Livv
Décisions

Cass. com., 6 septembre 2011, n° 10-19.292

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Montpellier, du 6 avr. 2010

6 avril 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile Gestion contrôle administration (la société GCA) a conclu avec la société J2L santé, le 30 août 2001, un protocole d'accord de cession de la totalité des parts sociales qu'elle détenait dans la SARL Les Tourelles ; que l'acte de cession signé le 25 février 2002 contenait une clause de révision du prix dans le cas où la situation nette de la société au 31 décembre 2000, ayant servi de référence à la fixation du prix acquitté des parts, se révélerait inférieure ou supérieure à celle résultant du bilan arrêté au 31 décembre 2001 ; que cet acte mentionnait l'existence d'une provision constituée pour régler les conséquences éventuelles d'un litige en cours sur des loyers impayés ; que, le jour de la cession, a aussi été signé entre les parties une convention de garantie de passif et de consistance d'actif qui prévoyait, notamment, qu'à l'issue du règlement du litige relatif aux loyers, la différence constatée entre la somme due et celle provisionnée ferait l'objet soit d'un complément, soit d'une réduction du prix de vente des parts et que si le montant de la régularisation des loyers était inférieur à la somme de 710 000 francs, la différence constituerait un complément de prix de vente des parts sociales à recevoir par le cédant ; qu'au 31 décembre 2001, le bilan de la société Les Tourelles a fait apparaître une situation nette en augmentation ; que l'affaire en cours sur les loyers a été définitivement jugée par la condamnation de la société au paiement d'une somme inférieure à la provision ; qu'un litige s'étant élevé entre les parties sur les sommes réciproquement dues, la société GCA a poursuivi en paiement la société J2L santé qui a formé une demande reconventionnelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société J2L santé fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il est dû à la société GCA la somme de 76 607,80 euros et à elle-même la somme de 22 257,66 euros, de l'avoir en conséquence condamnée à verser à la société GCA la somme supplémentaire de 10 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2003 et capitalisation des intérêts et d'avoir rejeté ses autres demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la convention de consistance d'actif et de garantie de passif prévoit que le montant de l'indemnisation due par le garant est déterminé au regard du montant net du passif révélé ou de la diminution d'actif net effectivement subi par la société ; que, de même, la clause de révision du prix de cession prévoit que l'éventuel complément ou réduction de prix est déterminé par comparaison de la situation nette de la société au 31 décembre 2001 par rapport à la situation de référence ; que les parties ont ainsi prévu que ne soient pris en compte que des montants nets, tenant compte de l'incidence fiscale ; qu'en jugeant que le reliquat de la provision pour risque de rappel de loyer réintégrée devant être versé au vendeur à titre de complément de prix devait être fixé à la somme de 62 593,47 euros sans incidence fiscale, la cour d'appel a méconnu les conventions des parties et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la convention de consistance d'actif et de garantie de passif prévoit que le montant de l'indemnisation due par le garant est déterminé au regard du montant net du passif révélé ou de la diminution d'actif net effectivement subi par la société ; que, de même, la clause de révision du prix de cession prévoit que l'éventuel complément ou réduction de prix est déterminé par comparaison de la situation nette de la société au 31 décembre 2001 par rapport à la situation de référence ; que l'absence de prise en compte de l'incidence fiscale de la constitution d'une provision dans l'établissement de la situation de référence, qui est intangible et forfaitaire, ne fait pas obstacle à ces stipulations ; qu'en refusant de tenir compte de l'incidence fiscale de la reprise de la provision parce qu'elle avait été constituée sans que son incidence fiscale soit prise en compte au bilan, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et de nouveau violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il résulte de l'ensemble des conventions des parties qu‘elles ont lié leur sort en admettant une situation nette de référence d'un certain montant résultant d'une situation nette comptable au 31 décembre 2000 et que les termes de la convention ne prévoient pas que la situation nette de référence puisse être modifiée en son montant, l'arrêt en déduit que cette dernière situation s'impose comme telle ; qu'il ajoute que cette logique et cette simplification sont le reflet évident de la volonté des parties qui, d'emblée, ont voulu fixer le prix de vente des parts