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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 11 février 2020, n° 19/02503

AMIENS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Finapar (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Delbano

Conseillers :

M. Adrian, Mme Segond

JEX Saint-Quentin, du 11 avr. 2019

11 avril 2019

Madame Marie-Henriette P. épouse M. est propriétaire d'un immeuble où elle demeure [...], jouxtant un immeuble appartenant à la SARL Finapar, ayant pour gérant M. Guy B., demeurant à Paris, devenue la SAS Finapar.

Les parties ont été en litige au sujet d'un mur de la propriété de Mme M. menaçant et plusieurs condamnations, à partir d'une ordonnance de référé du 8 novembre 2007, sont devenues définitives à l'égard de celle-ci.

Le 29 juin 2018, la société Finapar a fait signifier à Mme M. un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour un montant total de 69 805, 87 € dont 27 030, 90 € d' intérêts, après déduction d'un acompte de 3561, 46 €.

Selon assignation en date du 31 août 2018, Mme M. a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Quentin à fin d'annulation partielle du commandement au motif de ce que l'exécution des décisions de justice était prescrite hormis pour les deux indemnités 'article 700" de 750 € chacune résultant de deux ordonnances de référé du 26 juin 2008, subsidiairement au motif de ce que les causes du commandement, tout au moins le montant des intérêts, étaient imprécises.

Elle sollicitait des délais pour s'acquitter du solde de sa dette.

Par jugement du 11 mars 2019, dont elle relevé appel, le juge de l'exécution l'a déboutée de sa demande d'annulation en observant qu'une inscription d'hypothèque provisoire le 23 juin 2008 avait interrompu la prescription décennale des titres exécutoires, et a rejeté la demande de délais.

La procédure à fait l'objet d'une fixation à bref délai avec calendrier de procédure.

Mme M. reprend, dans ses 'conclusions (II)', ses demandes de première instance. Elle fait valoir, principalement que l'hypothèque judiciaire conservatoire qui lui a été dénoncée le 21 juillet 2018, après inscription à la Conservation des hypothèques de Saint-Quentin le 24 juin 2018 est caduque.

La société Finapar a conclu à son tour, le 26 juin 2019, à la confirmation du jugement.

MOTIFS

1. Sur l'annulation partielle du commandement du fait de la prescription de ses causes.

Le premier juge a rappelé les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution selon lesquelles l'exécution des titres exécutoires, sauf exceptions indifférentes à l'espèce, ne peut-être poursuivie que pendant dix ans.

Le commandement litigieux a été signifié le 29 juin 2018.

Mme M. soutient qu'hormis les deux 'article 700" des deux ordonnances du 26 juin 2008, postérieures à l'entrée en vigueur, le 19 juin 2008 (article 26 II), de la loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, chacune la condamnant à la somme de 750 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, toutes les autres causes du commandement, reposant sur l'ordonnance de référé du 8 novembre 2007, l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 24 avril 2008, le jugement du juge de l'exécution du 4 juin 2008 et la provision de 30 000 € ordonnée par l'ordonnance du 8 novembre 2007, sont prescrites.

Le juge de l'exécution a écarté l'argument au motif, non contesté en fait, qu'une inscription d'hypothèque provisoire avait été inscrite par la société Finapar le 23 juin 2008, signifiée au débiteur le 21 juillet 2008 (pièce Finapar 4) de sorte que, par application de l'article 2244 du code civil, un nouveau délai avait commencé à courir à partir de cette date et que la société Finapar avait jusqu'au 21 juillet 2018 pour signifier le commandement litigieux.

Il n'est pas contesté que ces décisions de justice ont été signifiées avant le 19 juin 2008 (conclusions Finapar, page 5).

Mme M. fait valoir en appel que cette hypothèque ne lui a été dénoncée que le 21 juillet 2018, ce qui est exact (pièce Finapar 4), tardivement au regard des huit jours prescrits par l'article R. 532 -5 du code des procédures civiles d'exécution, de sorte que l'interruption de prescription n'est pas acquise.

Le moyen doit être examiné.

L'article R. 532 -5 du code des procédures civiles d'exécution prescrit au créancier qui a fait inscrire son hypothèque provisoire sur l'immeuble du débiteur d'en informer celui-ci par acte d'huissier de justice en ces termes :

'A peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement , le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice.

Cet acte contient à peine de nullité :

1° Une copie de l'ordonnance ou du titre (...) ;

2° L'indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l'article R. 512-1 ;

3° La reproduction des articles R. 511-1 à R. 512-3 et R. 532 -6."

L'article R. 512-1 dispose que 'Si les conditions prévues aux articles R.511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans le cas où l'article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.

Il incombe au créancier de prouver que les conditions sont réunies'.

La réglementation permet donc une demande en mainlevée lorsque les conditions légales et réglementaires de la prise d'hypothèque ne sont pas réunies. Cette action n'a pas été exercée en l'espèce.

La caducité prévue au premier alinéa du seul fait de la tardiveté de la signification doit elle obligatoirement passer par la saisine du juge '

Les parties ne fournissent aucune jurisprudence sur ce point et la juridiction ne trouve aucun précédent. Il convient de procéder par interprétation du droit.

La caducité est normalement une sanction qui se réalise d'elle-même, de 'plein droit'.

La procédure de mainlevée renvoie à l'article 512-1 qui vise l'absence de telle ou telle condition légale ou d'autorisation judiciaire, le texte ne porte aucun renvoi explicite ou sous entendu à la caducité du premier alinéa, liée au seul respect d'un bref délai de huit jours.

Il convient d'admettre en l'espèce que la caducité est acquise sans avoir eu à passer par la procédure de mainlevée et que la tardivité de la signification du 21 juillet 2008 a entraîné la caducité de l'inscription.

Aux termes de l'article 2244 du code civil c'est la 'mesure conservatoire prise' qui interrompt la prescription. En l'espèce l'inscription d'hypothèque provisoire est caduque et ne peut valoir interruption de la prescription des titres exécutoires visés, tous antérieurs au 19 juin 2008.

Force est d'admettre en l'espèce le bien fondé de l'argumentation de Mme M. sur la prescription des titres exécutoires, en dehors des deux indemnités accordées en application de l'article 700 du code de procédure civile par les deux ordonnances du 26 juin 2008.

Le commandement sera annulé proportionnellement et ne vaudra que pour les deux indemnités accordées en application de l'article 700 du code de procédure civile par les deux ordonnances du 26 juin 2008, 750 € + 750 €, outre les intérêts à recalculer.

Il n'y a plus lieu d'examiner le moyen tiré de la prétendue imprécision du commandement concernant le montant des intérêts.

2. Sur la demande de délais.

Il convient de confirmer la décision du premier juge qui a pertinemment rejeté cette demande en observant que Mme M., depuis une dizaine d'année, avait eu, de facto, de longs délais pour s'acquitter de sa dette, outre que celle-ci est très amplement réduite par la présente décision.

3. Sur les demandes accessoires relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

Le jugement sera réformé également sur ce point.

La société Finapar, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme M. une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Quentin le 11 mars 2019 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de délais,

Annule le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 29 juin 2018 sauf pour les deux indemnités accordées en application de l'article 700 du code de procédure civile par les deux ordonnances de référé du 26 juin 2008, 750 € + 750 €, outre les intérêts à recalculer,

Condamne la société Finapar aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme Marie-Henriette P. épouse M. une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.