumentation exposée aux points 113 et 114 du présent arrêt, TUIfly, d’une part, soutient à nouveau que, aux points 190 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a à tort appliqué, au stade de l’appréciation de la compatibilité de l’aide conférée par l’accord de 2003 au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, le critère de l’investisseur privé en économie de marché. Or, il résulte de l’analyse de la première branche du présent moyen que cette argumentation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Elle doit, par conséquent, être écartée comme étant non fondée.

120 D’autre part, en tant que, par cette argumentation, TUIfly fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a validé le recours, par la Commission, au critère de rentabilité des liaisons aériennes concernées et qu’il aurait lui‑même fait référence à ce critère, alors qu’il aurait été dépourvu de base juridique, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, point 53, ainsi que du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 25).

121 Partant, compte tenu de cette jurisprudence, rappelée, en substance, par le Tribunal au point 198 de l’arrêt attaqué, c’est sans omettre de sanctionner un prétendu défaut de base juridique de la décision litigieuse que, aux points 189 à 191 et 193 à 195 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a pu constater que la Commission avait été fondée à conclure que l’aide contenue dans l’accord de 2003 n’était pas compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, une telle conclusion étant, ainsi qu’il ressort notamment des points 183 à 188 de cet arrêt, fondée sur cette disposition du traité FUE. En outre, compte tenu de la même jurisprudence, c’est aussi sans commettre d’erreur de droit que, au terme de son analyse, le Tribunal a pu constater, au point 197 dudit arrêt, que les références de TUIfly à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne permettaient pas d’infirmer la conclusion à laquelle il était parvenu.

122 En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation exposée aux points 115 et 116 du présent arrêt, il convient de relever que, ainsi que cela a déjà été constaté au point 103 du présent arrêt, le Tribunal a, au point 189 de l’arrêt attaqué, que TUIfly ne conteste pas dans le présent pourvoi, souligné qu’il était constant que l’objectif associé à l’aide accordée à HLX était le développement de l’aéroport de Klagenfurt par une nette augmentation du volume des passagers sur les nouvelles routes qui seraient opérées par celle-ci. Comme le Tribunal l’a, par ailleurs, en substance relevé aux points 211 et 212 de l’arrêt attaqué, cette aide visait ainsi à réaliser l’objectif figurant dans le premier membre de phrase de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, consistant, en l’occurrence, à développer l’activité de l’aéroport de Klagenfurt.

123 Or, au point 195 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est déjà exposé au point 106 du présent arrêt, le Tribunal a relevé, s’agissant de l’accord de 2003, que l’absence de pronostics de rentabilité des liaisons opérées par HLX ne pouvait que confirmer que les mesures d’aide en cause n’étaient pas strictement nécessaires à cette augmentation. Il en déduit, au même point, que c’était sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission avait considéré, « à titre complémentaire », que la durée de quatre ans de l’accord de 2003 n’était ni nécessaire ni appropriée par rapport aux coûts d’ouverture d’une nouvelle liaison aérienne.

124 Il en découle que, contrairement à ce qu’allègue, en substance, TUIfly, le Tribunal a motivé à suffisance de droit cette partie de l’arrêt attaqué. En effet, le constat figurant au point 195 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec le point 191 de celui-ci, dont le contenu est exposé au point 105 du présent arrêt, traduit précisément l’application du critère identifié au point 189 de l’arrêt attaqué, consistant à déterminer si l’aide en cause avait pour effet d’inciter HLX à adopter un comportement de nature à contribuer au développement de l’aéroport de Klagenfurt.

125 Par ailleurs, en tant que TUIfly fait, en substance, valoir que l’absence de perspective de rentabilité des lignes aériennes concernées n’aurait pas été un élément pertinent pour conclure à l’absence de compatibilité avec le marché intérieur de l’aide octroyée par l’accord de 2003, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

126 Ainsi, au titre du pouvoir d’appréciation que lui confère cette disposition, la Commission est en droit de refuser l’octroi d’une aide dès lors que celle-ci n’incite pas les entreprises bénéficiaires à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l’un des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Une telle aide doit ainsi être nécessaire pour atteindre les buts prévus à cette disposition de sorte que, sans elle, le jeu des lois du marché ne permettrait pas d’obtenir, à lui seul, des entreprises bénéficiaires qu’elles adoptent un comportement de nature à contribuer à la réalisation de ces buts. En effet, une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 107, paragraphe 3, TFUE ne saurait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 104 ainsi que jurisprudence citée, et, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 49).

