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Décisions

Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-81.849

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Planchon

Avocat général :

M. Salomon

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Gadiou et Chevallier

Basse-Terre, du 21 févr. 2017

21 février 2017

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 16 février 2011, le directeur régional des finances publiques de Guadeloupe, après avis favorable de la commission des infractions fiscales, a adressé au procureur de la République une plainte dénonçant des faits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité pour les exercices 2006 à 2008 commis par M. A... X..., exerçant la profession de médecin généraliste ; que, par soit-transmis du 25 mars 2011, le procureur de la République a diligenté une enquête au cours de laquelle M. X... a été entendu le 24 mai 2012 et à l'issue de laquelle ce magistrat lui a notifié un rappel à la loi ainsi que le classement sans suite de la procédure sous réserve de l'absence de nouvelles infractions dans un délai de trois ans ; que le 17 octobre 2014, le procureur de la République, sur la sollicitation du directeur régional des finances publiques de Guadeloupe, a engagé une nouvelle enquête préliminaire qui s'est conclue par la convocation de M. X... devant le tribunal correctionnel des chefs de défaut de souscription des déclarations de bénéfices non commerciaux au titre des années 2006, 2007, et 2008, défaut de souscription des déclarations d'ensemble des revenus des années 2006, 2007, 2008, et omission de passation d'écritures dans les documents comptables au titre des années 2007 et 2008 ; que, par jugement en date du 24 septembre 2015, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté l'exception de nullité de la procédure tirée de l'irrégularité de la reprise de l'enquête et dit prescrits les faits reprochés pour l'année 2006 et relaxé le prévenu des chefs de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration pour les exercices 2007 et 2008 et d'omission d'écritures dans un document comptable pour l'année 2008, l'a déclaré coupable des autres chefs de poursuite et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis à 10 000 euros d'amende et à la peine complémentaire d'affichage du dispositif du jugement ; que M. X... a interjeté appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 40-3 et 593 du code de procédure pénale, des articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts ; défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des poursuites et des actes de procédure subséquents présentée par le prévenu, a confirmé le jugement quant à la déclaration de culpabilité pour l'infraction qualifiée d'omission d'écritures dans un document comptable- fraude fiscale au titre de l'année 2007, l'a confirmé quant à la peine principale et quant à la peine d'amende, l'a confirmé quant à l'affichage du dispositif de l'arrêt et l'a condamné à la publication à ses frais du dispositif de l'arrêt ;

"aux motifs que M. A... X... soutient que face à un classement sans suite du procureur de la République, la partie lésée (l'administration fiscale) peut former un recours auprès du procureur général en application de l'article 40-3 du code de procédure pénal ; qu'il considère que le courrier du 13 octobre 2014 adressé au procureur de la République par l'administration fiscale, lui demandant de reconsidérer sa décision de classement sans suite, a le caractère d'un recours qui ne respecte pas les dispositions de l'article 40-3 ; qu'il ressort des pièces de la procédure qu'à la suite de la plainte adressée le 18 février 2011 au procureur de la République par le directeur régional des finances publiques, M. X... a été entendu, sur instructions du parquet données le 25 mars 2011, par les services de police le 28 septembre 2012, qu'au terme de cette audition et du compte rendu effectué par l'officier de police judiciaire, le procureur de la République a prescrit un rappel à la loi ; que le rappel à la loi décidé par l'autorité poursuivante est une mesure alternative aux poursuites qui n'emporte aucune conséquence quant à la culpabilité ou à la constitution d'un délit, le procureur a l'opportunité de reprendre les poursuites mêmes en l'absence d'éléments nouveaux en vertu des pouvoirs qu'il tient de l'article 40-1 du code de procédure pénale ; que le recours de l'article 40-3 du code de procédure pénale auprès du procureur général n'est ouvert qu'à la personne ayant déposé plainte dans l'hypothèse contraire à l'espèce où le procureur de la République aurait refusé de rapporter sa décision de classement sans suite ; qu'en conséquence, la reprise des poursuites n'est pas nulle et l'exception de nullité soulevée doit être écartée ;