forfaitairement, ainsi que des garanties de passif et de consistance d'actif fondées sur la situation comptable en forme de bilan de la société les Tourelles arrêtée à la date de cession ; qu'appliquant ainsi la volonté des parties telle qu'elle l'a souverainement interprétée comme ressortant de l'ensemble de leurs conventions, la cour d'appel a, en l'absence de disposition expresse contraire, pu décider que la provision prévue par la situation de référence et la somme due au titre de la solution du litige relatif aux loyers devaient être considérées comme étant sans incidence fiscale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société J2L santé fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'elle demandait à être indemnisée du préjudice qu'elle avait subi, pouvant être évalué à la somme de 120 000 euros, correspondant à la perte de rentabilité affectant la société Les Tourelles du fait du taux de TVA réellement applicable à ses prestations que lui avait caché la société GCA ; qu'elle fondait cette demande, à titre subsidiaire, sur le dol, en raison des manoeuvres dolosives dont elle avait été victime de la part de la société GCA lors de la conclusion du contrat de cession ; qu'en se bornant à relever que les parties s'étaient interdit par leurs conventions de remettre en cause le montant des parts sociales pour débouter la société J2L santé de sa demande d'indemnisation, sans répondre au moyen tiré du dol soulevé à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'elle faisait valoir, à titre très subsidiaire, que sa demande d'indemnisation devait être accueillie sur le fondement de l'article 1382 du code civil, le silence gardé par la société GCA sur l'inapplicabilité du taux réduit de TVA à certaines prestations facturées par la société Les Tourelles à ses pensionnaires constituant une faute précontractuelle engageant sa responsabilité délictuelle ; qu'en se bornant à relever que les parties s'étaient interdit par leurs conventions de remettre en cause le montant des parts sociales pour débouter la société J2L santé de sa demande d'indemnisation, sans répondre à ce moyen soulevé à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, la cour d'appel a, une nouvelle fois, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les garanties d'actif et de passif s'ajoutent aux dispositions légales garantissant les acheteurs et n'interdisent nullement aux acquéreurs dont le consentement a été vicié de demander la réparation du préjudice qui en est résulté ; que ces garanties conventionnelles ne leur interdisent pas de demander réparation du préjudice résultant des manoeuvres dolosives ou du défaut d'information dont s'est rendu coupable le vendeur et consistant en un préjudice financier découlant de la productivité moindre de la société par rapport à ce qui avait été déclaré ; qu'en déboutant la société J2L santé de sa demande d'indemnisation au seul motif que les parties par leurs conventions de garantie se seraient interdit de remettre en cause le montant des parts sociales, la cour d'appel a violé les articles 1116, 1134 et 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'examinant la demande de dommages-intérêts formée par la société J2L santé au titre du taux de TVA applicable non révélé antérieurement à la cession par la société GCA, l'arrêt retient que les parties par leurs conventions se sont interdit de remettre en cause, par ce biais, le montant des parts sociales ; qu'appliquant ainsi la volonté des parties telle qu'elle l'a souverainement interprétée comme ressortant de l'ensemble de leurs conventions, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen qui est recevable :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour dire que les provisions relatives aux congés payés, aux primes de précarité et aux frais de formation ne pouvaient bénéficier de la garantie de passif, l'arrêt retient que ces postes n'étaient pas provisionnés et donc pas pris en compte dans les bilans antérieurs qui sont la référence que les parties se sont imposée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la convention de garantie de passif prévoyait, notamment, que tout passif social non déclaré ou insuffisamment déclaré dans le bilan de cession, ou tout passif social ayant une cause ou une origine antérieure à cette date et qui se révélerait ultérieurement, donnerait lieu à remboursement par le garant, sur ses biens personnels, d'une somme équivalente à la diminution d'actif et, ou, à l'excédent de passif constaté, la cour d'appel qui a ajouté à cette convention une condition qu'elle ne contenait pas, a méconnu la loi des parties et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société J2L santé à payer la somme de 10 900 euros à la société GCA avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2003 et avec capitalisation de ces intérêts, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.