Cass. 2e civ., 24 juin 2004, n° 02-16.461
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 mai 2002 n° 2000/2429) qu'un jugement du 8 janvier 1993 d'un tribunal de commerce, par la suite confirmé en appel par un arrêt devenu irrévocable, ayant accueilli la demande des sociétés Agip Petroli SPA, aux droits de laquelle se trouve la société Agip Petroli international BV, et Agip France SA tendant à faire relever M. X... de ses fonctions de commissaire aux comptes au sein de la société Agip France SA, M. X... a engagé une procédure d'inscription de faux à l'encontre de ce jugement ; qu'il a demandé ensuite à la juridiction saisie de lui donner acte de ce qu'il se désistait de sa demande en faux et a formulé des prétentions tenant à la désignation d'un administrateur judiciaire provisoire aux lieu et place des organes d'administration et de la direction de la société Agip France SA, à l'inopposabilité pour fraude du jugement du 8 janvier 1993 et au paiement de dommages-intérêts ; que les sociétés Agip, qui avaient demandé le paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, ont déclaré accepter le désistement de M. X... sans renoncer à leur demande ; qu'un jugement a donné acte à M. X... de son désistement d'instance et aux sociétés Agip de leur acceptation de ce désistement et a statué sur la recevabilité et le bien-fondé des autres prétentions des parties ;
Sur le moyen unique pris en ses trois premières branches :
Attendu que M. X... qui n'était pas assisté par un avocat fait grief à l'arrêt confirmatif d'avoir statué comme il l'a fait, après que le président de la formation de jugement lui eut refusé le droit de présenter des observations orales alors, selon le moyen :
1 ) que l'article 441 du nouveau Code de procédure civile reconnaît aux parties la possibilité de présenter des observations orales pendant l'audience et ce, "même dans les cas où la représentation est obligatoire", qu'a fortiori ce droit est-il reconnu lorsque la partie qui sollicite la parole n'est pas représentée par un avocat ; qu'en l'espèce, le commissaire aux comptes, qui n'était pas représenté par un avocat, avait demandé au président de la cour d'appel, avant l'audience, de présenter des observations orales ; qu'en lui refusant l'exercice de ce droit, la cour d'appel a violé l'article 441 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que l'article 441, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile n'institue d'exception au droit reconnu à l'alinéa 1er qu'au cas où "la passion ou l'inexpérience empêche (les parties) de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire" ; qu'en l'espèce, pour refuser, dès avant l'audience, que le commissaire aux comptes présente des observations, le président de la cour d'appel a estimé que les conclusions déposées par les parties l'informaient suffisamment ; que, dès lors, en s'abstenant de constater l'un des facteurs empêchant le commissaire aux comptes de présenter clairement et décemment ses observations, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte ;
3 ) que le principe de l'égalité des armes impose que chaque partie au procès ait la possibilité de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation désavantageuse par rapport à son adversaire ; qu'en l'espèce, une seule des parties était représentée par un avocat, qu'ayant entendu les plaidoiries de cet avocat ; la cour d'appel ne pouvait refuser d'entendre les observations orales de la partie non représentée sans violer l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le président de la formation de jugement tient des articles 438 à 441 du nouveau Code de procédure civile le pouvoir discrétionnaire d'autoriser ou non une partie représentée dans la procédure à présenter elle-même des observations orales à l'audience ;
Et attendu qu'il résulte de l'arrêt que M. X... était représenté par un avoué devant la cour d'appel alors que les parties adverses, elles-même représentées par avoué, étaient assistés d'un avocat ; qu'en ne donnant pas la parole à M. X... qui avait la faculté de choisir d'être assisté par un avocat, la cour d'appel n'a méconnu ni l'article 441 du nouveau Code de procédure civile ni les exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique pris en ses 4ème, 5ème et 6ème branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de lui avoir donné acte de son désistement et aux parties adverses de leur acceptation du désistement et de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 ) que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour juger le désistement d'instance formulé par M. X... accepté par la partie adverse, la cour d'appel a jugé que, par application de l'article 396 du nouveau Code de procédure civile, le désistement est parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime ; qu'en s'abstenant de provoquer les explications des parties sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 16, alinéa 3, et 396 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que l'acceptation du désistement d'instance implique la volonté des parties d'arrêter le procès sans attendre le jugement, qu'en l'espèce, le défendeur avait accepté le désistement sous la condition expresse que le demandeur fût condamné à lui verser des dommages-intérêts ; qu'en jugeant néanmoins le désistement parfait, la cour d'appel a violé l'article 395 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que le juge ne peut rejeter une demande d'indemnisation qu'après avoir recherché s'il existait une faute et un préjudice ; qu'en l'espèce, M. X... avait sollicité la condamnation des défendeurs à lui verser des indemnités pour avoir porté atteinte à son honneur en invoquant des faits soit erronés soit amnistiés ; qu'en se bornant à déclarer ces demandes infondées sans s'expliquer plus avant sur l'absence de faute et/ou de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X... ne contestait pas s'être désisté de sa demande en faux, la cour d'appel, qui a statué sur les autres prétentions des parties, de M. X... lui-même et des sociétés Agip, a nécessairement considéré que le désistement n'avait pas mis fin à l'instance et que, celui-ci n'étant que partiel, l'instance n'était éteinte que relativement à la demande, objet du désistement ;
Et attendu que pour déclarer mal fondées les demandes de dommages-intérêts présentées par M. X... par suite des allégations contenues dans les écritures des parties adverses, la cour d'appel, qui ainsi n'a pas retenu leur caractère fautif, a implicitement admis, sans avoir à procéder à d'autres recherches, qu'elles n'excédaient pas les droits de la défense ;
D'où il suit que pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer aux sociétés Agip France, Agip Petroli international BV et Agip Petroli Spa la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatre.