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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 23 mars 2009, n° 08/00886

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT (FRANCE), DISNEY ENTERPRISES INC, F.N.D.F., GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO, PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, S.A.C.E.M., S.C.P.P. SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES, S.D.R.M, S.E.V.N. SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE, TRISTAR PICTURES INC, TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT FRANCE, UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP, UNIVERSAL PICTURES VIDEO, WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE, WARNER BROS INC.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur LAPEYRE

Conseillers :

Monsieur LAMANT, Monsieur ROGER

Castres, du 30 avr. 2008

30 avril 2008

Le Tribunal de Grande Instance de CASTRES, par jugement en date du 30 Avril 2008, a, sur l'action civile, statué ainsi qu'il suit :

* a alloué à BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT (FRANCE), 24 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC., 30 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à DISNEY ENTERPRISES INC, 50 € à titre de dommages intérêts et la somme de 1 € symbolique

* a déclaré la F.N.D.F. irrecevable en sa constitution de partie civile

* a alloué à GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO, 28 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE, 13 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, la somme de 1 € symbolique

* a alloué à la S.C.P.P. SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES, 500 € à titre de dommages intérêts, 400 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à la S.A.C.E.M., 500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel et 100 € au titre du préjudice moral,

* a alloué à la S.D.R.M, 500 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel, 100 € au titre du préjudice moral subi,

* a condamné B. Julien à payer à la S.A.C.E.M. et à la S.D.R.M. la somme globale de 400 € au titre de l'article 475-1 du CPP

* a alloué à la S.E.V.N. SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE, 100 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à TRISTAR PICTURES INC,la somme de 1 € symbolique

* a alloué à la TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, 60 € à titre de dommages intérêts et la somme de 1 € symbolique

* a alloué à la TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT FRANCE, 18 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP, 30 € à titre de dommages intérêts et la somme de 1 € symbolique

* a alloué à UNIVERSAL PICTURES VIDEO, 19 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE, 26 € à titre de dommages intérêts

* a alloué à WARNER BROS INC., 30 € à titre de dommages intérêts et la somme de 1 € symbolique

* a condamné B. Julien à payer à l'ensemble des parties civiles représentées par la SCP SOULIE la somme de globale de 400 € au titre de l'article 475-1 du CPP.

L'APPEL :

Appel a été interjeté par :

S.A.C.E.M., le 06 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

S.D.R.M, le 06 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

S.C.P.P. SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPH IQUES, le 07 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

S.E.V.N. SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

F.N.D.F., le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT FRANCE, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT (FRANCE), le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

UNIVERSAL PICTURES VIDEO, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC., le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

DISNEY ENTERPRISES INC, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

TRISTAR PICTURES INC, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP, le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

WARNER BROS INC., le 13 Mai 2008 contre Monsieur B. Julien

Monsieur B. Julien, le 14 Mai 2008 contre S.D.R.M, DISNEY ENTERPRISES INC, GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO, TWENTIETH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT FRANCE, TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES INC., PARAMOUNT PICTURES CORPORATION, WARNER BROS INC., S.A.C.E.M., UNIVERSAL CITY STUDIOS LLLP, S.C.P.P. SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPH IQUES, S.E.V.N. SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE, F.N.D.F., BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT (FRANCE), PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE, UNIVERSAL PICTURES VIDEO, WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE, TRISTAR PICTURES INC

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Décembre 2008, l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 23 Février 2009 ; à ladite audience, le Président a constaté l'identité de B. Julien ;

Ont été entendus :

Monsieur ROGER en son rapport ;

B. Julien en ses interrogatoire et moyens de défense ;

Les appelants ont sommairement indiqué à la Cour les motifs de leur appel ;

Maître BENAZERAF, avocat de la S.A.C.E.M. et de la S.D.R.M, en ses conclusions oralement développées ;

Maître RAVINETTI, avocat de la S.C.P.P., en ses conclusions oralement développées.

Maître SOULIE, avocat des parties civiles, en ses conclusions oralement développées.

Monsieur SILVESTRE, Substitut Général, en ses observations ;

Maître ALCARAZ, avocat de B. Julien, en ses conclusions oralement développées ;

B. Julien a eu la parole en dernier.

Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 23 Mars 2009 .

