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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 juillet 2012, n° 11/12035

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CHRISTIAN DIOR COUTURE (SA)

Défendeur :

GIANNI VERSACE (Sté), VERSACE FRANCE (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur LACHACINSKI

Conseiller :

Mme NEROT

Avocats :

SELARL HJYH Avocats, SELARL CABINET MP ESCANDE, Me BERNABE, Cabinet CASTALDI MOURRE

Paris, du 10 juin 2011

10 juin 2011

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE revendique les droits d'auteur et de modèle communautaire sur un sac à main intitulé Dior Soft qui appartiendrait à sa collection printemps-été 2008.

Ayant constaté que les caractéristiques originales du sac à main Dior Soft avaient été, selon elle, reproduites dans un sac à main vendu sous la marque Versace, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a fait procéder le 21 octobre 2008 à un constat d'achat de ce sac dans la boutique Versace située à Paris et exploitée par la société VERSACE FRANCE.

Un même modèle de sac à main a été acquis le 30 octobre suivant dans une boutique Versace à Milan en Italie exploitée par la société de droit italien GIANNI VERSACE SPA.

Autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 3 novembre 2008, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a fait diligenter le 5 novembre suivant des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société VERSACE FRANCE lesquelles révélaient que la société GIANNI VERSACE SPA lui avait fourni 52 sacs à main litigieux entre le 20 février et le 23 octobre 2008 au prix unitaire de 380 euros et qu'elle en avait vendu 42 sacs au prix unitaire de 1.035 euros entre le 19 juin et le 5 novembre 2008 ;

Par actes des 20 et 26 novembre 2008, la société CHRISTIAN DIOR COUTURE assignait les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et de modèle communautaire non enregistré ;

Par jugement du 10 juin 2011, le tribunal a :

- déclaré la société CHRISTIAN DIOR COUTURE irrecevable à agir au titre du droit d'auteur pour le sac Dior Soft,

- dit que la soc Dior Soft bénéficie de la protection au titre du modèle communautaire non enregistré,

- débouté la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de sa demande au titre de la contrefaçon du sac Dior Soft,

- déclaré les demandes additionnelles de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE portant sur la contrefaçon des sacs Small Tote et Medium Tote irrecevables,

- débouté les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA de leur demande reconventionnelle,

- condamné la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à payer à chacune des sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 28 juin 2011 par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 mai 2012 par lesquelles la société CHRISTIAN DIOR COUTURE demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la validité des droits de modèle communautaire non enregistré sur le sac Dior Soft et sa compétence pour juger des faits qui se sont déroulés en Italie et débouté les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive,

- d'infirmer le même jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses droits d'auteur sur le sac Dior Soft, de sa demande en contrefaçon de droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré et a jugé ses demandes additionnelles sur les sacs Small et Medium Tote irrecevables,

- de débouter les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA de toutes leurs demandes,

- de dire que le sac Dior Soft bénéficie de la protection au titre des droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré au sens des dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle et du règlement CE n° 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires,

- de dire que l'importation et/ou la commercialisation en France du sac litigieux référencé DBFB 403 par les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA constituent le délit de contrefaçon des droits d'auteur et le délit de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré qu'elle détient sur ce sac au sens des articles L.122-4, L.335-2, L.335-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle et des articles 1, 10, 19 et suivants du règlement CE6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires,

- de dire que la commercialisation en Italie du sac litigieux référencé DBFB403 par la société GIANNI VERSACE SPA constitue le délit de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré qu'elle détient sur ce sac au sens des articles 1, 10, 19 et suivants du règlement CE6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires,

- de dire ses demandes additionnelles relatives aux sacs Small Tote et medium Toterecevables,

- de dire que l'importation et/ou la commercialisation en France de ces deux sacs litigieux référencés DBA 886 constituent le délit de contrefaçon de droits d'auteur et le délit de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré qu'elle détient sur ces deux sacs au sens des articles L.122-4, L.335-2, L.335-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle et des articles 1, 10, 19 et suivants du règlement CE6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires,

