CA Riom, 1re ch. civ., 10 avril 2017, n° 15/03195
RIOM
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Straudo
Conseillers :
Mme Pirat, M. Acquarone
Avocats :
Me Rahon, Me Gutton Perrin, Me Duplan, Me Hayat Soria
FAITS ET PROCÉDURE :
M. Pascal P. et Mme Bérengère B. se sont mariés le 16 juin 2006 à Saint Barthélemy (971) après avoir adopté le régime de la participation aux acquêts.
Deux enfants sont issus de leur union.
Le 15 janvier 2015 M. Pascal P. a déposé une requête en divorce.
Dans le cadre de cette procédure Mme B. a saisi par requête le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Fort de France, lequel par ordonnance du 26 mai 2015 a désigné Me RIVIERE, huissier de justice à Aurillac, à l'effet de :
- se rendre à l'agence de la Société Générale sise 7 B place du Square 15000 Aurillac ;
- se faire communiquer l'emplacement du ou des coffres détenus par M. Pascal P. au sein de l'établissement ;
- procéder à l'ouverture du ou des coffres le cas échéant avec l'assistance d'un serrurier ;
- procéder à l'apposition de scellés sur les biens déposés dans les coffres ;
- conserver en son étude les titres, sommes, valeurs, bijoux ou autres objets précieux pour lesquels l'apposition de scellés ne serait pas une précaution suffisante ;
- lister les biens sur lesquels les scellés ont été apposés ainsi que ceux qui seront déposés en son étude.
En vertu de cette ordonnance Me RIVIÈRE a fait procéder selon procès-verbal du 18 juin 2015 à l'ouverture des coffres 18 et 21 situés dans l'armoire numéro 1 de l'agence bancaire, en a inventorié le contenu, l'a placé sous sept scellés et s'en est constitué gardien.
Ce procès-verbal a été dénoncé à M. Pascal P. le 24 juin 2015.
Par exploit délivré le 10 juillet 2015 MM. Claude et Pascal P. ont fait assigner Mme B. devant le juge de l'exécution du tribunal d'Aurillac afin de voir :
- prononcer la nullité des opérations d'ouverture des coffres ;
- ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire comme effectuée sur des coffres loués par M. Claude P. ;
- ordonner à Me RIVIÈRE de remettre en possession de M. Claude P. les sommes, objets, bijoux et papiers se trouvant dans lesdits coffres et placés sous scellés numéros 1 à 7.
Au soutien de leur exploit introductif d'instance ils ont notamment exposé :
- que M. Claude P. était le seul locataire des coffres ;
- que les opérations litigieuses devaient s'analyser comme une saisie conservatoire sur coffre, seule opération prévue par le code des procédures civiles d'exécution, et qu'au regard des dispositions de l'article R. 525-2 du code des procédures civiles d'exécution la dénonciation de cette saisie était intervenue tardivement,
- que l'acte de dénonciation ne contenait pas les mentions obligatoires prévues par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution et était donc nul ;
- que l'acte de saisie n'avait pas été signifié au propriétaire du coffre.
Mme B. a conclu au principal à l'incompétence du juge de l'exécution d'Aurillac au profit du juge aux affaires familiales de Fort de France, et subsidiairement soutenu que l'apposition de scellés ordonnée par ce magistrat ne constituait pas une saisie conservatoire et n'imposait pas en conséquence la dénonciation du procès-verbal au propriétaire des biens dans les conditions de délai et de forme prévues par le code des procédures civiles d'exécution.
Elle a par ailleurs précisé qu'il n'était nullement établi que M. Claude P. serait l'unique locataire des coffres.
Le 4 septembre 2015 l'affaire a fait l'objet d'un renvoi afin que la Société Générale soit appelée en la cause.
En l'absence de son appel en cause l'affaire a finalement été retenue à l'audience du 6 novembre
2015.
