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Décisions

Cass. com., 10 juillet 2019, n° 17-26.977

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat :

Me Haas

Cass. com. n° 17-26.977

10 juillet 2019

Joint les pourvois n° Z17-26.977 et G 17-22.431, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à M. X du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigée contre M. Y, M. A, Mme B et le procureur général près la cour d’appel de Versailles et à M. Y du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. A, Mme B, M. X et le procureur général près la cour d’appel de Versailles ;

Attendu, selon I’arrêt attaqué, que la société Z (la société), ayant eu pour gérants de droit M. X jusqu’au 1er mars 2013, Mme B de cette date au 21 mai 2013 et M. Y de cette dernière date au 30 septembre 2013, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 21 novembre 2013 ; que sur demande de M. W, nommé liquidateur, MM. X et Y ont été condamnés à supporter partie de I’insuffisance d’actif ; qu’une interdiction de gérer a également été prononcée contre eux ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° G 17-22.431 :

Attendu que M. X fait grief à I‘arrêt, après confirmation du jugement entrepris en tant qu’il avait prononcé une condamnation en paiement à hauteur de 70 000 euros à son encontre au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, de statuer à nouveau du même chef en le condamnant au même titre à verser au liquidateur une somme de 100 000 euros alors, selon le moyen, que le jugement a, dès son prononcé I‘autorité de la chose jugée et le juge est dessaisi de la contestation ainsi tranchée ; qu’au cas d’espèce, dès lors que la cour d’appel avait décidé d’infirmer le jugement qui lui était déféré en toutes ses dispositions “sauf en ce qu’il a prononcé (...) une condamnation en paiement à I’encontre de M. X (...)” elle était dessaisie de cette contestation et ne pouvait donc statuer à nouveau du même chef en condamnant M. X à payer au liquidateur une somme de 100 000 euros ; qu’en statuant comme elle I’a fait, la cour d’appel a violé les articles 1355 du code civil et 480 et 481 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il résulte du dispositif de I‘arrêt, tel qu’éclairé par ses motifs, que la cour d’appel n’a confirmé que le principe de la condamnation de M. X à supporter I’insuffisance d’actif, de sorte qu’elle pouvait statuer à nouveau sur son montant ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu I’article L. 651-2 du code de commerce ; 

Attendu que pour retenir que M. X était dirigeant de fait postérieurement au 30 mai 2013 et lui imputer, en conséquence, une faute de gestion tenant au non-respect des obligations sociales et fiscales de la société au cours des troisième et quatrième trimestres de l’année 2013, I‘arrêt retient qu’il a envoyé aux salariés une lettre datée du 9 septembre 2013 à en-tête de la société où il indiquait ne plus avoir de fonctions au sein de celle-ci mais y être intervenu ponctuellement à la demande des dirigeants pour leur rendre service ;

Qu’en se déterminant par de tels motifs tirés du seul examen de la lettre du 9 septembre 2013, impropres, en l’absence de toute description des interventions ponctuelles de M. X que ce document évoquait, à caractériser des actes positifs de direction et de gestion accomplis en toute indépendance par lui postérieurement au 30 mai 2013, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Vu l’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016 ;

Attendu qu'en l'absence de disposition contraire prévue par elle, la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de I‘insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ;

Attendu que pour retenir des fautes de gestion susceptibles de conduire à I’engagement de la responsabilité pour insuffisance d’actif de M. X, I‘arrêt retient que des défauts de paiement récurrents de taxes, contributions et cotisations sociales et fiscales qu’il énumère ont fait naitre un passif social et fiscal important au cours du troisième trimestre 2013, caractérisant une faute de gestion imputable aux gérants de droit et de fait ayant exercé jusqu’à la désignation d’un administrateur provisoire le 30 septembre 2013 ; qu’il relève également que M. X ne conteste pas que les bénéfices dégagés lors de sa gérance de 2010 à 2012 ont été intégralement distribués à la holding de la société, distribution de dividendes qui n’est pas illicite mais relève de la faute de gestion dès lors qu’elle a privé la société de disponibilités à une période où sa “profitabilité” faisait défaut;

Qu'en n'excluant pas par de tels motifs que certains des manquements reprochés à M. X soient postérieurs à la fin de ses fonctions de dirigeant et, pour la période antérieure, qu’ils soient dus à une simple négligence de sa part, I‘arrêt n'est pas conforme aux dispositions de la loi susvisée et doit, en conséquence, être annule de ce chef ; 

Sur le premier moyen du pourvoi n° Z 17-26.977 :

Vu les articles L. 640-4, alinéa 1er, et L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

Attendu que pour prononcer I’interdiction de gérer de M. Y, I‘arrêt retient qu’au regard de la date, non contestée, de la cessation des paiements de la société Z, fixée au 15 janvier 2013 dans le jugement d’ouverture de sa liquidation judiciaire, M. Y, gérant de droit à compter du 21 mai 2013, n'a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que, M. Y n’ayant été gérant de la société Z qu'à partir du 21 mai 2013, il n’était pas en mesure de respecter le délai de quarante-cinq jours qui, ayant commencé à courir le 15 janvier 2013, était expiré avant qu’il occupe ses fonctions de représentant légal de la société débitrice, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 651-2 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner M. Y au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, I‘arrêt retient qu’il a commis des fautes de gestion au regard de ses obligations fiscales et sociales “à compter du 3ème trimestre 2013”, “en aout et octobre 2013”, “d’août à novembre 2013” et “au titre des 3ème et 4ème trimestre 2013” ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle relevait que M. Y n’avait été gérant de la société que jusqu’au 30 septembre 2013, la cour d’appel, qui, sans distinction, a retenu des fautes commises antérieurement et postérieurement à la gérance de I‘intéressé, a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la condamnation à supporter I‘insuffisance d’actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue a raison de l'une d’entre elles entraine, en application du principe de proportionnalité, la cassation de I‘arrêt de ce chef ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X à payer à M. W, en qualité de liquidateur de la société Z, la somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de I‘arrêt, condamne M. Y à lui payer, ès qualités, la somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de I‘arrêt, ordonne la capitalisation des intérêts, et condamne M. Y à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de deux ans, I‘arrêt rendu le 15 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans I‘état ou elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.