- de dire que la commercialisation en Italie des deux sacs litigieux référencé DBA886 constitue le délit de contrefaçon de modèles communautaires non enregistrés qu'elle détient sur ces deux sacs au sens des articles 1, 10, 19 et suivants du règlement CE6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires,

- d'interdire en conséquence aux sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA sur les territoires français et italien de fabriquer et/ou importer, commercialiser ou exploiter et ce, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée (c'est-à-dire par sac fabriqué et/ou importé, offert à la vente ou vendu) à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, tout sac jugé contrefaisant,

- d'ordonner le rappel des circuits commerciaux de tous les sacs contrefaisants, et ce aux frais in solidum des sociétés intimées,

- d'ordonner sous le contrôle d'un huissier de justice désigné à cet effet, aux frais des sociétés intimées et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la destruction de la totalité du stock de sacs jugés contrefaisants en leur possession,

- de dire qu'en application de l'article 35 de la loi du 19 juillet 1991, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la cour ayant statué sur la présente demande,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation de l'atteinte portée en France à la valeur patrimoniale de ses droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré sur le sac Dior Soft,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice commercial qui en découle sur le territoire français sauf à parfaire après communication des quantités de sacs litigieux directement venus en France par la société GIANNI VERSACE SPA,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 80.000 euros en réparation du préjudice moral résultant en France de l'atteinte plus générale portée à sa réputation et à son image,

- d'ordonner à la société GIANNI VERSACE SPA de lui communiquer les éléments suivants :

- les quantités de sacs litigieux vendus directement en France,

- les chiffres d'affaires et bénéfices réalisés sur la vente de ces sacs en France,

- les quantités de sacs litigieux vendus en Italie,

- les chiffres d'affaires et bénéfices réalisés en Italie,

- les quantités de sacs litigieux encore en stock en Italie,

- à défaut, d'ordonner une expertise afin de déterminer le préjudice commercial et le préjudice moral qu'elle a subis sur le territoire italien,

- de condamner la société GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts provisionnels,

- de faire droit à ses demandes additionnelles,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation de l'atteinte portée en France, à la valeur patrimoniale de ses droits d'auteur et de modèle communautaire non enregistré sur les sacs Small Tote et Medium Tote,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice commercial qui en découle sur le territoire français et italien après communication des quantités de sacs litigieux vendus en France et en Italie par les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA,

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 80.000 euros en réparation du préjudice moral résultant en France de l'atteinte plus générale portée à sa réputation et à son image,

- en tout état de cause, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais in solidum des sociétés intimée, à raison de 5.000 euros par insertion et ce, au besoin à titre de dommages intérêts complémentaires,

- d'ordonner l'inscription par extraits du jugement (sic) en langue italienne sur la page d'accueil du site internet www.versace.com et ce, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir (sic),

- de condamner in solidum les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais de constat et de saisie contrefaçon ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2011 et le 23 janvier 2012 par lesquelles les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA respectivement demandent à la cour :

- de les recevoir en leurs conclusions,

- de débouter la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de l'ensemble de leurs demandes,

- de confirmer le jugement du 10 juin 2011sur les points suivants :

- l'irrecevabilité des demandes portant sur les sacs Small Tote et Medium Tote,

- le sac Dior Soft ne peut bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur,

- le débouté de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de sa demande de contrefaçon du sac Dior Soft

- d'infirmer le jugement déféré pour le surplus,

' Sur le sac Dior Soft

A titre principal,

- de dire que le sac Dior Soft ne peut être protégé au titre du modèle communautaire non enregistré,

A titre subsidiaire,

- de constater l'absence de contrefaçon commise par la société GIANNI VERSACE SPA,

- de circonscrire le litige au seul territoire français,

- de constater la bonne foi de la société GIANNI VERSACE SPA,

A titre plus subsidiaire,

- de nommer tel expert qu'il plaira aux frais avancés de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aux fins d'établir l'existence d'une contrefaçon,

A titre encore plus subsidiaire,

- de dire que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ne justifie d'aucun préjudice,

- de débouter la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de la totalité de ses demandes indemnitaires,

' Sur les sacs Small Tote et Medium Tote

- de constater que les sacs Small Tote et Medium Tote ne peuvent être protégés ni au titre du droit d'auteur ni à celui des modèles communautaires non enregistrés,

A titre subsidiaire,

- de constater l'absence de contrefaçon commise par la société GIANNI VERSACE SPA,

- de circonscrire le litige au seul territoire français,

- de constater la bonne foi de la société GIANNI VERSACE SPA,

A titre plus subsidiaire,

- de nommer tel expert qu'il plaira aux frais avancés de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aux fins d'établir l'existence d'une contrefaçon,

A titre encore plus subsidiaire,

- de dire que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ne justifie d'aucun préjudice,

- de débouter la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de la totalité de ses demandes indemnitaires,

En tout état de cause,

- de dire que la procédure engagée par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE contre elle est manifestement abusive,

- de condamner la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à payer, au profit de chacune, la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive intentée contre elles ainsi que la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel ;

SUR QUOI, LA COUR :

Sur le sac Dior Soft :

' Sur la protection au titre du droit d'auteur :

L'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE soutient qu'elle est investie des droits d'auteur résultant de la création d'un sac à main qu'elle a commercialisé au mois de novembre 2007 sous la dénomination Dior Soft et dont l'originalité se caractérise par la combinaison des éléments suivants :

- sac cabas de forme générale rectangulaire matelassé par un entrecoupement de lignes droites verticales, horizontales et obliques,

- la forme générale rectangulaire du corps du sac étant positionnée de manière verticale, la hauteur du sac étant légèrement plus importante que sa largeur,

- le sac comporte deux anses chacune composée d'une succession de cinq anneaux métalliques, d'une bande de cuir plate, arrondie sur les extrémités extérieures, d'une nouvelle succession de cinq anneaux métalliques,

- la bande de cuir plate comporte une fine bande de cuir surpiquée et un rivet métallique arrondi à l'extrémité,

- sur la partie haute du corps du sac se situe de gros oeillets métalliques plats ovales situés au premier et au second tiers de la largeur du sac,

- des breloques sont suspendues à un anneau lequel est inséré dans le maillon ovale passant dans l''illet de droite ;

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a jugé que la combinaison des éléments appartenant au domaine public tels ceux ci-dessus décrits ne révèle pas l'empreinte de la personnalité de son auteur dans la mesure où l'association d'éléments fonctionnels confère à l'ensemble du sac un caractère banal ;

Les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA soutiennent au contraire que ce sac à main ne présente strictement aucune originalité qui lui permettrait de bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur aux motifs que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE ne fait que décliner à partir d'un même modèle ses sacs en ajoutant le détail à la mode pour 'coller' aux tendances de la mode du moment comme le font toutes les grandes marques, le sac cabas ayant été le sac de ralliement de l'année 2008 ;

Un modèle de sac à main sera susceptible de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur si la combinaison de ses caractéristiques en fait un objet original possédant une physionomie particulière laquelle révèle l'esprit créatif de son auteur ;

L'originalité du produit doit s'apprécier de manière globale en fonction de l'agencement des différents éléments sans s'attacher à chacun d'eux individuellement ;

Il faut également que la forme et l'aspect général de l'objet ne soient pas au moment de sa divulgation exclusivement tributaires de sa fonction, le sac servant par nature de contenant et les anses constituant nécessairement un moyen de portage et que les éléments qui le composent ne soient pas issus du domaine public, étant précisé que rien n'interdit que des éléments connus et tombés dans le domaine public ou exerçant une fonction utilitaire forment un produit pouvant bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur si l'esprit créatif de son auteur est révélé ;

Or si en l'espèce, la forme cabas du sac Dior Soft aux faces matelassées, si des anneaux métalliques ovales dont quatre sont solidarisées aux 'illets du sac servant de liaison entre les anses proprement dites et le sac, si la bande de cuir plate supérieure formant anse et si encore l'emploi de breloques fixées à un anneau riveté à l'un des 'illets peuvent résulter d'emprunts au domaine public, en revanche l'association de la forme rectangulaire plus haute que large, du cuir matelassé des quatre faces du sac formé de losanges construits à partir de double surpiqûres verticales et horizontales et de simples surpiqûres diagonales, des poignées d'anses en cuir reliées au sac par des anneaux ovales métalliques dorés comportant une fine bande de cuir surpiquée dans lequel s'insère l'anneau supérieur de la chaîne ainsi qu'un rivet métallique arrondi à l'extrémité fait que réunis confère à ce sac à main une apparence originale qui révèle une recherche et un parti pris esthétique particulier de la part de son créateur qui le rend éligible au titre du droit d'auteur ;

Il convient en outre d'observer que les documents versés aux débats par les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA au soutien de leur opposition destinés à démontrer l'existence d''uvres préexistantes au sac Dior Soft ne sont pas déterminants dans la mesure où les enquêtes menées par la société STRA-BRANDING à Milan et à Paris (Pièces n° 8 et 14 du dossier Versace) constituent des documents de faibles valeurs probantes puisqu'ils ne reposent que sur de simples allégations des sociétés intimées et que les pièces 7 et 9 de leur dossier, comme d'ailleurs les modèles présentés aux pages 17 et 18 de leurs conclusions, ne sont pas datées et ne possèdent donc pas davantage de crédibilité probatoire ;

Le jugement déféré qui a dénié au sac Dior Soft toute protection au titre des livres Premier et Troisième du code de la propriété intellectuelle sera par conséquent infirmé ;

' Sur la protection au titre du modèle communautaire non enregistré :

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé au sac Dior Soft la protection au titre du modèle communautaire non enregistré ;

Les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA font au contraire valoir que le sac litigieux ne présente strictement aucune nouveauté ni aucun caractère propre lui permettant de bénéficier d'une quelconque protection au titre des modèles communautaires non enregistrés ;

L'article 1 paragraphe 2a) du règlement (CE) n°6/2002 du 12 décembre 2001 prévoit qu'un modèle est protégé en qualité de '[...] ou modèle communautaire non enregistré s'il est divulgué au public [...]' ;

L'article 11.1. précise que le modèle communautaire non enregistré bénéficie d'une protection de trois ans à compter de la date à laquelle le modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté, le paragraphe 2. précisantqu'il y a divulgation au sens du paragraphe 1. si le modèle a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ;

Les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA indiquent que les seuls éléments datables de divulgation du sac Dior Soft sont la facture d'achat du sac datée du 4 mars 2008 (Pièce n°5 du dossier Dior) ainsi que l'extrait du book daté du même jour scellé par huissier de justice dans le cadre d'un procès-verbal (Pièce n°2 du dossier Dior) ;

Mais la société CHRISTIAN DIOR COUTURE justifie par la production de nombreuses revues dont la première est datée du 24 novembre 2007 ainsi que par la production d'un plan media Automne/Hiver 2007/2008 relatif au sac Dior Soft que de nombreuses revues et diffuseurs tant français (Elle, Madame Figaro, Gala, Marie-Claire, etc....) qu'européen (El Mundo en Espagne, Vogue, Vanity Fair, The Times au Royaume Uni, Amica, Io Donna, Corriere della Sera en Italie, Instyle, Vogue en Allemagne) ont diffusé le sac Dior Soft à partir du mois de novembre 2007 représentant un investissement publicitaire de 1.380.031 euros pour l'Europe communautaire (Pièce n° 4 du dossier Christian Dior Couture) ;

La condition de divulgation prévue par la disposition communautaire est donc remplie et la date à retenir est celle du 24 novembre 2007 ;

Conformément aux dispositions des articles 5 et 6 du règlement (CE) n° 6/2002, un modèle communautaire non enregistré est considéré comme :

- nouveau si aucun modèle identique n'a été divulgué au public avant la date à laquelle le modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué pour la première fois,

- présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout modèle qui a été divulgué au public ;

Les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA se contentent d'affirmer sans le démontrer que le sac Dior Soft ne présente aucune nouveauté ni caractère propre ;

Et c'est par une exacte motivation que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que le modèle de sac litigieux était nouveau dans la mesure où les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA n'ont versé aux débats aucune pièce ayant date certaine leur permettant de soutenir que les sacs qu'ils produisent ont été divulgués au public antérieurement au sac Dior Soft ;

Pas davantage en l'absence de modèles produits, les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA ne démontrent que l'impression globale que le sac Dior Soft produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout modèle qui a été divulgué au public ;

Il s'ensuit que le jugement déféré qui a considéré que le sac Dior Soft devait bénéficier d'une protection en qualité de modèle communautaire non enregistré au bénéfice de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE pendant une période de trois ans à compter du 24 novembre 2007 doit être confirmé ;

Sur les sacs Small Tote et Medium Tote :

' Sur la protection au titre du droit d'auteur :

La société CHRISTIAN DIOR COUTURE critique le jugement déféré qui a déclaré ses demandes additionnelles portant sur la protection au titre du droit d'auteur des sacs Small Tote et Medium Tote irrecevables ;

Elle soutient pour solliciter l'infirmation de la décision que ces demandes se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant puisque les deux nouveaux sacs litigieux sont invoqués par les sociétés intimées pour démontrer l'absence d'originalité et de nouveauté du sac Dior Soft ;

Pour conclure à l'irrecevabilité de cette demande et à la confirmation du jugement, les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA répliquent que les demandes additionnelles de la société Christian Dior Couture portent sur des faits antérieurs à ceux qui l'ont conduit à les assigner puisque ces deux sacs font partie de la collection Dior Printemps/Eté 2007 tandis que le sac Dior Soft fait partie de la collection Printemps/Eté 2008 ;

Conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles et additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

L'action originellement engagée par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à l'encontre des sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA portait exclusivement sur les actes de contrefaçon du sac Dior Soft ;

Les demandes additionnelles en contrefaçon porte sur deux sacs découverts au cours de la procédure de première instance laquelle concernait uniquement le sac Dior Soft ; que cette demande ne se présente manifestement pas comme une demande accessoire à la demande principale ayant un rapport de connexité suffisant avec celle-ci puisqu'elle ne tend ni aux mêmes fins ni à renforcer le fondement juridique de la demande initiale ;

Le jugement qui a déclaré les demandes additionnelles irrecevables doit être confirmé ;

Sur les faits de contrefaçon :

' au titre du droit d'auteur :

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause est illicite tout comme constitue une contrefaçon toute reproduction d'une 'uvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur ;

Il a été démontré supra que le sac Dior Soft a été largement diffusé et commercialisé en Europe par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à partir du mois de novembre 2007 de sorte que les agents économiques spécialisés dans la maroquinerie lesquels incluent les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA étaient tous informés de l'existence de ce produit ;

Les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA reconnaissent que leur modèle de sac argué de contrefaçon référencé DBFB 403 a fait l'objet d'une commercialisation à partir de la saison automne/Hiver 2008 soit un an après la diffusion du sac Dior Soft ;