DÉCISION :

La Société des Auteurs, compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) et la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SDRM) ont relevé appel le 6 mai 2008 du jugement contradictoire rendu le 30 avril 2008 par le Tribunal correctionnel de CASTRES qui a déclaré M. Julien B. coupable du chef de contrefaçon et, en répression, l'a condamné à une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis et, sur l'action civile, l'a condamné à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Maître RAVINETTI, pour Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP)

a interjeté appel le 7 mai.

La SCP Soulie a interjeté appel le 13 mai pour les 15 parties civiles qu'elle réprésente, savoir, les Sociétés d'édition vidéo, 20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT, BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT, GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO, PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE, UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE, WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE, les Sociétés de production de films, TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION, COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC, DISNEY ENTERPRISES, INC, PARAMOUNT PICTURES CORP, TRISTAR PICTURES INC, UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS LLLP, les Syndicats professionnels SEVN et FNDF.

M. Julien B. a relevé appel incident le 13 mai contre les sociétés SEVN, 20th Century Fox, Buena vista Home entertainment, Columbia Tristar home vidéo, Paramount, Universal pictures, Warner bros, 20th century fox film coporation, Columbia picturesindustries, Disney, Tristar pictures, Universal city, Warner bros inc, FNDF et le 14 mai 2008 contre la SACEM, SDRM, SCPP et contre toutes les parties civiles.

L'appel de M. Julien B. est limité aux dispositions civiles.

Les infractions

Monsieur Julien B. a été condamné le 30 avril 2008 par le Tribunal Correctionnel de Castres pour avoir à LABRUGUIERE, courant 2004:

- édité ou reproduit des oeuvres de l'esprit, en l'espèce imprimé, gravé ou enregistré en entier ou en partie des films et de la musique, en l'espèce 361 CD, 4216 fichiers musicaux et 366 films, sans respecter les droits des auteurs, commettant ainsi une contrefaçon.

- sans autorisation de l'artiste- interprète, du producteur de phonogramme, du producteur de vidéogramme ou de l'entreprise de communication audiovisuelle, alors qu'elle était exigée, fixé, reproduit, communiqué ou mis à disposition du public à titre onéreux ou gratuit, ou télédiffusé, une prestation, un phonogramme, un vidéogramme ou un programme audiovisuel, en l'espèce des films et de la musique, sous forme de 361 CD, 4216 fichiers musicaux et 366 films

- omis de verser la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète ou au producteur au titre de la copie privée de phonogramme ou vidéogramme, ou de la communication publique ou de la télédiffusion de phonogrammes ou vidéogrammes.

- représenté ou diffusé par quelque moyen que ce soit des oeuvres de l'esprit en violation des droits de leurs auteurs définis parla loi, en l'espèce en représentant et en diffusant des films et de la musique (361CD, 4216 fichiers musicaux et 3 films).

Les faits

Le 2 septembre 2004, agissant dans le cadre d'une surveillance des réseaux Internet, le Service Technique de Recherches Judiciaires et de Documentation (STRJD) de Rosny Sous Bois, constatait l'existence d'un serveur géré par un particulier dans la région de Nantes, utilisant le logiciel Direct Connect (DC++) et répondant au nom de « FRENCH CONNEXION» ainsi que la présence sur ce serveur de 30 internautes connectés simultanément et s'échangeant de nombreux fichiers de films et de musique, parmi ceux-ci, un utilisateur répondant au pseudo « P. », adresse IP 217.128.91.132 qui mettait à disposition 131,76 GO de données. Sur réquisitions auprès de Wanadoo, le titulaire de cette adresse IP était identifié comme étant Julien B..

Parallèlement, le 23 novembre 2004, agissant dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par Joël G., juge d'instruction au TGI de Carcassonne, dans le cadre d'une instruction ouverte pour des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants, une perquisition était diligentée au domicile de M. Julien B..

Dans le cadre de cette perquisition étaient découverts un nombre important de copies de films DVD, DivX, CD Audio et autres logiciels. Ces faits ne se rapportant pas à l'objet des poursuites initiales, les gendarmes opéraient par voie de saisie incidente. Il était ainsi procédé, sous la forme de l'enquête flagrance, à la saisie de 361 CD.

L'analyse des disques durs et des CD saisis permettait de constater:

- 266 fichiers DivX (films) sur les disques durs et la trace de 100 DivX effacés.

- 3671 fichiers MP3 (titres musicaux)sur les disques durs,

- 358 fichiers DivX et 545 fichiers MP3 gravés sur 361 CD,

soit un total de 366 films présents ou effacés sur les disques durs, de 4216 fichiers musicaux sur les disques durs et les CD, de 358 films sur les CD.

