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Décisions

Cass. 1re civ., 16 septembre 2010, n° 09-65.909

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Rapporteur :

M. Gallet

Avocat général :

M. Pagès

Avocats :

Me Spinosi, SCP Baraduc et Duhamel

Aix-en-Provence, du 18 nov. 2008

18 novembre 2008

Attendu qu'après avoir, selon traité de fusion-absorption à effet du 19 décembre 1991, absorbé la société Promo Cauvin, radiée du registre du commerce le 26 décembre 1991, la société Cauvin Construction a fait inscrire, le 3 février 1992, au nom de la société absorbée, une hypothèque judiciaire provisoire que celle-ci avait été autorisée, avant la fusion-absorption, à prendre sur le bien immeuble de son débiteur, M. X... ; que, chargé, en septembre 1992, de l'action en recouvrement contre ce dernier, M. Y..., avocat, qui, par lettre du 30 octobre 1998, avait été interrogé sur l'existence de l'hypothèque judiciaire provisoire et, à défaut, invité à solliciter l'autorisation d'en prendre une dans les meilleurs délais, a omis de faire procéder à une nouvelle inscription, après avoir négligé de faire renouveler l'inscription initiale ; qu'après la vente, par M. X..., de son immeuble dont il a perçu le reliquat du prix, soit 71 978 euros, après paiement des créanciers hypothécaires, la société nouvelle Cauvin Construction, venant aux droits de la société Cauvin Construction, a recherché la responsabilité civile professionnelle de M. Y... ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 novembre 2008) a condamné celui-ci à payer à la société nouvelle Cauvin Construction la somme de 50 000 euros en réparation de la perte de chance de n'avoir pu participer à la distribution amiable du produit de la vente de l'immeuble de M. X... ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :

Attendu que la société nouvelle Cauvin construction reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi limité la condamnation de M. Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que la fusion-absorption opère transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante ; que l'autorisation donnée à la société absorbée, avant la fusion, d'inscrire une hypothèque provisoire sur un bien de son débiteur, est transmise à la société absorbante avec le patrimoine de l'absorbée, qui comporte la créance à laquelle est attachée l'autorisation d'inscrire ; qu'en l'espèce, l'autorisation d'inscrire une hypothèque provisoire sur la villa de M. X... a été donnée à la société Promo Cauvin par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Grasse du 30 octobre 1991 ; que la société Promo Cauvin a été absorbée par la société Val Caubat, devenue société Cauvin construction, le 19 décembre 1991 ; que l'autorisation d'inscrire l'hypothèque provisoire sur la villa de M. X... a ainsi été transmise à cette dernière société par la fusion-absorption de la société Promo Cauvin ; qu'il en résultait que l'inscription prise le 3 février 1992 par la société Cauvin construction, était valable, quand bien même elle était faite au nom de la société absorbée ; qu'en jugeant néanmoins que le moyen tiré de la nullité de cette inscription s'opposait à la condamnation de M. Y..., qui était responsable de sa perte, la cour d'appel aurait violé les articles 1147 du code civil et L. 236-3 du code de commerce ;

2°/ que le préjudice résultant de la perte d'une hypothèque judiciaire provisoire résulte de l'impossibilité, pour le créancier, d'être payé par préférence sur le prix de vente de l'immeuble ; qu'en jugeant cependant que le préjudice résultant, pour la société nouvelle Cauvin construction, de l'absence d'inscription hypothécaire prise en octobre 1998, consistait seulement en une perte de chance d'avoir pu participer à la distribution amiable du prix de vente et d'obtenir paiement de ses factures à concurrence du solde subsistant, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que, d'abord, ayant exactement retenu que, si un renouvellement peut valablement émaner d'une société absorbante ou cessionnaire à condition de ne pas aggraver la situation du débiteur, il faut encore que l'inscription initiale ait été valablement obtenue par un créancier pourvu de la personnalité morale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter la responsabilité de l'avocat du chef du non-renouvellement de l'inscription initiale prise au nom d'une société inexistante ; qu'ensuite, ayant considéré qu'une nouvelle inscription valablement prise aurait imposé à M. X... de transiger ou de réserver le reliquat du prix, faisant ainsi ressortir l'aléa auquel était soumis le montant qu'aurait pu percevoir la société nouvelle Cauvin construction, la cour d'appel a, à bon droit, retenu que le préjudice subi par celle-ci consistait en une perte de chance d'obtenir au moins partiellement le règlement de sa créance, préjudice qu'elle a souverainement évalué ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et attendu que les griefs du moyen unique du pourvoi incident de M. Y... ne sont pas de nature à le faire admettre ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.