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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 6 janvier 2022, n° 19/04392

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Chabanel (SAS), BMA (SARL), Extérieur Confort (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Follet, Me Liotard

T. com. Romans-sur-Isère, du 18 sept. 20…

18 septembre 2019

EXPOSE DU LITIGE :

La Sarl Chabanel a été immatriculée en février 1975 et jusqu'en 2014, son capital social était réparti entre :

- la société Papa Holding : 650 parts sociales,

- X… : 125 parts sociales,

- Y… : 95 parts sociales.

Elle détenait des participations dans plusieurs sociétés dont la société Ponson, dirigée par X… jusqu'en juin 2011.

X… a été salarié de la société Chabanel du 1er juillet 2011 au 21 novembre 2012, date à laquelle il a été licencié.

Suivant délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 29 mai 2012, la société Chabanel est devenue une société anonyme simplifiée, de nouveaux statuts ont été adoptés et la société Papa Holding en a été nommée présidente.

Par acte sous-seing privé du 29 mai 2012, les associés de la société Chabanel ont également défini le mode de valorisation des titres de la société en cas de transmission de tout ou partie de leurs actions, de manière collective ou individuelle, et ce, quelle qu'en soit la nature et la cause.

Le 16 septembre 2014, la société BMA est entrée au capital de la société Chabanel en rachetant 317 actions dont la valorisation s'est effectuée sur la base du bilan arrêté au 31 décembre 2013.

A la suite d'une augmentation du capital, ce dernier s'est trouvé réparti comme il suit :

- 555 actions détenues par la société BMA,

- 333 actions détenues par la société Papa Holding,

- 125 actions détenues par M X…,

- 95 actions détenues par M Y…,

et la société BMA a été désignée présidente de la société Chabanel.

Le 15 octobre 2015, l'assemblé générale extraordinaire des associés a décidé l'exclusion de X… et le rachat de ses actions par la société BMA au prix de 12.000 euros.

En l'absence d'accord de X… sur le prix proposé, la société Chabanel a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Romans sur Isère qui, par décision du 13 juin 2016, a ordonné une mesure d'expertise confiée à Z…, aux fins de déterminer le prix de cession des 125 actions détenues par X… à la date de son licenciement de la société Chabanel, le 21 novembre 2012.

Une nouvelle ordonnance du 17 octobre 2016, a étendu la mission de l'expert à l'appréciation de la valeur des parts de X… à la date du 31 décembre 2015.

L'expert a déposé son rapport le 14 novembre 2017.

Par acte sous seing privé du 7 novembre 2016, la société Papa Holding a cédé à la société BMA ses 333 actions restantes dans la société Chabanel.

Sur l'assignation de X… et par jugement du 18 septembre 2019, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :

- fixé au 31 décembre 2015, la date d'appréciation de la valorisation des 125 actions de X…,

- retenu la méthode par application du pacte d'associés du 29 mai 2012 pour calculer la valorisation des titres,

- dit que la cession des 125 actions de X… à la société BMA se fera au prix de 20.830 euros, selon une appréciation faite à la date du 31 décembre 2015,

- condamné la société BMA à payer à X… la somme de 20.830 euros correspondant à la valeur de ses titres au 31 décembre 2015,

- déclaré recevable X…, en sa qualité d'associé, dans son action en responsabilité à l'encontre des sociétés Extérieur Confort et BMA,

- dit que l'action en responsabilité engagée par X… à l'encontre des sociétés Extérieur Confort et BMA n'est pas prescrite,

- dit que les sociétés Extérieur Confort et BMA n'ont commis aucune infraction aux statuts, ni aucune faute de gestion, susceptibles d'engager leur responsabilité,

- débouté X… de l'ensemble de ses demandes indemnitaires comme étant infondées,

- dit que le coût de l'expertise sera partagé entre les parties,

- condamné X… à rembourser à la société Chabanel la quote-part de l'expertise lui incombant,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de X…, des sociétés Extérieur Confort et BMA, chacun pour un tiers.

Suivant déclaration au greffe du 29 octobre 2019, X… a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Au terme de ses écritures notifiées le 28 janvier 2020, X… demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* fixé au 31 décembre 2015 la date d'appréciation de la valorisation des 125 actions de X…,

* retenu la méthode par application du pacte d'associés du 29 mai 2012 pour calculer la valorisation des titres,

* dit que la cession des 125 actions de X… sera cédée à la société BMA au prix de 20 830 euros, selon une appréciation faite à la date du 31 décembre 2015,

* condamné la société BMA à payer à X… la somme de 20.830 euros, correspondant à la valeur de ses titres au 31 décembre 2015,

* dit que les sociétés Extérieur Confort et BMA n'ont commis aucune infraction au statut ni aucune faute de gestion susceptible d'engager leur responsabilité,

* débouté X… de l'ensemble de ses demandes indemnitaires comme étant infondées,

* dit que le coût de l'expertise sera partagé entre les parties,

* condamné M X… à rembourser à la société Chabanel la quote-part de l'expertise lui incombant,

* dit qu'il n'y a pas lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* mis les dépens à la charge de X… et des sociétés Extérieur Confort et BMA, chacun tenu pour un tiers,

- confirmer le jugement dans ses autres dispositions ;

- statuant à nouveau :

- à titre principal :

- dire et juger que la valeur des actions de X… doit être appréciée au jour de son licenciement, soit le 21 novembre 2012, fait générateur de son exclusion,

- dire et juger que les actions de X… doivent être valorisées à cette date en application du pacte d'associé du 29 mai 2012 comme le préconise l'expert judiciaire,

- condamner la société BMA à verser à X… la somme de 89.354 euros correspondant à la valeur de ses titres à cette date en application du rapport d'expertise du 14 novembre 2017,

- à titre subsidiaire :

- dire et juger que la valeur des actions de X… doit être appréciée au 31 décembre 2015,

- dire et juger que les actions de X… doivent être valorisées en application de la méthode des multiples transactions comparables, comme le préconise l'expert judiciaire,

- condamner la société BMA à verser à X… la somme de 78.864 euros correspondant à la valeur de ses titres au regard du rapport d'expertise,

- dire et juger que la gérance, puis la présidence de la société Chabanel ont commis une faute par violation des statuts pour ne pas avoir mis en œuvre la clause d'exclusion lors du licenciement de X… et que cette faute est à l'origine de son préjudice tenant à la perte de valeur de ses titres,

- dire et juger que la présidence de la société Chabanel a commis une faute de gestion au titre de l'opération Ponson, laquelle a contribué à la dépréciation de la valeur des titres de X…,

- dire et juger infondée la position des défendeurs quant à l'irrecevabilité de la demande de M. X… au regard de la perte de sa qualité d'associé ou de la prescription de son action,

- condamner solidairement la société Extérieur Confort et la société BMA, dirigeantes, à payer à X… la somme de 10.490 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de leur violation des statuts et fautes de gestion,

- à titre infiniment subsidiaire,

- condamner les mêmes sociétés Extérieur Confort et BMA, sur le fondement de leur responsabilité comme retenue ci-avant, à la différence entre la somme de 89.354 euros et celle qui sera retenue au titre de la valeur des actions au 31 décembre 2015,

- en tout état de cause,

- dire et juger opposable à la société Chabanel et à B…, associé, la présente décision et ses conséquences,

- condamner les sociétés Extérieur Confort et BMA à payer à X… la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

X… soutient que la valeur de ses actions doit être appréciée à la date de son licenciement, le 21 novembre 2012, s'agissant du fait générateur de son exclusion de la société, et selon la méthode définie dans le pacte d'associés du 29 mai 2012.

Il relève que selon l'article 16 des statuts, l'exclusion d'un associé est prononcée à l'initiative du président ; que n'ayant pas la majorité requise, il ne pouvait contraindre les associés à procéder à son exclusion à la date de son licenciement ; qu'à la date de ce dernier, il avait en outre, un intérêt financier à demeurer associé.

A titre subsidiaire, il considère que seule la date du 31 décembre 2015 peut être retenue et que la valorisation doit s'opérer en application de la méthode des multiples de transactions comparables, les associés ayant volontairement écarté le pacte d'associés à l'occasion d'une précédente opération réalisée au cours de l'année 2014 et le principe d'égalité de traitement entre associés devant s'appliquer.

Il reproche aux associés de la société Chabanel une mise en œuvre déloyale de la clause d'exclusion en différant volontairement sa mise en œuvre à une date où l'actif net social se trouvait largement dévalorisé en raison d'opérations dont le but était de réduire la valeur de ses parts.

Il considère que si l'exclusion demeure une faculté pour les associés, sa mise en œuvre constitue une obligation pour la présidence qui devait convoquer l'assemblée générale, qu'en attendant pour ce faire une perte de valeur des titres, la présidence a violé les statuts et commis une faute ayant causé un préjudice à l'associé exclu.

Il fait valoir que la société BMA, devenue présidente de la société Chabanel en 2014, a commis une faute de gestion en rachetant la totalité des parts d'une société Ponson, quelques mois seulement avant qu'elle ne soit placée en liquidation judiciaire, et que sa participation ne soit comptabilisée en perte sèche, impactant lourdement les comptes sociaux sans que l'intérêt social d'une telle opération n'ait pu être expliqué.

En réponse aux fins de non-recevoir soulevées par les intimés, X… soutient que :

- nonobstant la décision d'exclusion, il conserve sa qualité d'associé tant que la valorisation et le paiement de ses actions ne sont pas intervenus,

- le fait générateur de sa demande d'indemnisation tant au titre de la faute de gestion que de la violation des statuts, est l'assemblée générale du 30 octobre 2015 au cours de laquelle a été votée son exclusion,

- son action devait être introduite avant le 30 octobre 2018 et ne se trouve pas atteinte par la prescription,

- la saisine du juge des référés a interrompu le délai de prescription triennale.

Par conclusions notifiées le 27 avril 2020, Y…, les sociétés Chabanel, BMA et Extérieur Confort entendent voir, au visa des articles 1843-4 alinéa 2 du code civil, modifiés par l'ordonnance du 31 juillet 2014, L.222-22 et suivant du code des sociétés :

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la date du 31 décembre 2015 comme date d'appréciation de la valorisation des parts sociales,

- prendre acte que X… se prévaut du pacte d'associés du 29 mai 2012,

- fixer comme date d'appréciation de la valorisation des 125 actions de X…, celle du 31 décembre 2015 et non celle 2 novembre 2012, entre les deux dates proposées par l'expert judiciaire,

- dire et juger que la date du 31 décembre 2015 est conforme à la jurisprudence qui retient la date la plus proche de la cession des actions,

- prendre acte que c'est par assemblée générale extraordinaire du 31 octobre 2015 que le principe de la cession des 125 actions détenues par X… à la société BMA a été acté,

- dire et juger que la vente est donc acquise à la date du 31 octobre 2015,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la méthode de valorisation prévue dans le pacte d'associés du 29 mai 2012,

- dire et juger que l'expert est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toutes conventions liant les parties,

- prendre acte que X… invoque l'application du pacte d'associés du 29 mai 2012,

- dire et juger que même si l'expert a exprimé sa préférence pour la méthode des multiples de transaction comparable, l'expert a également valorisé la cession des parts en fonction de la méthode prévue dans le pacte d'associés du 29 mai 2012,

- dire et juger que la seule méthode qui peut être retenue est celle prévue dans le pacte d'associés du 29 mai 2012,

- dire et juger que la cession des 125 actions de X… seront cédées à la société BMA au prix de 20.830 euros, selon une appréciation faite à la date du 31 décembre 2015, confirmer le jugement rendu à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de X…,

- débouter X… de sa demande de mise en oeuvre de la responsabilité de la société BMA et Extérieur Confort,

- dire et juger sa demande irrecevable, celui-ci n'étant plus associé et n'ayant plus qualité pour agir sur le fondement d'une action ut singuli,

- à ce titre, infirmer le jugement rendu,

- dire et juger cette action prescrite car soumis au délai de prescription triennale, à ce titre, infirmer le jugement rendu,

- dire et juger qu'aucune infraction au statut ni aucune faute de gestion ne peuvent être reprochés à la société BMA et à la société Extérieur Confort, à ce titre, confirmer le jugement rendu,

- débouter X… de l'intégralité de ses demandes, moyens et conclusions,

- condamner X… à rembourser à la société Chabanel le coût de l'expertise,

- subsidiairement,

- dire et juger que le coût de l'expertise sera partagé entre les parties,

- condamner X… à rembourser à la société Chabanel la part lui incombant,

- condamner X… au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner X… aux entiers dépens.