"alors que toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation ; le procureur général peut, dans les conditions prévues à l'article 36, enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites ; s'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé ; qu'en l'occurrence, il résulte des constations de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale n'a pas formé de recours contre la décision de classement sans suite auprès du procureur général mais s'est bornée à demander au procureur de la République de reconsidérer sa décision de classement sans suite ; qu'en écartant dès lors l'exception de nullité de reprise des poursuites bien que l'administration fiscale n'avait pas respecté les dispositions de l'article 40-3 du code de procédure pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité prise de la violation de l'article 40-3 du code de procédure pénale, l'arrêt énonce que dès lors que le rappel à la loi décidé par l'autorité poursuivante est une mesure alternative aux poursuites qui n'emporte aucune conséquence quant à la culpabilité ou à la constitution d'un délit, le procureur de la République conserve l'opportunité de reprendre des poursuites, même d'office, en l'absence d'éléments nouveaux en vertu des pouvoirs qu'il tient de l'article 40-1 du code de procédure pénale et que le recours prévu par l'article 40-3 du même code auprès du procureur général n'est ouvert qu'à la personne ayant déposé plainte, dans l'hypothèse contraire à l'espèce dans laquelle le procureur de la République aurait refusé de rapporter sa décision de classement sans suite ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le procureur de la République a toujours la possibilité, en vertu de ses pouvoirs propres, d'engager des poursuites en cas d'exécution d'une mesure imposée en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale, une telle exécution n'éteignant pas l'action publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 593 du code de procédure pénale, 1741 du code général des impôts, L. 230 du livre des procédures fiscales ; défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, pour confirmer le jugement déféré quant à la déclaration de culpabilité pour l'infraction qualifiée d'omission d'écritures dans un document comptable- fraude fiscale au titre de l'année 2007, le confirmer quant à la peine principale et quant à la peine d'amende, quant à l'affichage du dispositif de l'arrêt, et pour condamner le prévenu à la publication à ses frais du dispositif de l'arrêt, a écarté l'exception de prescription de l'année fiscale 2007 ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que la prescription spéciale de l'action publique prévue par l'article 1741 du code général des impôts commence à courir du jour où cette déclaration aurait du être faite, c'est-à-dire pour l'année 2007 le 31 mai 2008 ; que pour l'année 2007 le délai de prescription de trois ans augmenté de 75 jours pour tenir compte de la période de saisine de la CIF soit du 12 novembre 2010 au 26 janvier 2011, a commencé à courir le 30 mai 2008, pour arriver à son terme 16 mars 2012 soit après le soit transmis du procureur de la République en date du 16 mars 2011 qui a interrompu la prescription ;

"alors qu'à partir du moment où le point de départ du délai de prescription pour l'année 2007 avait commencé à courir au 31 mai 2008, la prescription triennale s'achevait, pour tenir compte des 75 jours écoulés entre la demande d'avis du CIF faite par l'administration fiscale le 12 novembre 2010 et l'avis en date du 26 janvier 2011, 75 jours après le 31 mai 2011, soit le 14 août 2011 et non pas le 16 mars 2012 et que le soit transmis du procureur de la République ne pouvait être regardé comme interruptif qu'à la date à laquelle les services de police avaient été saisis soit le 9 novembre 2011 ainsi qu'il résulte du procès-verbal de saisine qui porte cette date de sorte que la prescription pour l'année 2007 était bien acquise au bénéfice du prévenu depuis le 15 août 2011 à zéro heure ; qu'en décidant du contraire, les juges du fond ont violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de prescription de l'action publique pour l'année 2007, l'arrêt prononce par les motifs adoptés, à l'exception de la mention erronée du jugement relative au point de départ de la prescription, repris au moyen ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, en application de l'article L. 230 du code des procédures fiscales, le délit de fraude fiscale est caractérisé notamment à la date à laquelle les comptes annuels doivent être transcrits au livre d'inventaire après la clôture de l'exercice, sa prescription n' étant acquise qu'à l'expiration de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise, d'autre part, constituent un acte interruptif de la prescription de l'action publique, au sens de l'article 7 du code de procédure pénale, les instructions données par le procureur de la République à la police judiciaire, aux fins d'enquête sur les faits dénoncés par la plainte du directeur des services fiscaux, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux avocats, pris de la violation des articles 61-1 et 62 de la Constitution et 111-3 du code pénal ;

Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;

Attendu, d'une part, qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;

Attendu, d'autre part, que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt, retenant que la publication et l'affichage de la décision sont des peines complémentaires obligatoires, ordonne, notamment, ces mesures par application des dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des faits ;

Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française, le 11 décembre 2010 ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 21 février 2017, en ses seules dispositions ayant prononcé ces mesures de publication et d'affichage, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres de la cour d'appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.