Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-16.785
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Bézard
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
Me Cossa, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Rouen, 29 mai 1986) que M. X... agissant à titre personnel et en tant que représentant de la société Nouvelle de Transit et de Courtage Tramar SA., MM. Y... et Jurbert administrateurs de la société Normande de Transit et de Consignation (SNTC) ont présenté requête aux fins de désignation d'un huissier pour qu'il soit présent, assisté d'un sténotypiste à l'Assemblée générale des actionnaires de la SNTC ;
Attendu que la SNTC fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de commerce a refusé de rétracter une précédente ordonnance par laquelle il avait désigné cet huissier, alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsqu'il ne respecte pas le principe de la contradiction, le juge doit nécessairement constater l'existence de la condition à laquelle est subordonnée, par la loi, la faculté exceptionnelle qu'il a d'agir ainsi, qu'à plus forte raison, lorsque cette condition est contestée, le juge ne peut pas se refuser à rétracter sa décision non contradictoire, sans constater précisément quelles circonstances " exigeaient " qu'il la prenne ; qu'en l'absence d'une telle constatation, jugée à tort inutile par elle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié l'arrêt au regard des articles 16 et 875 du nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que des motifs d'ordre général, qui ne sont pas circonstanciés de façon précise et qui procédent d'une suspicion a priori, dépourvue de justification, quant à la sincérité des procés verbaux établis par les organes réguliers de la société, ne caractérisent aucunement la nécessité pour les actionnaires minoritaires, d'être assistés par un huissier lors d'une assemblée générale dont il n'a pas été constaté qu'elle eût été appelée à débattre de questions autre que normales ; que de surcroît, à le supposer établi en fait, le refus d'inscrire à l'ordre du jour les résolutions proposées par la minorité n'est pas de nature à justifier la présence d'un huissier, laquelle n'a pas pour conséquence de modifier l'ordre du jour ; d'où il suit qu'en statuant par des considérations, en réalité inopérantes, comme ne caractérisant pas des motifs graves relatifs au fonctionnement de la SNTC, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 149 du décret du 23 mars 1967 ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que par application de l'article 875 du nouveau Code de procédure civile le président peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement, la cour d'appel a constaté que ces conditions étaient remplies pour la désignation de l'huissier compte tenu de la date de convocation des associés et de celle prévue de l'assemblée ; qu'elle en a exactement déduit que l'ordonnance dont la rétractation était demandée avait été prise régulièrement ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt, après avoir énoncé exactement que seuls des motifs graves et intéressant le fonctionnement de la société peuvent justifier la désignation d'un huissier pour assister aux débats d'une assemblée, a relevé que les documents accompagnant la requête établissaient l'existence de dissensions aiguës entre le groupe majoritaire et la minorité laissant redouter que, non seulement les intérêts de ceux-ci, mais encore ceux de la société soient gravement lésés et a constaté le refus d'inscrire à l'ordre du jour les résolutions proposées par la minorité ; que par ces énonciations et constatations, elle a justifié légalement la présence d'un huissier à l'assemblée ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.