L'analyse des connexions de M. Julien B. démontrait que celui-ci était connecté en permanence sur Internet, en moyenne plus de 16 heures par jour.

De nombreux films téléchargés par le prévenu l'ont été avant même la date officielle de sortie du DVD en France.

Le 22 mars 2005, Monsieur Julien B. était placé en garde à vue et entendu. Il déclarait:

« Les films provenaient tous de téléchargement via BitTorrent.... Je sais qu'en téléchargeant via ce principe BitTorrent, celui qui télécharge est source pour les autres. Je reconnais être en partage pour ces téléchargements ... Il s'agit d'un logiciel ou quand je télécharge quelque chose , je sais que d'autres téléchargent en même temps sur moi, mais je limitais l'upload, c'est à dire le renvoi, au minimum. Ce qui veut dire que moi j'avais un téléchargement plus important qu'un débit de partage.'...« Ma machine fonctionnait jour et nuit. »

Sur l'origine des films contrefaits constatés à son domicile ou sur son disque dur il déclarait : « Je les ai tous téléchargés. J'ai téléchargé des films « screeners ». Il s'agit de films directement filmés en salle cinéma mais je précise que la qualité est pourrie, ensuite j'ai téléchargé des divx de «DVD ripp » de bien meilleure qualité, ce sont des DVD que l'on place sur son disque dur et que l'on réencode sur un CD ou 2 en format Divx. »

Il était établi par l'enquête que M. B. utilisait une version piratée du logiciel DC++ avec laquelle les internautes pouvaient télécharger des fichiers partagés sur son ordinateur et que, lors de l'intervention des policiers, 30 internautes étaient en partage.

PRETENTIONS DES PARTIES.

1°) M° Benazeraf représentant la Société des Auteurs, compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) et la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SDRM) estime que les dommages et intérêts alloués en première instance à chacune des parties civiles (500 € en réparation de leur préjudice matériel et 100 € en réparation de leur préjudice moral) ne sont pas à la mesure du préjudice causé et procède d'une méconnaissance des conséquences désastreuses que constitue le développement des échanges illicites d''uvres effectués via les réseaux peer to peer, privant les auteurs de toute rémunération.

Elle demande au titre du préjudice matériel 1€ par oeuvre musicale contrefaite, soit 4761€, 5000€ pour 724 films, soit un total de 9 761 € pour les deux parties civiles.

Au titre du préjudice moral, M° Benazeraf demande 1000 € pour chacune des parties civiles et à titre de réparation complémentaire, la publication du jugement outre 1000 € en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

2°) M° SOULIE demande la confirmation du jugement sur la recevabilité de la constitution de partie civile des sociétés de production cinématographique, d'édition vidéo et du Syndicat de l'Edition Vidéo Numérique (SEVN), l'infirmation de la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable la Fédération Nationale des Distributeurs de Films (FNDF), l'infirmation de la décision quant au quantum des dommages et intérêts alloués aux partie civiles.

Il formule les demandes suivantes :

Sociétés d'édition vidéo :

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 500 €

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 600 €

GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO 700 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 325 €

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 475 €

WARNER BROS ENTERTAINMENTFRANCE 650 €

Sociétés de production de films :

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION 6 titres x 400 + 1 = 2401€

COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC 3 titres x 400 + 1 = 1201 €

DISNEY ENTERPRISES, INC 5 titres x 400 + 1 = 2001 €

PARAMOUNT PICTURES CORP 1 euro

TRISTAR PICTURES INC 1 euro

UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS LLLP 3 titres x 400 + 1 = 1201 €

WARNER BROS INC. 3 titres x 400 + 1 = 1201 €

Syndicats professionnels :

SEVN 2000 €

FNDF 1500 €

Ordonner la publication du jugement et condamner M. B. à payer 300 € à chacune des parties civiles au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale

3°) Me Ravinetti au nom de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) expose que M. B. a copié et diffusé 1108 fichiers musicaux faisant partie de son répertoire ; qu'en ne retenant que la somme de 500 € le tribunal a fortement sous estimé le préjudice subi par la profession des producteurs de phonogrammes, celle-ci ayant subi une perte sur les ventes mais également un préjudice moral. Il sollicite une indemnisation de deux € par titre musical contrefait, soit 2 216 €, la publication du jugement et 2000 € au titre de l'article 475-1 du CPP

4°) M. B. ne conteste pas le principe du droit à réparation des auteurs parties civiles mais soutient qu'elles n'ont ni qualifié ni démontré leur préjudice et que l'estimation est arbitraire et excessive.

