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Décisions

Cass. crim., 29 novembre 2022, n° 22-81.814

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Ménotti

Avocat général :

M. Quintard

Avocat :

SARL cabinet Rousseau et Tapie

Douai, du 24 févr. 2022

24 février 2022

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 4 décembre 2020, à la sortie du collège où était scolarisée leur fille, [F], née en 2008, Mme [V] [T] a apostrophé son ex-mari, M. [I] [E], en ces termes : « est-ce que ton autorité parentale te permet de taper ta fille, est-ce que ton autorité parentale te permet de frapper ta fille et de mal la traiter quand elle est chez toi ... ».

3. Par lettre du 20 décembre 2020, M. [E] a adressé une plainte simple pour diffamation publique au procureur de la République qui, le 30 décembre suivant, a délivré un soit-transmis aux fins d'enquête aux services de police, lesquels ont procédé à l'audition des intéressés les 12 et 22 janvier 2021.

4. Le 26 janvier 2021, le procureur de la République a décidé d'ordonner, en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale, un rappel à la loi qui a été notifié à Mme [T] le 11 février suivant.

5. A la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [E] le 6 avril 2021, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer en raison de la prescription des faits.

6. M. [E] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de refus d'informer sur sa plainte avec constitution de partie civile, alors :

« 1°/ qu'en matière d'infractions à la loi sur la liberté de la presse, la prescription peut être interrompue, avant l'engagement des poursuites, par des réquisitions aux fins d'enquête, qui articulent et qualifient les faits à raison desquels l'enquête est ordonnée ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription au soit-transmis aux fins d'enquête par audition de la personne mise en cause et de la victime, mentionnant que les diligences doivent être accomplies selon les modalités suivantes : « URGENT Prescription courte », accompagné de la plainte qui articulait et qualifiait de diffamation publique les propos reprochés à Mme [T], la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ que sont interruptives de prescription, d'une part, les réquisitions d'enquête qui articulent et qualifient les faits et, d'autre part les procès-verbaux dressés en exécution desdites réquisitions ; qu'en refusant de reconnaître un effet interruptif de prescription aux actes d'enquête des services de police ou de gendarmerie établis dans le cadre d'une commission rogatoire, en l'espèce l'audition du plaignant le 12 janvier 2021 et celle de la personne mise en cause le 22 janvier 2021, la cour d'appel a méconnu l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881.

3°/ que le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder au rappel à la loi ; que la prescription est suspendue pendant la procédure de rappel à la loi ; que la procédure de rappel à la loi débute avec la décision du procureur de la République de la mettre en oeuvre préalablement à sa décision sur l'action publique et s'achève avec sa décision sur l'action publique ; qu'en l'espèce, la période de suspension courait donc à compter de la décision du procureur de la République d'ordonner un rappel à la loi, le 26 janvier 2021, jusqu'à sa décision sur l'action publique, par ses réquisitions du novembre 2021 ; que la prescription avait donc été suspendue et n'a repris son cours qu'à cette date ; qu'en retenant que la prescription n'avait été suspendue qu'entre le 26 janvier 2021 et le 11 février 2021, date de la notification du rappel à la loi, pour juger prescrite la plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, la cour d'appel a violé l'article du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour constater la prescription de l'action de M. [E] à la date de sa plainte avec constitution de partie civile du 6 avril 2021, l'arrêt attaqué énonce que le délai de prescription, qui a couru à compter de la tenue des propos le 4 décembre 2020, n'a été interrompu ni par la plainte simple du 20 décembre 2020, ni par le soit-transmis du procureur de la République aux fins d'enquête du 30 décembre 2020, ni par les actes d'enquête des 12 et 22 janvier 2021.

9. Les juges ajoutent que le rappel à la loi ordonné par le procureur de la République le 26 janvier 2021 n'a entraîné la suspension de la prescription que jusqu'à la notification à l'intéressé, le 11 février 2021, de ce rappel à la loi, soit pendant un délai de seize jours. Ils en déduisent que la prescription s'est trouvée acquise le 20 mars 2021.

10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

11. D'une part, le soit-transmis du ministère public aux fins d'enquête et les actes d'exécution qui ont suivi n'ont pu interrompre la prescription, dès lors que les réquisitions aux fins d'enquête ont seulement fait état d'une diffamation publique, sans autre précision sur le type de diffamation visé, et n'ont donc pas qualifié les faits, comme l'exige l'article 65, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

12. D'autre part, le rappel à la loi prévu par l'article 41-1 du code de procédure pénale, dès lors qu'il s'effectue en deux temps, a entraîné la suspension du délai de prescription du 26 janvier 2021, date de la décision du ministère public, au 11 février suivant, date de la notification à l'intéressé dudit rappel.

13. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.