Par jugement rendu le 4 décembre 2015 le juge de l'exécution d'Aurillac, après s'être déclaré compétent pour connaître du litige, a :
- débouté MM. Claude et Pascal P. de toutes leurs demandes ;
- condamné in solidum MM. Claude et Pascal P. à payer à Mme Bérangère B. la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Aux termes de sa motivation ce magistrat a notamment retenu :
sur la compétence:
- que le juge territorialement compétent était au choix du demandeur celui du lieu où demeurait le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure ;
- que MM. Claude et Pascal P. ne critiquant pas le contenu de l'ordonnance du juge aux affaires familiales de Fort de France mais son exécution, et ne sollicitant pas la rétractation de cette décision, seul le juge de l'exécution était compétent ;
Sur le fond :
- que l'apposition des scellés, si elle constituait une mesure conservatoire, n'était pas assimilable à une saisie conservatoire puisqu'elle n'avait pas vocation à une conversion en saisie vente et n'était pas soumise pour sa régularité aux dispositions des articles R. 511-1, R. 512-3, R. 224-1 et R. 224-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
- que le procès-verbal du 18 juin 2015, dont les mentions faisaient foi jusqu'à inscription de faux, précisait que les coffres ouverts étaient détenus par M. Pascal P. ;
- que M. Claude P., alors qu'il avait notamment été invité à appeler en la cause la Société Générale, ne versait aucune pièce de nature à démontrer qu'il était le seul locataire des coffres ouverts par l'huissier.
Dans des conditions de forme et de délais non contestées MM. Claude et Pascal P. ont interjeté appel général de cette décision 14 décembre 2015.
L'affaire a fait l'objet d'une clôture le 15 décembre 2016.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 2 décembre 2016 MM. Claude et Pascal P. demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- prononcer la nullité des opérations d`ouverture des coffres forts avec inventaire et apposition de scellés pratiquées le 18 juin 2015 ;
- ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire opérée comme effectuée sur des coffres dont le locataire est M. Claude P.,
- constater en tout état de cause l'absence d'intérêt pour Mme B. de voir se maintenir le séquestre ;
- ordonner en conséquence la levée du séquestre pour violation des articles 544 et 1569 du code civil,
- ordonner à Me RIVIERE la remise en possession de M. Claude P. ou M. Pascal P. des sommes, objets, bijoux et papiers se trouvant dans lesdits coffres et placés sous scellés n° 1 à 7,
- condamner Mme B. à payer à M. Claude P. ou M. Pascal P. la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
En l'état de ses dernières écritures déposées et signifiées le 12 décembre 2016 Mme B. conclut à la confirmation de la décision entreprise sauf à voir condamner les appelants à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ainsi qu'au jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'à titre préliminaire il n'est pas contesté en cause d'appel que le juge de l'exécution d'Aurillac était compétent pour statuer sur le présent litige ;
Que la décision déférée sera en conséquence confirmée de ce chef par adoption de motifs ;
Que pour le surplus il convient d'examiner les points en litige.
Sur la régularité des opérations réalisées par me rivière le 18 juin 2015.
Attendu que pour contester la décision déférée MM. Claude et Pascal P. soutiennent que les actes accomplis par Me RIVIÈRE doivent être analysés comme une saisie conservatoire de biens placés dans un coffre-fort puisque les fonds qui s'y trouvaient étaient susceptibles d'être appréhendés par Mme B. dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux ;
Qu'ils exposent à ce titre que ces actes sont en conséquence soumis aux dispositions des articles R.511-1, R. 512-3, R. 224-1, R. 224-2 et R.525-1 du code des procédures civiles d'exécution et doivent à peine de nullité être dénoncés par acte d'huissier de justice signifié au débiteur le premier jour ouvrable suivant la signification de l'acte de saisie ainsi qu'au tiers propriétaire du coffre-fort, et contenir la mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée, outre la reproduction de l'article R. 511-1 du même code ;
Attendu qu'il convient néanmoins de relever que l'ordonnance sur requête du 26 mai 2015 a été rendue par le juge aux affaires familiales de Fort de France sous le visa de l'article 812 du code de procédure civile
Que cette procédure est en conséquence régie par les dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure civile et ne relève pas des dispositions précitées du code des procédures civiles d'exécution ;
Qu'il est par ailleurs constant à la lecture de l'ordonnance précitée que la mesure ordonnée par le juge aux affaires familiales n'avait pas pour objet de garantir une créance dont le recouvrement était menacé, mais de procéder à une apposition de scellés sur des objets détenus dans un coffre-fort à l'effet d'établir des éléments de preuve dans le cadre d'une instance judiciaire ;
Qu'elle ne saurait en conséquence être assimilée à la saisie conservatoire prévue par les articles R.525-1 et suivants du code des procédures civiles puisqu'elle n'avait pas vocation à être convertie en saisie vente ;
Qu'elle n'était pas ainsi soumise aux conditions posées par les articles R. 511-1, R. 512-3, R. 224-1, R. 224-2 et R. 525-1 du même code ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a écarté les moyens soulevés de ce chef par les appelants.