Il demande :

- de débouter les parties civiles de leurs demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'évaluation du préjudice n'est constitué que par la perte d'une chance

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la FNDF

- de débouter les parties civiles de leur demande de publication.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les appels, relevés dans les formes et délais requis par la loi, sont recevables.

Il résulte de l'enquête que Monsieur B. a téléchargé des fichiers numériques (366 fichiers DIVX et 4216 fichiers MP3 sur C: et 358 fichiers DivX et 545 fichiers MP3 sur 361 CD), contenant des oeuvres de l'esprit (des titres musicaux et des films) à partir de fichiers fixés sur le disque dur d'un autre internaute contacté au moyen d'un logiciel d'échanges.

Pour ce faire, il n'a reçu aucune autorisation des titulaires des droits, auteurs, interprètes, producteurs ou entreprise de communication audiovisuelle, auxquels il n'a versé aucune rémunération.

D'autre part, en ayant recours à un logiciel d'échange, il a aussi mis à la disposition des internautes le contenu des fichiers qu'il a téléchargés, sans l'autorisation des titulaires des droits. Par ailleurs, il a commis une autre série d'actes de contrefaçon par reproduction illicite en gravant ces fichiers sur 361 CD à partir du disque dur de son ordinateur.

Il s'agit d'une activité illicite soutenue pendant huit mois et d'un volume important d''uvres contrefaites et mise à disposition des autres usagers sur internet. M. B. apparaît non comme un contrefacteur 'de base' téléchargeant quelques oeuvresmais comme un acteur de la chaîne d'échange.

Le phénomène de la piraterie sur internet déstabilise profondément l'économie de la création, surtout en matière d''uvres musicales dont la vente s'est effondrée, beaucoup moins en ce qui concerne le marché du film qui résiste mieux au piratage compte tenu notamment du fait qu'une oeuvre téléchargée sur un ordinateur est moins attrayante qu'un film projeté en salle sur grand écran.

Aux termes de l'article L 331-1-3 du code la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.

Aux termes de l'article L331-1- du même code, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.

Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits.

La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit.

Ce sont donc sur ces principes que doivent être évalués les préjudices de chacune des parties civiles :

Sur les demandes de la SACEM et de la SDRM

Le préjudice subi par les parties civiles n'est pas égal aux économies réalisées par le prévenu mais il résulte de l'exploitation sans autorisation des oeuvres appartenant au répertoire de la SACEM et s'évalue donc en considération des conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner subi par la partie lésée. Compte tenu du prix pratiqué pour un seul téléchargement légal sans mise à disposition d'autres usagers, l'indemnité de 1 euro par titre illégalement téléchargé apparaît de nature à indemniser le préjudice certain causé aux auteurs. Il sera donc accordé une indemnité au titre du préjudice matériel de 1€ par oeuvre musicale contrefaite, soit 4761€.

En revanche, l'indemnité sollicitée pour les films apparaît excessive compte tenu du moindre développement du téléchargement illégal dans ce domaine. Elle sera réduite à 2 500 €.

Soit un total de 7 261 € pour les deux parties civiles.

La gratuité prévalant aux échanges sur illicites d'oeuvres sur internet aboutit à dévaloriser celles-ci dans l'esprit du public. Il en résulte un préjudice moral que la SACEM et la SDRM évaluent justement à 1000 €.

A titre de réparation de ce préjudice moral, la SACEM et la SDRM sont bien fondées à obtenir la confiscation du matériel informatique saisi et la publication de l'arrêt à intervenir outre 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP.

Sur les demandes des producteurs

Les producteurs des oeuvres audiovisuelles en exploitation exclusive en salle , 'La Mort dans la peau' et 'Hellboy' demandent 800 € par oeuvre illégalement diffusée sur internet. Cette demande apparaît largement supérieure au montant de recettes qui a pu être détourné. L'indemnité sera réduite au même montant que celui dû pour les autres oeuvres audiovisuelles inédites.

S'agissant des autres oeuvres audiovisuelles inédites trouvées soit sur CR soit sur les disques durs, ils sollicitent 400 € par oeuvre sur la base d'un prix de vente moyen de 25 € et du nombre minimal de 16 internautes ayant bénéficié de la mise à disposition.

