CA Aix-en-Provence, 1re ch. c, 5 octobre 2017, n° 16/12563
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
A5 (SARL)
Défendeur :
SPRE (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme TOUVIER
Conseillers :
Mme LEROY-GISSINGER, Mme RENOU
Avocats :
SELARL V. & P., SCP CABINET B.-T.
Par ordonnance du 9 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société A5, ce tribunal disposant d'une compétence régionale légale en matière de propriété intellectuelle,
- condamné in solidum la société A5 et M. C., son gérant, à payer à la société pour la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) une provision de 24 486 euros à valoir sur les sommes dues au titre de la rémunération instituée par l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle pour la période du 1er juillet au 31 janvier 2013,
- condamné la société A5 à communiquer dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision puis sous astreinte de 100 euros par jour la copie de la balance des comptes classe 7 ou tout autre document permettant la ventilation des recettes réalisées et la copie des comptes de résultat détaillés certifiés par un comptable agréé,
- condamné in solidum la société A5 et M. C. à payer à la SPRE la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamné in solidum les mêmes personnes à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le juge s'est réservé la liquidation de l'astreinte.
Par déclaration du 4 juillet 2016, la société A5 a formé un appel général contre cette décision.
Par dernières conclusions du 22 août 2017 , la société A5 et M. C. ont demandé à la cour de :
- juger leurs appels recevables et bien fondés
- débouter la SPRE de l'ensemble de ses demandes,
- réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- juger que la juridiction des référés de Marseille est incompétente matériellement et territorialement,
- juger irrecevables les demandes de la SPRE en raison de contestations sérieuses et dire n'y avoir lieu à référé,
- ordonner en conséquence la mise hors de cause de M. C.,
A titre subsidiaire,
- dire que la société A5 et, le cas échéant, M. C. seront autorisés à payer les sommes dues par mensualités dans un délai maximum de 24 mois prévu à l'article 1244-1 du code civil,
- condamner la SPRE à payer aux appelants la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions du 14 juin 2017 , la SPRE demande à la cour de :
- dire que M. C. est irrecevable en son appel,
- juger mal fondées toutes ses demandes,
En conséquence,
- confirmer l'ordonnance et y ajoutant,
- condamner la société A5, ou in solidum celle-ci et M. C., à payer à la SPRE, en actualisation de sa créance, une provision de 36 011,60 euros à valoir sur les sommes dues au titre de la rémunération instituée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle pour la période du 1er juillet 2011 au 31 mai 2017 ,
- condamner la société A5 à communiquer dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour, la copie des balances de compte classe 7 ou tout autre document permettant la ventilation des recettes réalisées et la copie des comptes de résultat détaillés certifiés par un comptable agréé pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016,
- condamner la société A5 ou in solidum celle-ci et M. C. à payer à la SPRE la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société A5 ou in solidum celle-ci et M. C. à payer à la SPRE la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux dépens de première instance et d'appel.
La SPRE soutient que l'appel est irrecevable comme tardif, l'ordonnance ayant été signifiée le mardi 14 juin 2016 à la société, alors que celle-ci a interjeté appel le 4 juillet 2016 ; qu'elle a été signifiée le 21 juin 2016 à M. C. et que l'appel de la société ne peut pallier l'absence de tout appel formé par celui-ci.
Sur la recevabilité de l'appel :
A titre préalable, il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article 125 du code de procédure civile, la cour est compétente pour se prononcer sur la recevabilité de l'appel au regard du délai dans lequel celui-ci doit être formé, et qu'en matière d'appel de référés, la procédure ne prévoit pas la désignation d'un conseiller de la mise en état.
Il est justifié par la SPRE que l'ordonnance de première instance a été signifiée à la société A5 le 14 juin 2016, de sorte que l'appel devait être formé au plus tard le 29 juin 2016, dès lors qu'aucune nullité de la signification n'est invoquée par la société qui se borne à indiquer que la signification ne lui a pas été faite à personne. Cependant, une signification régulière fait courir le délai d'appel, quand bien même elle n'aurait pas été faite à personne.
Dès lors, l'appel interjeté par la société le 4 juillet 2016 est irrecevable, comme tardif.
Par ailleurs, aucune déclaration d'appel n'a été formée par M. C., alors qu'il a été condamné personnellement, in solidum, avec la société. Le fait qu'il se soit associé aux conclusions d'appel déposées par la société ne le rend pas appelant.
C'est en vain que la société soutient que 'le présent litige étant indivisible l'appel ainsi formé le 4 juillet à l'endroit de l'ordonnance susvisée conservant les droits de toutes les parties est donc parfaitement recevable, la société A5 agissant poursuites et diligences de M. C., son gérant'. En effet, la condamnation de la société et de M. C. n'a pas été prononcée solidairement et aucune indivisibilité n'est caractérisée, l'exécution simultanée des condamnations prononcées contre chacun d'eux étant possible. Les conditions d'application de l'article 553 du code de procédure civile ne sont donc pas réunies, étant au surplus relevé que cet article suppose en tout état de cause que la cour soit saisie d'un appel recevable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il s'ensuit que l'appel est irrecevable.
Sur la demande de condamnation pour procédure abusive :
Bien que l'engagement par la société A5 d'une procédure d'appel, dont elle ne pouvait ignorer qu'elle était irrecevable, constitue une attitude procédurale d'une légèreté blâmable, il n'est pas justifié par la SPRE que cette attitude lui aurait causé un préjudice autre que les dépenses liées à sa défense, frais qui sont visés par les dépens et les frais irrépétibles. Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.
Sur l'appel incident de la SPRE :
La SPRE sollicite l'augmentation de la condamnation provisionnelle prononcée contre la société et M. C. par le premier juge par actualisation des sommes dues par ces derniers.
Cependant, l'appel principal étant irrecevable, l'appel incident n'est recevable que s'il a été formé dans le délai d'appel, soit en l'espèce, avant le 4 juillet 2017 . L'appel incident ayant été fait par des conclusions du 14 juin 2017 , il apparaît irrecevable.
En application de l'article 16 du code de procédure civile, la cour sursoit à statuer sur l'appel incident afin de permettre aux parties de s'expliquer sur ce moyen qu'elle soulève d'office.
La cour,
- Déclare l'appel principal irrecevable,
- Rejette la demande de la société pour la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce de condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Sursoit à statuer sur l'appel incident, les demandes formées sur le fondement de l'article 700 et les dépens,
- Invite les parties à conclure sur la recevabilité de l'appel incident avant le 31 décembre 2017 ,
- Dit que l'affaire sera examinée à l'audience du Mardi 6 février 2018 à 08 heures 15.