Sur le fond des demandes des consorts philippon.
Attendu que pour contester sur le fond la décision entreprise MM. Claude et Pascal P. soutiennent que seul M. Claude P. serait titulaire des contrats de location des coffres n° 18 et 21 ;
Qu'ils ajoutent en tout état de cause que si les effets et valeurs placés dans les coffres appartiennent effectivement à M. Pascal P., leur placement sous séquestre et leur rétention ne se justifient plus à ce stade de la procédure dès lors que l'ordonnance de non-conciliation a été rendue le 14 avril 2016 et que Mme B. ne peut prétendre qu'à une créance de participation lors de la dissolution du mariage en l'état du régime matrimonial des époux ;
Attendu qu'il convient néanmoins de rappeler qu'aux termes de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ;
Qu'à ce stade de la procédure la cour ne peut que constater que M. Pascal P. n'a jamais usé de la possibilité qui lui était offerte par l'article 496 du code de procédure civile en sollicitant du juge aux affaires familiales de Fort de France la rétraction de son ordonnance ;
Que la cour ne saurait en conséquence dans le cadre de la présente instance modifier les dispositions de cette ordonnance ou en suspendre l'exécution ;
Que par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le juge de l'exécution d'Aurillac, le procès-verbal du 18 juin 2015, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux précise 'Sur ma requête, M R. Philippe (directeur agence) me conduit a la salle des coffres, en sous-sol de l 'agence. Là étant, je somme M R. Philippe de me communiquer l 'emplacement du ou des coffres détenus par M.
Pascal Pierre Vincent P. au sein de l'établissement. Lequel m'a déclaré que deux coffres sont détenus par M. Pascal P.. Il s 'agit des coffres numéros 18 et 2I qui se situent dans I'armoire numéro 1' ;
Que les pièces parcellaires versées aux débats par les consorts P. ne sont pas de nature à remettre en cause les propres déclarations du directeur de l'agence bancaire, alors qu'il n'est pas réellement contesté que certains des objets découverts dans les coffre-fort appartiennent à M. Pascal P. ;
Attendu qu'en considération de ces éléments la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté les appelants de leurs demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts de mme bienaimé pour procédure abusive.
Attendu que pour constituer une faute une action en justice doit être manifestement dépourvue de fondement et révéler de la part de son titulaire un usage abusif dans le seul dessein de nuire à autrui ;
Qu'il appartient au juge de caractériser la faute retenue en relevant les circonstances qui ont fait dériver en abus le droit d'agir ;
Attendu qu'en l'espèce il ne saurait être reproché aux appelants d'avoir saisi le premier juge en invoquant des moyens de droit et des éléments de faits à l'appui de leurs demandes ;
Qu'il ne saurait en outre leur être reproché d'avoir interjeté appel d'une décision qui leur était défavorable en invoquant de nouveau des moyens de droit et des éléments de faits l'appui de leurs demandes ;
Qu'en l'état de ces éléments la demande de dommages et intérêts présentée à leur encontre pour procédure abusive doit donc être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Attendu que succombant en leurs prétentions MM. Pascal et Claude P. supporteront les dépens de première instance et d'appel, ce qui excluent qu'ils puissent bénéficier d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il serait par ailleurs inéquitable de laisser supporter à Mme B. l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts ;
Qu'outre la somme de 3.000 euros allouée en première instance, une somme complémentaire d'un montant de 1.000 euros lui sera accordée en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne in solidum MM. Pascal et Claude P. à verser à Mme Bérengère B. une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Dit que les dépens d'appel seront supportés par MM. Pascal et Claude P. et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.