Le producteur ne percevant qu'une partie du prix de vente TTC d'un DVD, le préjudice subi par le producteur ne peut être évalué au prix de revente d'un DVD. La perte subie par le producteur pouvant être évaluée à 15 €, il y a lieu de réduire la demande sur cette base, soit 240 € par oeuvre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué un euro aux demandes des producteurs qui s'associent à leurs co contractants sociétés d'édition vidéo.

Leur préjudice sera ainsi fixé à :

Sociétés de production de films :

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION 6 titres x 240 + 1 = 1441€

COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC 3 titres x 240 + 1 = 721 €

DISNEY ENTERPRISES, INC 5 titres x 240 + 1 = 1201 €

PARAMOUNT PICTURES CORP 1 euro

TRISTAR PICTURES INC 1 euro

UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS LLLP 3 titres x 240 + 1= 721 €

WARNER BROS INC. 3 titres x 240 + 1 = 721 €

outre 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP

Sur les demandes des éditeurs vidéos.

Les éditeurs vidéo sollicitent une indemnisation sur la base de 25 € par oeuvreaudiovisuelle.

M. B. s'y oppose faisant valoir que le prix moyen est de l'ordre de 15,25 € en 2004 et que l'éditeur ne perçoit qu'une partie du prix. Il omet d'une part que l'indemnisation ne peut aux termes de l'article L 331-1-3 être inférieure au prix qu'il aurait du payer pour acquérir l'oeuvre, d'autre part qu'il a diffusé ces oeuvres et accru ainsi le préjudice. Il sera donc fait droit à la demande.

Sociétés d'édition vidéo :

Films sur CDR

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 16 x 25 = 400€

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 13 x 25 = 325€

GAUMONT COLUMBIA TRISTAR HOME VIDEO

actuellement SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT 19 x 25 = 475 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 11 x25 = 275€

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 13 x 25 = 325€

WARNER BROS ENTERTAINMENTFRANCE 21 x 25 = 525€

Films sur disques durs

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 2 x 25 = 50 €

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 6 x 25 = 150 €

SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT 5 x 25 =125 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 1 x 25 = 25 €

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 3 x 25 = 75 €

WARNER BROS ENTERTAINMENTFRANCE 4 x 25 = 100 €.

Films effacés

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 2 x 25 = 50 €

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 5 x 25 = 125 €

SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT 4 x 25 = 100 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 1 x25 = 25 €

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 3 x 25 = 75 €

WARNER BROS ENTERTAINMENTFRANCE 1 x 25 = 25 €

soit au total :

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 500 €

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 600 €

SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT 700 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 325 €

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 475 €

WARNER BROS ENTERTAINMENTFRANCE 650 €

outre 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP

Sur la recevabilité de la FNDF.

M. B. demande de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la FNDF son action étant fondée sur la violation de la chronologie des médias réprimée par un article spécifique qui n'est pas visé dans la prévention.

En application de l'article L216-1 du CPI, sont dénommées entreprises de communication audiovisuelle les organismes qui exploitent un service de communication audiovisuelle au sens de la loi  86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. C'est à juste titre que le tribunal a donc considéré que les entreprises gérant des salles de cinéma ne font pas partie des entreprises de communication audiovisuelles ainsi visées par la loi, qui désigne les seules entreprises qui télédiffusent des oeuvres ou des programmes. Elle ne pouvaient donc être déclarées recevables au titre de l'article L 335-4 alinéa 1.

Cependant, M. B. a également été condamné pour l'infraction prévue à l'article L 335-4 alinéa 3 du CPI, soit pour défaut de versement de la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion des phonogrammes. La projection de films en salle n'est qu'un mode de communication publique d'un certain type de vidéogramme qui se trouve ainsi également protégée par la loi.

La FNDF est un syndicat professionnel regroupant les professionnels de la distribution de films lesquels sont lésés par la diffusion sur internet d'oeuvrescinématographiques en cours d'exploitation dans les salles . L'objet de la FNDF est de prendre en charge la défense des intérêts de l'industrie des films. Le prévenu, par son activité de reproduction illicite et ses multiples connexions au réseau peer to peer a fait partie d'un réseau parallèle d'édition et de distribution de films qui a porté préjudice à l'ensemble de la profession d'éditeur et de distributeur de vidéogrammes.

L' action de la FNDF doit donc être déclarée recevable.