Pour contester les actes de contrefaçon qui leur sont reprochés, elles soutiennent que les éléments mis en exergue par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE pour caractériser le sac Dior Soft font partie du domaine public et qu'il convient par conséquent, pour caractériser les actes de contrefaçon, de ne faire porter la comparaison que sur les modifications qui ont pu être apportées aux éléments appartenant au domaine public ;

Comme en conviennent les sociétés appelantes et intimées, la forme cabas du sac, le matelassé, les maillons de chaînes servant de liaison avec les anses et les breloques sont connus et appartiennent au domaine public ;

Mais le sac Versace ne reproduit cependant pas les caractéristiques essentielles du sac Dior Soft ; en effet, il possède des faces latérales soulignées à chaque angle par une fine bordure, un matelassage fait de larges losanges sans surpiqûres, des bandes gaufrées délimitant les losanges marquées d'une frise au motif grec, huit anneaux à la forme aplatie, des 'illets carrés, des anses en cuir avec des attaches sous forme de manillon, une fermeture à glissière, deux poches fermées l'une par un bouton pression, l'autre par une fermeture à glissière, cette dernière étant assortie de deux poches plaquées ;

La comparaison entre les éléments protégeables du sac Dior Soft avec les éléments du modèle du sac Versace fait donc apparaître que les ressemblances entre les modèles ne résultent que de la reprise d'un genre - forme cabas, matelassé, maillons de chaîne, breloques - et pas de la reproduction des caractéristiques spécifiques sus-énoncées de sorte qu'il y a lieu de considérer que les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA n'ont pas commis les actes de contrefaçon du sac Dior Soft qui leur sont imputés ;

' au titre du modèle communautaire non enregistré :

Selon l'article 19 paragraphe 2.du règlement (CE) n°6/2002, le modèle communautaire non enregistré ne confère à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe 1 que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du modèle protégé ;

Pour les motifs ci-dessus exposés, les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA ne peuvent invoquer les dispositions de l'alinéa 2 du paragraphe 2 qui précisent que l'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le modèle divulgué par le titulaire ;

Les importantes dissemblances relatées ci-dessus et l'absence de reproduction des éléments individuels caractérisant le modèle de sac Dior Soft font que le sac DBFB 403 ne constitue pas la copie du modèle protégé ;

Le jugement déféré qui a débouté la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de sa demande de contrefaçon du modèle communautaire non enregistré sera par conséquent confirmé ;

L'ensemble des demandes formées par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à l'encontre des sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA au titre des actes de contrefaçon fondées tant sur le droit d'auteur que sur le droit des modèles seront par conséquent rejetées ;

Sur les demandes formée par les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA :

Les sociétés intimées estiment que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE a abusivement et fautivement engagé à leur encontre une procédure en contrefaçon qui justifie leur demande de condamnation à des dommages intérêts en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi ;

Mais les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA ne démontrent pas la faute que la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aurait commise à leur encontre ni le préjudice qu'elles auraient subi à la suite de l'action judiciaire engagée contre elles ;

Leur demande d'indemnisation pour procédure abusive sera par conséquent rejetée ;

Il apparaît en revanche équitable de mettre à la charge de la société CHRISTIAN DIOR COUTURE les frais que les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA ont dû engager en cause d'appel et qui sera fixée à la somme de 1.000 euros pour chacune d'elles ;

La demande formée au même titre par la société CHRISTIAN DIOR COUTURE sera rejetée ;

P A R C E S M O T I F S,

Confirme le jugement rendu le 10 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions, à l'exception de celles portant sur le droit d'auteur sur le sac Dior Soft,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le sac Dior Soft bénéficie de la protection au titre des dispositions sur les droits d'auteur,

Déboute la société CHRISTIAN DIOR COUTURE de l'ensemble de ses demandes au titre des actes de contrefaçon imputés aux sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA,

Déboute les sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société CHRISTIAN DIOR COUTURE à payer à chacune des sociétés VERSACE FRANCE et GIANNI VERSACE SPA la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CHRISTIAN DIOR COUTURE aux entiers dépens d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.