CA Nîmes, 1re ch. b, 30 septembre 2010, n° 10/04725
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Comptable du Service des Impôts Des Particuliers d’Avignon Est
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Deltel
Conseillers :
Mme Thery, Mme Berthet
Avoué :
SCP Pomies-Richaud Vajou
Avocats :
Selarl Rochelemagne-Roussel-Heyer, Me Denis
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Invoquant l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe pour un montant de 198.163 euros (dont 49.163 euros au titre de la TVA, 85.000 euros au titre de l'impôt sur le revenu et la CSG, 30.000 euros au titre de la taxe professionnelle et 34.000 euros à titre de pénalités) à la suite de la vérification de la comptabilité de Monsieur René K., forain, portant sur la période du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008, l'administration des impôts, représentée par le Comptable des impôts d'Avignon Est et le Comptable de la trésorerie d'Avignon, a été autorisé, par une ordonnance du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 18 juin 2009, à mettre en oeuvre :
l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble de BERNIS, des saisies conservatoires des fonds détenus au profit de Monsieur K.O. dans trois établissements bancaires :
* CRCAM du LANGUEDOC,
* CAISSE D'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE,
* BANQUE POSTALE,
la saisie conservatoire des véhicules appartenant à Monsieur K.O.,
la saisie conservatoire sur des fonds consignés auprès du greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,
la saisie conservatoire de biens placés dans un coffre-fort à l’agence de la CRCAM du LANGUEDOC de VAUVERT.
Le 8 avril 2010 Monsieur K.O. a saisi le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON aux fins suivantes :
Vu les articles 67 et 74 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991,
Vu l'article 210 du décret n° 92.755 du 31 juillet 1992,
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu les articles L.255, L.257 et L.258 du Livre des procédures fiscales,
Vu les faits évoqués ci-avant,
Monsieur René K. demande à Monsieur le juge de l'exécution de :
Constater la réalité et le bien fondé de ses demandes et les déclarer recevables,
Déclarer nulles les saisies attributions pratiquées au profit du Comptable du Trésor d'Avignon sur les créances détenues par la CAISSE D'EPARGNE de MARSEILLE, par la BANQUE POSTALE de MARSEILLE et le CRÉDIT AGRICOLE du LANGUEDOC agence de NÎMES au nom et pour le compte de Monsieur René K. pour défaut de respect du délai légal,
Déclarer nulle la saisie-attribution pratiquée au profit du Comptable du Trésor d Avignon sur la créance détenue par le greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES pour défaut de respect du formalisme,
Si, pour tout le moins où la nullité ne serait pas prononcée,
Déclarer excessives toutes les saisies attributions pratiquées au profit du Comptable du Trésor d'Avignon au regard des autres garanties prises à titre conservatoire,
Prononcer en conséquence la mainlevée immédiate desdites saisies-attribution,
Condamner le comptable du Trésor d’Avignon aux entiers dépens d’instance.
Par un jugement du 30 septembre 2010 le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a statué en ces termes :
Dit qu il n y a pas lieu de vérifier que les conditions de l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991 sont réunies,
Annule les trois actes de conversion en saisie-attribution en date des 27 novembre 2009 (saisies pratiquées entre les mains de la Banque Postale et de la Caisse d'Epargne) et du 8 décembre 2009 (saisie entre les mains du Crédit Agricole du Languedoc),
Ordonne la mainlevée immédiate de ces actes aux frais du Trésor Public,
Déclare irrecevable la demande d’annulation et de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 19 janvier 2010 entre les mains du greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,
Condamne le Comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon Est aux dépens.
Le Comptable du service des impôts des particuliers d'Avignon Est a relevé appel de ce jugement le 8 octobre 2010.
Par leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens, les parties formulent les demandes suivantes :
Le Comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon Est (conclusions du 4 février 2011)
Vu le jugement rendu le 30 septembre 2010 par le juge de l’exécution par le Tribunal de Grande Instance d'Avignon,
Vu la déclaration d'appel en date du 8 octobre 2010,
Dire valable et régulier l’appel interjeté par Monsieur le Comptable du service des impôts des particuliers d'Avignon Est, venant aux droits du Comptable de la Trésorerie d'Avignon,
Le dire bien fondé,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a précisé qu’il n’y a pas lieu de vérifier que les conditions de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 sont réunies et déclarer irrecevable la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 19 janvier 2010 entre les mains du greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,
Toutefois, compte tenu des éléments exposés ci-dessus,
Réformer la décision rendue le 30 septembre 2010 en ce qu’elle a annulé les trois actes de conversion en saisie attribution en date des 27 novembre 2009 et 8 décembre 2009, et ordonner la mainlevée immédiate de ces actes aux frais du Trésor Public,
Statuant à nouveau,
Dire et juger parfaitement réguliers et valables les actes de saisie attributions effectuées auprès des différents établissements bancaires (CAISSE D'EPARGNE de MARSEILLE, BANQUE POSTALE de MARSEILLE et CRÉDIT AGRICOLE DU LANGUEDOC),
Dire et juger parfaitement valables les trois actes de conversion en saisie attribution en date des 27 novembre 2009 et 8 décembre 2009,
En conséquence,
Débouter purement et simplement Monsieur René K. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Monsieur René K. au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur René K. au paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de son attitude à l'égard du concluant,
Condamner Monsieur René K. aux entiers dépens, tant de première instance que ceux d'appel...'.
Monsieur René K. (conclusions du 4 février 2011)
Vu le jugement du 30 septembre 2010,
Vu les articles L.255 et 260 du Livre des procédures fiscales,
Vu les articles L.262-2 du Code de l'action sociale et des familles et 47-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991,
Vu les articles 217 et 240 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992,
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu les pièces et éléments produits aux débats,
A titre principal,
Dire et juger Monsieur le Comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon Est mal fondé dans toutes ses demandes, fins et conclusions, au titre des trois actes de conversion en date des 27 novembre et 8 décembre 2009,
Dire et juger Monsieur René K. bien fondé à ce titre,
Dire et juger que les trois actes de conversion en date des 27 novembre et 8 décembre 2009 doivent être annulés,
Confirmer, en conséquence, au titre des trois actes de conversion en date des 27 novembre et 8 décembre 2009, le jugement rendu par Monsieur le juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON le 30 septembre 2010 en ce qu'il en a ordonné la mainlevée immédiate aux frais exclusifs du Trésor,
Rejeter les demandes reconventionnelles de Monsieur le Comptable du service des impôts des particuliers d'Avignon Est,
A titre incident,
Dire et juger Monsieur René K. bien-fondé dans toutes ses demandes, fins et conclusions, au titre des actes des 19 et 21 janvier 2010,
Dire et juger que l’acte du 19 janvier 2010 doit être annulé,
Infirmer en conséquence, au titre de l’acte du 19 janvier 2010, le jugement rendu par Monsieur le juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON le 30 septembre 2010 et ordonner la mainlevée immédiate de ladite saisie-attribution aux frais exclusifs du Trésor,
Pour le tout,
Condamner Monsieur le Comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon Est à payer à Monsieur René K. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur le Comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon Est aux entiers dépens d'appel...
MOTIFS ET DÉCISION
ATTENDU que le 18 septembre 2009 Monsieur K.O. a écrit à la Direction des services fiscaux d'Avignon :
Je fais suite à la proposition de rectifications que vous m’avez adressée par avis en date du 31 juillet 2009 suite à la vérification de comptabilité dont j'ai fait l'objet par vos soins portant sur la période écoulée du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.
Je tiens à vous indiquer par la présente que j'accepte entièrement les chefs de redressements que vous m'avez établi suivant cette proposition du 31 juillet 2009 ainsi que les conditions financières qui en découlent.' ;
Que par un courrier adressé le 23 novembre 2009 à la Trésorerie d'Avignon, l'avocat de Monsieur K.O. a rappelé que celui-ci avait accepté le principe et le montant des redressements, mais a estimé que les garanties prises à l'encontre de son client était pléthoriques au regard des sommes dues estimées, et de la somme qu'il devait au final, soit 40.245 euros ;
Que les actes de conversion d'une saisie conservatoire en saisie-attribution de créances pratiqués entre les mains de la Caisse d'Epargne de Marseille, de la Banque Postale de Marseille et du Crédit Agricole du Languedoc portent sur cette somme principale de 40.245 euros ;
Que les actes de conversion en saisie-attribution ont été effectués en exécution des rôles n° 50054, 50055 et 50056, titres exécutoires qui n'ont pas fait l'objet d'une contestation de la part de Monsieur K.O. ;
Qu'aucun texte ne fait obligation à l'administration fiscale d'adresser au contribuable une lettre de rappel ou un commandement avant de convertir une saisie conservatoire en saisie-attribution ;
ATTENDU que l'article 46 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, dans sa rédaction résultant du décret du 30 décembre 2009 (et donc non applicable aux actes litigieux des 27 novembre et 8 décembre 2009) fait obligation au tiers saisi (et non au créancier saisissant) de laisser à la disposition du débiteur, personne physique, dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d'un montant égal au montant forfaitaire pour un allocataire seul, mentionné à l'article L.262-2 du Code de l'action sociale et des familles ;
Que dans sa rédaction applicable au présent litige l'article 46 du décret du 31 juillet, modifié par un décret du 15 avril 2009, prévoyait simplement que le titulaire du compte ayant fait l'objet d'une saisie pouvait demander au tiers saisi la mise à disposition immédiate de la somme à caractère alimentaire mentionnée ci-dessus ;
Que dès lors le premier juge ne pouvait pas retenir comme motif d'annulation des actes de conversion en saisie-attribution une faute du créancier-saisissant, non concerné par ces dispositions ;
ATTENDU en conséquence que le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a annulé les trois actes de conversion en saisie-attribution des 27 novembre 2009 et 8 décembre 2009 ;
ATTENDU que le premier juge a expressément retenu, pour déclarer irrecevable la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 19 janvier 2010 entre les mains du greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES que l'administration fiscale a donné mainlevée de cette saisie-attribution le 18 mars 2010 ;
Que les parties ne donnent aucune explication sur cette mainlevée constatée par le juge de l'exécution ;
Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré sur ce point ;
ATTENDU que l'appelant, qui ne justifie pas d'un préjudice, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
ATTENDU que Monsieur K.O., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, et à payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit en la forme l'appel du Comptable du service des impôts des particuliers d'Avignon Est, et le dit bien fondé,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
dit qu’il n’y avait pas lieu de vérifier la réunion des conditions prescrites par l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991,
déclaré irrecevable la demande d’annulation et de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 19 janvier 2010 entre les mains du greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES,
Le réforme en ses autres dispositions,
Déboute Monsieur K.O. de sa demande d'annulation des trois actes de conversion d'une saisie conservatoire en saisie-attribution, des 27 novembre et 8 décembre 2009,
Le condamne à payer au Comptable du service des impôts des particuliers d'Avignon Est la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP POMIES RICHAUD VAJOU, avoué,
Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires.