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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 27 février 2013, n° 11/00683

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DE LA FOUCHARDIERE

Défendeur :

ARMAND THIERY (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme BARTHOLIN

Conseillers :

Mme BLUM, Mme REGHI

Avocats :

SCP NABOUDET - HATET, SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, Me CHANTELOT

TGI Paris, du 10 nov. 2010

10 novembre 2010

Par acte sous seing privé du 26 octobre 2001, M. de la Fouchardière a donné à bail commercial à la société Armand Thiery, pour une durée de 9 années, des locaux situés [...], moyennant un loyer annuel, hors taxes et Tva, de 243.918 €, ramené à 213.429 € pour la période du 26 octobre 2001 au 25 octobre 2004 et à 228.673 € pour la période du 26 octobre 2004 au 25 octobre 2007, le bail étant assorti d'une clause d'échelle mobile.

Par acte extrajudiciaire du 1er août 2009, faisant valoir que le loyer avait été porté à la somme de 334.503 € le 26 octobre 2008 et que le jeu de l'échelle mobile avait entraîné une variation du loyer de plus de 37 %, la société Armand Thiery a demandé au bailleur la fixation du loyer à la valeur locative en application de l'article L 145-39 du code de commerce soit selon elle à 200.000 €.

Aucun accord n'étant intervenu entre les parties, la société Armand Thiery a assigné M. de la Fouchardière, le 23 avril 2010, devant le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer à la somme de 212.000 € à compter du 1er août 2009 et remboursement du différentiel de loyer avec intérêts au taux légal et capitalisation.

Par jugement rendu le 10 novembre 2010, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que le loyer du bail renouvelé échappe à la règle du plafonnement et doit être fixé à la valeur locative,

- pour le surplus, avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné M. Vasselin en qualité d'expert pour rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er août 2009,

- ordonné l'exécution provisoire,

- réservé les dépens.

M. François-Xavier de la Fouchardière a relevé appel de cette décision le 13 janvier 2011. Par ses dernières conclusions du 21 novembre 2012, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire que l'article L 145-39 du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce,

- constater qu'aucune demande d'évocation n'est présentée,

- vu le constat d'huissier de justice en date du 25 octobre 2010, condamner la s.a.s. Armand Thiery à lui payer la somme de 79.133 € à titre de dommages-intérêts en réparation des dégradations causées aux locaux donnés à bail,

- à titre subsidiaire, si le jugement devait être confirmé, ordonner la compensation,

- condamner la s.a.s. Armand Thiery à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction.

La s.a.s. Armand Thiery, par ses dernières conclusions du 27 novembre 2012, demande à la cour, au visa des articles L 145-38, L 145-39 du code de commerce et 564 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement,

- dire que le loyer du bail renouvelé échappe à la règle du plafonnement et doit être fixé à la valeur locative,

- constater que l'expert a déposé son rapport dans lequel il estime au 1er août 2009 la valeur locative des locaux expertisés à 242.000 €, valeur dont il devra être tiré toutes conséquences,

- subsidiairement, évoquer et renvoyer les parties à conclure sur les conclusions de M. Vasselin expert,

- dire irrecevable, en tout injustifiée et mal fondée la demande reconventionnelle de M. de la Fouchardière,

- débouter M. de la Fouchardière de toutes ses prétentions,

- condamner M. de la Fouchardière à lui payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction.

SUR CE,

Considérant qu'au soutien de son appel, M. de la Fouchardière fait valoir que l'article 13 du contrat de bail prévoit le paiement d'une indemnité d'entrée de 228.674 € augmentée de la Tva soit 273.494 €, que cette indemnité d'entrée doit être qualifiée de supplément de loyer, que cette qualification de supplément de loyer doit être privilégiée en l'absence de qualification expresse par les parties et se déduit "naturellement" de son assujettissement à la Tva ce qui ne serait pas possible si les parties l'avaient considérée comme une simple indemnité pour avantages concédés au preneur, que ce supplément de loyer de 228.674 € doit être pris en compte pour 1/9ème, soit 25.408 €, chaque année et s'ajouter au loyer de base impliquant un loyer global de référence de 269.082 € (243.674 + 25.408), qu'à la dernière date anniversaire du bail, le loyer porté à 334.503 € HT par le jeu de la clause d'échelle mobile n'a donc augmenté que de 24,31 % par rapport au loyer global de référence, que la demande fondée sur l'article L 145-39 du code de commerce n'est en conséquence pas fondée ;

Qu'il ajoute à titre subsidiaire que l'existence d'une clause d'échelle mobile ne fait pas obstacle à la révision triennale prévue par l'article L 145-38 du code de commerce, que le montant du loyer ayant fait l'objet d'une révision triennale contractuellement acceptée en octobre 2004, emportant la fixation du loyer à la somme de 271.309 € par an, c'est ce nouveau loyer réglé par la société Armand Thiery qui doit servir de référence ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article L 145-39 du code de commerce, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire ;

Que le loyer en cours à la date de la demande de révision sur le fondement de ce texte doitdonc être comparé au loyer initial ou au loyer qui aurait pu être antérieurement judiciairement révisé ou au dernier loyer fixé d'un commun accord ;

Considérant que la somme de 228.674 € que M. de la Fouchardière demande à voir considérer comme un supplément de loyer, a été versée par le preneur à la signature du bail ; qu'elle est expressément qualifiée par les parties, dans le contrat de bail, "d'indemnité d'entrée" ; que M. de la Fouchardière ne fait aucune démonstration au soutien de sa thèse ; que la preuve de la commune intention des parties de voir cette somme constituer, à l'encontre des termes du contrat la qualifiant d'indemnité, un supplément de loyer ne peut résulter du seul assujettissement de cette somme à la Tva ;

Considérant par ailleurs que M. de la Fouchardière ne justifie ni d'une révision judiciaire du loyer antérieure à la demande formée le 1er août 2009 par la société Armand Thiery ni d'un accord des parties sur un autre loyer que le loyer initial indexé dans les termes du contrat de bail.

Considérant que c'est dès lors à juste titre que le premier juge, ayant retenu que le loyer porté à 334.426 € par le jeu de l'échelle mobile se trouvait ainsi augmenté de plus d'un quart par rapport au prix fixé contractuellement, a dit que les conditions d'application de l'article L 135-39 du code de commerce étaient réunies, que le loyer devait être fixé à la valeur locative et a ordonné une mesure d'expertise pour fixer ce loyer ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ; qu'il n'y a pas lieu à évocation, étant relevé qu'aucune des parties n'a conclu devant la cour au vu du rapport d'expertise ;

Considérant par ailleurs que M. de la Fouchardière demande la condamnation de la société Armand Thiery au titre des travaux de remise en état des locaux dont elle a donné congé et qu'elle a libérés le 25 octobre 2010 ; qu'il soutient que sa demande est recevable au motif que la constatation des dégradations qui est survenue alors que le jugement déféré était en délibéré, constitue la révélation d'un fait au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

Mais considérant que la société Armand Thiery soulève à juste titre l'irrecevabilité de cette demande à l'évidence nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile puisqu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des loyers commerciaux de statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par le bailleur et que la constatation des dégradations prétendument commises ne peut constituer la révélation d'un fait susceptible de donner ici à la cour d'autres pouvoirs que ceux du juge des loyers commerciaux dont elle est juge d'appel ;

Que la demande de dommages et intérêts formée par M. de la Fouchardière est irrecevable ;

Considérant que le rejet des demandes de M. de la Fouchardière conduit à le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que M. de la Fouchardière sera condamné à payer à la s.a.s. Armand Thiery la somme de 3.000 € pour ses frais irrépétibles d'appel, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Déclare M. de la Fouchardière irrecevable en sa demande de dommages et intérêts en réparation des dégradations causées aux locaux donnés à bail ;

Déboute M. de la Fouchardière de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à ce titre à la s.a.s. Armand Thiery la somme de 3.000 € ;

Condamne M. de la Fouchardière aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.