Cass. com., 28 juin 2023, n° 22-15.671
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Regis
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocat :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société Beauty Success, venant aux droits de la société Sud esthétique, de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 3 mars 2022), en avril 2015, la société Fit Aix a conclu un contrat de « licence d'enseigne » avec la société Relooking Concept et un contrat de location de matériels avec la société Sud esthétique, pour l'exploitation d'un institut de beauté.
3. Invoquant des manoeuvres dolosives de la part de ces deux sociétés, la société Fit Aix les a assignées aux fins d'obtenir la requalification du contrat de licence en contrat de franchise, l'annulation de ce contrat, la restitution des sommes versées et la réparation de ses préjudices.
4. Le 28 octobre 2022, à la suite d'une fusion-absorption intervenue le 1er juin 2022, la société Beauty Success est venue aux droits de la société Sud esthétique, laquelle avait absorbé, le 27 août 2020, la société Relooking Concept.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société Beauty Success fait grief à l'arrêt de condamner « la société Sud esthétique », en réalité les sociétés Relooking concept et Sud esthétique, à payer à la société Fit Aix la somme de 41 361,60 euros, alors « qu'en raison de l'annulation du contrat, ne peut être indemnisée la perte de chance de réaliser les gains attendus ; qu'en allouant pourtant à la société Fit Aix la somme de 13 464 euros en réparation de la perte de chance de réaliser le résultat escompté lors de la conclusion de la convention du 15 avril 2015 qu'elle annulait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
7. La réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi.
8. Pour accueillir la demande d'indemnisation de la société Fit Aix, au titre de l'absence de bénéfices qu'elle aurait pu retirer de l'exploitation de la franchise, l'arrêt retient que les manoeuvres et manquements de la société Relooking Concept ont entraîné, pour la société Fit Aix, une perte de chance d'atteindre le résultat annuel avant impôt prévu par le document prévisionnel établi par le franchiseur et que cette perte de chance doit être évaluée à 20 % de ce résultat, sur trois années, afin de tenir compte de la valeur indicative de ce document prévisionnel et des aléas inhérents à toute activité commerciale.
9. En statuant ainsi, alors qu'en cas d'annulation du contrat pour dol, seuls peuvent être indemnisés les préjudices résultant de la conclusion du contrat, dont la perte de chance de ne pas contracter et d'éviter ainsi de subir des pertes, ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non la perte de chance d'obtenir les gains attendus, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Le premier moyen ne critiquant que les motifs de l'arrêt qui fondent la condamnation des sociétés Relooking Concept et Sud esthétique à payer à la société Fit Aix la somme de 13 464 euros en réparation de la perte de chance de réaliser le résultat escompté lors de la conclusion de la convention en avril 2015, la cassation n'est prononcée qu'en ce que l'arrêt a alloué cette somme à la société Fit Aix, incluse dans la condamnation au paiement de la somme de 41 361,60 euros à titre de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne les sociétés Relooking Concept et Sud esthétique à payer à la société Fit Aix la somme de 13 464 euros en réparation du préjudice subi, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.