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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 8 juillet 2021, n° 19/01605

DOUAI

Arrêt

Infirmation

TI Douai, du 4 févr. 2019

4 février 2019

Exposé des faits et de la procédure

Suivant offre de crédit acceptée le 30 mars 2016, la société Carrefour Banque a consenti à M. Steve L. une ouverture de crédit renouvelable n° 0051047619512100 d'un montant de 1 200 euros utilisable par fraction et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, au taux débiteur de 18,20 % révisable, assorti d’une carte de paiement.

Par exploit d'huissier signifié le 6 mars 2018, la société Carrefour Banque a fait assigner M. L. devant le tribunal d'instance de Lille aux fins de le voir condamner avec exécution provisoire à lui payer la somme de 35 093,07 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,42 % et la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement contradictoire du 4 février 2019, le tribunal d'instance, retenant que la déchéance du terme prononcée n'est pas régulière, a :

- condamné M. L. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 33 108,65 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,42 % au titre des échéances échues impayées au 5 mars 2017, échéance du mois de mars 2017 incluse,

- condamné la société Carrefour Banque à procéder à la mainlevée de l'inscription effectuée sur le fichier national des incidents de remboursement de crédits aux particuliers (FICP) au titre du crédit renouvelable n° 0051047619512100,

- débouté la société Carrefour Banque de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. L. aux dépens,

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 mars 2019, M. L. a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement à l'exception de celui ayant ordonné la mainlevée de l'inscription au FICP.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2019, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la levée du fichage FICP,

- sur la mise en oeuvre irrégulière de la déchéance du terme, juger que la société Carrefour Banque ne démontre pas avoir mandaté la société Contentia pour prononcer la déchéance du terme, et tout état de cause, constater l'absence de mise en demeure préalable émanant du prêteur et adressée au débiteur d'avoir à remplir ses obligations et précisant le délai dont il dispose pour faire obstacle au jeu de la clause résolutoire, que la déchéance du terme a été mise en oeuvre de façon irrégulière et qu'elle n'a pas pu avoir pour effet de rendre exigible le capital restant dû ainsi que l'indemnité d'exigibilité, et que seules les échéances impayées exigibles peuvent être réclamées par la banque,

- débouter la société Carrefour Banque de la demande formulée au titre des mensualités échues impayées en raison de la carence dans l'administration de la preuve de leur existence et subsidiairement, fixer leur montant à la somme de 2 838,48 euros,

- à titre reconventionnel,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et avant dire droit ordonner à la société Carrefour Banque de verser aux débats un décompte précis des intérêts payés, et ce afin de pouvoir faire le compte entre les parties et au besoin d'ordonner la compensation entre les créances réciproques,

- en tout état de cause, condamner la société Carrefour Banque à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 août 2019, la société Carrefour Banque demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Lille le 4 février 2019,

- y joutant, débouter M. L. de toutes ses demandes,

- condamner M. L. à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 12 mai 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

Sur la déchéance du terme

M. L. conteste la validité de la déchéance du terme prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception de la société Contentia en date du 22 mars 2017, reçu le 27 mars suivant, le mettant en demeure de payer la somme de 32 726,89 euros, au motif d'une part, qu'il n'est pas démontré que cette société ait été mandatée par la société Carrefour Banque à cette fin, et d'autre part qu'elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure de payer les échéances impayées.

La société Carrefour Banque oppose qu'elle a donné mandat à la société de recouvrement Contentia pour recouvrer sa créance selon pouvoir spécial en date du 19 octobre 2011, mais reconnaît que le courrier de déchéance du terme du 22 mars 2017 ne peut constituer une mise en demeure préalable, de sorte que seules les échéances impayées sont exigibles.

La société Carrefour Banque produit le mandat spécial qu'elle a donné à la société Contentia par acte du 19 octobre 2011, suivant lequel aux termes du contrat de recouvrement de créances civiles et/ou commerciales conclu entre les parties le 1er juin 2008, Contentia s'est engagée à mettre en ouvre toutes les démarches nécessaires pour recouvrer à l'amiable et/ou judiciairement les créances que la société Carrefour Banque lui confie et qu'en application de ce contrat, le mandant donne mandat spécial au mandataire, qui l'accepte, de représenter la société Carrefour Banque en justice, obtenir toutes décisions de justice et les faire exécuter, ainsi que procéder aux déclarations de créances au nom de la société Carrefour Banque.

En application de l'article 1998 du code civil, les irrégularités affectant la représentation, qu'elles tiennent en un dépassement du mandat ou une absence de mandat, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander, à moins qu'elle ne ratifie ce qui a été fait pour elle hors ou sans mandat.