127 Eu égard à cette jurisprudence, rappelée, en substance, au point 188 de l’arrêt attaqué, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 190, 191, 193 et 195 de l’arrêt attaqué, compte tenu de l’objectif de l’aide octroyée par l’accord de 2003, identifié au point 189 de l’arrêt attaqué et que TUIfly ne conteste pas, que la Commission avait été fondée à considérer que ce n’est que si cette aide avait pour effet d’inciter HLX à adopter un comportement de nature à contribuer à une augmentation du volume des passagers empruntant l’aéroport de Klagenfurt qu’elle aurait pu constater que ladite aide était de nature à contribuer à la réalisation des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et que les perspectives de rentabilité des liaisons aériennes concernées constituaient un critère pertinent à cet égard. En effet, l’aide en cause étant par nature limitée dans le temps, il était évident que, en l’absence de perspective de rentabilité des liaisons aériennes opérées par HLX en vertu de l’accord de 2003, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que cette aide ne contribuerait pas à atteindre l’objectif de développement de l’aéroport de Klagenfurt, dès lors qu’il était raisonnable de considérer que l’exploitation de ces lignes cesserait lorsque ladite aide prendrait fin, de sorte que l’objectif d’une augmentation durable du nombre de passagers empruntant cet aéroport ne saurait être atteint ni, par suite, celui du développement de ce dernier.

128 À cet égard, dans la mesure où TUIfly fait valoir que le caractère non justifié de l’aide accordée par l’accord de 2003 au regard de l’objectif du développement économique du Land de Carinthie n’aurait pas pu être déduit de l’absence de rentabilité des lignes aériennes considérées, il convient encore d’ajouter que cette argumentation repose sur la prémisse selon laquelle l’aide accordée à HLX poursuivait cet objectif. Or, ainsi qu’il ressort du point 189 de l’arrêt attaqué, dont le contenu est déjà rappelé au point 122 du présent arrêt, cette prémisse est erronée.

129 En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation exposée au point 117 du présent arrêt, il convient, d’une part, de l’écarter comme étant inopérante en tant que, par celle-ci, TUIfly reproche au Tribunal de ne pas avoir censuré la Commission pour avoir retenu une approche qui n’aurait pas trouvé de fondement dans la pratique administrative contemporaine de la conclusion de l’accord de 2003, en application de la jurisprudence rappelée au point 120 du présent arrêt.

130 D’autre part, en tant que, par celle-ci, TUIfly fait valoir que le Tribunal n’a pas motivé son appréciation selon laquelle l’absence de pronostics de rentabilité des liaisons aériennes concernées peut avoir un impact sur l’appréciation du caractère nécessaire de la durée d’une aide, elle repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, ainsi qu’il ressort des points 191 et 195 de cet arrêt, dont le contenu est déjà exposé aux points 105 et 106 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas procédé à une telle déduction, mais s’est limité à constater que la durée de quatre ans de l’accord de 2003 constituait un élément supplémentaire, s’ajoutant à celui de cette absence de rentabilité, retenu par la Commission aux fins de sa conclusion selon laquelle l’aide octroyée par cet accord ne répondait pas aux conditions découlant de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

131 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen de pourvoi comme étant en partie inopérante et en partie non fondée.

 Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de prise en compte des objectifs protégés à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

– Argumentation des parties

132 Par la troisième branche de son second moyen, TUIfly fait valoir que le Tribunal a, en premier lieu, commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en ce que, dans le cadre de la justification des fonds versés par le Land de Carinthie à l’aéroport de Klagenfurt, il a appliqué un autre critère que celui qu’il a appliqué s’agissant de la justification des fonds versés par cet aéroport aux compagnies aériennes concernées. Il aurait, aux points 208, 209 et 211 de l’arrêt attaqué, constaté à bon droit que l’aide au fonctionnement accordée à l’aéroport de Klagenfurt était compatible avec le marché intérieur, car elle contribuait à un objectif d’intérêt communautaire bien défini, à savoir la desserte et le développement régional du Land de Carinthie, visant au développement économique de cette région. Toutefois, au point 212 de cet arrêt, il aurait refusé d’appliquer cette justification aux paiements effectués au bénéfice de TUIfly sur la base de ces fonds, au motif que les compagnies aériennes ne contribuent « pas directement » au développement de l’infrastructure. Cela serait contradictoire et illogique.

133 Tout d’abord, l’utilisation des termes « pas directement » impliquerait que le Tribunal a bien reconnu l’existence d’une aide contribuant indirectement au développement de l’infrastructure. Or, rien dans le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE n’indiquerait qu’une aide indirecte serait insuffisante pour satisfaire à cette disposition.

134 Ensuite, l’identification par le Tribunal de l’intérêt à promouvoir – le « développement économique de la Carinthie », la contribution (directe) à l’infrastructure de l’aéroport de Klagenfurt et la « viabilité des routes » opérées par TUIfly – serait mouvante, sans que cela soit justifié. Si, dans sa définition de l’intérêt ultime, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, le Tribunal aurait bien formulé le critère déterminant, à savoir le développement économique du Land de Carinthie, il ne se serait plus référé à celui-ci lors de son examen et aurait ainsi restreint de manière illégale et incompréhensible le critère d’évaluation applicable.