Sur le préjudice de la FNDF et de la SEVN :

Les éditeurs vidéos se sont constitués partie civile sur la base 130 exemplaires de films alors que 366 fichiers DIVX ont été trouvés sur les disques durs et 358 fichiers DivX sur CD. Le préjudice des éditeurs vidéo et distributeurs de films n'est donc pas intégralement réparé. Il sera fait droit à la demande à hauteur de 1500 € pour chacun des syndicats professionnels, outre 300 € au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

A titre de réparation de leur préjudice moral, les parties civiles sont bien fondées à obtenir la publication de l'arrêt à intervenir.

Sur les demandes de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP)

Les producteurs de phonogrammes doivent effectuer des investissements importants en frais divers, notamment frais d'enregistrement, de promotion, d'avances aux artistes-interprètes, qui ne peuvent s'amortir que par la vente des albums musicaux. Les téléchargements illicites se substituent à l'achat de phonogrammes et privent les producteurs de la juste rémunération de leurs investissements. Ils subissent donc un préjudice important du fait des agissements de l'internaute pirate. Ce préjudice ne peut être que supérieur au coût économisé par M. B. en téléchargeant gratuitement les oeuvres musicales ne serait-ce que parce que celui-ci a aussi mis ces oeuvres à la disposition du public, mais également en application de la règle posée par l'article L 331-1-3 du code la propriété intellectuelle.

L'évaluation du préjudice à deux € par titre illégalement téléchargé, déjà retenu à de nombreuses reprises en jurisprudence, apparaît comme une indemnisation d'un préjudice certain.

M. B. ayant reproduit 1 108 titres musicaux sans l'autorisation de la SCPP, Il sera fait droit à la demande et M. B. sera condamné à payer la somme de 2 216 € et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP

A titre de réparation de son préjudice, la SCPP est bien fondée à obtenir la publication de l'arrêt à intervenir.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

EN LA FORME

Reçoit les appels,

AU FOND

Infirme le jugement

Sur l'action civile de la SACEM et de la SDRM

Reçoit la Société des Auteurs, compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) et la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SDRM) en leur constitution de partie civile.

Condamne M. B. à payer à la Société des Auteurs, compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) et la Société pour l'Administration du Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et Editeurs (SDRM) la somme de 3630,50 € à chacune des deux parties civiles au titre de leur préjudice matériel.

Condamne M. B. à payer à la SACEM et à la SDRM la somme de 1 000 € à chacune des deux parties civiles au titre de leur préjudice moral.

Condamne M. B. à payer à la SACEM et à la SDRM la somme de 300 € à chacune des deux parties civiles au titre de l'article 475-1 du CPP.

Sur l'action civile des Sociétés de production de films

Reçoit les Sociétés de production de films en leur constitution de partie civile :

Condamne M. B. à leur payer les sommes suivantes :

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORPORATION 1441€

COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC: 721 €

DISNEY ENTERPRISES, INC: 1201 €

PARAMOUNT PICTURES CORP 1 €

TRISTAR PICTURES INC. 1 €

UNIVERSAL CITY STUDIOS PRODUCTIONS LLLP: 721 €

WARNER BROS INC.: 721 €

outre 300 € chacune au titre de l'article 475-1 du CPP

Sur l'action civile des Sociétés d'édition vidéo:

Reçoit les Sociétés d'édition vidéo en leur constitution de partie civile.

Condamne M. B. à leur payer les sommes suivantes :

20TH CENTURY FOX HOME ENTERTAINMENT 500 €

BUENA VISTA HOME ENTERTAINMENT 600 €

SONY PICTURES HOME ENTERTAINMENT 700 €

PARAMOUNT HOME ENTERTAINMENT FRANCE 325 €

UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE 475 €

WARNER BROS ENTERTAINMENT FRANCE 650 €

outre 300 € chacune au titre de l'article 475-1 du CPP

Sur l'action civile des Syndicats professionnels

Reçoit les syndicats professionnels en leur constitution de partie civile .

Condamne M. B. à leur payer les sommes suivantes :

Fédération Nationale des Distributeurs de Films (FNDF) 1500 €

Syndicat de l'édition vidéo (SEVN) 1500 €

outre 300 € chacun au titre de l'article 475-1 du CPP

Sur l'action civile de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP)

Condamne M. B. à payer à la SCPP la somme de 2 216 € et 300 € au titre de l'article 475-1 du CPP

Ordonne la confiscation du matériel saisi

Ordonne la publication par extraits de l'arrêt dans le journal 'La Dépêche du midi' et 'L'opinion indépendante' sans que le coût ne dépasse par insertion la somme de 1000 €.