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Décisions

Cass. com., 15 juin 1965, n° 62-11.227

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cass. com. n° 62-11.227

15 juin 1965

Premier moyen: "Violation des articles 1134, 1585, 1586 du Code Civil et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut et contradiction de motifs manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué considère la vente litigieuse comme une "vente en bloc" dont le risque aurait été transféré à l'acheteur dès accord des parties, alors que la Cour d'Appel n'aboutit à cette solution qu'au prix d'une dénaturation des témoignages qu'elle a invoqués et des conclusions d'appel de l'acheteur, que le vendeur n'apportait pas la preuve lui incombant de la quantité de la marchandise vendue, et qu'il résulte au contraire des propres constatations de la Cour que l'individualisation de cette marchandise était subordonnée au tri et à la pesée de celle-ci, de sorte qu'il s'agissait non point d'une vente en bloc, mais d'une vente au poids, dont le risque n'était transféré à l'acheteur que lors de la pesée, laquelle n'avait été effectuée que pour une faible partie de la marchandise litigieuse, et qu'ainsi la vente ne pouvait être regardée comme réalisée à l'égard du surplus qui n'avait jamais été ni pesé, ni trié";

Deuxième moyen: "Violation des articles 1134 et suivants du Code Civil, 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, dénaturation des conventions des parties, en ce que l'arrêt attaqué refuse de considérer Gerboux comme déchu de ses droits pour non-respect de l'article 32 du Code des Usages du Commerce de la pomme de terre, aux motifs qu'il aurait accompli des "actes équivalantS" à la mise en demeure prévue par ce texte à peine de déchéance, alors que la sommation prescrite par l'article 32, dont les dispositions sont claires et précises, et faisaient la loi des parties, ne pouvait être remplacée par de simples "actes" et qu'au surplus ceux mentionnés par l'arrêt ne pouvaient être regardés comme équivalant à la mise en demeure du dit article 32, faute notamment de comporter de la part du vendeur l'indication de la sanction qu'il prendrait en cas d'inobservation du délai de grâce accordé à l'acheteur pour prendre livraison";

Troisième moyen (subsidiaire) "Violation des articles 1641 et suivants du Code Civil, 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut de motifs, dénaturation des pièces de la procédure, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué refuse de prononcer la résiliation de la vente litigieuse pour vice caché, alors que l'expert commis dont les déclarations ont été dénaturées par la Cour d'Appel, avait précisé que, lors de l'achat, le vice de la marchandise ne pouvait être décelé que par une analyse chimique, à la seule exclusion des avaries apparentes, qui étaient hors contestation".

Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour.

Sur le premier moyen:

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Amiens, 9 janvier 1962) et des pièces de procédure produites que Gerboux, cultivateur, a vendu en Septembre 1959 un lot de pommes de terre à la Société des Etablissements Rivals, qui n'a voulu en prendre que très partiellement livraison et qui a provoqué une expertise d'où il ressortait que les pommes de terre non encore enlevées étaient, à la date du 8 Janvier 1960, impropres à la consommation et que Gerboux, ayant cependant assigné l'acheteur en paiement total du prix convenu, calculé au poids et selon la dimension des pommes de terre, l'arrêt attaqué a fait droit à sa demande, sous la réserve d'une réduction en raison des lésions causées aux tubercules par l'arrachage;

Attendu qu'il est reproché à la Cour d'Appel d'avoir considéré la vente comme une vente en bloc, mettant la chose aux risques de l'acheteur dès sa conclusion, alors que, ce faisant, elle a dénaturé les témoignages recueillis au cours d'une enquête qu'elle invoquait et les conclusions d'appel des Etablissements Rivals, que Gerboux n'apportait pas la preuve de la quantité de marchandise vendue et enfin qu'il résultait, au contraire, des constatations faites que l'individualisation de la marchandise était subordonnée au tri et à la pesée de celle-ci et qu'il s'agissait, dès lors, d'une vente au poids, dont le risque n'était transféré à l'acheteur qu'après la pesée, qui, en l'espèce, n'avait été effectuée que pour la moindre partie de la marchandise;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a souverainement apprécié les dépositions des divers témoins, qui sont produites, en déclarant que les Etablissements Rivals avaient acquis un lot de pommes de terre "individualisées par leur localisation", qu'en énonçant qu''au point de vue du prix à payer, Rivals reconnaît bien qu'il y avait 1400 sacs de 50 kilos, aux prix unitaires indiqués plus haut", l'arrêt n'a pas dénaturé les conclusions de l'acheteur, qui calculaient le préjudice subi par celui-ci sur la base d'un poids équivalant de 70 tonnes, qu'enfin les juges du fond ont souverainement constaté la quantité de la marchandise vendue;

Attendu, d'autre part, que si la Cour d'Appel, au sujet du lot de pommes de terre, a déclaré qu'"il a fallu les trier et éliminer quelques tonnes de ce tas, mais que cette opération n'était nécessaire qu'en vue de la détermination du prix exact à payer; que le pesage contradictoire était, au point de vue de l'individualisation de la chose vendue, inutile", ces énonciations étaient compatibles avec l'existence d'une vente en bloc, celle-ciconservant son caractère, lorsque le prix est fixé à tant la mesure et que le mesurage n'a pour but que de déterminer le prix à payer;

D'où il suit que le moyen est mal fondé dans ses diverses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt de n'avoir pas déclaré Gerboux déchu de ses droits pour ne s'être pas conformé à l'article 32 du Code des Usages du Commerce de la pomme de terre, au motif qu'il aurait accompli des actes équivalents à la mise en demeure exigée par ce texte à peine de déchéance, alors que la sommation prescrite par les dispositions de l'article 32 précité, qui faisaient la loi des parties ne pouvait être remplacée par de simples "actes", ceux mentionnés par l'arrêt ne pouvant, au surplus, être retenus, faute de comporter l'indication par le vendeur de la sanction que celui-ci se réservait de prendre;

Mais attendu que l'arrêt, rappelant les réclamations faites, sous diverses formes, par Gerboux, a énoncé que Gerboux avait accompli "des actes... qui ne pouvaient laisser aucun doute sur les intentions" du vendeur et que Rivals "a bénéficié des facilités prévues par l'article 32" susvisé, d'où il a pu conclure que Gerboux n'avait pas encouru la déchéance et qu'ainsi le moyen est mal fondé;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt de n'avoir pas prononcé la résolution de la vente pour vice caché, alors que l'expert commis, dont les déclarations ont été dénaturées par la Cour d'Appel, avait précisé que lors de l'achat, le vice de la marchandise ne pouvait être décelé que par une analyse chimique, à la seule exclusion des avaries apparentes qui étaient hors de contestation ;

Mais attendu que l'arrêt, s'appuyant tant sur les documents produits que sur les déclarations de l'expert dont il lui appartenait d'apprécier la portée, a énuméré les causes multiples de la détérioration de la marchandise vendue, particularités connues de la variété de pommes de terre choisie, sécheresse exceptionnelle, mise en sac par l'acheteur, blessures provoquées par l'arrachage "compliquées secondairement d'infections cryptogamiques ou bactériennes" et a souverainement apprécié, en répondant aux conclusions qui prétendaient que le vice de la marchandise avait été caché pour l'acheteur, que la preuve d'un vice caché n'était pas faite;

D'où il suit que le troisième moyen n'est pas mieux fondé.

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 9 janvier 1962, par la Cour d'Appel d'Amiens.