135 Enfin, il aurait été erroné de traiter les subventions accordées à l’aéroport de Klagenfurt différemment de celles accordées à TUIfly. Pris isolément, l’octroi d’une subvention à un aéroport n’apporterait aucun avantage économique à une région en terme de transport, la desserte ne devenant possible que grâce au trafic aérien qui l’utilisera. Les arguments relatifs à la justification tirés de la desserte de la région devraient donc se voir reconnaître la même importance en ce qui concerne l’infrastructure qu’en ce qui concerne les compagnies aériennes. Or, selon des estimations réalisées au cours de l’année 2006, la valeur ajoutée nette annuelle obtenue par le Land de Carinthie sur la base des accords alors conclus entre l’aéroport de Klagenfurt et TUIfly s’élevait à 25 millions d’euros, ce qui témoignerait d’un effet positif considérable pour l’économie régionale. Le Tribunal n’ayant pas tenu compte de cet élément dans le cadre de son application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il n’aurait, pour cette raison, pas suffisamment instruit les faits.

136 En second lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les objectifs protégés à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Ainsi, il aurait méconnu l’effet positif objectivement constaté ou, à l’époque, attendu à long terme sur le développement économique du Land de Carinthie, résultant des fonds versés par l’aéroport de Klagenfurt. Au point 213 de l’arrêt attaqué, il se serait rallié à l’argumentation de la Commission, qui avait expliqué ne pas avoir pris en compte cet aspect dans la décision litigieuse pour des raisons d’« économie de procédure ». Une telle prise en compte aurait cependant été imposée par cette disposition et aurait, en outre, été logique, la Commission elle-même ayant estimé que les aides accordées à l’aéroport de Klagenfurt étaient, en raison de ces considérations, justifiées au regard de cette disposition.

137 La Commission soutient que cette branche doit être écartée comme étant non fondée.

– Appréciation de la Cour

138 En premier lieu, il convient de relever que, au point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il n’existait aucune contradiction entre les appréciations de la Commission portant sur la compatibilité de l’aide au fonctionnement accordée à KFBG et à DMG et celles afférentes aux aides au démarrage accordées à HLX et à TUIfly. À cet égard, il a précisé, au point 208 de cet arrêt, que, s’agissant de cette aide au fonctionnement, la Commission avait indiqué qu’elle appliquait les lignes directrices de 2014 sur l’aviation, conformément au point 172 de celles-ci et, aux points 209 et 210 dudit arrêt, que cette institution avait conclu à la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur en tenant compte, notamment, de sa contribution à la desserte et au développement du Land de Carinthie, de la nécessité des mesures en cause au regard de cet objectif, dès lors que sans cette aide KFBG et DMG auraient probablement été contraintes de se retirer du marché, ce qui aurait entraîné pour ce Land la perte d’une infrastructure jouant un rôle important pour son accessibilité et son développement touristique, de l’existence d’un effet d’incitation, dès lors que, en l’absence de celle‑ci, KFBG aurait dû limiter le volume de trafic pour réduire les coûts et les pertes, et du caractère proportionné du montant de l’aide en cause, celui-ci étant limité au moment minimal nécessaire pour compenser les pertes ainsi que pour mettre KFBG et DMG en situation de satisfaire aux exigences en matière de capitalisation et de maintenir une gestion rentable.

139 Le Tribunal a ensuite indiqué, au point 211 de l’arrêt attaqué, que cette approche, retenue par la Commission, ne pouvait pas être transposable dans le cadre de l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur des aides aux démarrage accordées à HLX et à TUIfly. À cet égard, il a indiqué que, « [c]ertes, [...] l’intérêt commun ultime dont il est ici question pourrait être perçu comme étant, en définitive, le même s’agissant de l’aide au fonctionnement et des aides au démarrage, à savoir le développement économique [du Land de] Carinthie ». Il a toutefois constaté que la manière dont cet intérêt commun était servi n’était pas identique dans les deux cas, dès lors que KFBG, gestionnaire de l’aéroport, exerçait une activité commerciale différente de celle exercée par TUIfly en sa qualité de compagnie aérienne. Il en a déduit, au même point, que l’aide au fonctionnement accordée à KFBG et à DMG était destinée directement à renforcer la viabilité de l’infrastructure en tant que telle, en permettant à l’aéroport de Klagenfurt de maintenir un niveau d’exploitation approprié.