Les intimés relèvent que X… n'a lui-même pas pris l'initiative de la procédure d'exclusion, ni mis en demeure la société Chabanel de la mettre en oeuvre et qu'il ne peut dès lors lui reprocher de ne pas l'avoir fait concomitamment à son licenciement.

Ils soutiennent que :

- pour évaluer les droits sociaux, et sauf clause contraire des statuts ou d'une convention des parties, il convient de se placer à la date la plus proche possible de celle de leur remboursement et non de celle de la perte de la qualité d'associés,

- selon le pacte d'associés du 29 mai 2012, la valorisation de la société doit se faire au regard du bilan du dernier exercice social clos, précédant la transmission des actions, soit la date la plus proche de la cession,

- l'article 16 des statuts n'établit pas un lien de cause à effet direct entre le licenciement d'un associé et son exclusion, celle-ci devant faire l'objet d'une décision collective extraordinaire des associés,

- le principe de la transmission des actions de X… résultant d'une assemblée générale extraordinaire du 30 octobre 2015, c'est donc à la date de clôture du bilan du dernier exercice social, soit le 31 décembre 2015, qu'il convient de déterminer la valeur des actions.

Ils rappellent que depuis le 3 août 2014, selon les termes de l'article 1843-4 du code civil, l'expert est tenu de se référer aux règles d'évaluation résultant des statuts ou des conventions liant les parties.

Ils estiment en conséquence que le pacte d'associés du 29 mai 2012 s'impose, qu'il est opposable à X… qui en est signataire, que si la valorisation des titres qu'elle a acquis s'est basée sur le bilan arrêté au 31 décembre 2013 et résulte de la négociation entre les parties, la société BMA ne pouvait se prévaloir de ce pacte avant de devenir associée, que l'ensemble des parties se prévalant des stipulations du pacte d'associés, l'expert ne pouvait envisager d'autres méthodes de valorisation des actions, notamment celle dite des multiples de transactions comparables.

Ils font valoir que cette dernière méthode est inadaptée à la situation dans la mesure où elle se base sur le prix de cession amiable des titres au mois de septembre 2014, déterminé selon la valeur de la société Chabanel au 31 décembre 2013 et ne prend en compte ni les opérations de l'année 2014, qui ont entraîné une dépréciation de cette valeur, ni la décote de minorité applicable à M X….

Ils relèvent qu'en novembre 2016, la société Papa Holding a cédé le reste de ses titres à la société BMA pour une valeur inférieure de 50 % à celle retenue en 2014, que la société Papa Holding a participé au redressement de la société Chabanel alors que A… ne travaille plus pour cette dernière depuis 2012, que la situation de la société Chabanel s'est dégradée depuis 2014, l'EBE étant devenu négatif et le chiffre d'affaires ayant chuté de 23 %, alors que X… a participé à cette dégradation en travaillant pour une société concurrente.

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'action en responsabilité aux motifs que :

- X… ayant perdu sa qualité d'associé, il ne peut plus exercer l'action ut singuli,

- subsidiairement, que la suspension de ses droits non pécuniaires dans l'attente du paiement de ses titres, ne lui permet pas non plus d'agir sur le fondement de l'article L.223-22 code des sociétés,

- la demande est prescrite, le délai de prescription de l'action étant de trois années.

Ils contestent toute déloyauté et toute faute de gestion arguant :

- du fait que la société BMA n'était pas associée à la date du licenciement,

- de l'absence d'obligation pour la société Extérieur Confort de mettre en oeuvre la procédure d'exclusion, s'agissant d'une simple possibilité,

- de l'absence de démonstration par X… du caractère fautif de la décision de demander la liquidation judiciaire de la société Ponson alors que sa situation était irrémédiablement compromise malgré des apports importants de liquidités,

- de la nécessité d'inscrire dans les comptes de la société Chabanel une provision pour dépréciation des titres qu'elle détenait dans la société Ponson, opération validée par le commissaire aux comptes et approuvée par l'assemblée générale du 29 juin 2015 au cour de laquelle X… a lui-même voté l'approbation des comptes annuels de l'exercice 2014.