Dès lors, il importe peu que la société Carrefour Banque ne produise pas le contrat de recouvrement du 1er juin 2008, l'emprunteur n'ayant pas qualité pour se prévaloir, à son profit, d'un défaut de pouvoir du représentant du prêteur, lequel, en tout état de cause et à supposer que la société Contentia ait outrepasser ses pouvoirs, a ratifié la déchéance du terme en engageant l'action en paiement à l'encontre de l'emprunteur.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté le moyen tiré du l'irrégularité de la déchéance du terme pour défaut de pouvoir du tiers l'ayant prononcée.

Toutefois, il est rappelé que la déchéance du terme ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure préalable restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, sauf stipulation contractuelle dispensant expressément le créancier d'une telle mise en demeure.

En l'espèce, le contrat ne dispense pas expressément le prêteur d'adresser une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Or, le courrier recommandé avec avis de réception du 22 mars 2017 qui prononce expressément la déchéance du terme et met M. L. en demeure de payer la somme de 32 726,89 euros majorée du montant des indemnités prévues par la loi, soit : 2 448,27 euros, n'a pas été précédée d'une mise en demeure du prêteur précisant à l'emprunteur le délai dont il dispose pour régler les arriérés et faire obstacle à la résolution du contrat.

Confirmant le jugement sur ce point, il y a donc lieu de constater que la déchéance du terme n'a pas été valablement mise en oeuvre par la société Carrefour Banque, qui ne peut donc se prévaloir de l'exigibilité anticipée du prêt, et partant, ne peut pas réclamer le capital non encore échu, ni l'indemnité légale. Elle reste néanmoins bien fondée à solliciter les échéances devenues exigibles et figurant au décompte de sa demande.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Au visa des articles L.311-6 et L.311-9 du code de la consommation, M. L. soulève la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels prévue par l'article L.311-48 du même code, au motif que la fiche d'information précontractuelle ne lui a pas été transmise préalablement à la conclusion du contrat de crédit le 30 mars 2016, et que le FICP a été consulté le 12 avril 2016, postérieurement à la conclusion du contrat de crédit.

Suivant l'article L. 311-13 du code de la consommation, "le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que celui-ci n'ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refuser si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionnés à l'article L. 311-14 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur".

L'offre a été acceptée le 30 mars 2016 par l'emprunteur.

Il ne ressort pas du dossier que la société de crédit aurait fait connaître sa décision d'agréer l'emprunteur dans le délai de sept jours de l'acceptation ni que l'agrément serait intervenu antérieurement à la mise à disposition des fonds. Dès lors il doit être admis que le contrat est devenu définitif à la date de la mise à disposition des fonds, soit le 17 avril 2016, comme cela résulte de l'historique du prêt versé aux débats.

Il convient dès lors d'admettre que la consultation du FICP le 12 avril 2016 est intervenue avant la conclusion du contrat, les fonds ayant été débloqués le 17 avril 2016 et que la remise le 30 mars 2016 de la fiche d'informations précontractuelles européenne prévue par l'article L.311-6 du code de la consommation est également antérieure à la conclusion définitive du contrat.

La demande de déchéance du droit aux intérêts sera par conséquent rejetée.

Sur la créance de la banque

Selon l'article 1315 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

La société Carrefour Banque produit le contrat de crédit, l'historique du compte ainsi qu'un décompte de créance arrêté au 8 mars 2017.

Ces pièces suffisent à faire la preuve de la créance de la banque, tant en son principe qu'en son montant, l'appelant ne démontrant pas que le décompte produit serait inexact, ou qu'il aurait effectué des paiements libératoires qui n'auraient pas été comptabilisés.

Aux termes du décompte de créance du 8 mars 2017, il ressort que les échéances impayées avant résiliation s'élèvent à 6 369,76 euros, dont il convient de déduire la somme de 976,11 euros correspondant à des "indemnité de retard" non comprises dans les échéances, soit la somme de 5 393,65 euros.

Réformant le jugement sur le quantum, il y a donc lieu de condamner M. L. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 5 393,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017, correspondant aux échéances impayées au 8 mars 2017.

Sur la mainlevée de l'inscription au FICP

Les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, issues de l'article 13 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 entrées en vigueur le 1er septembre 2017, disposent que la déclaration d'appel défère à la cour les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

La déclaration d'appel de M. L. n'a pas déféré à la cour le chef du jugement ayant ordonné la mainlevée de son inscription par la banque au FICP, et la cour n'étant dès lors pas saisie de cette demande, il n'y a pas lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie, qui succombe partiellement, conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Constate que la cour n'est pas saisie du chef du jugement déféré ayant ordonné la mainlevée de l'inscription de M. Steve L. au FICP ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels formée par M. Steve L. ;

Condamne M. Steve L. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 5 393,65 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017, correspondant aux échéances impayées au 8 mars 2017 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses frais et dépens.