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Décisions

Cass. crim., 4 janvier 1995, n° 94-80.247

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe

Rapporteur :

M. Carlioz

Avocat général :

M. Libouban

Avocat :

SCP Defrénois et Levis

Grenoble, ch. corr., du 3 déc. 1993

3 décembre 1993

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 228-27, L. 232-2 et L. 237-4 du Code rural, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré A... coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné celui-ci à une amende de 30 000 francs ;

"aux motifs qu'en application de l'article L. 228-27 du Code rural, les procès-verbaux, sur lesquels se fonde la poursuite, font foi jusqu'à preuve contraire ;

que les simples dénégations ou allégations du prévenu ne suffisent pas à établir cette preuve contraire ;

qu'en effet, il ressort de la procédure que depuis 1974, différents garde-pêche ont constaté, dans la rivière la Fure, l'existence de déversements de nature diverse comme l'oxyde de titane qui donne une couleur blanchâtre à l'eau ou de fibres naturelles provenant essentiellement de la papeterie Arjomari ;

que cette pollution, qui est devenue chronique, est à la fois organique et mécanique ;

que sur plus de 3 kms 5 à l'aval des établissements Arjomari, le fond de la rivière est entièrement colmaté par des résidus de pâte à papier constitués au sens large, comme l'a déclaré M. Z..., de fibres et de produits chimiques ;

que le poisson, en conséquence, ne peut pas se reproduire en raison du colmatage puisqu'il est nécessaire que les oeufs soient enfouis dans le gravier au fond de la rivière ;

que par ailleurs, la papeterie Arjomari n'a jamais précisé clairement quels produits étaient utilisés, à cette réserve près que M. X..., ingénieur de production, a reconnu l'utilisation d'oxyde de titane qui pouvait présenter de la toxicité ;

qu'il résulte également de l'instruction que M. A... a reconnu que les fibres pouvaient parvenir dans la rivière malgré le système de décantation et de traitement ;

que l'article L. 232-2 du Code rural trouve son application chaque fois que les déversements ont provoqué des effets insidieux pour le milieu aquatique et les peuplements piscicoles, sans pour autant que des mortalités de poissons aient été constatées... ce qui est le cas des atteintes à l'habitat piscicole qui se traduisent ici par le colmatage du substrat ;

que l'infraction est caractérisée par les seules constatations matérielles faites par les gardes assermentés, lesquels font état de colmatage sur plusieurs kilomètres ;

"alors que le délit prévu par l'article L. 232-2 du Code rural suppose que le déversement de substances considéré, soit ait entraîné la destruction du poisson, soit ait nui à la nutrition, à la reproduction ou à la valeur alimentaire de celui-ci ;

que l'article L. 237-4 du Code rural, seul applicable en matière de pêche fluviale, à l'exclusion de l'article L. 228-27 du même Code, ne confère force probante qu'aux faits matériels constatés dans les procès-verbaux ;

que la cour d'appel, qui a expressément constaté qu'aucun prélèvement n'avait été effectué en l'espèce, ne pouvait se borner à relever qu'il résultait des constatations matérielles effectuées par les gardes assermentés que la vie piscicole avait été affectée par l'existence d'un colmatage du substrat ;

qu'elle a par suite entaché sa décision d'un manque de base légale en s'abstenant de caractériser le lien pouvant exister entre les déversements litigieux et ce colmatage, lien ne pouvant être établi par une constatation matérielle des gardes assermentés, mais par l'analyse de prélèvements" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme sur la déclaration de culpabilité, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs dépourvus d'insuffisance, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de pollution de cours d'eau dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.