La procédure été clôturée le 1er juillet 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

1º) sur la valorisation des parts :

L'article 16 des statuts prévoit que le prix de cession des actions de l'associé exclu sera déterminé d'un commun accord ou, à défaut, à dire d'expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil.

Conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014, l'expert désigné pour fixer le prix de cession des droits sociaux d'un associé, 'est tenu d'appliquer lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties'.

Il est de principe que les associés s'en étant expressément remis à l'estimation d'un expert ainsi désigné, ce dernier dispose, par l'effet de leur volonté contractuelle, du monopole de l'évaluation des droits sociaux, et qu'à défaut d'erreur grossière, il n'appartient pas aux juges d'y procéder eux-mêmes.

Désignée par ordonnance du 13 juin 2016, l'expert Z… a, conformément aux termes de sa mission, déterminé le prix des 125 actions de M A… à 89.354 euros au 21 novembre 2012 et à 78.864 euros au 31 décembre 2015, sans prendre position entre ces deux options.

Si dans le premier cas, l'expert a fait application des stipulations du pacte d'associés du 29 mai 2012 déterminant les modalités de valorisation des parts en cas de cession, dans le second cas, elle les a finalement écartées au stade de ses conclusions aux motifs que lors de la cession d'un bloc de 317 actions en septembre 2014 au profit de la société BMA, les associés de la société Chabanel avaient décidé de ne pas les appliquer.

- sur la date d'évaluation :

X… est demeuré associé au sein de la société Chabanel, postérieurement à son licenciement intervenu le 21 novembre 2012.

Si l'article 16 des statuts permet de prononcer l'exclusion d'un associé en cas de perte de la qualité de salarié, il ne s'agit que d'une faculté que les associés n'ont pas choisi d'exercer avant leur assemblée générale extraordinaire du 15 octobre 2015.

De son côté, M X… n'a pas souhaité exercer son droit de retrait de la société par la cession de ses titres, ayant conservé, ainsi qu'il l'indique dans ses écritures, un intérêt à demeurer associé, qualité l'obligeant dès lors à supporter les aléas sociaux.

Les statuts étant taisants sur la date à laquelle la valeur des titres de l'associé exclu doit être déterminée, cette évaluation doit intervenir à la date la plus proche de la perte de la qualité d'associé par le remboursement de la valeur des titres opérant transfert de leur propriété.

C'est donc la seconde date d'évaluation par l'expert au 31 décembre 2015 qui doit être retenue.

- sur l'évaluation :

A la date du 31 décembre 2015, l'expert Z… a évalué le prix de cession des titres à la somme de 78.864 euros en écartant l'application des modalités de valorisation des parts prévues par le pacte d'associé que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil lui faisait expressément obligation de respecter.

Le pacte d'associé constitue un contrat auquel les parties sont convenues de conférer force de loi et de se soumettre, mais qu'elles peuvent également révoquer d'un commun accord.

Il ressort de l'analyse de l'expert qu'à l'occasion de la cession de titres intervenue en 2014 entre la société Papa Holding et la société BMA, les associés ont écarté les règles de valorisation des droits sociaux qu'ils s'étaient fixées, en aggréant, par délibérations des assemblées générales des 27 mai et 16 septembre 2014, un prix unitaire de l'action cédée de 630,91 euros.

La cour relèvera en outre que selon les termes de l'acte de cession d'actions entre associés du 7 novembre 2016, par lequel la société Papa Holding a cédé ses 333 actions restantes à la société BMA, le prix a été déterminé librement entre les parties, sans qu'il soit fait aucune référence au pacte d'associé du 29 mai 2012.