140 À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 212 de l’arrêt attaqué, que, dans le cas des compagnies aériennes, l’aide au démarrage ne contribue pas directement au développement de l’infrastructure, mais vise au lancement de nouvelles lignes dont l’exploitation peut avoir comme résultat l’augmentation du nombre de passagers faisant usage de l’infrastructure de l’aéroport. Il en a déduit que c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré que la compatibilité des aides au démarrage dépendait de la viabilité des routes opérées par HLX et par TUIfly, mais que, comme cela avait été constaté dans le cadre du sixième moyen de première instance, cette viabilité n’était pas avérée.

141 Enfin, au point 213 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation de TUIfly selon laquelle la Commission avait omis de prendre suffisamment en compte d’autres éléments qui pourraient justifier la compatibilité des aides au démarrage, tels que les objectifs d’intérêt public visés par celles-ci ou la valeur ajoutée nette annuelle obtenue par le Land de Carinthie sur la base des accords litigieux, au motif que l’appréciation négative portée par la Commission sur le respect des critères de compatibilité constitués par les perspectives de rentabilité et la limitation temporelle des mesures avait rendu, au regard, en particulier, des exigences d’économie de la procédure, non nécessaire l’examen des autres éléments avancés par TUIfly.

142 Il découle de ces éléments que, premièrement, une lecture d’ensemble des points contestés de l’arrêt attaqué ainsi que du point 189 de celui-ci, dont le contenu est exposé au point 103 du présent arrêt, fait apparaître que c’est non pas le développement économique du Land de Carinthie, mais bien le développement de l’aéroport de Klagenfurt par une nette augmentation du volume des passagers sur les nouvelles routes qui seraient opérées par HLX, puis par TUIfly, qui constituait l’objectif au regard duquel la compatibilité avec le marché intérieur des aides octroyées par les accords litigieux avait été appréciée par la Commission. Il en ressort, en outre, que la référence, effectuée par le Tribunal, à une prétendue « contribution indirecte au développement du Land de Carinthie » n’est que conditionnelle. Par suite, elle ne saurait être comprise comme une reconnaissance, par le Tribunal, du fait que ces aides poursuivaient cet objectif.

143 Par conséquent, n’est pas fondé l’argument exposé au point 133 du présent arrêt, dès lors qu’il n’est pas établi que le Tribunal aurait reconnu que lesdites aides avaient pour objectif de contribuer au développement du Land de Carinthie, ainsi que, par suite, celui figurant au point 134 du présent arrêt, celui-ci étant fondé sur la prémisse erronée selon laquelle le Tribunal aurait effectivement procédé à cette considération.

144 Deuxièmement, dès lors que le Tribunal avait constaté que l’objectif poursuivi par l’aide au fonctionnement accordée à KFBG en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, tel qu’identifié par la Commission, et celui poursuivi par les aides au démarrage octroyées à HLX et à TUIfly étaient différents, et que cela n’était pas contesté devant lui, ainsi qu’il ressort en substance du point 189 de l’arrêt attaqué, c’est sans commettre d’erreur de droit et sans se contredire qu’il a pu, en substance, considérer, au point 212 de l’arrêt attaqué, que seul ce dernier objectif était pertinent en ce qui concerne l’appréciation de la compatibilité des aides en cause avec le marché intérieur et que la décision litigieuse était, à cet égard, dépourvue de contradictions.

145 Troisièmement, il y a lieu de constater que l’argumentation de TUIfly résumée au point 135 du présent arrêt vise à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve. Elle doit, par conséquent, être rejetée comme étant irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt.

146 En second lieu, s’agissant de l’argumentation exposée au point 136 du présent arrêt, il y a lieu de constater que, d’une part, celle-ci se confond avec celle exposée au point 135 et doit donc, dans cette mesure, être écartée comme étant irrecevable, conformément à ce qui est indiqué au point précédent.

147 D’autre part, en tant que, par celle-ci, TUIfly conteste le point 213 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever que, compte tenu du caractère cumulatif des critères devant être satisfaits pour que la Commission puisse conclure à la compatibilité avec le marché intérieur des aides au démarrage octroyées aux compagnies aériennes, souligné, en substance, par la Commission au considérant 528 de la décision litigieuse, que TUIfly n’avait pas contesté, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu que l’appréciation négative portée par la Commission sur le respect du critère de compatibilité relatif à la rentabilité des liaisons aériennes concernées, ainsi que, à titre complémentaire, sur celui relatif à la durée des accords litigieux, rendait non nécessaire l’examen, par la Commission, des autres éléments avancés devant elle par TUIfly afin d’établir la compatibilité des aides en cause avec le marché intérieur.

148 La troisième branche du second moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée ainsi que, par suite, le second moyen de pourvoi.

149 Aucun des moyens invoqués par TUIfly au soutien de son pourvoi n’étant accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

150 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

151 La Commission ayant conclu à la condamnation de TUIfly aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) TUIfly GmbH est condamnée aux dépens.