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Décisions

CA Caen, 20 mai 2014, n° 14/00023

CAEN

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

CEAPR (SAS)

Défendeur :

Association Aeroclub de Deauville

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Avocats :

SCP Deygas Perrachon et Associés, Me Mialon, Me Sapir

CA Caen n° 14/00023

20 mai 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 mars 2008, l'association Aéroclub de Deauville a passé commande auprès de la société Apex Aircraft, fournie en pièces détachées par la société CEAPR, d'un avion DR 400 EcoFlyer neuf qui n'a jamais été livré en dépit du paiement d'un acompte.

Le 16 septembre 2008, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de la société Apex Aircraft.

Par deux arrêts du 12 juin 2010, la cour d' appel de Dijon a admis au passif de la société Apex Aircraft la créance de la société CEAPR pour un montant de 3 668 021 euros à titre privilégié gagé, puis, par jugement du 12 avril 2011, le tribunal de commerce a fixé la valeur des biens constitués en gage à 2 656 189 euros et attribué le stock dépendant de la liquidation judiciaire à la société CEAPR.

Corrélativement, la société CEAPR, propriétaire des locaux industriels précédemment occupés par la société Apex Aircraft, les a, selon protocole d'accord du 16 janvier 2010, loués à la société Finch Aircraft pour y exercer une activité de constructeur aéronautique, les parties étant par ailleurs convenues que cette dernière s'approvisionnerait en pièces détachées auprès de son bailleur qui s'engageait à l'agréer en qualité de constructeur des avions DR 400 dont il détient les droits de propriété intellectuelle.

Le 12 décembre 2010, l'Aéroclub de Deauville a passé commande auprès de la société Finch Aircraft d'un avion DR 400 EcoFlyer moyennant un prix de 140 410,40 euros payé comptant à la livraison intervenue le 2 avril 2011.

Saisi sur requête par la société CEAPR qui prétendait que cet avion appartenait au stock dont elle avait été déclarée judiciairement attributaire par le tribunal de commerce de Dijon, le juge de I'exécution de Lisieux a, par ordonnance du 10 juin 2011, ordonné la restitution de l'appareil.

À la suite de l'opposition régularisée par l'Aéroclub de Deauville qui s'en prétendait légitime propriétaire, la société CEAPR a saisi au fond le tribunal de grande instance de Lisieux afin qu'il soit statué sur la propriété de l'avion.

Par jugement du 10 juin 2013, cette juridiction a déclaré que celui-ci était la propriété de l'Aéroclub de Deauville, l' appel interjeté par la société CEAPR contre cette décision étant toujours pendant.

Mais, concurremment à cette procédure, la société CEAPR a obtenu le 25 novembre 2011 du juge de l'exécution de Lisieux l'autorisation de faire procéder à la saisie-revendication conservatoire de l'avion livré à l'Aéroclub de Deauville.

Se fondant sur le jugement du 10 juin 2013 la déclarant propriétaire de l'appareil, ce dernier a, par acte du 29 juillet 2013, saisi le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée de la saisie-revendication et de paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 10 décembre 2013, le juge de l'exécution a :

•            ordonné la mainlevée de la saisie-revendication,

•            condamné la société CEAPR au paiement de la somme de 36 138,07 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

•            condamné la société CEAPR au paiement d'une indemnité de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société CEAPR a relevé appel de cette décision le 16 décembre 2013.

Prétendant toujours être propriétaire de l'avion, et soutenant que son appel avait des chances sérieuses de succès, la société CEAPR a, par acte du 21 mars 2014 , saisi le premier président en lui demandant, sur le fondement de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution :

•            d'ordonner le sursis à exécution de la décision entreprise en toutes ses dispositions jusqu'au jour où la cour statuera,

•            d'ordonner, en conséquence, le maintien des effets de la saisie-revendication pratiquée le 30 novembre 2011,

•            de condamner l'Aéroclub de Deauville au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Aéroclub de Deauville conclut quant à lui à l'irrecevabilité des demandes de la société CEAPR en ce que les dispositions de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution seraient inapplicables à la cause.

Faisant valoir qu'il justifie avoir régulièrement acquis l'avion saisi, il conclut subsidiairement au rejet de la demande de sursis à exécution et sollicite en outre le paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aux termes de l'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, le premier président peut surseoir à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

S'il est de principe que ces dispositions ne sont pas applicables aux ordonnances frappées d' appel qui rétractent en application de l'article R. 121-23 du code des procédures civiles d'exécution l'ordonnance sur requête autorisant une saisie conservatoire, il appartient en revanche bien au premier président, en cas de chances sérieuses de succès de l' appel , de surseoir à l'exécution de la décision du juge de l'exécution statuant, dans le cadre de la procédure ordinaire régie par les articles R. 121-11 et suivants, sur une demande de mainlevée de la saisie-revendication, fut-elle pratiquée à titre conservatoire.

La demande est donc recevable.

Il résulte de l'article L. 222-2 du code des procédures civiles d'exécution que la saisie-revendication ne peut être exercée que par une personne apparemment fondée à requérir la restitution d'un bien mobilier afin de le rendre indisponible jusqu'à sa remise.

Le juge de l'exécution a cependant à juste titre observé qu'en dépit de l' appel dont il est frappé, le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux, qui a autorité de chose jugée dès son prononcé, a tranché le litige relatif à la propriété de l'avion en faveur de l'Aéroclub de Deauville, ce qui rend la revendication de la société CEAPR incertaine.

La société CEAPR critique le jugement du 13 juin 2013 en lui faisant grief d'avoir estimé que l'attribution judiciaire du gage à son profit ne pouvait porter sur l'avion litigieux, distinct du stock de pièces détachées sur lequel portait son gage, alors que le commissaire-priseur et le liquidateur de la société Apex Aircraft attestent l'inverse.

Toutefois, même à considérer que la cellule de l'avion, en cours de construction et encore dépourvue de moteur et d'hélice, a bien été judiciairement attribuée au créancier gagiste, il demeure qu'en exécution du protocole d'accord conclu le 16 janvier 2010, la société CEAPR a loué à la société Finch Aircraft les locaux, dans lesquels se trouvait encore l'appareil, pour y exercer une activité de constructeur aéronautique à partir de pièces détachées fournies par la société CEAPR qui l'a agréée en qualité de constructeur d'avions de type DR 400.

Dès lors, quels que soient les différends commerciaux ou pénaux qui ont ultérieurement opposés les sociétés Finch Aircraft et CEAPR, l'apparence des droits revendiqués par cette dernière sur l'avion livré en état de voler est, dans ce contexte et en présence d'un acquéreur justifiant avoir commandé l'appareil et réglé son prix à la société Finch Aircraft, suffisamment incertaine pour que le juge de l'exécution ait pu, au vu d'un jugement non définitif ayant tranché le litige relatif à la propriété de l'avion en faveur de l'Aéroclub de Deauville, ordonner la mainlevée de la saisie.

D'autre part, il n'est invoqué aucun moyen de réformation du chef du jugement allouant des dommages-intérêts à l'Aéroclub de Deauville distinct de ceux invoqués au soutien de la demande de maintien des effets de la saisie-revendication.

Il n'y a donc pas matière à surseoir à l'exécution du jugement du 10 décembre 2013.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de l'Aéroclub de Deauville l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion du référé et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons les demandes de la société CEAPR recevables mais non fondées, et l'en déboutons ;

Condamnons la société CEAPR à payer à l'association Aéroclub de Deauville une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société CEAPR aux dépens du référé.