Compte tenu de ces éléments, l'expert a ainsi pu considérer, sans commettre d'erreur grossière, que les contractants au pacte d'associés étaient convenus de le révoquer et qu'en l'absence de toute règle statutaire de détermination de la valeur des actions, la méthode des multiples de transactions comparables était la plus adaptée.

En conséquence, la valorisation des 125 actions détenues par M X… retenue par l'expert Z… au 31 décembre 2015 à hauteur de 78.864 euros doit s'imposer aux parties, comme à la cour, ce qui conduira à infirmer le jugement de première instance et à condamner la société BMA à verser cette somme à M X….

2º) sur l'action en responsabilité :

- sur les fins de non-recevoir :

Si l'article 16 des statuts précise que la décision d'exclusion d'un associé prend effet à compter de son prononcé et qu'à compter de cette décision, les droits non pécuniaires de l'associé sont suspendus, la perte de sa qualité d'associé, qui ne se confond pas avec cette suspension des droits qui y sont attachés, ne peut intervenir qu'au jour du transfert de propriété des titres par leur paiement intégral.

Les titres détenus par X… ne lui ayant pas encore été remboursés, il a conservé sa qualité d'associé et le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité.

L'action en responsabilité, prévue par les articles L.227-8 et L.225-251 du code de commerce s'agissant d'une société par actions simplifiée, doit être exercée dans le délai de trois ans à compter du fait dommageable.

X… invoque d'une part la violation des statuts résultant selon lui de l'absence de décision immédiate d'exclusion après son licenciement, d'autre part la faute de gestion résultant du rachat en septembre 2014 de la société Ponson et du placement de cette dernière en liquidation judiciaire le 25 mars 2015.

Si concernant le premier grief, le fait dommageable est constitué par la décision d'exclusion intervenue le 30 octobre 2015, le second grief repose sur la prise de contrôle de la société Ponson intervenue en septembre 2014.

L'action en responsabilité introduite le 23 juillet 2018 est donc recevable pour le premier, mais se trouve atteinte par la prescription en ce qui concerne la faute de gestion.

Le jugement sera partiellement infirmé en ce qu'il a accueilli l'action de M X… portant sur la faute de gestion.

- sur la violation des statuts :

Ainsi qu'il a été précédemment examiné, l'article 16 des statuts de la société Chabanel n'ouvre qu'une faculté d'exclusion de l'associé en cas de perte de la qualité de salarié ou de dirigeant de l'une des sociétés du groupe et s'il précise que les associés sont appelés à se prononcer à ce sujet à l'initiative du président de la société, aucune stipulation de ces mêmes statuts n'impose au président de les saisir de cette question.

En ne sollicitant pas la décision des associés sur la question de l'exclusion de X… dès la perte de sa qualité de salarié, la société Papa Holding, devenue Extérieur Confort, alors présidente de la société Chabanel, n'a commis aucune violation des statuts.

Il y aura lieu de confirmer le jugement qui a débouté M X… de sa demande indemnitaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 18 septembre 2019 en ce qu'il a :

- retenu la méthode par application du pacte d'associés du 29 mai 2012 pour calculer la valorisation des titres,

- dit que les 125 actions de X… seront cédées à la société BMA au prix de 20.830 euros, selon une appréciation faite à la date du 31 décembre 2015,

- condamné la société BMA à payer à M X… la somme de 20.830 euros correspondant à la valeur de ses titres au 31 décembre 2015,

- dit que l'action en responsabilité engagée par M X… sur le fondement de la faute de gestion à l'encontre des sociétés Extérieur Confort et BMA n'est pas prescrite,

- dit que le coût de l'expertise sera partagé entre les parties,

- condamné X… à rembourser à la société Chabanel la quote-part de l'expertise lui incombant,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de X…, des sociétés Extérieur Confort et BMA, chacun pour un tiers,

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions,

statuant à nouveau,

CONDAMNE la Sarl BMA à payer à X… la somme de 78.864 euros en remboursement de ses titres dans la Sas Chabanel,

DECLARE X… irrecevable en ses demandes en indemnisation sur le fondement de la faute de gestion,

CONDAMNE la Sarl BMA, la Sas Chabanel et M Y…, in solidum, à payer à X… la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl BMA, la Sas Chabanel et M Y…, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.